Chapitre 59

Alors que ses amis et lui remontaient les grands couloirs déserts du Palais du Peuple, Richard ne se demanda pas un instant où étaient les résidants.

Les incantations qui montaient de toutes les cours de dévotions le lui indiquaient assez bien.

« Maître Rahl nous guide ! Maître Rahl nous dispense son enseignement !

Maître Rahl nous protège ! À sa lumière, nous nous épanouissons. Dans sa bienveillance, nous nous réfugions. Devant sa sagesse, nous nous inclinons.

Nous existons pour le servir et nos vies lui appartiennent. »

Même en une heure tragique, alors que leur monde menaçait de disparaître, tous les fidèles couraient vers les cours de dévotions dès qu'ils entendaient sonner la cloche. En ces temps troublés, supposa Richard, les D'Harans avaient plus que jamais besoin de leur seigneur et lui rendre hommage ainsi devait les aider à se sentir plus proches de lui.

Ou était-ce un moyen de lui rappeler qu'il avait le devoir de les protéger ?

« Maître Rahl nous guide ! Maître Rahl nous dispense son enseignement !

Maître Rahl nous protège ! À sa lumière, nous nous épanouissons. Dans sa bienveillance, nous nous réfugions. Devant sa sagesse, nous nous inclinons.

Nous existons pour le servir et nos vies lui appartiennent. »

Richard décida qu'il répondrait un autre jour à cette fascinante question. En ce moment, trop d'idées se bousculaient dans sa tête, et ce n'était pas bon du tout. Mais comment mettre de l'ordre dans ce fouillis ? Tout était important, et établir des priorités lui semblait une tâche écrasante.

En d'autres termes, il n'était pas digne du titre de seigneur Rahl.

Cela dit, il avait le sentiment que tous les problèmes étaient liés. S'il mettait le doigt sur le bon, et trouvait une solution, le puzzle serait reconstitué et ses difficultés s'aplaniraient.

Pour ça, il lui aurait fallu quelques années. Mais avec un peu de chance, il lui restait à peine quelques heures.

Pour la énième fois, il tenta de récapituler ― une activité qui ne pouvait jamais faire de mal.

Baraccus lui avait laissé un message dans un livre datant de trois mille ans.

Une leçon non écrite. Bien entendu, il n'avait aucune idée de ce que racontait cette leçon ― la onzième qu'on lui dévoilait, si on pouvait présenter les choses ainsi.

Ayant récupéré son don, il se souvenait de nouveau du Grimoire des Ombres Recensées. Mais dans sa jeunesse, il avait probablement mémorisé une copie erronée. Jagang détenait l'original. Et les boîtes d'Orden.

Pourquoi y avait-il une Inquisitrice au centre de tout cela ? Pour vérifier l'authenticité de la copie du grimoire, si on en utilisait une ? Mais si on recourait à l'original, il n'y avait plus besoin de...

Richard se demanda s'il ne surestimait pas ce point particulier. Accordait-il tant d'importance à l'Inquisitrice parce que Kahlan ― qui en était une

― comptait plus dans sa vie que n'importe qui ?

Penser à sa femme le replongea dans un tourbillon d'angoisse. Devoir lui taire tout ce qu'il crevait d'envie de lui dire était une abominable torture.

Et s'empêcher de la prendre dans ses bras, alors qu'il en rêvait depuis leur séparation...

Mais s'il détruisait le champ stérile, Kahlan ne redeviendrait jamais ellemême. Pour leur salut à tous les deux, il devait rester distant et imprécis.

Samuel n'avait-il pas déjà tout gâché en révélant l'information essentielle à Kahlan ?

Richard sentait la présence de sa femme à ses côtés. Sans avoir besoin de tourner la tête, il reconnaissait le bruit de ses pas, son parfum et la qualité unique de sa présence. À certains moments, il mourait de joie à l'idée de l'avoir retrouvée. À d'autres, la perspective de la perdre à tout jamais lui déchirait les entrailles.

Bon sang ! il devait cesser de penser aux problèmes et s'intéresser enfin aux solutions ! Il avait une réponse à trouver.

S'il en existait vraiment une...

« Maître Rahl nous guide ! Maître Rahl nous dispense son enseignement !

Maître Rahl nous protège ! À sa lumière, nous nous épanouissons. Dans sa bienveillance, nous nous réfugions. Devant sa sagesse, nous nous inclinons.

Nous existons pour le servir et nos vies lui appartiennent. »

S'il ne découvrait pas la réponse, tous les gens qui lui adressaient cette prière mourraient. Et bien d'autres suivraient. Mais par où devait-il commencer à chercher ?

Une fois encore, il reprit les choses au début. Pour inverser le mouvement qui précipitait le monde à sa fin, il devait ouvrir la bonne boîte d'Orden.

S'il ne le faisait pas, la Chaîne de Flammes, combinée à la souillure des Carillons, continuerait ses ravages.

Il y avait aussi le risque que les Soeurs de l'Obscurité réveillent avant lui la magie d'Orden. Un risque très élevé, puisque Jagang détenait les boîtes.

Au moins, Richard s'était acquitté d'une bonne partie des protocoles à accomplir afin de pouvoir ouvrir la bonne boîte. Son voyage dans le royaume des morts n'avait pas viré à la catastrophe, et il en était revenu avec ce qu'il lui fallait rapporter. De cette énigme-là, il avait trouvé la solution. À présent, il avait besoin du pouvoir ordenique pour tout finaliser.

Du côté des bonnes nouvelles, il pouvait ajouter que Kahlan avait accepté la copie de Bravoure.

Accessoirement, sa présence lui assurait d'avoir près de lui l'Inquisitrice requise par le grimoire.

L'Inquisitrice... Quelque chose clochait à ce sujet, mais il ne parvenait pas à déterminer quoi.

En revanche, il n'avait qu'un moyen de se rapprocher des boîtes d'Orden.

C'était sa seule chance ― s'il trouvait la solution avant qu'Ulicia ait ouvert un des artefacts.

Entendant des bruits de pas, Richard releva les yeux et vit que Verna et Nathan marchaient à sa rencontre. Cara et le général Meiffert les suivaient de près.

Le Sourcier s'arrêta au milieu d'une passerelle intérieure délicatement sculptée et attendit ses amis. Assez loin sous le passage ornementé, dans une cour de dévotions, des fidèles psalmodiaient sans savoir que leur seigneur allait bientôt jouer leur destin à pile ou face.

― Richard ! s'écria Verna.

― Content de te revoir, mon garçon, dit plus sobrement Nathan.

Puis il salua Zedd d'un petit signe de tête.

― Six ne nous cassera plus les pieds, annonça le vieux sorcier.

― Eh bien, ça n'est pas négligeable, mais j'ai bien peur que nous ayons d'autres problèmes...

Verna brandit soudain son livre de voyage sous le nez de Richard.

― Jagang rappelle que la nouvelle lune est pour ce soir, et il exige ta réponse.

Si tu fais le mort, ajoute-t-il, les conséquences seront terribles...

Richard regarda Nathan, qui semblait d'humeur plus que sinistre. Cara et Benjamin ne paraissaient guère mieux lotis. Quoi de plus logique quand on était les gardiens d'un palais dont les couloirs seraient bientôt jonchés de cadavres ?

L'incantation rituelle montait toujours de la cour de dévotions.

« Maître Rahl nous guide ! Maître Rahl nous dispense son enseignement !

Maître Rahl nous protège ! À sa lumière, nous nous épanouissons. Dans sa bienveillance, nous nous réfugions. Devant sa sagesse, nous nous inclinons.

Nous existons pour le servir et nos vies lui appartiennent. »

Richard se massa le front tout en ravalant la boule qui se formait dans sa gorge. Pour une multitude de raisons, il n'avait pas le choix.

― Verna, dis à l'empereur que j'accepte ses conditions.

― Quelle mouche te pique ? s'écria Kahlan, indignée.

Richard se réjouit du ton autoritaire que venait d'employer sa femme. Peu à peu, elle recouvrait sa personnalité.

― Tu acceptes ? s'étrangla Verna.

― Oui. Dis-lui qu'il aura tout ce qu'il a demandé. Je capitule.

― Quoi ? Tu veux que je l'informe de notre reddition ?

― Oui.

Kahlan prit son mari par les pans de sa chemise et le tira vers elle.

― Tu ne peux pas faire ça !

― C'est la seule solution pour épargner des milliers d'innocents. Si je me rends, Jagang ne massacrera pas les résidants du palais.

― Tu te fies à sa parole, maintenant ?

― Que faire d'autre ? Il n'y a pas d'autre possibilité.

― Tu m'as amenée ici pour me rendre à ce monstre ? explosa Kahlan. C'est pour ça que tu m'as tant cherchée ?

Richard détourna le regard. Il aurait tant voulu lui crier son amour. Si tout devait s'arrêter, il fallait que Kahlan sache qu'il l'avait épousée par amour, pas par intérêt politique. Hélas, s'il parlait, il compromettrait la seule chance de sa compagne, si infime fût-elle, de redevenir un jour totalement elle-même.

Le champ stérile devait être préservé. En espérant que Samuel ne l'ait pas déjà souillé.

― Nathan, où est Nicci ? demanda Richard.

― Aux arrêts, selon ton plan, afin que Jagang sache où la trouver.

― Tu vas aussi livrer la femme que tu aimes à ce chien ? rugit Kahlan.

Richard leva une main pour ordonner qu'on se taise.

Puis il se tourna vers la Dame Abbesse :

― Exécution !

Une expression qui ne laissait aucune place au débat démocratique.

― Je vais attendre dans le Jardin de la Vie, annonça le Sourcier.

Au début, Kahlan seule eut l'audace de le suivre.

La lumière du jour déclinait, annonçant l'arrivée de la nuit la plus noire du mois. La nouvelle lune, disait-on parfois, faisait régner sur l'univers des vivants une obscurité qui le rapprochait dangereusement du royaume des morts.

En attendant Jagang, Richard n'avait cessé de faire les cent pas dans le Jardin de la Vie. Au fond, tout l'enjeu était là : empêcher que les deux univers se confondent. Interdire au Gardien l'accès du monde de la vie...

Sans doute, mais dans cette histoire, quelque chose ne tenait pas debout.

Richard s'était récité le Grimoire des Ombres Recensées. Un ou plusieurs défauts, dans ce texte, le rendaient inapte à l'utilisation, si on entendait ouvrir la bonne boîte d'Orden. Cela dit, la plus grande partie des données devait être valide. Pour saboter un texte, il suffisait d'altérer quelques minuscules détails. C'était bien plus subtil que de dénaturer des passages entiers, et beaucoup plus efficace pour abuser le lecteur.

Détenant l'original, Jagang n'aurait pas à se soucier d'éventuelles erreurs.

L'empereur étant présent dans son esprit du début à la fin, Ulicia lirait le texte à haute voix, et il n'y aurait pas besoin d'une vérification.

Ni d'une Inquisitrice...

Richard s'immobilisa devant Kahlan.

― Il faut une Inquisitrice pour vérifier la véracité des copies du Grimoire des Ombres Recensées. Si je te récite le texte que je connais, sauras-tu repérer les erreurs ?

― Richard, je me pose cette question depuis des jours... Navrée, mais je ne vois pas comment je pourrais m'y prendre. Dommage que Magda Searus ne m'ait pas laissé un mode d'emploi, imitant ainsi son premier mari...

Pour le bien que ç'avait pu faire !

Désappointé, Richard recommença à marcher de long en large.

Le fameux livre de Baraccus, avec la non moins fameuse Leçon Inconnue !

Une histoire si bizarre que le Sourcier ne savait toujours pas qu'en penser.

Pour retrouver ce livre il avait dû produire un fabuleux effort. Et Baraccus, en son temps, s'était donné bien du mal pour que l'ouvrage finisse entre les mains de son destinataire.

Tout ça pour des pages blanches ?

Un livre qui ne disait rien...

Ou qui exprimait tout, au contraire ?

Richard jeta un coup d'oeil à son grand-père, assis sur un muret couvert de vigne grimpante, non loin de là. Il avait rejoint son petit-fils, mais l'idée d'être impuissant à l'aider lui enlevait jusqu'à sa faconde coutumière.

― Je suis désolée, dit soudain Kahlan.

― Pardon ?

― De t'avoir parlé ainsi... Je sais que tu tentes de sauver les résidants du palais... Si seulement je pouvais toucher Jagang avec mon pouvoir !

Le pouvoir d'une Inquisitrice... Présent pour la première fois en Magda Searus, l'épouse de Baraccus.

Oui, mais elle était sa femme pendant les Grandes Guerres, longtemps avant de devenir une Inquisitrice...

― Par les esprits du bien..., murmura Richard.

Oui, il comprenait enfin ! Baraccus lui avait bien laissé le livre pour lui révéler ce qu'il avait besoin de savoir.

Il avait transmis à son successeur la Leçon non écrite et jamais prononcée.

Les secrets du pouvoir d'un sorcier de guerre n'en étant plus pour lui, Richard n'eut plus aucun mal à reconstituer le puzzle.

Tout était en place, et chaque chose lui paraissait lumineuse. Il n'avait plus de questions ― seulement des réponses.

Les mains tremblantes, il sortit le mouchoir blanc de sa poche. Ce morceau de tissu souillé par deux taches d'encre.

Il le déplia, contemplant les deux petits ronds noirs.

― Je comprends ! Par les esprits du bien ! Je sais ce qu'il me reste à faire !

Kahlan approcha, baissant les yeux sur le mouchoir blanc.

― Tu comprends quoi ? demanda-t-elle.

Richard dut se retenir de rire. Il saisissait tout, à présent !

Sur son muret, Zedd le regardait, le front plissé. Il le connaissait assez bien pour avoir deviné ce qui se passait. Quand leurs regards se croisèrent, le vieil homme eut un petit sourire plein de fierté. Même s'il n'avait pas la première idée de ce que Richard avait compris, il savait, et la confiance lui revenait.

Le Sourcier, sa femme et son grand-père tournèrent la tête, alertés par du bruit dans leur dos. Devant les portes, obéissant à leurs ordres, les quelques hommes de la Première Phalange venaient de s'écarter pour laisser entrer des visiteurs.

Une petite colonne de visiteurs, pour être précis. Avec Jagang en tête, Ulicia sur ses talons et une petite délégation de soeurs qui portaient les boîtes d'Orden.

Des gardes armés jusqu'aux dents suivaient l'empereur.

Ils se déployèrent dans le Jardin de la Vie, prenant déjà possession des lieux.

Depuis qu'il était entré, la haine de Jagang semblait corroder l'atmosphère de ces lieux pourtant si paisibles.

Son regard entièrement noir rivé sur Richard, le tyran se dirigea vers le grand cercle de pelouse, au milieu de la zone si rapidement sécurisée par ses hommes.

Avec un sourire méprisant, l'empereur passa devant l'étendue de sable blanc.

La haine et l'arrogance, voilà ce qui le définissait le mieux. Et c'était d'un chef de cet acabit que l'Ordre avait besoin...

Les soeurs posèrent les trois boîtes sur l'autel de granit qu'elles n'auraient jamais dû quitter.

Concentrée sur sa mission, Ulicia n'accorda pas la moindre attention à Richard et aux autres occupants du jardin. Très délicatement, elle posa le grimoire ouvert devant les artefacts. Puis, d'un sortilège mineur, elle alluma un feu dans le brasero afin d'avoir plus de lumière pour lire.

La nuit tombait et la nouvelle lune se levait.

Des ténèbres comme presque personne n'en avait jamais connu menaçaient de tomber sur le monde.

« Presque » personne, car Richard avait traversé le voile, et il était revenu de ce voyage...

Jagang vint se camper devant le Sourcier, comme s'il le défiait en duel. Bien entendu, Richard ne céda pas un pouce de terrain.

― Heureux de voir que tu es revenu à la raison, mon garçon. (L'empereur coula un regard lubrique à Kahlan.) Et je me réjouis que tu m'aies amené ta femme. Je m'occuperai d'elle plus tard. Je suis certain que tu détesteras le sort que je lui réserve...

Richard foudroya son ennemi du regard, mais il ne dit rien.

Il n'y avait rien à dire, en réalité...

Malgré sa carrure, ses yeux totalement noirs, son crâne rasé et la façon dont il exhibait ses muscles et ses multiples bijoux, l'empereur semblait épuisé. Plus que ça, même : hanté ! Des cauchemars le harcelaient, et il rêvait sans cesse à Nicci. Richard savait très exactement ce qu'il en était, car il avait transmis ces hantises au tyran par l'intermédiaire de Jillian. La jeune prêtresse des ossements qui, comme celui qui marche dans les rêves, descendait des antiques habitants de Caska.

Jagang se détourna de Richard et alla rejoindre Ulicia, debout devant l'étendue de sable blanc.

― Tu attends le dégel ? Commence, par tous les diables ! Plus tôt nous en aurons terminé, et plus vite nous écraserons les ultimes poches de résistance au règne de l'Ordre.

― Maintenant, je comprends..., souffla Kahlan à Richard. Je sais qui il voulait blesser à travers moi, et je vois pourquoi c'est si terrible.

Une révélation dont Richard ne pouvait pas tenir compte pour le moment, parce qu'il ne pouvait pas se permettre de quitter les Soeurs de l'Obscurité des yeux. Il lui fallait déduire encore une ou deux choses et procéder à quelques vérifications. À la moindre erreur, ils mourraient tous ― et par sa faute !

Plusieurs soeurs s'affairaient à ratisser le sable blanc. À les voir travailler, Richard supposa qu'elles avaient déjà étudié le Grimoire des Ombres Recensées. Les procédures et les sorts mémorisés, elles pouvaient se laisser guider par leurs automatismes.

À sa grande surprise, elles se mirent toutes ensemble à dessiner les éléments de l'ultime invocation. Ceux-ci, constata-t-il, étaient rigoureusement semblables à ceux qu'il avait mémorisés des années plus tôt.

En principe, Ulicia aurait dû se charger de cette tâche, puisqu'elle était la joueuse. Mais elle se contentait de passer de diagramme en diagramme pour apporter la touche finale.

Tout bien pesé, c'était assez intelligent. En particulier, ça gagnait beaucoup de temps. Et le texte ne disait jamais que le joueur, ou la joueuse, devait faire tout le travail.

Ulicia invoquait la magie d'Orden, certes, mais Jagang la possédait corps et âme. Par extension, c'était lui, le véritable joueur...

Des années plus tôt, Darken Rahl avait consacré une petite éternité à dessiner les sortilèges. En travaillant en équipe, les soeurs mettraient beaucoup moins de temps, ça ne faisait aucun doute.

― Où est Nicci ? demanda Jagang, de nouveau campé face à Richard.

Le Sourcier se demandait quand viendrait cette question. C'était encore plus tôt qu'il l'aurait cru.

― Elle est aux arrêts, comme promis...

Le tyran eut un rictus méprisant.

― Mon pauvre ami, tu n'auras jamais vraiment su jouer au Ja'La dh Jin.

― Pourtant, je t'ai battu.

― Pas à la fin, et c'est tout ce qui compte.

Alors que l'empereur recommençait à faire les cent pas, Ulicia continuait à lire le grimoire à haute voix, dirigeant le travail des autres soeurs.

Richard comprenait chaque diagramme. La danse avec les morts y était incluse, bien entendu. La première fois, il n'avait pas saisi ce que faisait Darken Rahl. Mais aujourd'hui, le langage des emblèmes ne lui échappait plus.

Jagang, lui, devenait de plus en plus nerveux.

Et Richard savait pourquoi.

― Ulicia, dit finalement le tyran, je vais chercher Nicci. Je n'ai aucune raison de rester ici pendant que tu officies. De toute façon, je peux suivre tout ça à travers tes yeux.

― Bien sûr, Excellence.

― Où est Nicci ? demanda Jagang à Richard.

Le Sourcier désigna l'officier de la Première Phalange qu'il avait choisi d'avance pour cette mission. Les quelques soldats de ce corps d'élite présents sur les lieux avaient refusé de quitter Richard, résolus à veiller sur lui jusqu'à la fin de l'aventure.

― Conduis l'empereur jusqu'à la cellule de Nicci, dit le Sourcier.

L'homme se tapa du poing sur le coeur. Avant de le suivre, Jagang eut un dernier regard pour son adversaire vaincu.

― On dirait bien que tu vas encore perdre au Jeu de la Vie, pauvre idiot !

Richard faillit dire que la partie n'était pas encore terminée, mais il s'en abstint, regardant s'éloigner l'homme qui menaçait d'attirer le malheur sur le monde.

Kahlan se tenait près de son mari. La façon dont elle le regardait le mettait mal à l'aise.

Zedd et Nathan semblaient perdus dans leurs pensées. Comme souvent, Verna paraissait sur le point d'exploser de colère. Debout près de Benjamin, Cara lui tenait la main. En plus des principaux compagnons de Richard, Jagang avait amené Jennsen dans le Jardin de la Vie. Tom ne la quittait pas des yeux, mais il ne pouvait pas la rejoindre, car une haie de gardes l'en empêchait.

― Seigneur Rahl, dit Cara, quoi qu'il arrive, je serai à vos côtés jusqu'à mon dernier souffle.

Richard sourit à sa vieille amie.

Zedd approuva du chef la déclaration de la Mord-Sith. Benjamin se tapa du poing sur le coeur, et Verna elle-même daigna se fendre d'un petit sourire.

Ils étaient tous avec Richard.

― Tu veux bien me tenir la main ? murmura simplement Kahlan.

Comme elle devait se sentir seule, en cet instant ! Navré de ne rien pouvoir lui dire, Richard s'empressa d'accéder à sa requête.