Chapitre 43

Prenant son élan sur le dos d'un soldat de l'Ordre qui venait de s'étaler à ses pieds, Cara bondit vers Richard.

Tel un bélier vivant, le Sourcier suivait la voie ouverte par Bruce, qui avait chargé la cloison de marbre exactement comme il s'y serait pris pour faire une percée dans une ligne de défenseurs.

Quand il eut atteint le couloir, Richard alla déposer délicatement Nicci le plus loin possible de la « ligne de front », puis il revint faire face au flot de soudards qui se déversait par l'ouverture béante. Impitoyable, il frappa chaque fois qu'une ouverture se présentait ― pour tuer, pas pour blesser, car il ne pouvait plus s'offrir ce luxe.

Les soldats de l'Ordre avaient une seule cible en tête : Ruben, le marqueur aux peintures de guerre rouges. Des membres de la Première Phalange accouraient déjà, mais c'était à peine si les soldats les voyaient. Multipliant les esquives et les parades, le Sourcier faisait un massacre. Mais pour un adversaire abattu, deux nouveaux se présentaient face à lui.

Cara intercepta un colosse au crâne rasé qui tentait d'attaquer Richard par-derrière. Tenant son Agiel à deux mains, la Mord-Sith l'abattit sur la gorge du soudard.

Du coin de l'oeil, Richard vit le type grimacer de douleur puis s'écrouler, très probablement raide mort. Très opportuniste, il profita de l'ouverture qui lui était offerte pour embrocher un autre soudard.

Tous les hommes qui attendaient dans le couloir, derrière le faux mur, étaient des combattants expérimentés. La bataille ayant commencé plus tôt que prévu, ils avaient été un peu surpris, mais leur entraînement reprenait le dessus et ils se montraient d'une redoutable efficacité. Ce n'étaient pas de simples soudards de l'Ordre venus pour tuer, piller et se couvrir de gloire bon marché. Ces militaires de métier savaient ce qu'ils faisaient et ils ne perdaient pas leur sang-froid face à une résistance inattendue. Bien équipés, maniant des armes d'excellente facture, ils savaient réaliser une percée avec une remarquable économie de mouvements et d'énergie.

Si doués qu'ils fussent, ils avaient été surpris par la soudaine extinction des torches, puis par une attaque très violente. Certains de ne rien risquer dans leur cachette ― après tout, c'étaient eux qui allaient surprendre l'ennemi, pas le contraire ―, ils avaient cédé à une panique bien compréhensible, même pour des tueurs comme eux. Dans cet affolement, des hommes étaient morts sans même comprendre ce qui leur arrivait.

Richard avait tiré le meilleur parti possible du chaos généralisé. Son but n'était pas d'affronter les soldats, mais de se frayer un chemin jusqu'à la sortie. Avec Nicci, Jillian et même Adie à conduire en sécurité, le Sourcier, Bruce et Meiffert n'avaient pas eu le loisir de faire dans la dentelle. Une charge héroïque et aveugle, voilà ce qu'ils venaient de réussir.

Depuis qu'elle était dans le palais, le pouvoir de la dame des ossements avait faibli, l'empêchant d'aider vraiment les trois hommes.

Remis de leur surprise, les guerriers de l'Ordre se retrouvaient maintenant dans leur élément favori : le combat. Supérieurement bien entraînés et plus motivés que le soudard lambda, ces hommes avaient l'habitude d'être en première ligne lors des attaques décisives sur une position ennemie.

Par bonheur, Richard, Bruce et Meiffert n'avaient plus besoin de se battre seuls contre cette marée humaine. Cara faisait déjà des ravages et son intervention déconcertait les hommes de Jagang. Habitués à affronter d'autres soldats, ils ne savaient rien des tactiques habituelles des Mord-Sith.

Très intelligemment, ils tentaient de rompre le contact avec Cara, mais d'autres femmes en rouge venaient d'arriver, les prenant en tenaille.

Berdine et Nyda jouaient de l'Agiel avec une incroyable férocité. Qu'ils soient touchés à la gorge ou à la poitrine, leurs adversaires s'écroulaient instantanément, la carotide ou le coeur dévastés de l'intérieur.

La Première Phalange se mit aussi de la partie, ses deux ailes se refermant comme un étau sur les soldats de l'Ordre.

Arme au poing, Trimack menait l'assaut.

En taille, en poids et en compétence, les soldats du général n'avaient rien à envier aux meilleurs éléments de l'Ordre. Avant le conflit en cours, sous le commandement de Darken Rahl, ils avaient plus d'une fois démontré que leur réputation n'était pas usurpée.

Une grappe de soldats en armure noire fondait sur Richard. Alors qu'il s'apprêtait à les repousser, deux colosses vinrent s'interposer entre leur objectif et eux.

Maniant l'épée avec une précision mortelle, les deux hommes semaient aussi la mort en décochant de furieux coups de coude dans la gorge de leurs adversaires.

Très surpris, Richard reconnut Ulic et Egan, les deux gardes du corps privés du seigneur Rahl. Vêtus d'un uniforme de cuir qui leur faisait comme une seconde peau, ils portaient sur la poitrine une lettre « R » géante sur un fond de deux épées croisées. Les bandes de métal qui enserraient leurs coudes n'avaient rien d'ornemental. Hérissées de piques, c'étaient des armes particulièrement meurtrières dans les combats rapprochés. Très vite, les envahisseurs comprirent que se frotter à Ulic et Egan était un moyen imparable de connaître une fin très rapide et particulièrement sanglante.

Comme si tout cela ne suffisait pas, Nathan criblait les agresseurs d'éclairs qui les carbonisaient sur pied ou les coupaient en deux, selon la nature du sortilège. Et contre le vieux prophète aux cheveux blancs, les guerriers de l'Ordre n'avaient aucun moyen de riposter, car il n'y avait pas de magiciens avec eux.

Protégeant à la fois Jillian et Adie, le général Meiffert émergea à son tour de l'ouverture. Se baissant juste à temps, il évita un coup de hache puis embrocha le propriétaire de l'arme.

Richard vit que la dame des ossements était couverte de sang. Pas le sien, espéra-t-il...

— Benjamin ? s'écria Cara, un instant pétrifiée de surprise.

― Charge-toi d'Adie !

― Je dois protéger le seigneur Rahl !

― Fais ce qu'il te dit ! cria Richard, couvrant le vacarme de la bataille. Aide notre amie !

À la grande surprise du Sourcier, Cara obéit sans se faire davantage prier.

Libéré d'un souci, Meiffert saisit Jillian par le bras et la tira derrière lui pour la soustraire à la charge furieuse de deux hommes. Vif comme l'éclair, il transperça la poitrine du premier.

Accroupi pour ne pas se trouver sur la trajectoire de l'arme du général, Bruce frappa le deuxième attaquant aux genoux, lui coupant les jambes au sens littéral de l'expression.

Un troisième homme voulut bondir sur le général. L'interceptant en plein vol, Egan lui brisa net la nuque puis se débarrassa sans un regard de sa dépouille et reprit le combat.

— Recule ! cria Meiffert à Cara lorsqu'il vit qu'elle revenait se jeter dans la mêlée.

― Mais je dois...

― Recule, te dis-je !

Une nouvelle fois, la Mord-Sith obéit. Décidément, ce n'était pas un jour comme les autres.

― Nathan ! appela Richard quand il comprit pourquoi le général venait de forcer la Mord-Sith à reculer ― et de lui emboîter le pas.

Tous les fugitifs étaient sortis du couloir obscur. Là-dedans, il n'y avait plus personne à épargner.

― Nathan, nous sommes tous là ! Allez-y !

Le prophète n'eut pas besoin d'un dessin. Levant les mains, il arrosa de feu de sorcier la position ennemie.

Les lances de flammes mortelles fondirent sur leurs cibles en rugissant.

Incapables de rebrousser chemin, car leurs camarades derrière les poussaient en avant, les premiers rangs de soldats de l'Ordre s'embrasèrent comme des torches.

Irisant le marbre blanc de reflets orange, le feu de sorcier continua son chemin dans le corridor.

Une boule de feu vint achever le travail, transformant le couloir en une antichambre du royaume des morts. Même quand il s'agissait d'adversaires, voir des êtres humains périr ainsi vous nouait les entrailles.

Très vite, les cris de douleur couvrirent le fracas des épées qui continuaient à s'entrechoquer.

Nathan invoqua de nouveau du feu de sorcier et l'envoya dévaster le couloir.

Rien n'arrêterait ces flammes et aucune matière ne leur résistait. Comme de la lave en fusion, le feu de sorcier faisait fondre les armures et les cuirasses, cherchant la peau fragile qui se cachait dessous. Face à lui, les cottes de mailles ne se révélaient pas plus efficaces.

Croyant échapper à la mort, des hommes arrachaient leurs vêtements, mais cela ne suffisait pas. Lorsqu'il avait trouvé une cible, le feu de sorcier ne s'éteignait pas avant de l'avoir au minimum carbonisée jusqu'à l'os.

Leur tunique et leur pantalon déjà en flammes et en train de se fondre à leur peau, les attaquants étaient condamnés, car en fin de compte, se déshabiller revenait simplement à s'écorcher vif eux-mêmes sans prolonger d'une seconde leur survie.

Le visage fumant, des hommes désespérés cherchaient à aspirer de l'air et inhalaient au contraire des flammes.

Les hommes qui avaient déboulé du couloir comprirent très vite qu'ils ne recevraient plus de renforts.

Impitoyables, les soldats de la Première Phalange taillaient en pièces ces adversaires pris entre les mâchoires d'un piège mortel.

Certains que les vainqueurs ne feraient pas de prisonniers, les hommes de Jagang résistaient avec l'énergie du désespoir. Mais leur déroute était désormais garantie.

Alors que le général Meiffert tranchait net le bras d'un homme, Bruce prit son épée à deux mains pour l'enfoncer dans la poitrine d'un colosse qui gisait sur le sol à ses pieds.

Richard aperçut du coin de l'oeil un soldat qui fonçait sur lui, les traits tordus par la fureur et l'angoisse. Se retournant, il passa au-dessus de la garde de l'homme et lui enfonça son épée dans la tête, juste au-dessus des yeux. Puis il dégagea la lame et regarda sa victime basculer en arrière, les yeux écarquillés de surprise. Avant que le soldat ait touché le sol, Berdine lui plaqua son Agiel à la base du crâne. Un coup de grâce plutôt miséricordieux, quand on y réfléchissait bien.

Nathan lança dans le couloir obscur une nouvelle boule de feu qui fila en rugissant vers ses cibles. Cette attaque fit mouche sur un petit groupe d'hommes qui avaient jusque-là échappé au massacre. Les vêtements en feu, ces pauvres types tentèrent d'échapper à leur destin en s'éparpillant, mais il était trop tard pour eux. Les flammes ne les lâcheraient plus. Et de toute façon, ils étaient coincés par la masse compacte de leurs camarades, qu'ils fussent vivants, blessés ou déjà morts. Condamnés à brûler vifs, ces soldats pourtant courageux hurlaient de terreur comme des enfants. À l'arrière, la majorité des attaquants avait déjà dû rebrousser chemin pour gagner le plus vite possible la douillette sécurité du camp ― toute relative, puisqu'il leur faudrait affronter l'ire de Jagang, mais tout valait mieux que de brûler sur place.

Faute de combattants, la bataille n'était plus très loin de cesser. Les derniers agresseurs tombaient sous les coups de la Première Phalange et ils n'avaient aucune pitié à attendre des hommes du général Trimack.

Écartant un homme qu'elle venait de tuer presque distraitement, Cara vint se camper devant le général Meiffert.

― Tu te prends pour qui ? demanda-t-elle, plus en colère contre l'officier que contre le soldat qu'elle venait d'abattre. Tu crois avoir le droit de me donner des ordres ?

― J'ai fait mon travail, rien de plus... Le seigneur Rahl avait un plan en tête, et tu étais au mauvais endroit, faisant obstacle à son exécution.

― Je me fiche de..., commença Cara.

― Je n'ai pas le temps de discutailler avec toi ! explosa Meiffert, aussi furieux que la Mord-Sith. Tant que je commanderai, tu m'obéiras, un point c'est tout !

Cara se tourna vers le couloir où des hommes continuaient à brûler vifs, leurs bras et leur tête devenus des torches vivantes.

Richard avait vite compris que les attaquants étaient trop nombreux pour être repoussés par des moyens classiques. Pour dégager son champ de tir à Nathan, il avait fait en sorte d'écarter Meiffert, Bruce, Jillian et Adie de la zone sensible.

Meiffert avait compris les intentions de son chef. Constatant que Cara se tenait exactement où il ne fallait pas, il lui avait ordonné de s'en aller. Au milieu d'une bataille, un général ne pouvait pas admettre qu'on conteste son autorité. Tout ça était parfaitement logique.

Une fois parvenue à cette conclusion, Cara renonça à la querelle et alla rejoindre Richard. Prenant garde à ne pas glisser sur le sang qui maculait le sol, il approchait de Nicci, toujours vivante, par bonheur, mais blanche comme un linge et incapable de bouger.

― Nicci, accroche-toi ! Nathan est là.

Les yeux révulsés, l'ancienne Maîtresse de la Mort vivait un calvaire. Ayant compris qu'il l'avait définitivement perdue, Jagang tentait de la tuer par l'intermédiaire du Rada'Han. Le sortilège qui défendait le palais l'en empêchait pour le moment, condamnant Nicci à une lente et douloureuse agonie.

― Nathan ! On a besoin de vous !

Au-delà des cadavres de soldats de l'Ordre qui jonchaient le sol, Richard vit le prophète s'agenouiller près d'un blessé.

Le Sourcier devina de qui il s'agissait et sentit son coeur se serrer quand le vieil homme secoua tristement la tête.

Ce n'était plus un blessé, mais un moribond qu'il examinait...

― Nicci, courage ! Nous allons t'enlever ce collier. Surtout ne baisse pas les bras ! (Richard prit Cara par le bras et la tira vers lui.) Reste avec elle.

Elle ne doit pas se croire abandonnée et autorisée à se laisser sombrer dans le néant.

Cara acquiesça tristement.

― Seigneur Rahl, je suis très contente de vous revoir.

― Je sais, et crois-moi, c'est réciproque !

Sur ces mots, Richard courut rejoindre Nathan sans se soucier de piétiner les cadavres ou les membres épars des soldats de l'Ordre. Dès qu'il fut assez près, ses pires craintes furent confirmées. Nathan se tenait aux côtés d'Adie, qui respirait à peine...

― Nathan, vous devez l'aider ! implora le Sourcier.

Le général Meiffert et Jillian s'accroupirent en face du prophète. La fillette prit la main d'Adie et la serra contre son coeur.

― Désolé, mon garçon, soupira Nathan, mais je crains de ne rien pouvoir faire.

La gorge serrée, Richard baissa les yeux sur la dame des ossements. Dans ses yeux uniformément blancs, il lut une inébranlable sérénité. Même si elle souffrait mille morts, Adie s'en allait en paix.

― Nous avons réussi, souffla Richard. Votre plan était génial !

― Je suis contente, mon petit. Mais tu dois t'occuper de Nicci, pas de moi...

― Oubliez ça, Adie ! Pour une fois, pensez exclusivement à vous.

La vieille dame prit le poignet de Richard et l'attira vers elle.

― Aide Nicci, te dis-je ! Moi, j'ai joué mon rôle, et le rideau peut tomber sur ma vie... Nicci est ta dernière chance de sauver tout ce qui nous est cher en ce monde. Jure-moi de la sauver !

Richard hocha la tête et sentit une larme rouler sur sa joue.

― Je vous jure de tout faire pour la tirer de là.

Adie eut un grand sourire.

Richard ne put s'empêcher de sourire aussi devant ce petit chef-d'oeuvre de manipulation. Zedd l'avait prévenu : les magiciennes savaient présenter les choses de telle façon qu'on finissait par faire exactement ce qu'elles voulaient... en croyant qu'on l'avait décidé soi-même.

― Inutile d'utiliser vos trucs de magicienne pour me forcer à tenir ma promesse. Nathan va retirer le Rada'Han à Nicci, et tout ira pour le mieux.

La dame des ossements serra la main du Sourcier.

― Je ne suis pas sûre que ça suffise, Richard. Elle a besoin d'une aide que toi seul peux lui apporter.

Richard se demanda ce qu'il aurait pu faire de plus que le prophète. Même s'il avait su utiliser son don, il n'était plus en contact avec cette force mystérieuse qu'on nommait la magie.

Pour une raison inconnue, il était privé de son pouvoir depuis quelque temps...

Adie ferma les yeux et Jillian ne put s'empêcher de pleurer d'angoisse. Pour la réconforter, Meiffert enlaça la fillette.

― Seigneur Rahl ! appela Cara d'un ton impérieux.

Richard et Nathan se tournèrent ensemble vers la Mord-Sith agenouillée auprès de Nicci.

― Venez vite !

― Accroche-toi..., murmura Nathan à Adie.

Il posa un index sur le front de la vieille dame, qui se détendit un peu et soupira.

― Je l'ai soulagée pour un temps, expliqua le prophète à son lointain descendant. Avec l'aide d'une ou deux soeurs, je pourrai peut-être la tirer de là...

Richard hocha la tête, puis il prit le bras de Nathan et l'aida à se relever. En rejoignant Cara et Nicci, les deux hommes durent se frayer un chemin au milieu d'un véritable champ de cadavres. Il y avait surtout des soldats ennemis, mais la Première Phalange avait elle aussi payé son tribut à la violence.

Même si ça paraissait impossible, Nicci allait encore plus mal. Sous les assauts du pouvoir qui tentait de la tuer, la pauvre tremblait de tous ses membres.

― Il faut la débarrasser du collier, dit Richard à Nathan. Jusque-là, Jagang s'en servait pour contrôler Nicci. À présent, il essaie de la tuer.

Nathan souleva les paupières de Nicci pour voir où elle en était. Puis il posa les deux mains sur le collier de métal lisse et se concentra. Bientôt, un bourdonnement sourd fit vibrer l'air, mais cet étrange phénomène ne dura pas.

Nathan lâcha le collier et se releva.

― Je suis navré, Richard...

― Comment ça, navré ? Il faut lui retirer ce Rada'Han avant qu'il la tue !

Le prophète laissa son regard errer sur le charnier dont il était en partie responsable.

― Désolé, mon garçon, mais je ne peux rien faire.

― Si, lui retirer le collier ! s'écria Cara.

― Je le ferais, si c'était en mon pouvoir... Hélas, il faudrait pour cela que je contrôle les deux facettes de la magie.

― Dans ce palais, dit Richard, vous êtes plus puissant que partout ailleurs.

C'est le fief des Rahl, et vous en êtes un ! Servez-vous de cet avantage.

― Mon pouvoir additif est plus fort, c'est vrai, mais je n'ai pas une once de magie soustractive. Et sans cette magie-là, je ne peux pas ouvrir le collier.

― Au moins, vous pouvez essayer !

Nathan posa une main paternelle sur l'épaule de Richard.

― C'est déjà fait, mon garçon, et je dois m'avouer vaincu.

― Sans aide, elle va mourir...

― Je sais... Je sais...

― Seigneur Rahl ? demanda une voix masculine.

C'était celle du général Meiffert. Une nouvelle fois, Richard et Nathan tournèrent la tête en même temps.

L'officier hésita un instant, comme s'il ne savait pas auquel s'adresser.

― Nous devons agir avant que l'ennemi nous envoie d'autres hommes par le même chemin. Nous ignorons combien de soldats attendent derrière ceux-là, bouillant de passer à l'attaque. Nous devons prendre des mesures défensives.

― Non, il faut dératiser, dit Richard, sa propre voix lui semblant appartenir à un étranger qui lui déplaisait souverainement.

― Dératiser ? répéta Nathan.

― D'abord, il faut s'assurer qu'il n'y a plus de soldats ennemis ici. Ensuite, le feu de sorcier dévastera tous les couloirs reliés à celui que nous venons de découvrir. Les catacombes sont réservées aux morts, pas vrai ? Nous allons éliminer les vivants comme on se débarrasse des rats.

― Je m'en occupe, dit Nathan d'une voix qui tremblait un peu.

Richard prit la main de Nicci et regarda le vieux prophète se relever avec une souplesse étonnante.

― Nathan, vous pouvez sûrement faire quelque chose !

― Ne t'inquiète pas, mon garçon, plus un ennemi ne passera !

― Je parlais de Nicci... Comment pouvons-nous l'aider ?

Le regard voilé par ses angoisses personnelles et des souvenirs qu'il aurait préféré oublier, Nathan répondit dans un souffle :

― Reste avec elle, Richard... Ne la quitte pas tant qu'elle est encore là.

Partager ses derniers moments, voilà tout ce que tu peux faire...

Sur ces mots, le prophète se détourna et emboîta le pas au général Meiffert.