Chapitre 48
Enjambant le mur de pierre blanche à demi fondu, Richard entra dans la tombe de Panis Rahl. Les employés de la crypte attendaient dans le couloir.
Ils avaient insisté pour que le seigneur Rahl passe le premier. Après tout, c'était la sépulture de son grand-père.
Le seigneur Rahl précédent détestait qu'on le dérange lorsqu'il rendait visites aux mânes de ses ancêtres vénérés. Plus d'un serviteur avait payé de sa vie une erreur insignifiante...
Richard, lui, réservait sa vénération aux gens qui le méritaient. Comme son fils, Panis Rahl avait été un tyran assoiffé de sang et de conquête. S'il n'avait pas réussi à être aussi maléfique que son rejeton, ce n'était sûrement pas faute d'avoir essayé.
Lui aussi était entré en guerre contre ses voisins. Encore jeune homme à l'époque, Zedd avait été chargé de diriger la lutte du monde libre contre l'envahisseur d'haran. Nommé Premier Sorcier, le grand-père maternel de Richard avait fini par tuer Panis Rahl. Puis il avait érigé les frontières, coupant D'Hara des autres royaumes.
Même si la plupart des D'Harans avaient soutenu leur chef, Zedd avait refusé de les tuer tous. Un grand nombre d'entre eux étaient également des victimes du tyran. Avoir eu la malchance de naître en D'Hara ne justifiait en aucun cas une condamnation à mort.
Au fond, laisser vivre les agresseurs en les isolant était un terrible châtiment.
En même temps, ça leur donnait une chance de changer et de devenir meilleurs.
De toute façon, ils n'auraient plus la possibilité de s'en prendre à des innocents.
Si les frontières avaient tenu, Richard n'aurait jamais été contraint de quitter les chères forêts de son pays natal. Mais Darken Rahl, en passant par le royaume des morts pour les traverser, avait largement contribué à la défaillance puis à la disparition de ces obstacles magiques.
Sans les exactions de son père, Richard n'aurait jamais connu Kahlan, la femme qui rendait sa vie digne d'être vécue... Décidément, son existence était placée sous le signe du paradoxe...
Des années plus tôt, après que Darken Rahl eut ouvert la mauvaise boîte d'Orden, payant cette erreur de sa vie, un officiel du palais était venu avertir Zedd que la tombe de Panis Rahl fondait. Le vieux sorcier avait ordonné à l'homme d'utiliser une pierre blanche spécifique afin d'empêcher que le phénomène se répande dans tout le palais.
Ce rempart de pierre blanche avait aujourd'hui presque entièrement fondu et toute la tombe était de nouveau menacée. Les murs se déformant, des blocs de granit rose en saillaient, risquant de se détacher des autres. Dans le couloir, les murs et le plafond n'étaient plus parfaitement joints. Si on ne faisait rien, l'intégrité même du palais serait un jour ou l'autre en danger.
Richard regarda autour de lui, profitant de la lumière des cinquante-sept torches pour étudier les symboles gravés sur les murs et sur le catafalque de Panis Rahl. Du haut d'haran qu'il comprenait en partie...
― Je hais le rose, marmonna Nicci.
― Sur la fonte des murs, tu as une théorie ? lui demanda Richard.
― Il paraît, et c'est bien ça qui me terrorise.
― Pardon ? Désolé, mais je ne te suis pas très bien.
― Quand je suis venue ici, juste avant d'être capturée, j'affirmais savoir pourquoi les murs fondaient. En tout cas, je l'ai dit à Verna.
― Alors, pourquoi fondent-ils ?
― C'est tout le problème, Richard ! Je n'en sais rien. J'ai tout oublié.
― Tout, vraiment ?
― Je ne sais plus pourquoi je voulais venir ici avec Anna, tu vois à quel point c'est grave ? J'ai demandé à Verna si elle se souvenait de notre conversation, et là encore, presque rien ne lui est revenu.
Richard laissa courir un index le long du catafalque de son grand-père paternel.
― La Chaîne de Flammes ?
― Tu crois que c'est ça ?
― Tu n'as vraiment plus aucun souvenir de ces événements ?
― Rien du tout ! Je ne me souviens même plus d'avoir dit que je connaissais la cause du phénomène. Comment peut-on oublier des choses pareilles ?
― En temps normal, c'est impossible, en effet...
― Donc, les ravages du sort d'oubli ne se limitent plus à sa « cible » originelle.
― La contamination..., souffla Richard.
― Si tu as raison, ça signifie que tout ce qui se passe ici est lié à notre volonté de neutraliser la Chaîne de Flammes. En d'autres termes, la souillure due aux Carillons détruit notre mémoire pour se protéger.
Cette idée fit frissonner Richard de terreur. Non content de devoir combattre Jagang, un adversaire qui semblait toujours avoir un coup d'avance sur lui, il devait empêcher la contamination de tout détruire insidieusement, y compris ses ennemis...
Une pollution magique pouvait-elle avoir des réflexes défensifs ? Bien sûr que oui ! Pour réagir quand on était menacé, il n'y avait nul besoin d'être conscient au sens classique du terme. La tâche des Carillons était d'éliminer la magie. Pour ça, ils laissaient dans leur sillage une souillure parfaitement à même de se défendre, comme tous les organismes vivants. Un arbre ne pensait jamais à nuire à ceux qui l'approchaient avec de mauvaises intentions. Ça ne l'empêchait pas d'avoir des épines conçues pour les repousser...
― Si nous ne neutralisons pas le sort d'oubli, ce sera de pire en pire, dit Richard. Bientôt, nous aurons oublié que la Chaîne de Flammes est responsable de nos problèmes ! Je dois invoquer la magie ordenique avant qu'il soit trop tard.
― Pour ça, nous devons détenir les boîtes, ne perds pas ça de vue.
― Jagang en a deux et la voyante nous a volé la troisième. Au moins, nous savons où les chercher.
― Six s'étant mise au service de l'empereur, je suppose qu'elle a l'intention de lui remettre l'artefact.
― Oui, tu as raison... Très bientôt, Jagang sera en possession des trois boîtes.
Si ce n'est pas déjà fait.
― Mais nous avons un élément qui leur manquera.
― Vraiment ? Lequel ?
― Le Jardin de la Vie. Depuis que j'ai traduit Le Livre de la Vie, je vois ce lieu d'une façon très différente. Pour tout dire, le grimoire a confirmé certaines de mes intuitions...
» Richard, le Jardin de la Vie fait partie intégrante de la magie ordenique ! Sa localisation, la manière dont il est illuminé, sa position par rapport aux maisons stellaires, la trajectoire quotidienne des rayons de soleil et de lune...
Rien n'est dû au hasard ! C'est une sorte de scène où doit se dérouler un événement bien précis.
― Tu veux dire qu'il faut être dans le Jardin de la Vie pour ouvrir une des boîtes ?
― C'est ça. Ce jardin a été bâti à cette seule fin. Il est un des éléments du protocole ordenique, ni plus ni moins.
Richard dut se répéter mentalement la phrase de Nicci afin d'être sûr qu'il avait bien entendu.
― Donc, Jagang doit y venir pour invoquer la magie d'Orden ?
― Oui, sauf s'il construit un jardin intérieur en tout point similaire à celui du palais. Ce n'est pas irréalisable, mais je lui souhaite du courage, parce que la moindre erreur suffit à tout fausser.
― Mais c'est faisable, d'après toi ?
― Avec les plans originaux du jardin, pourquoi pas ? Sauf qu'il lui faudrait l'aide active de magiciennes et d'une petite armée de sorciers. Ne disposant ni des plans ni des sorciers en question, il lui resterait la possibilité de copier ce qui existe ici.
― S'il peut étudier le jardin d'assez près pour le reproduire, à quoi bon perdre son temps ? Il aura aussi vite fait d'y invoquer la magie d'Orden.
― C'est exactement ça ..., approuva Nicci.
Du coup, le siège du palais prenait un tout autre sens. Jagang ne cherchait pas seulement la victoire militaire. Il jouait aussi sa partie au niveau magique.
― Pas étonnant que l'empereur n'ait pas encore essayé d'ouvrir les boîtes... Il sait qu'il a besoin du Jardin de la Vie. Je parie qu'il détient cette information depuis le début.
― C'est bien possible...
― Seigneur Rahl, je vous trouve enfin ! lança une voix féminine.
C'était Berdine, debout dans l'entrée de la tombe.
― Que se passe-t-il ?
― J'ai trouvé ce livre ! s'écria la Mord-Sith.
Elle avança, brandissant l'ouvrage comme si le sort du monde en dépendait.
― Le texte est en haut d'haran... J'ai traduit certains passages, et c'est... Eh bien, Verna m'a conseillé d'aller vous prévenir sur-le-champ.
Nicci s'empara du grimoire, l'ouvrit et commença à lire.
― De quoi parle cet ouvrage ?
― Du peuple de Jillian... Enfin, de ses ancêtres qui vivaient à Caska.
― Les Maîtres des Rêves..., murmura Nicci sans interrompre sa lecture.
― Pardon ? s'écria Richard.
― Nicci a raison... D'après ce livre, ces gens étaient capables d'invoquer des rêves. Verna m'a dit de vous en informer.
― Eh bien, merci...
― Bon, j'y retourne... Verna a besoin que je lui traduise d'autres textes. Elle dit que j'ai un flair formidable pour dénicher les choses intéressantes.
Richard sourit à la Mord-Sith.
Nicci glissa le livre sous son bras et sourit à son tour :
― Merci beaucoup, Berdine... Dès que nous en aurons terminé ici, nous nous pencherons sur cet ouvrage.
Richard regarda la Mord-Sith sortir, puis il désigna les inscriptions, sur les murs.
― C'est désorientant... Tu sais quels sortilèges sont décrits ici ? Beaucoup d'éléments me semblent familiers...
― C'est logique... (Nicci tendit un index vers une série de symboles, sur le mur du fond.) Les conseils d'un père à son fils sur la façon d'aller dans le royaume des morts et d'en revenir vivant...
― Selon toi, Panis Rahl voulait transmettre ces sortilèges à son fils, et c'est pour ça qu'il les a fait graver sur les murs ?
― Non... Je crois que ce viatique est transmis de génération en génération.
Chaque père en fait don à celui de ses fils qui deviendra le seigneur Rahl suivant. Un héritage de père à fils, Richard. Donc, ton héritage !
Richard dut reconnaître que le raisonnement se tenait.
― De quand datent ces sortilèges ? Et pourquoi vouloir faciliter l'entrée de quelqu'un dans le royaume des morts ?
― Quand je vois leur aspect, j'ai tendance à dire que ces sorts sont contemporains de la création du pouvoir d'Orden. Il n'est pas impossible qu'ils soient indispensables pour qui veut utiliser cette magie.
― Quoi ?
― Eh bien, d'après ce que j'ai lu dans les grimoires qui traitent de la magie ordenique, par exemple Le Livre de la Vie, il semble que le choix de ce lieu ait un rapport direct avec la façon dont la Magie Soustractive fut utilisée pour activer la Chaîne de Flammes.
― Tu veux parler de l'élimination des souvenirs ? La destruction de la mémoire ?
― Exactement, oui... Pourquoi ne nous souvenons-nous pas de Kahlan ? Pour quelle raison a-t-elle oublié son identité ? Comment se fait-il que notre don ne puisse pas guérir les gens qui ont oublié ta femme ? Voire la guérir elle même ? Oui, pourquoi le don ne peut-il pas restaurer les souvenirs ?
Richard reconnut une vieille technique de professeur : poser des questions dont on connaît la réponse, histoire de développer l'esprit d'un élève.
Depuis toujours, Zedd se servait de cette méthode éprouvée ― avec grand succès, il fallait l'avouer.
― Parce que ces souvenirs n'existent plus. Il n'y a plus rien à restaurer.
― Et qu'est-ce qui les a détruits ?
Là encore, la réponse était évidente.
― La Magie Soustractive...
Nicci dévisagea le Sourcier, attendant la suite.
Soudain, tout devint clair dans l'esprit de Richard.
― Par les esprits du bien..., soupira-t-il. La Magie Soustractive appartient au royaume des morts ! Veux-tu dire qu'il est indispensable, pour utiliser le pouvoir d'Orden, d'aller dans le domaine du Gardien ? tout simplement parce que c'est là qu'on peut récupérer les souvenirs volés au monde des vivants ?
― Si les souvenirs peuvent être reconstruits, il faut bien qu'il existe une
« graine » pour les faire pousser. Ce que tu te rappelles au sujet de ta femme n'appartient qu'à toi. Ce n'est pas la mémoire manquante de Cara, de Zedd ou de Kahlan elle-même. Ce qui leur a été volé n'existe plus en ce monde. Mais l'important, dans cette phrase, ce sont les trois derniers mots : «
en ce monde ».
― Et c'est la Magie Soustractive qui a dépouillé de leur mémoire les victimes du sort d'oubli. Par conséquent, s'il reste quelque chose à récupérer, c'est dans le royaume des morts que nous devons chercher...
Nicci désigna les phrases en haut d'haran gravées sur les murs et sur le catafalque.
― Le Livre de La Vie, un ouvrage que Darken Rahl avait obligatoirement lu avant de tenter d'ouvrir la bonne boîte d'Orden, précise qu'un voyage dans le royaume des morts est indispensable pour remettre dans le jeu les boîtes d'Orden.
―Mais quels souvenirs Darken Rahl a-t-il recouvrés lorsqu'il a traversé le domaine du Gardien ?
― Pour invoquer le pouvoir d'Orden, il faut suivre un protocole très précis.
Avoir séjourné dans le royaume des morts semble être une étape incontournable. D'où les indications laissées par chaque seigneur Rahl au fils qui le remplacera.
― Nous savons qu'un passage dans le royaume des morts est indispensable.
Mais nous n'avons aucune précision sur l'objectif de ce séjour.
― L'objectif est de retrouver un « noyau » de souvenirs. À défaut de savoir précisément qui serait la cible du sort d'oubli, la théorie ordenique mentionne simplement que c'est un passage obligé. Rien ne dit ce que nous devons faire durant ce voyage. La personne qui tente d'inverser la Chaîne de Flammes doit savoir qu'elle ne peut pas éviter cette immersion initiatique dans le domaine du Gardien. Le reste est laissé à sa discrétion. À elle de voir comment elle veut s'y prendre.
» C'est Berdine qui ma fait connaître Le Livre de la Vie. Elle savait où il était caché, parce que Darken Rahl le consultait souvent devant elle. Le précédent seigneur Rahl est allé dans le royaume des morts grâce aux sortilèges que lui avait légués son père.
― Nicci, Darken Rahl n'était pas à la recherche de souvenirs volés par le sort d'oubli.
― Non, il s'est servi de la magie d'Orden pour avoir davantage de pouvoir.
Selon toute probabilité, il n'a pas compris pourquoi il était obligé d'aller dans le royaume des morts. S'il s'est posé la question, il a dû supposer que le rituel ordenique détestait faire dans la simplicité...
Richard se passa lentement une main dans les cheveux.
― Kahlan m'a assuré que Darken Rahl avait bel et bien voyagé dans le royaume des morts.
― Grâce à ces inscriptions, du moins en partie, crut bon de préciser Nicci.
― Et comment vais-je pouvoir imiter les exploits de mon géniteur ?
― Selon Le Livre de la Vie, tu n'y arriveras pas tout seul. Il te faudra un guide.
Pas seulement une personne capable de te montrer le bon chemin, mais quelqu'un qu'il t'a fallu convaincre de changer de camp et qui t'est désormais absolument loyal.
― Une sorte d'esprit bienveillant à qui je pourrais confier ma vie tout entière sans frémir ?
Nicci désigna une partie bien précise des inscriptions murales.
― Tu vois ces quelques lignes ? Elles t'expliquent comment faire venir du royaume des morts le guide que tu auras choisi. Ensuite, cet ange gardien te conduira partout où tu voudras et devras aller.
Jugeant cette perspective déplaisante, Richard entreprit lui aussi de sonder les inscriptions. Il repéra très vite ce qu'il cherchait.
― Regarde de près ces... références... Tous ces sortilèges ont besoin de sable de sorcier pour fonctionner.
― C'est évident, à première vue... Si on demandait aux domestiques en robes blanches où ils ont trouvé le grain de sable qui est maintenant bien au chaud dans ta poche ?
Déconcerté par une cascade de révélations, Richard avait fini par oublier la raison première de sa venue dans le tombeau.
― Très bon programme, l'approuva-t-il avant de faire signe à Cara d'aller chercher les six serviteurs.
Les cinq hommes et la femme entrèrent, suivant la Mord-Sith comme une couvée de canetons qui se dandinent derrière leur mère. Richard attendit qu'ils soient tous en place, le regardant avec de grands yeux ronds.
― Merci d'avoir trouvé ce grain de sable, mes amis... Il est remarquable d'être si attentifs.
Les six serviteurs en rayonnèrent de bonheur. À l'évidence, c'était la première fois qu'un seigneur Rahl les félicitait.
Richard posa une main amicale sur l'épaule de la femme.
― Vous pouvez me montrer où vous avez découvert ce grain de sable ?
La domestique consulta ses compagnons du regard, puis elle s'agenouilla près du catafalque revêtu d'or, au centre de la pièce. Désignant un point sur le sol, sous un coin du cercueil, elle fit signe à Richard de s'accroupir à côté d'elle.
Il obéit, passa la tête sous le catafalque et regarda vers le haut, puisque c'était ce que la femme lui indiquait de faire. Intrigué, il gratta la pierre du dos de la main.
Un peu de sable tomba sur le sol de marbre blanc.
Richard se releva d'un bond.
― Prête-moi ta hache ! lança-t-il à un soldat de la Première Phalange qui attendait dehors avec ses camarades.
L'homme passa la tête par l'entrée à demi fondue, enjamba le muret et tendit son arme à Richard.
Bandant ses muscles, celui-ci introduisit le tranchant acéré dans le joint du couvercle du catafalque. Puis il força de bas en haut jusqu'à ce que la lourde plaque de pierre revêtue d'or commence à bouger.
Avec l'aide de Nicci, il commença à soulever le couvercle. Puis il fit un signe de tête aux six domestiques et au soldat, qui vinrent s'en emparer, le firent glisser sur le côté et le posèrent contre un mur.
Ce qui aurait dû être la dernière demeure de Panis Rahl était en fait une cachette remplie à ras bord de sable de sorcier.
Richard contempla un moment l'incroyable spectacle. Puis il passa le tranchant de la main dans le sable, dévoilant la dépouille dissimulée dessous.
Panis Rahl, son grand-père paternel, portait toujours les stigmates des brûlures que lui avait infligées Zedd. Du feu de sorcier, une façon radicale d'éliminer un ennemi... Le jeune Darken Rahl avait été blessé, ce jour-là. Il en avait conçu une haine mordante pour Zedd et pour tous les esprits libres qui s'opposaient à la domination de la maison Rahl.
― Maintenant, je sais pourquoi cette tombe fond, dit Nicci. C'est une réaction
« empathique » à la Magie Soustractive qui fut utilisée pour ouvrir une des boîtes d'Orden dans le Jardin de la Vie.
― Ce serait donc une sorte d'écho à la proximité physique de ce pouvoir spécifique ?
Du bout d'un index, l'ancienne Maîtresse de la Mort repoussa dans le catafalque quelques grains de sable trop proches du bord.
― Encore une fois, tu as raison. Quelle meilleure cachette pouvait trouver Darken Rahl ? Il avait sa réserve de sable blanc, au cas où les choses tourneraient mal. Comme il est mort sans y avoir recours, son trésor secret est resté là où il était. Mais tu as senti ? Le sable est toujours chaud consécutivement à la réaction que je qualifie d'empathique. C'est pour ça que le tombeau a fondu. Il manque ici un champ de force susceptible de contenir une telle production de chaleur.
― En revanche, le Jardin de la Vie est muni d'une protection adéquate. C'est ça ?
Nicci regarda son élève comme s'il venait de découvrir que l'eau mouillait.
― Bien entendu.
― Par conséquent, ce sable doit y être transféré au plus vite.
― Verna et ses soeurs peuvent s'en charger avec l'aide de Nathan. (Nicci prit Richard par le bras.) Maintenant que nous avons du sable dans lequel dessiner les sortilèges, il faut revenir à nos recherches. Le temps presse, j'en ai peur.
― Ce n'est pas moi qui te contredirai là-dessus... Filons d'ici !