22 mai 1951, croisement entre le boulevard des Brotteaux et le cours Vitton, Lyon, 13 h 45
Au tout début de son mariage, Nicolas et sa jeune épouse avaient reçu des riches parents de cette dernière un petit appartement au dernier étage d’un bel immeuble situé à l’extrémité du boulevard des Brotteaux. Ce cadeau constituait le premier élément du futur patrimoine immobilier du couple. En raison de sa carrière, Nicolas avait été appelé à dispenser ses talents dans plusieurs structures hospitalières, cependant lui et sa femme avaient toujours aspiré à rester dans la région Rhône-Alpes. Dès qu’ils eurent assez d’argent, ils firent bâtir une belle maison sur les monts d’Or, mais conservèrent le petit logement boulevard des Brotteaux. Lorsque Nicolas prolongeait ses interventions tard dans la nuit ou que ses gardes n’en finissaient pas, il restait dormir à Lyon et ne rejoignait sa tendre moitié qu’en fin de semaine. Au fil du temps, Nicolas avait pris l’habitude d’y rester pour travailler ou pour décompresser. Il aimait sa famille comme un homme dans sa position était censé le faire : respectueusement et de façon distante. Ces soirées passées seul avec lui-même lui permettaient de se recentrer et, surtout, de se désintéresser des questions de domesticité et d’éducation pour lesquelles il n’éprouvait aucune passion particulière.
Cette fois encore, ce cadeau de noces servait à merveille les intérêts du chirurgien. Dès leur retour de Venise, il avait pu y installer Louise. Le rendez-vous avec l’enquêteur de Sainte-Cécile avait été fixé à cette adresse. Nicolas s’imaginait que ce serait plus facile pour Louise d’être dans un lieu neutre plutôt que de rentrer chez elle, en Suisse. Il n’avait pas le cœur à la laisser tomber maintenant. Et qui sa présence dérangeait ? Elle passerait quelques jours à Lyon, le temps que l’affaire s’éclaire, puis elle rentrerait et la vie reprendrait son cours normal.
Y arriverait-elle ?
Une fois sa matinée de travail accomplie, Nicolas avait pu reporter ses rendez-vous de l’après-midi pour rejoindre Louise. Il tourna la clef dans la serrure et ouvrit.
— Louise ? interpella-t-il avant d’avancer dans le couloir.
Bien qu’il fût chez lui, il avait l’impression étrange d’entrer dans son intimité, et cela le mettait mal à l’aise.
— Je suis là, répondit-elle de la cuisine où elle nettoyait quelques couverts.
Nicolas soupira. La robe de Louise était froissée sur tout un côté, et son chignon était distendu. Il était presque 14 heures, et elle avait dû s’extirper du canapé à peine quelques minutes avant qu’il arrive. Elle lui avait juré qu’elle garderait les idées claires, mais l’inactivité mêlée à l’angoisse formait un cocktail détonant pour un alcoolique.
Louise essuya ses mains légèrement ridées à l’aide d’un torchon tout en fuyant le regard de Nicolas.
— Est-ce que tout va bien ? demanda ce dernier, sur un ton pas aussi bienveillant qu’il l’aurait voulu.
— Bien sûr. Je… Je suis désolée, j’ai eu une très grosse migraine. Tu n’as pas eu trop de difficultés pour partir aussi tôt de la clinique ?
Nicolas ne put s’empêcher de la fixer d’un air navré au moment où il lui répondit :
— L’avantage d’être chef.
— Tu sais, j’aurais pu les recevoir toute seule, lui fit-elle remarquer avant de plonger la main dans son sac pour en sortir une cigarette.
Comme si tu étais en état de le faire, pensa Nicolas.
— Je tiens à être là, avec toi.
— Tu as peur que je réponde mal aux questions ? interrogea Louise tandis qu’elle le regardait enfin.
— Non… Non, bien sûr que non, bredouilla Nicolas sur un ton d’enfant pris la main dans le sac.
Le regard de l’infirmière se mit à étinceler. L’espace d’une seconde, il fut percé en plein cœur, comme au premier jour de sa rencontre avec elle. Dix ans venaient de s’envoler en un instant.
— Je vais y arriver, le rassura-t-elle, en laissant sensuellement couler la fumée hors de ses lèvres.
— Parfois, j’ai l’impression de voir le mur que tu as mis entre les autres et toi. Je pensais… Je…
— Tu pensais qu’après dix ans, tout serait toujours comme avant ?
— Un peu.
— C’est ma faute, Nicolas. C’est moi qui n’ai pas su rester la même. Je crois qu’à un moment, je me suis perdue. Et je n’ai jamais retrouvé mon chemin. Jusqu’à toi.
Le cœur du chirurgien se contracta. Il esquissa un geste dans sa direction, mais se ravisa. Il était terrorisé à l’idée de ne pouvoir quitter ses bras si d’aventure il l’effleurait. Il n’était pas prêt à briser sa famille pour le mirage d’un souvenir. Pas encore.
— Ils ont précisé qu’ils arriveraient à 14 h 30, changea-t-il de sujet.
— Tu me l’as dit, oui, répliqua Louise, consciente de la gêne de son ami.
Ils s’installèrent dans le salon. La veille, Nicolas avait reçu un appel de l’Hôtesse lui indiquant que l’enquêteur auquel elle avait pensé lors de leur entrevue avait accepté de s’occuper du problème de Louise. L’homme et son assistant souhaitaient les rencontrer au plus vite.
— J’espère qu’il est aussi bon qu’elle l’a dit, meubla Nicolas, que le silence troublait.
— Au prix qu’il coûte, la médiocrité doit être mortelle, ironisa Louise en allumant une autre cigarette. Raccrochons-nous à cette idée.
Nicolas acquiesça en forçant un sourire. On frappa à la porte.
— En tout cas, ils sont ponctuels, nota-t-il en allant ouvrir la porte pour saluer les visiteurs. Bonjour, je suis le docteur Nicolas Guerin. Je vous en prie, entrez, Louise est dans le salon.
Le médecin fit entrer les deux hommes qui se trouvaient sur le palier. D’après sa première observation, le plus vieux devait avoir à peine la quarantaine. Sa silhouette longiligne extrêmement élégante portait un costume sombre un peu trop sophistiqué pour cette heure de la journée. Le second était quant à lui un tout jeune homme brun aux beaux traits d’acteur de cinéma et à l’œil vif.
— Ravi de faire votre connaissance, répondit le plus âgé. Je suis Évariste Fauconnier, et voici mon assistant, Isabeau le Du.
— Ah…, tiqua Nicolas au prénom féminin du jeune homme, qui semblait avoir l’habitude de provoquer ce genre de réaction.
Drôle de sens de l’humour des parents, songea le médecin.
— Vous devez donc être l’ange gardien, supposa l’enquêteur.
— Pardon ? Oh, je vois, non, pas vraiment, se défendit Nicolas.
— Si, absolument, intervint Louise en tendant la main pour saluer les deux hommes. Je suis Louise Duval. Je crois que je suis votre cliente.
Nicolas indiqua aux invités où s’asseoir et leur proposa un café qu’Évariste refusa, au contraire d’Isabeau.
— J’ignore ce qu’on a pu vous dire concernant l’affaire, hésita Louise en grattant nerveusement les articulations de ses doigts.
— Exactement ce que vous avez dit à l’Hôtesse ainsi qu’aux policiers de Venise et aux membres du personnel de l’hôtel.
Louise et Nicolas échangèrent un regard dubitatif qui n’échappa pas à leurs interlocuteurs.
— Vous me payez très cher, mon ami, indiqua Évariste, dont les lèvres se tirèrent d’un sourire mi-affable mi-cynique. Toute perte de temps serait une injure à mes talents.
— L’Hôtesse vous a donc transmis les rapports des policiers qu’elle avait en sa possession quand nous sommes allés la voir ? interrogea Louise.
— Oui, et puis Isabeau et moi revenons tout juste de Venise. D’ordinaire, ce garçon est beaucoup plus pâle.
Sous l’œil curieux de Louise et Nicolas, ledit garçon d’ordinaire beaucoup plus pâle sortit de l’intérieur de sa veste un calepin ainsi qu’un stylo. Comme le silence s’installait avec insistance, la femme finit par craquer :
— Si vous avez toutes ces informations en main, je ne sais pas ce que je pourrais vous dire de plus. Peut-être avez-vous des questions ? Demandez-moi ce que vous voulez.
— Pouvez-vous me refaire la chronologie des événements ? Depuis le moment où vous êtes arrivée à Venise jusqu’à celui où vous avez découvert les corps ?
— Heu… Alors, eh bien, nous sommes presque tous arrivés en même temps. La fondation avait prévu un seul voyage avec la plupart des membres du personnel. Tout a été pris en charge, nous ne nous sommes occupés de rien. Une fois tous arrivés à l’hôtel, il devait être midi, la responsable des ressources humaines nous a réunis pour un apéritif et pour nous donner nos clefs de chambre ainsi que nos badges. Ensuite, l’après-midi était libre. Je me suis un peu promenée, mais j’étais fatiguée par le voyage. Vers 16 heures, j’ai commencé à me préparer, et le cocktail a débuté vers 18 heures. J’ai quitté la soirée vers une heure du matin et je suis allée me coucher.
— Avez-vous croisé les personnes avec lesquelles vous partagiez la suite ?
— Non, elles sont rentrées bien plus tard. Et je me suis endormie comme une masse. Je n’ai rien entendu de toute la nuit. Le lendemain à mon réveil, je me suis étonnée que mes collègues ne soient pas levées. C’est là que j’ai découvert les corps dans les chambres. J’ai prévenu la réception et mes responsables immédiatement, et après… tout s’est enchaîné très vite. La police a débarqué, et je n’ai plus cessé de répondre à leurs questions.
— Vous entendiez-vous bien avec votre père ?
Surprise par la question, Louise mit quelques instants avant de pouvoir formuler une réponse :
— Mon père ? Eh bien… oui.
— J’ai lu sur votre dossier qu’il était professeur.
— C’est exact, professeur de langues et civilisations anciennes.
— À la Sorbonne.
— Oui, pendant quelque temps. Il s’est installé à Lyon vers la fin de sa carrière.
— Avait-il bonne réputation ?
— Je… Excusez-moi, je ne vois pas très bien le rapport entre la réputation de mon père et ce qui m’arrive.
— Détrompez-vous, presque tous nos problèmes viennent du père. Et le reste peut heureusement être imputé à la mère. Pouvez-vous répondre à la question, s’il vous plaît ? Quand on ne répond pas, cela met mon assistant très mal à l’aise.
— Absolument pas, intervint Isabeau sur un ton égal et sans lever le nez de ses notes.
— Eh bien, soupira Louise en allumant une autre cigarette, c’était un éminent professeur, très passionné par son sujet, si c’est le sens de votre question.
— Vous aviez aussi un frère, n’est-ce pas ?
Le corps de Louise se raidit, ce qui mit Nicolas sur la défensive.
— Ces questions, je dois dire, sont très perturbantes, commenta-t-il un peu sèchement.
— Pourquoi donc ? s’étonna Évariste. Vous le connaissiez personnellement ?
— Qui ?
— Son frère.
— Non, mais…
— Bien, alors sa mort à l’âge de huit ans ne devrait pas vous perturber.
Nicolas se rembrunit.
— Cela me perturbe pour Louise. C’est un souvenir pénible, et je ne vois pas l’intérêt de raviver ce genre de blessure alors que la police enquête toujours sur elle.
— En réalité, elle n’enquête plus sur elle, indiqua Évariste.
— Vraiment ? douta Nicolas.
— Vraiment. À l’heure où vous remettez mes méthodes en question, elle prépare un dossier d’accusation. Même chose qu’une enquête, mais en beaucoup moins sympathique.
Louise retint sa respiration.
— Et vous perdez votre temps avec des souvenirs d’enfance ? persista Nicolas avec une colère mal contenue.
— Je vous l’ai déjà dit : perdre du temps est une injure à mes talents.
Nicolas remarqua que le sourire affable de son interlocuteur avait disparu. Ses iris clairs d’une incroyable intensité semblaient pouvoir percer n’importe quel obstacle. La voix était restée grave, un peu veloutée, mais quelque chose de l’ordre de l’acier suintait à l’arrière de ses tonalités. Les lèvres fines et pincées ressemblaient plus à une griffure qu’à une marque de sympathie sur un visage racé mais glacial. Quelque chose en Nicolas lui souffla que les compétences de cet homme ne devaient pas être que celles d’un enquêteur. Et il repensa à la proposition de l’Hôtesse de« régler les problèmes » au moyen d’autres prestations. Un frisson chatouilla sa nuque.
— Si vous voulez que je démêle cette histoire, reprit Évariste sur un ton courtois mais autoritaire, il faut me faire confiance. Je fais un métier qui ressemble au vôtre, mon ami : je pose des questions auxquelles on ne comprend pas grand-chose et entre lesquelles on ne voit pas de liens, cependant elles me permettent de poser un diagnostic d’innocence ou de culpabilité qui me mène à la vérité. Alors pouvez-vous me laisser faire le travail pour lequel vous m’avez engagé ?
Le silence accueillit les propos d’Évariste. Louise s’empara d’un tube de crème dont elle badigeonna abondamment ses mains et, après une interminable minute de friction, prit la parole :
— Pouvez-vous m’assurer que ce que je vous dirai restera entre nous ?
— Voyez-moi comme une sorte de prêtre, et Isabeau a peu de mémoire, sourit Évariste.
— Reprenons, maintenant, intervint Isabeau sur un ton blasé.
Louise soupira et fixa quelques secondes le bout fumant de sa cigarette, qu’elle laissa se consumer au bord de la coupelle de sa tasse de café.
— Bien, je pense que je n’ai pas d’autre choix que de vous faire confiance, conclut-elle.
— Sauf si vous ambitionnez de finir vos jours en prison.
— Non, pour ça, j’ai assez donné, murmura Louise. On vous a bien renseigné, j’avais effectivement un petit frère. Il est mort noyé à l’âge de huit ans. Un accident de bateau. Mon père s’est toujours senti coupable, car il était censé le surveiller. Ça lui a brisé le cœur.
— Quel rapport avez-vous eu avec lui après ça ?
— J’étais la seule enfant qui lui restait, il s’est montré très protecteur avec moi. Notre relation est devenue fusionnelle à ce moment.
— Et avec votre mère, comment étaient vos relations ?
— Tout à fait normales.
— Votre père a fait un beau mariage avec elle, bien au-dessus de sa condition.
— Si on se place du point de vue strictement économique. En réalité, ma mère a toujours été très admirative de la carrière de mon père, et elle se sentait honorée d’être sa femme.
— Vous aussi étiez fière ?
— Oui, même si je n’ai pas choisi la même spécialité que lui.
Évariste fit une pause dans les questions qu’il lui adressait. Il jeta un œil à son assistant pour s’assurer qu’il prenait bien ses notes.
— Pouvez-vous me parler de la fondation Sorel ? reprit-il. C’est bien là que vous travaillez ?
— Oui, c’est exact. Elle a été créée par Marcel Sorel en 1943, en souvenir de son fils Albert qui est mort dans les camps. Au départ, l’idée était d’accueillir des blessés de guerre que personne n’arrivait à soigner. Sa vocation était de leur permettre de revenir à une vie normale.
— Soigner les traumatismes autant physiques que psychologiques, résuma Évariste.
— Tout à fait. Rapidement après la Libération, beaucoup de spécialistes se sont rendu compte que les hôpitaux étaient impuissants à soigner des individus qui avaient vu et vécu le pire. Ils étaient guéris de leurs blessures physiques, mais quelque chose restait cassé en eux. Certains docteurs avaient déjà pu observer ce phénomène lors du premier conflit mondial, cependant on pensait à l’époque qu’on ne pouvait rien y faire. Jusqu’à la fondation. Et puis elle a été victime de son succès et, petit à petit, elle s’est mise à s’occuper de toutes les personnes que la médecine traditionnelle ne parvenait pas à traiter.
— Cette fondation se trouve en Suisse, n’est-ce pas ?
— Oui, à Neuchâtel.
Nicolas scruta Louise avec intérêt.
— Savez-vous qui finance son fonctionnement ? questionna Évariste.
Louise afficha un air désabusé.
— Je ne suis pas dans le secret des dieux. Je pense qu’une partie provient de la fortune personnelle de Sorel et, ensuite, sûrement d’un réseau d’investisseurs. Avec le temps, les résultats de la fondation ont fait parler d’elle, et ça a rendu plus facile l’arrivée de nouveaux mécènes. D’autant que tout le monde a perdu quelqu’un de sa famille, durant cette guerre.
— Quelle fonction exercez-vous là-bas ?
Louise entortilla une mèche de ses cheveux blonds autour de son doigt.
— Je… Je fais un travail administratif.
Nicolas la dévisagea.
— Pas infirmière ? rebondit Évariste. C’est votre métier, pourtant.
— Oui, mais j’ai fait le tour de la question. Le sang, les malades, les blessés, j’en ai côtoyé plus en quelques années que ce que j’aurais dû en voir passer durant toute ma carrière. Alors j’ai décidé de faire autre chose, tout en restant associée à la médecine.
— Louise…, souffla Nicolas sur un ton de pitié.
— Ça va, rétorqua-t-elle avec une pointe d’agacement.
Évariste laissa filer un court silence durant lequel il observa le médecin et l’ancienne infirmière.
— Connaissez-vous des personnes qui pourraient vous en vouloir ?
La femme émit un petit ricanement amer.
— Si vous faites bien votre travail, vous verrez que je ne suis pas forcément la personne la plus populaire de la fondation et que je n’ai pas beaucoup d’amis. Est-ce que je pourrais susciter une haine à ce point grande que quelqu’un décide de tuer sept personnes pour ensuite m’en faire accuser ? Je crois que de toute ma vie je n’aie jamais eu autant de pouvoir ni d’influence sur personne, je le crains.
— Peut-être pas, mais cependant vous êtes parfaite dans le rôle de coupable, jugea l’enquêteur, et je ne crois pas que vous ayez survécu par le simple fait du hasard.
— Mon Dieu, murmura Louise avec une profonde angoisse.
Évariste décroisa les jambes et s’apprêta à se lever.
— Bien, je vous remercie pour le temps que vous nous avez consacré, à mon assistant et moi.
— Heu, c’est normal, répondit Louise, surprise par la fin un peu abrupte de l’entretien. Et maintenant, que se passe-t-il ?
— Rentrez-vous en Suisse, ou restez-vous ici ?
— Nicolas… Le docteur Guerin a déjà donné assez de son temps et de sa patience, je ne supporterais pas d’en abuser davantage.
— Louise, s’offusqua ce dernier, je pensais que tu savais que tu pouvais rester ici le temps que tu voulais.
— Je vais bien, ne t’inquiète pas. Fuir n’est pas la solution.
— Excepté si vous êtes coupable, nuança Évariste.
— Je ne le suis pas ! s’emporta Louise, avant de se reprendre. Pardon, c’est juste que… j’ai l’impression que personne ne m’écoute et ne me croit.
— Ma chère, il y a bien assez de personnes qui vont se ranger du côté de la police ou de la rumeur, veillez à ne jamais leur donner plus d’arguments qu’elles n’en ont déjà. Et puis, là-bas, vous ne serez pas complètement seule, Isabeau et moi allons vous suivre.
— En Suisse ? s’étonna Louise.
— Oui.
— Vous pensez que ceux qui ont fait ça sont là-bas ?
— Pourquoi présumer qu’ils sont plusieurs ?
— Je… Enfin, réussir à tuer sept personnes dans un endroit aussi fréquenté sans que personne ne voie ni n’entende rien suppose à mon avis une grande organisation, non ?
— Bien raisonné. Toujours est-il que les victimes travaillaient toutes pour votre fondation. Le ou les tueurs n’ont même pas essayé de brouiller les pistes, ils ont visé des personnes qui avaient un point commun si évident qu’il n’échapperait à personne. Les assassins racontent toujours une histoire. Même lorsqu’ils tuent de façon opportuniste, il faut qu’ils communiquent à un public. Et dans notre affaire, ce qu’ils racontent est évident.
Louise et Nicolas étaient suspendus aux lèvres de l’enquêteur. Comme il faisait durer le suspense, Nicolas craqua :
— D’accord… Alors, ils racontent quoi ?
— « Pourquoi ne pas venir nous rejoindre, puisque nous vous invitons à notre fête ? »