8 mai 1951, hôtel Danieli, Venise
Dans quels lieux sombres avait-elle égaré la fulgurance de son regard ? Qui avait éteint cette lumière qu’elle produisait comme un petit soleil ? Les questions se bousculaient dans l’esprit de Nicolas, qui ne reconnaissait pas la personne qui se trouvait dans la chambre d’hôtel. Bien sûr, elle ressemblait à Louise, mais c’était une version d’elle floue et molle. Elle avait pris un peu de poids, si bien que son visage jadis en triangle s’était arrondi et la faisait paraître plus petite et plus tassée. Un gris fade avait chassé le bleu intense de ses yeux, et des restes de larmes en brouillaient encore les contours comme une épaisse cataracte. Elle semblait prête à céder sous le poids du monde qui pesait sur ses épaules. La vie n’avait pas dû être aussi compatissante avec elle qu’elle l’avait été avec lui. Malgré tous ses efforts, Nicolas ne put s’empêcher de lâcher un« mon Dieu Louise » assez misérable pour ne rien cacher de son sentiment de pitié. Il s’en voulut aussitôt.
— Nicolas, répondit-elle dans un soupir, merci d’avoir accouru. Je… Je suis désolée de t’avoir appelé, mais je n’avais que toi.
— Tu sais bien que je serai toujours là pour toi. Louise, que se passe-t-il ?
Le visage de cette dernière se déforma d’une grimace. Le parfum capiteux, un tantinet trop chargé en patchouli, recouvrait leurs têtes comme une chape de plomb. Louise retourna s’asseoir, plus par lassitude que par choix. Gustavo et Nicolas l’imitèrent.
— Une histoire incroyable, expliqua-t-elle en se raclant la gorge pour éclaircir sa voix et en s’emparant d’un tube de crème pour les mains. Tragique. J’étais venue à Venise comme Gustavo pour participer à un grand gala organisé par la fondation pour laquelle je travaille depuis quelques années.
— Oui, ton ami m’a mis au courant. Elle aide les victimes de guerre, c’est bien ça ?
— Tout à fait. Nous fêtions nos cinq ans d’existence et, pour la cérémonie, notre dernier mécène a eu la gentillesse de louer ce merveilleux endroit. La soirée était magnifique, et certains d’entre nous ont logé dans des suites, à côté les unes des autres et communicantes.
Elle marqua une pause, l’attention accaparée par ses doigts qu’elle frottait les uns contre les autres pour faire pénétrer la crème. Elle fit signe à Gustavo, lequel alla lui servir un verre de vin. Il prit soin de laisser la bouteille près d’elle. Elle but d’une traite le premier verre, puis s’en servit un deuxième dans la foulée. Nicolas crut reconnaître dans ce geste l’assurance et la détermination qui, jadis, avaient été celles de Louise. En médecin expérimenté, il se douta des raisons de l’aspect bouffi de son visage et des légers tremblements qu’il notait au bout de ses doigts. Elle était portée sur l’alcool.
— La fête s’est terminée vers 2 heures du matin. Je partageais ma chambre avec deux autres collègues. Nous nous sommes couchées, tout était normal. C’est le lendemain que… le cauchemar a commencé.
Louise s’interrompit et se resservit un verre. Nicolas s’empara de la belle bouteille de Valpolicella millésimée et aux couleurs de l’hôtel et l’éloigna d’elle.
— Que s’est-il passé ? enchaîna-t-il pour détourner son attention.
— Lorsque je me suis réveillée, j’ai été surprise de ne voir personne dans le salon de la suite. Marie et Solange, mes collègues, sont des lève-tôt, contrairement à moi. Il était presque 11 heures, et il n’y avait pas un bruit. J’ai d’abord cru qu’elles étaient allées se promener, même si je trouvais étrange qu’elles n’aient pas laissé un mot. Elles m’auraient prévenue, enfin, au moins Solange. J’ai fait monter un petit déjeuner, j’ai lu, et, vers midi et demi, j’ai commencé à m’inquiéter. J’ai appelé la réception afin de savoir si elles étaient sorties, mais ils m’ont assuré qu’elles n’étaient pas descendues prendre le petit déjeuner et n’avaient pas déposé leur clef. Et à ce moment-là…
Le regard de Louise se mit à chercher la bouteille, mais Nicolas s’était placé juste entre elles deux. Pour compenser, elle s’empara à nouveau de sa crème. Classique. Elle prit une profonde inspiration, avant de poursuivre d’une voix plus grave :
— À ce moment-là, j’ai eu une sorte de pressentiment. Je ne saurais pas dire pourquoi – je ne crois pas en ce genre de choses – mais je me suis soudain mise à fixer la chambre de Solange. Cette porte est devenue une obsession, je faisais les cent pas devant. J’ai toqué, rien, puis je suis entrée. Elle était allongée dans le lit. J’ai éprouvé tant de soulagement ! J’ai tiré les rideaux et l’ai appelée. Et soudain, mon Dieu, la couleur de sa peau ! Elle était grise. Je sais ce que ça veut dire, j’ai vu cette funeste nuance tellement de fois dans ma vie. C’est celle de la mort. J’ai vérifié son pouls, elle n’en avait pas. Alors je me suis précipitée dans la chambre de Marie : morte, elle aussi. Je ne sais plus combien de temps il m’a fallu pour sortir de la chambre, je crois que j’étais en état de choc. J’ai toqué à la suite d’à côté en espérant trouver quelqu’un. À première vue, il n’y avait personne, mais j’ai préféré aller voir dans les chambres. Et là… là, l’horreur a continué. Ils étaient morts, tous morts, sans exception !
Elle s’interrompit et se mit à sangloter sans bruit. En baissant la tête, sa chevelure dissimula son visage, qu’elle enfouit dans ses mains rougies à force de les frotter. Le silence envahit la pièce.
— Je… Je suis tellement désolé pour toi. Combien étiez-vous, dans ces suites ? finit par demander Nicolas avec une immense tendresse.
— Huit en tout, répondit-elle sans lever la tête. Sept morts.
— Quelle horreur…, murmura-t-il, avant de se reprendre : Mais je ne comprends pas, pourquoi m’as-tu dit que tu risquais d’avoir des ennuis avec la police italienne ?
Louise releva le visage. Son regard était vide et ses joues gluantes de larmes.
— Parce que je suis la seule qui aie survécu.
Une atmosphère de sentence imprégna le salon. Ils eurent du mal à respirer.
— Allons, on n’accuse pas quelqu’un de meurtre sous le seul prétexte qu’il est encore en vie, tenta de rationaliser Nicolas.
— Dans ces cas précis, si, gémit Louise en mordant le coin interne de ses lèvres. Le médecin n’a pas été capable de dire de quoi ils étaient morts, juste que le décès a dû avoir lieu au même moment dans la nuit. Les policiers m’ont assaillie de questions, et quand ils ont appris que j’étais infirmière c’est devenu pire. Je crois qu’ils soupçonnent une sorte d’empoisonnement, ou quelque chose d’approchant.
Elle marqua une pause, avant de reprendre avec fatalisme :
— Nicolas, tu n’es pas devenu si naïf ? Sept invités d’une prestigieuse soirée dans le plus célèbre hôtel de Venise, morts de causes inexplicables… tu crois vraiment qu’ils vont faire traîner les choses ? J’ai une énorme cible dessinée sur le front et qui fait de moi un martyr parfait.
— Mais et le mobile ! s’emporta Nicolas. Il faut bien un mobile, pour soutenir une accusation. L’opportunité et les moyens seuls ne suffisent pas.
Il remarqua que Gustavo et Louise échangeaient un regard lourd de sous-entendus.
— Que me cachez-vous ? interrogea-t-il sur un ton suspicieux.
— Eh… bien, hésita Gustavo sans quitter Louise des yeux, comme s’il attendait un signe d’approbation de sa part.
— Eh bien quoi ?
— C’est-à-dire que Louise… je ne veux pas dire que…
Nicolas fixa son amie avec intensité.
— Si tu ne me dis pas toute la vérité, je ne pourrai pas t’aider.
Louise soupira, ses épaules s’affaissèrent.
— Disons que j’ai eu quelques mots avec certains des défunts.
— Comment ça, quelques mots ?
— Rien de bien grave, des questions sur le travail, sauf que je n’ai pas pris de gants pour le leur dire, et ça n’a échappé à personne.
— Si on devait suspecter toutes les personnes qui se querellent au travail, la planète entière serait bonne à enfermer, Louise.
Celle-ci joignit les mains en prière devant sa bouche.
— J’ai parfois du mal à contenir ma colère et mes propos…
Par exemple quand tu bois, pensa Nicolas.
— … et parfois, cela prend des proportions.
— C’est arrivé à plusieurs reprises, et en public, précisa Gustavo, l’air navré, au point que… enfin, le personnel de l’hôtel a dû intervenir quelques heures avant la réception pour éviter que ça ne dégénère. La police s’en est vite rendu compte, dès qu’elle a interrogé les autres membres présents à la fête.
Nicolas ne put s’empêcher de jeter un œil discret à la bouteille de vin. La Louise qu’il avait connue était un fin stratège qui ne se laissait jamais gouverner par ses émotions. Rien ne sortait de sa bouche sans que ce ne soit mûrement réfléchi et savamment dosé. Mais l’alcool est un maître qui transforme. Il implante un monstre dans le cœur de sa victime qui grossit à chaque nouvelle gorgée. Une fois mature, la créature prend possession de l’hôte, réduit au simple rôle de contenant. L’individu garde son visage, ses traits, sa voix, son corps, mais c’est autre chose qui s’en sert. Nicolas connaissait par cœur les manières de ce démon, car il avait asservi son père, ainsi que son grand-père. Louise n’avait plus que l’air d’être Louise, mais le monstre campait sur ses entrailles.
— Ces querelles ont été si violentes que ça ? demanda-t-il.
— Assez pour qu’on m’isole dans une salle pour que je me calme, assez pour qu’un policier de base soit convaincu de mon agressivité et de mon instabilité, reconnut Louise avec gêne.
— D’accord, mais ça ne fait toujours pas un mobile crédible pour le meurtre de sept personnes.
— Je crois qu’ils pensent que j’ai été dépassée, avança-t-elle en serrant les mains jusqu’à blanchir leurs articulations.
— C’est-à-dire ?
— Je ne suis pas sûre… À un moment, l’un des policiers m’a demandé :« Est-il possible qu’un empoisonnement échappe au contrôle de son créateur ? » Comme je n’avais pas l’air convaincue, il a ajouté :« Peut-être que l’assassin a juste voulu donner une leçon aux victimes et que les doses n’étaient pas les bonnes. Ce n’est pas une science exacte. » Quel idiot… Bien sûr que si, c’est une science exacte.
— Si je te suis bien, tu penses qu’ils soupçonnent que tu aurais voulu les rendre malades, mais que tu aurais commis une erreur de manipulation et qu’ils en seraient morts ?
— Tu comprends à quel point ils sont à côté ? Comme si j’avais pu commettre pareille erreur ! En plus, toi et moi, nous savons qu’il existe des méthodes bien plus sûres que l’empoisonnement.
— Tout ceci est absurde, commenta Gustavo en secouant la tête.
— Absurde, mais peut-être en effet bien pratique pour la police, répondit Nicolas, songeur.
— Maintenant, vous aussi, vous donnez du crédit à cette théorie de l’erreur criminelle ?
— Non, je donne du crédit à la théorie de Louise. L’affaire va sûrement être médiatisée, et elle deviendra politique. S’ils ne trouvent pas une autre piste crédible, il y a effectivement une possibilité pour qu’ils s’acharnent sur elle.
— Alors tenons bon jusqu’à ce qu’ils trouvent une autre piste ! s’exclama Gustavo.
— Tu parles ! se lamenta Louise. Ils ont ferré un poisson, ils n’ont plus qu’à faire pression sur moi jusqu’à ce que je craque. Je n’ai pas de moyens, pas d’appuis, je ne suis personne. Ils vont me crucifier et danser sur mon cadavre en se félicitant d’avoir fait triompher le Bien sur le Mal !
Louise se leva de son siège, contourna Nicolas et alla se servir un verre.
— Les policiers sont des professionnels, je ne peux pas croire qu’ils ignorent sciemment des pistes, surtout dans une affaire aussi grave, reprit Gustavo.
— Les policiers sont des fonctionnaires, les fonctionnaires sont des hommes, pontifia Louise avec tristesse. Eux aussi vont être soumis à une grande pression de la part de leurs supérieurs hiérarchiques, eux-mêmes encore plus pressés par leurs patrons, et ainsi de suite, jusqu’à Dieu en personne. Ils voudront tous se couvrir.
Laissant échapper un douloureux soupir, elle s’effondra sur une chaise.
— Je crains, messieurs, que mes jours de liberté ne soient comptés.
Elle fixa la couleur rougeâtre du liquide, avant de souffler :
— Tout ce gâchis…
Les deux hommes échangèrent un regard anxieux.
— Louise, dis-moi pourquoi tu m’as appelé… ?
— Parce que tu es le seul en qui je peux avoir confiance, et le seul qui ne fasse pas partie de ma vie.
— J’ai peur de ne pas te suivre…
— Tous les gens que je connais travaillent avec moi à la fondation. Je…
Elle hésita, et son visage épuisé trahit une expression de honte.
— … Je n’ai pas de vie en dehors de mon travail. Je veux dire : pas de vie sociale. Chaque personne à qui je demanderai de l’aide risque d’être éclaboussée par le scandale. Elle jouerait sa carrière. La fondation Sorel vend comme arguments son sérieux et son impeccable réputation. Les mécènes ont besoin de ça pour investir, ils ont besoin de croire en une œuvre supérieure. S’il y a un ver dans la jolie pomme, plus personne n’en voudra. C’est comme ça que ça marche. Mais toi… toi, tu ne risques rien dans cette histoire, tu n’es pas exposé.
L’intonation de la voix de Louise était si déchirante que Nicolas eut du mal à retenir son émotion. Il aurait voulu la prendre dans ses bras et la serrer assez fort pour étouffer ses problèmes. Mais quelque chose l’en empêchait. Ce n’était pas son mariage, encore moins la bienséance. Alors quoi ? Avait-il peur de ne plus être capable de rester décent, s’il touchait à nouveau la soie de ses boucles ? Ce n’était pas le moment pour ces choses, il fallait la sauver. Mais de quelle façon ?
— Qu’attends-tu de moi ? Que puis-je faire pour t’aider ?
— Mon Dieu, je l’ignore… Enfin, je me disais, tu es une sommité dans ton domaine, si toi ou l’un de tes confrères se penchait sur les circonstances de la mort de mes collègues, peut-être qu’on pourrait déjà faire comprendre aux forces de l’ordre qu’un empoisonnement n’est pas possible dans ce cas précis. Trop de paramètres aléatoires.
— Et si jamais ils ont vraiment été empoisonnés ? intervint Gustavo.
Le silence s’invita une nouvelle fois dans l’assemblée. Chacun des protagonistes dévisageait l’autre sans qu’aucun n’ose embrayer. Finalement, Nicolas se lança :
— Alors ce sera une bonne chose. Si on a le poison, on a la composition et on sait comment il a été administré. Donc, il nous sera facile de contre-attaquer. Ce sera concret. Pour l’instant, le problème, c’est que nous n’avons que des suppositions. Comment se défendre quand on ignore de quoi on nous accuse ?
Nicolas vit à nouveau la lumière dans les yeux de Louise. Elle redevenait sa Louise, son petit soleil. Il se sentit capable de soulever des montagnes pour elle. Il aimait l’idée d’être celui qui la sauverait. Sauf que la réalité des faits le rattrapa vite. Avant d’être un humain, il était médecin, ça changeait tout. Ça déformait tout. Un empoisonnement, à ce point subtil qu’il ne laisse aucune trace sur les victimes et les foudroie si brutalement que leur mort est silencieuse, ne laisse en général aucune trace à l’autopsie. Nicolas pressentait qu’on ne trouverait rien de ce côté-là. Le mystère s’épaissirait, les esprits s’échaufferaient, les politiques paniqueraient, et il leur faudrait un coupable. On retombait dans la boucle infernale. Il ne pouvait laisser faire ça.
— Il… Il me faudrait un avocat, aussi, murmura Louise. Ces gens-là ont sûrement des enquêteurs privés. Oui, c’est ça qu’il nous faudrait, un enquêteur qui travaillerait plus vite et plus objectivement que la police. Désolée, j’ai l’esprit tellement embrouillé. Comment ai-je pu croire que tu aurais ça dans tes relations ?
— Il en faudrait des sacrément bons pour démêler le mystère, et des rapides, aussi, ajouta Gustavo. Et pour obtenir ce résultat, je crains qu’il ne faille beaucoup d’argent.
— Je me charge des dépenses, trancha Nicolas sur un ton royal.
Il se mit à marcher de long en large. Louise et Gustavo le suivirent du regard tout en affichant des mines d’enfants en attente d’un héros.
— Et si quelqu’un dans ton hôpital…, tenta-t-elle d’aider. Je suis certaine qu’au moins un médecin a été accusé une fois de faute professionnelle, ils ont bien dû avoir recours à ce genre de services et…
— Attendez ! interrompit Nicolas.
— Quoi ? s’enquirent de concert ses interlocuteurs.
— Oui… tu as raison. Je connais effectivement quelqu’un, déclara-t-il, l’air pensif.
— Un avocat ? demanda Louise, les yeux envahis d’espoir.
— Pas tout à fait… Il y a quelques années, dans l’hôpital où je travaille, un peu avant que je n’arrive, s’est produit un étrange phénomène. Les malades mouraient sans raison apparente. La direction a fait un audit, repris tous les protocoles, fermé des services, isolé les malades, mais rien n’y faisait. Les patients continuaient de mourir, et personne n’arrivait à savoir de quoi. L’établissement a même failli fermer. Et puis, un jour, la police a clôturé son enquête, les plaintes ont été levées, la réputation de l’hôpital blanchie. Du jour au lendemain. Je suis arrivé quelques mois après cette affaire, donc j’ai subi toute cette histoire d’assez loin, mais il y avait des rumeurs. On disait que la direction avait dépensé une fortune pour louer les services d’une sorte d’agence spécialisée dans ce type de problèmes, et que, depuis, les caisses étaient vides.
— Quel type de problèmes ?
— Tous, apparemment.
— C’est ça qu’il nous faut ! s’exclama Gustavo. Est-ce que vous savez à qui on doit s’adresser ?
— Non, mais je sais à qui demander. Y a-t-il un téléphone ici ?
— Attendez, attendez, intervint Louise, nerveuse, cette agence saura-t-elle rester discrète ?
— On parle du milieu médical, rassura Nicolas, la discrétion est un impératif. Écoute, Louise, c’est la seule option que nous ayons. Laisse-moi au moins appeler mon collègue et voir s’il peut me donner le nom de l’agence. Puis nous verrons bien !
Louise pinça ses lèvres d’angoisse, mais finit par acquiescer au plan de son ami.
— Les équipements de cette suite luxueuse vont enfin nous servir à quelque chose, déclara Gustavo en pointant du doigt un téléphone posé sur une table près de la fenêtre.
Nicolas s’empressa de composer un numéro. Une opératrice le fit patienter, et au bout de plusieurs minutes il fut soulagé d’avoir son interlocuteur en ligne. Après quelques civilités banales et convenues, Nicolas entra dans le vif du sujet :
— Je suis navré de te déranger, et tu vas te demander pourquoi je te pose cette question maintenant, mais j’ai besoin de savoir. Te souviens-tu de cette affaire des morts qui parlent ? Oui, c’est bien ce qui me semblait. Une affaire pareille s’oublie difficilement. Non, en effet, je n’étais pas encore arrivé. Tu m’avais dit à l’époque que la direction de l’hôpital avait fait appel à une sorte d’agence d’enquêteurs privés qui l’avait aidée à découvrir la vérité. Non ? Ah, il s’agissait d’un institut. D’accord… Et te souviens-tu de son nom ? Sainte-Cécile ? L’institut Sainte-Cécile. Et par le plus grand des hasards, tu ne saurais pas si le secrétariat a gardé un numéro où les joindre ?
Louise et Gustavo retinrent leur souffle.