L’émigration des Africains hors du continent s’inscrit sur le temps long. En Amérique et aux Caraïbes, les Afro-descendants forment une immense diaspora noire entretenant des liens complexes avec ses racines. Les diasporas africaines contemporaines ont commencé à se former durant les Trente Glorieuses en Europe (où la croissance économique encourage l’immigration) et se sont intensifiées après un enchaînement de crises en Afrique amorcées dans les années 1970 et aggravées dans les décennies suivantes. Si les politiques d’accueil se sont progressivement durcies en Europe, les migrations extracontinentales se sont poursuivies, prenant parfois des formes illégales et des tournures dramatiques. Les destinations se sont diversifiées (Europe du Sud, Amérique du Nord, pays arabes, Asie), de même que les motifs et les profils des migrants : femmes, étudiants, travailleurs à haut niveau d’étude, mais aussi demandeurs d’asile s’ajoutent aux jeunes hommes peu qualifiés en recherche d’emplois, toujours nombreux.
Des réseaux migratoires fondés sur des solidarités nationale, régionale, ethnique ou confrérique permettent à la fois de faciliter les départs et les arrivées. À quelques exceptions près (travailleurs subsahariens des huertas espagnoles par exemple), l’émigration est synonyme d’installation dans une grande ville. Les quartiers de Château Rouge à Paris, Matongé à Bruxelles ou Little Sénégal à New York sont les produits et les symboles d’une mondialisation des diasporas et des cultures africaines. Cette inscription urbaine sur deux voire trois générations produit des identités et des citoyennetés partagées entre continents (quand elle est possible, la double nationalité est souvent adoptée) car les liens avec l’Afrique ne se perdent pas et de nouveaux se créent, par la musique notamment entre communautés noires.
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Les transferts d’argent des émigrés vers leurs pays d’origine ont pris des proportions considérables (première source d’apports financiers extérieurs pour l’Afrique en 2015) : 20,7 milliards de dollars pour le Nigeria (3,6 % du PIB), près de 6,5 milliards pour le Maroc (6,1 %) et 200 millions pour la Gambie (23,5 %). Le poids économique des expatriés se mesure également dans la diffusion des innovations et dans des secteurs comme les transports ou l’importation de fripes, de pièces détachées, etc. Cependant, l’émigration est aussi une perte de compétences et de forces vives : l’absence d’étudiants, d’intellectuels et de travailleurs qualifiés (médecins, informaticiens, etc.) ne peut être compensée par les transferts de fonds. Ces derniers servent d’abord à soutenir la consommation des familles et sont assez peu orientés vers des secteurs productifs : les investissements sont plus élevés dans les secteurs pourvoyeurs de rentes (immobilier, commerce, transport) que dans l’agriculture.
Après des années de méfiance des gouvernants à l’encontre des émigrés, les États s’organisent pour enrayer les départs et canaliser les envois de fonds, ou préparer les retours. Ainsi, le ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine, créé en 2004, travaille avec les associations d’émigrés pour maintenir les liens de la diaspora avec le Mali et coordonner son action. Au Cap-Vert, qui compte 513 000 habitants en 2015 pour 173 000 ressortissants (700 000 personnes s’identifiant comme capverdiens à l’étranger selon Michel Lesourd), c’est la définition de la citoyenneté et la représentation de la diaspora dans la démocratie qui est en jeu.
