L’espace urbanisé (environ 500 km2 en 2015) a d’abord été construit dans la vaste plaine alluviale bordant le Pool Malebo, puis sur l’amphithéâtre de collines culminant à 700 mètres, avec des pentes de 8 à 20 %.
Créée en 1881, Léopoldville devient capitale du Congo belge en 1923 à la place de Boma, dont les fonctions sont transférées en 1929. La planification coloniale met à distance la ville européenne et les premières cités « indigènes », séparées par une zone neutre dotée d’équipements. La création de nouvelles cités dans les années 1950 renforce la ségrégation. Après l’indépendance, le 30 juin 1960, le contrôle sur les migrations est levé et l’urbanisme de plan devient fictif. Les collines sont alors prises d’assaut par une marée de lotissements à trame orthogonale, dont les parcelles, distribuées par des « chefs de terre », sont surtout construites en dur (parpaings de ciment) dans un contexte de vive croissance démographique et spatiale. Kinshasa (ainsi rebaptisée en 1966) avait 400 000 habitants en 1960 (6,8 km2), 1,7 million en 1975 (200 km2), 2,7 millions en 1984 (260 km2), 7,5 millions en 2005 (430 km2). En 2030, selon le schéma d’orientation stratégique de 2014, l’agglomération regroupera 14 à 18 millions d’habitants et couvrira 860 km2.
Les investissements dans les équipements et les infrastructures n’ont pas suivi l’étalement urbain. En saison des pluies, les citadins vivant sur les collines et dans les zones inondables sont menacés par l’érosion, les coulées de boue et les inondations. La voirie est médiocre, 10% des routes sont bitumées et elles sont mal entretenues, les lignes et le matériel ferroviaires sont défaillants. La mobilité est réduite et 57 % des citadins circulent à pied : le transport est un facteur d’exclusion. La production d’eau potable (60l/h/j) est insuffisante, le taux de branchement en électricité est faible (40 %) et la collecte des déchets rare. Surtout, les égouts assurent 1 % de l’assainissement et Kin-la-belle, sous-équipée, a été rebaptisée Kin-la-poubelle par ses habitants. La métropole est cependant dynamisée par l’énergie des citadins.
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Au début des années 1970, Kinshasa, port fluvial relié par voie ferrée à la porte océane, Matadi, était un grand centre industriel et commercial. La « zaïrianisation » (1973-1974) et les pillages de 1991 et 1993 ont détruit nombre d’usines et l’économie formelle ne renaît que lentement. Elle est aujourd’hui dominée par le commerce (50 % du produit urbain mesuré) ; les activités agricoles intra et périurbaines, surtout maraîchères, sont plus importantes que la production manufacturière en valeur. L’économie informelle est prédominante : elle assure 1 million d’emplois et 90 % du revenu monétaire des ménages, sans pour autant réduire la pauvreté : 42% des Kinois vivent avec moins de 1,25 dollar/jour.
Kinshasa est surtout un immense marché de consommation approvisionné par l’extérieur et des systèmes marchands qui hybrident formel et informel, surpassant la faible connexion au reste du pays et au monde par les réseaux de transports. Ils assurent le ravitaillement en céréales, viandes et poissons congelés importés via Matadi, en racines, tubercules, bois et charbon de bois provenant du Bas-Congo, du Bandundu, de l’Équateur, du Kasaï occidental. En quasi-totalité, les produits manufacturés, dont les textiles et la haute technologie, sont importés par des réseaux déployés hors d’Afrique et utilisant les marchés de Kinshasa comme hubs de redistribution dans tout le pays.
À cet ancrage mondial s’ajoutent les vibrations culturelles d’une métropole dont les créations artistiques rayonnent à l’échelle planétaire. Le culte du corps et l’exaltation de l’élégance confèrent à la Sape (Société des ambianceurs et des personnes élégantes), aux modes vestimentaires et au langage des pagnes une notoriété internationale dont Londres est une vitrine. Les rythmes de la rumba, nourris d’échanges permanents avec Cuba et la Colombie, ont conquis le monde. Les sculptures, peintures naïves et photos kinoises sont exposées en Amérique du Nord et en Europe, où des doubles de quartiers de Kinshasa sont nés, comme Matonge à Bruxelles. Si Kinshasa est décrite comme une « ville folle », elle le doit à la fureur de vivre de ses habitants.
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