Si la culture illicite du cannabis, dont le Maroc est le champion mondial (47 000 ha dans le Rif), concerne tout le continent, la production de résine se concentre en Afrique du Nord et au Nigeria, grand fournisseur de la Chine selon l’Organisation internationale de contrôle des stupéfiants. Surtout, l’Afrique est devenue une plaque tournante des trafics de cocaïne, d’héroïne et de drogues de synthèse comme la méthamphétamine, en développement rapide. L’héroïne afghane, qui arrive par bateau, transite par l’Afrique orientale pour gagner l’Europe ; la cocaïne provenant d’Amérique latine par avion traverse l’Afrique occidentale, le Sahara puis l’Afrique du Nord. En Afrique australe, les réseaux sont dominés par des trafiquants chinois et des pays balkaniques.
L’intensification des flux de transit est accompagnée d’une augmentation de la consommation africaine, de la prolifération de laboratoires clandestins – produisant en particulier des drogues de synthèse – et d’une multiplication de groupes criminels organisés, qui cherchent à élargir les marchés locaux. Profitant de la faiblesse des contrôles étatiques et recourant à la téléphonie mobile et aux TIC, ces derniers ciblent les jeunes et les classes moyennes. La toxicomanie progresse : en 2015, l’Afrique est au troisième rang mondial pour le nombre de consommateurs de drogues (57 millions) – après l’Asie (99 millions) et l’Amérique du Nord (61 millions) –, au deuxième rang pour le cannabis et les drogues de synthèse. Des pays de transit deviennent des marchés consommateurs (Bénin, Namibie), d’autres se transforment en narco-États mafieux (Guinée-Bissau, Libye).
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D’anciennes filières illicites ont été dynamisées dans les années 2000 : bois, « minerais du sang » (or, étain, coltan et tungstène en RDC, diamant en RCA), cigarettes au Niger et au Mali, armes partout. Le braconnage d’espèces animales a changé d’échelle. Les marchés mondiaux de l’ivoire d’éléphant et de la corne de rhinocéros, soutenus par la demande asiatique (Chine et Thaïlande), sont approvisionnés par l’Afrique centrale, orientale et australe. Stimulés par les prix – la corne a atteint 20 000 à 30 000 dollars/kg en Asie, l’ivoire brut 2 000 dollars –, les abattages sont massifs : il reste 450 000 éléphants en 2015 (1,3 million en 1989), 50 000 sont tués tous les ans et ils pourraient disparaître en 2035.
Les marchés criminels se diversifient. Le trafic illégal de migrants (smuggling) vers l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie est organisé par des réseaux associant de nombreux acteurs locaux : rabatteurs, convoyeurs et passeurs de frontières. La traite d’êtres humains (trafficking) – travail forcé, exploitation sexuelle, trafic d’organes –, dénoncée par l’ONU, affecte tout le continent. La piraterie maritime (au large de la Somalie, dans le golfe de Guinée) est devenue courante, et des mafias européennes exportent des déchets toxiques en Afrique. L’essor de la cybercriminalité symbolise la diversification des marchés. En 2012, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria figuraient parmi les dix premières provenances d’attaques informatiques. La cybersécurité est devenue une des priorités de l’Union africaine.
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