Eric abattit son poing sur le bouton d’alarme anticollision. Le hurlement électronique se répercuta dans les moindres recoins du navire.
A une distance aussi courte, pas question de déployer le système Gatling de défense rapprochée ; pourtant, Mark le mit en batterie pour la deuxième salve qui n’allait pas manquer de partir.
Quelques roquettes s’égarèrent au loin, éclatant sans dommage au milieu de la mangrove. Mais même s’il n’offrait que sa proue aux attaques, l’Oregon constituait une cible de choix. Des roquettes RPG s’abattirent sur la proue, arrachant le bastingage et une patte de l’une des ancres. D’autres explosèrent contre les volets fermés de la superstructure.
Son blindage permit à l’Oregon de résister à ce déluge de feu qui aurait réduit en miettes tout autre navire. Par endroits, les roquettes avaient entamé l’acier, et toute la peinture de la superstructure avait été brûlée, mais aucune de ces grenades n’avait réussi à pénétrer. Pourtant, il demeurait des zones sensibles. Le navire n’était pas complètement à l’abri d’une attaque à la roquette. Le radar ultra perfectionné était dissimulé dans la fausse cheminée, et un coup bien placé pouvait le détruire.
— Ça arrive, lança une voix dans la radio un court instant avant que la première roquette RPG ne touche le navire.
L’explosion à la proue fut si forte, qu’en attendant la deuxième, ils prirent la précaution de se boucher les oreilles avec les mains et de garder la bouche ouverte, de peur que la différence de pression dans les sinus ne fasse éclater les tympans.
La superstructure résonna comme une cloche géante. A chaque explosion, les hommes titubaient en arrière bien qu’ils fussent assez éloignés du lieu de l’impact. Dans ces zones-là, les déflagrations étaient mortelles. L’un des pirates, appuyé contre une cloison, fut éventré, tandis que ses deux compagnons perdaient définitivement l’ouïe.
— Dis à Eric de nous éloigner de cet enfer, hurla Juan dans son micro.
Aussitôt après avoir appuyé sur le bouton d’alarme, Eric débrancha le GPS et reconfigura la vision sur l’écran central de façon à ce que sur une moitié apparaisse le sillage de l’Oregon et sur l’autre le repaire des pirates. Il n’avait ni le temps ni la place de faire virer ce navire de cent cinquante-deux mètres.
Une fois encore, il fit machine arrière.
Le canal était si étroit qu’il avait l’impression de vouloir enfiler un fil sur une aiguille avec des moufles. Au moins le premier kilomètre et demi était-il en ligne droite, ce qui lui permit d’augmenter la puissance. Malheureusement, la superstructure offrait une vaste prise au vent qui venait de se lever.
Deux roquettes RPG partirent du quai. Cette fois-ci, Mark avait eu le temps de sortir la mitrailleuse Gatling à six tubes, qui se mit à cracher à près de mille coups à la minute.
Les roquettes russes vinrent s’écraser contre le rideau de balles de 20 mm et les deux charges explosèrent au-dessus de l’eau, tandis que le quai était haché menu par les autres munitions. Mark s’aperçut alors que les pirates s’apprêtaient à poursuivre l’Oregon à bord de leurs bateaux de pêche. Ils ne constituaient pas un danger une fois en mer, mais dans la mangrove ils conservaient l’avantage.
Mark visa le long de la coque du premier bateau et lâcha une rafale d’une seconde. Les balles ouvrirent une tranchée dans l’eau juste à côté de l’embarcation, forçant les rebelles à s’aplatir. Ils quittèrent leur bateau et avaient franchi la moitié de la jetée lorsque Murphy tira de nouveau.
Le petit bateau se désintégra en un nuage d’éclats de bois, de métal et de verre. Lorsque le réservoir de carburant explosa, les pirates furent jetés au sol et une épaisse fumée s’éleva dans les airs.
Le deuxième bateau avait déjà quitté le quai lorsque ses occupants comprirent qu’ils allaient constituer la nouvelle cible. Mark faillit éclater de rire en les voyant sauter du bateau sans se soucier du sort de leurs camarades. Lorsque tous se furent échappés, il tira. La cabine de pilotage fut pulvérisée comme une cabane de jardin prise dans une tornade. La proue pratiquement détruite, les gaz ouverts à fond, l’eau s’engouffra dans la coque éventrée et le bateau coula en quelques instants comme un sous-marin plongeant sous la surface. Sauf qu’il ne réapparut pas.
Dans la superstructure, Juan et ses deux équipiers reprirent la chasse. Incapable d’entendre Linda parce que ses oreilles bourdonnaient encore, Juan se fiait à son instinct de chasseur. Ils se déplaçaient en silence, et, méthodiquement, inspectaient le moindre recoin. En pénétrant dans la sinistre salle où l’une des roquettes avait fait explosion, ils se précipitèrent sur les deux pirates rendus complètement sourds. Le troisième, lui, ressemblait à une poupée de chiffons éventrée.
Les explosions et les mouvements du navire avaient paniqué les pirates. Ils hurlaient dans l’obscurité et certains s’arrachaient les ongles sur les cloisons en métal. Ils ne se doutaient pas qu’on les observait. Et puis soudain, une aiguille s’enfonça dans leurs chairs.
Si ces hommes n’avaient pas attaqué d’innocents navires au large des côtes, Juan aurait presque éprouvé de la pitié pour eux. Mais il ressentait à leur égard le mépris de tout marin et c’est sans remords qu’il envoya le dernier au pays des rêves.
— Terminé, Linda, annonça-t-il. Débloque la superstructure et envoie du renfort par ici. Dis à Huxley de soigner les blessés du mieux qu’elle peut, mais je veux que ces ordures aient quitté le navire d’ici une demi-heure.
Juan ôta ses lunettes de vision nocturne dès l’ouverture des volets et l’allumage des néons, puis essuya d’un revers de manche son front trempé de sueur. Il savait que la température élevée n’était pas la seule cause de cet accès de transpiration.
Quelques instants plus tard la superstructure grouillait de monde venu s’occuper des pirates inconscients. Giuseppe fit son apparition, une bouteille d’eau à la main qu’il tendit à Juan, puis les deux hommes se dirigèrent vers le Centre d’opérations. L’Italien dut allonger le pas pour rester à hauteur du président.
— Je me disais, mon ami, qu’il serait pas mal de garder certains de ces hommes pour les mettre avec Didi quand nous le placerons dans le bateau de pêche, dit Giuseppe.
Juan réfléchit un moment.
— Ça serait plus crédible que si on le trouvait tout seul sur son yacht ?
— Oui.
— Avez-vous suffisamment de cette drogue qui efface les souvenirs ?
— Je devrais en avoir assez pour deux personnes supplémentaires.
— Dans ce cas d’accord, dit Juan au moment où ils pénétraient dans le centre nerveux du navire.
D’un coup d’œil, Juan prit connaissance de la situation. Ils étaient suffisamment loin du camp des rebelles pour ne plus craindre les roquettes RPG, et comme il ne voyait aucun bateau lancé à leur poursuite, il en déduisit que Murphy s’en était débarrassé. Eric avait fait reculer l’Oregon qui se trouvait à présent presque dans l’axe du chenal.
— Comment vas-tu, monsieur Stone ?
— J’ai l’impression de vider la mer avec un seau. Entre la marée montante, le vent qui se lève et les hauts-fonds… je ne comprends pas comment tu as pu nous amener ici.
— Tu veux que je prenne les commandes ?
— Je préférerais essayer moi-même d’abord.
— Attention, on est attaqués ! hurla soudain Murphy.
L’équipage n’avait pas remarqué un chemin longeant le canal sur lequel les rebelles, à bord de camions, poursuivaient à présent le cargo. Alors que celui-ci ralentissait pour se remettre dans l’axe, ils tirèrent de nouvelles roquettes RPG.
La mitrailleuse Gatling était toujours en batterie, mais Murphy avait cessé de faire tourner les tubes. Il appuya sur un bouton et ouvrit le feu. Trop tard pour les deux premières roquettes qui s’abattirent sans dommage sur la coque, mais il parvint à en abattre deux autres en plein vol.
— Je prends les commandes, lança Juan.
— Entendu, répondit aussitôt Eric.
Alors que ce dernier effectuait son demi-tour méthodiquement, avec lenteur, Juan poussa les moteurs à fond et enclencha la propulsion de proue puisqu’ils se trouvaient encore en marche arrière.
La Vulcan Gatling hurla de nouveau avec un bruit de scie industrielle. Sur le sentier, l’avant d’un des camions fut coupé en deux, éparpillant autour de lui hommes et armes dans un jaillissement de verre et de métal. Le camion finit sa course sur le toit et s’enfonça dans le sol exhibant ses roues arrière qui tournaient encore.
Un deuxième pick-up fut touché sur le flanc et son réservoir explosa dans une gerbe de flammes et de fumée. Mark s’apprêtait à tirer sur le troisième lorsqu’il disparut derrière un gros bouquet de végétation. Il attendit que le véhicule réapparaisse de l’autre côté des arbres, mais les secondes s’écoulèrent sans qu’il se passât rien.
A travers l’objectif du dispositif de visée, il lui sembla déceler du mouvement dans la végétation mais il choisit de ne pas ouvrir le feu. Alors que le navire accélérait, l’angle de tir se modifiait. Bientôt, il lui faudrait quitter la Vulcan montée près de la proue pour la deuxième, installée à la poupe. Mark activa l’ouverture hydraulique du volet. Les panneaux métalliques glissèrent sur le côté, révélant la mitrailleuse à six tubes, mais il faudrait encore un moment pour qu’elle sorte et que la caméra soit branchée sur son moniteur. Soudain, la jungle qu’il surveillait s’illumina d’une multitude d’éclairs, et une seconde plus tard, des munitions de 20 mm antiaériennes tirées depuis un camion raclèrent les flancs de l’Oregon. A la différence des RPG, les obus renforcés du canon percèrent le blindage du navire et semèrent la désolation à l’intérieur.
Heureusement, les ballasts de l’Oregon étaient remplis, ce qui le faisait paraître lourdement chargé et n’exposait qu’un seul de ses ponts secrets. Un obus pénétra dans la salle de réunion, détruisant deux fauteuils en cuir avant de s’encastrer dans la paroi du fond. Un autre atteignit l’office et détruisit une palette de sacs de farine, recouvrant toute la pièce d’un épais manteau blanc. Un troisième explosa dans la cabine d’un ingénieur qui n’était pas en service. Occupé à observer la bataille sur le circuit interne de télévision, l’homme reçut une multitude d’éclats dans le dos.
Tout cela se produisit en un clin d’œil et Mark ne put rien y faire. Il était impuissant tant que l’ordinateur ne lui annonçait pas que la deuxième mitrailleuse était prête.
— Qu’est-ce que c’est que ce merdier ? grommela Juan sans détourner son attention de la délicate manœuvre qu’il était en train d’accomplir.
— Plus qu’une sec…
L’écran de Murphy devint vert et il déclencha le tir. La salve hacha la jungle où se dissimulait le camion. Des arbres de trente centimètres d’épaisseur furent fauchés comme des tiges de blé. L’un d’eux s’abattit sur le sol dans un nuage de bois et de feuilles, écrasant le camion et ses deux canons, mais Mark n’interrompit le torrent de balles que lorsque les arbres eurent disparu et que le camion et ses occupants ne furent plus qu’un amas de métal broyé et de chair brûlée.
L’Oregon avait à présent effectué la moitié de son demi-tour. Juan avait exécuté la manœuvre avec la précision d’un chauffeur de camion et la proue frôla la rive à quelques centimètres. Quelqu’un appuyé au bastingage aurait pu arracher des feuilles aux branches des arbres. Puis le gros navire pivota et sa proue fit face à l’est, en direction de la mer.
Eric lança à Juan un regard empreint de respect. Jamais il n’aurait osé manœuvrer aussi rapidement dans un chenal aussi étroit.
— Tu crois pouvoir continuer à partir d’ici ? demanda celui-ci à son pilote.
— C’est comme si c’était fait.
Le navire enregistra automatiquement sa position grâce au bouquet de satellites GPS. Maintenant que le périlleux demi-tour avait été effectué, Eric n’avait plus qu’à parcourir le chemin inverse avec l’aide de l’ordinateur de navigation pour éviter les hauts-fonds et les écueils. Il avait déjà la position exacte du bateau de pêche abandonné qui n’attendait plus que Mohammed Didi.
Juan quitta son fauteuil et se tourna vers Giuseppe Farina.
— Allons voir qui vous voulez garder et qui vous voulez renvoyer à terre. Je veux que ces pirates soient dehors avant que nous ayons quitté la mangrove.
Il conduisit l’observateur italien plusieurs ponts en dessous, jusqu’au garage à bateaux. Là, près de la ligne de flottaison, une porte pouvait s’ouvrir sur la mer, avec une rampe de lancement recouverte de teflon, pour la rendre plus glissante. On pouvait ainsi lancer des zodiacs ou son RHIB, une chaloupe rigide et gonflable. Cette embarcation-là avait été conçue pour les commandos SEAL de la marine, avec une poche d’air autour de la coque pour lui permettre de flotter dans n’importe quelles conditions, et deux puissants moteurs hors-bord capables de l’entraîner à plus de cinquante nœuds. Le garage était éclairé au néon, mais on pouvait aussi utiliser des lampes de bataille rouges pour les opérations de nuit.
L’équipage avait déjà gonflé un gros canot noir et y avait déposé les pirates inconscients et ligotés. Une fois réveillés, ils pourraient se détacher et ramer jusqu’au rivage. Huxley soignait encore les blessés à l’infirmerie, tandis que les morts seraient jetés à la mer.
— On prendra celui-ci, celui-là, et l’autre, là-bas au fond, dit Farina en montrant Malik et Aziz. Quand ils sont montés à bord, ils avaient l’air de chefs. Allez savoir, ils auront peut-être des renseignements à donner.
— A mon avis, on ne tirera rien du plus jeune. Il fume plus de shit qu’un hippie à un concert du Grateful Dead.
— Ils ne jouent plus, vous savez, rétorqua Farina en souriant.
— Vous voyez bien ce que je veux dire.
— On essayera quand même. Une petite désintoxication forcée lui fera peut-être du bien.
Une demi-heure plus tard, Huxley arriva dans le garage en compagnie de deux marins qui faisaient office d’infirmiers. Ils amenèrent plusieurs blessés sur des civières.
— Comment vont-ils ? demanda Juan.
— Nous avons un blessé, répondit Huxley.
— Hein ? Pourquoi est-ce qu’on ne m’a rien dit ?
— Ça ne servait à rien avant qu’il soit tiré d’affaire.
— Qui est-ce ? Que s’est-il passé ?
— C’est Sam Pryor. Un obus triple A a pénétré dans sa cabine. Il a reçu des éclats dans le dos. J’ai retiré une vingtaine de petits fragments. Il a perdu beaucoup de sang et il a des muscles déchirés, mais ça ira.
— Dieu merci. (Il se dit qu’il réprimanderait Mark Murphy pour n’avoir pas mis en batterie plus tôt la mitrailleuse Gatling de poupe.) Et ces types, là ?
— Deux sont devenus sourds. Je ne sais pas si c’est définitif et de toute façon je ne pourrais pas faire grand-chose. Deux autres ont des blessures superficielles. J’ai retiré les shrapnels, je les ai lavés, habillés, et je leur ai injecté des doses massives d’antibiotiques. S’ils sont infectés, ça va être dur pour eux, étant donné leurs conditions de vie.
Les deux Somalis blessés avaient reçu un sachet en nylon qui devait contenir des médicaments et des instructions écrites sur la façon de les utiliser, mais Juan se dit qu’ils ne les prendraient pas et que ces médicaments ne tarderaient pas à se retrouver au marché noir.
On installa les blessés dans le canot et on ouvrit la porte. Juan appela le centre d’opérations et demanda à Eric d’immobiliser le navire, ce qui fut fait en quelques minutes étant donné leur allure réduite. Par l’ouverture de la porte, on apercevait la végétation luxuriante de la mangrove. Avec la marée montante, le canot serait déporté vers l’ouest avant de s’échouer dans le marais. Les hommes se réveilleraient d’ici une heure, et, en dehors d’une légère déshydratation, ne devraient guère souffrir.
Il aida ses hommes à pousser le canot sur la rampe. L’embarcation toucha l’eau sans éclaboussures et ne tarda pas à s’éloigner du navire.
Juan appuya une nouvelle fois sur le bouton de l’interphone.
— C’est bon, Eric, repars doucement, et quand ils seront à quatre cents mètres de la poupe, pousse à fond et conduis-nous au bateau de pêche.
— Compris.
Une demi-heure plus tard, Juan et Giuseppe Farina se retrouvaient sur le pont supérieur. Les membres de l’équipage travaillaient à réparer les dégâts superficiels causés par les roquettes RPG. On remplaçait les parties de bastingage arrachées et on recouvrait d’épaisse peinture marine les endroits éraflés. D’autres marins, installés dans des nacelles suspendues, réparaient les trous forés par les obus dans le blindage de la coque. D’autres enfin remplaçaient dans les cabines les meubles et matelas endommagés. Max Hanley, de son côté, dressait la liste de tout ce qu’il faudrait acheter pour rendre le cargo à sa « gloire » ancienne.
L’Oregon taillait sa route à plus de trente nœuds, bien loin de sa vitesse maximale, lorsque la voix haut perchée de Linda retentit dans le minuscule haut-parleur.
— Président, nous avons un écho radar à quatre miles devant nous.
Juan saisit une paire de jumelles et aperçut effectivement un petit point sur l’océan désert. Quelques instants plus tard, il distinguait un bateau de pêche très semblable à celui qui les avait attaqués.
— Quand donc le destroyer américain doit-il arriver dans la zone ? demanda Juan.
— Demain à l’aube. Ça nous laisse amplement le temps de disparaître dans la nuit. A ce moment-là, Didi et les autres ne seront pas encore réveillés, et si jamais ils l’étaient, ils seraient tellement abrutis par les médicaments qu’ils seraient dociles comme des agneaux. Et ne vous inquiétez pas, leur bateau n’a ni radio ni essence, et il n’y a absolument aucun risque qu’un autre navire apparaisse avant votre bâtiment.
Eric amena l’Oregon contre le flanc du vieux bateau de pêche, de façon à ce que les hommes du garage à bateaux puissent sauter à bord et l’amarrer au cargo. Juan et Farina amenèrent Mohammed Didi sur le bateau malodorant et l’installèrent dans la cabine de pilotage. A ce moment-là, sa tête heurta le montant d’une couchette avec un bruit des plus satisfaisants.
Juan Cabrillo regarda le seigneur de la guerre avec un mépris non dissimulé.
— Pour tout le mal que tu as fait, on aurait dû t’amener à Guantanamo, mais c’était pas mon boulot. La pire cellule dans la pire prison du monde serait encore trop douce pour toi. Après la vie que tu as menée, la prison en Europe te semblera des vacances, alors quand on te condamnera à perpète, j’espère que tu auras le bon goût de mourir sur-le-champ.
De retour sur le pont, il ne put cependant s’empêcher d’éclater de rire. Linc et Eddie avaient attaché Aziz sur une chaise avec une canne à pêche dans une main et une bouteille de bière scotchée dans l’autre.
A peine les amarres larguées, la voix de Hali Kasim, le spécialiste des communications à bord de l’Oregon, retentit dans l’interphone :
— Juan, tu as un appel urgent de Langston Overholt.
— Transmets-le ici. Allô, Lang ? C’est Juan. Sachez d’abord que vous êtes sur haut-parleur. Notre représentant italien est avec moi.
— On laisse tomber les plaisanteries, dit Overholt depuis son bureau de Langley. En combien de temps pouvez-vous être à Tripoli ?
— Ça dépend du trafic sur le canal de Suez. Peut-être dans quatre jours. Pourquoi ?
— La secrétaire d’Etat était partie là-bas pour des conversations préliminaires. On vient de perdre la trace de son avion. On craint qu’il se soit écrasé.
— On sera là-bas dans trois jours.