Le plan de Juan Cabrillo pour capturer Mohammed Didi était des plus simples. Dès qu’il pénétrerait dans la superstructure avec son entourage, il serait encerclé par des hommes armés. La surprise à elle seule était gage de réussite, et d’une réussite en douceur. Une fois le bonhomme capturé, ne restait plus qu’à foncer vers l’océan. Aucun de leurs bateaux de pêche ne pourrait prétendre les rattraper, et nulle part, Juan n’avait vu d’indice permettant de penser que les rebelles disposaient d’un hélicoptère.
Il était tellement confiant qu’il ne songeait même pas à participer en personne à l’action. Eddie Seng, qui avait pris l’identité du capitaine Kwan, dirigerait l’équipe. Comme Cabrillo, Eddie était un vétéran de la CIA, et l’un des plus redoutables combattants de l’Oregon. Pour l’aider, comme toujours, Franklin Lincoln, ancien des SEAL, qui se trouvait sur le pont lors de l’abordage par les pirates, et que ces derniers avaient pris à tort pour un Africain. Originaire de Detroit, Linc était d’un flegme à toute épreuve.
Les yeux rivés sur l’écran, Cabrillo vit alors ses rêves s’évanouir.
Installée en haut d’une des grues de chargement, la caméra balayait complètement le quai. Au moment de monter à bord, Didi s’immobilisa, échangea quelques mots avec ses compagnons et fit un pas de côté. Des dizaines de Somalis se ruèrent alors sur le pont du cargo en hurlant comme des sorcières.
— Président ! s’écria Mark Murphy.
— Je vois.
— Qu’allez-vous faire ? demanda Giuseppe Farina.
— Donnez-moi une seconde. (Juan ne parvenait pas à détacher ses yeux de l’écran. Il appuya sur une touche incrustée dans l’accoudoir de son fauteuil.) Eddie, tu as vu ça ?
— Je suis devant un moniteur, ici, en bas. Apparemment, le plan A est à l’eau. Qu’est-ce que tu proposes ?
— Ne bouge pas et reste hors de vue jusqu’à ce que je trouve une solution.
Mohammed Didi finit par escalader à son tour l’échelle de coupée, mais il y avait déjà une centaine de Somalis à bord du navire et d’autres se bousculaient derrière leur chef.
Juan passa en revue les options disponibles. L’Oregon et son équipage disposaient d’une puissance de feu suffisante pour abattre jusqu’au dernier Somali, mais il refusa même de l’envisager. La Corporation était une entreprise mercenaire, une société de sécurité et de surveillance à but lucratif, mais il y avait des limites que jamais elle ne franchirait. Jamais ils ne tueraient de civils aveuglément. Abattre des types brandissant des AK-47 ne l’empêcherait pas de dormir, mais dans cette foule il y avait aussi des femmes et des enfants.
Eric Stone fit irruption dans le Centre d’opérations par une porte située à l’arrière. Il était encore vêtu comme Duane Maryweather.
— Excusez mon retard. Apparemment, il y a plus de monde que prévu à notre petite fête.
Il prit un siège devant le poste de navigation et salua Murphy en échangeant un petit coup, poing contre poing. Les deux hommes étaient très amis. En dépit de quatre années passées à Annapolis et six dans la Navy, Stone ne s’était jamais départi de son allure d’étudiant sérieux et un peu timide. Il était le plus souvent vêtu d’un pantalon chino et d’une chemise à col ouvert, et aux tracas des lentilles de contact avait toujours préféré les lunettes.
Mark Murphy, lui, cultivait une apparence de surfer punk. Authentique génie, il avait travaillé comme designer pour l’industrie d’armement, et avait fait à cette occasion la connaissance d’Eric. Aucun des deux n’avait encore trente ans. Mark, habituellement vêtu de noir, gardait volontairement la tignasse emmêlée. Cela faisait deux mois qu’il se laissait pousser le bouc, mais sans grand résultat.
Bien que tout semblât les opposer, ils formaient à eux deux l’une des meilleures équipes du navire et montraient une étonnante capacité à deviner les moindres pensées de Cabrillo.
— Abaissez les… commença Cabrillo.
— Les canons à eau, termina Murphy. Déjà fait.
— Attendez mon ordre pour tirer.
— Entendu.
Juan lança un regard à Linda Ross, vice-présidente de la Corporation pour les opérations. Elle aussi ancienne de la Navy, Linda avait travaillé sur un croiseur Aegis avant d’exercer des fonctions d’assistante auprès du haut état-major, ce qui la rendait également apte au combat naval et aux tâches administratives. Elle avait un visage d’elfe, des yeux brillants taillés en amande, le nez et les joues parsemés de taches de rousseur. Ses cheveux étaient ce jour-là d’un blond vénitien, mais elle changeait fréquemment de couleur. Elle avait également une voix haut perchée, presque semblable à celle d’une petite fille, plutôt incongrue lorsqu’il s’agissait de lancer des ordres au combat. Mais elle était aussi bon officier que n’importe quel homme à bord.
— Linda, dit Juan, je veux que tu surveilles Didi. Suis-le partout avec les caméras et préviens-moi au moment même où il pénètre dans la cale.
— Compris.
— Giuseppe, vous devez être satisfait : Didi est monté à bord de son plein gré.
— Il est à vous, maintenant.
Juan prit à nouveau le micro.
— Eddie, Linc, retrouvez-moi au Magasin de magie, au pas de course !
Il glissa une radio portable dans une poche et coiffa des écouteurs de façon à demeurer en permanence en communication. Avant de quitter la salle, il demanda à Hali Kasim de le mettre en contact avec Kevin Nixon, magicien en chef du Magasin. Dans l’escalier, où il s’était rué plutôt que de prendre l’ascenseur, Cabrillo expliqua ce qu’il voulait à l’ancien maquilleur de Hollywood. Après cela, il joignit Max Hanley et lui transmit ses ordres. Max grommela en écoutant ce que Juan voulait faire, sachant que tout cela donnerait ensuite des migraines à ses ingénieurs, mais il dut reconnaître que l’idée était bonne.
Juan arriva au Magasin de magie sur les talons d’Eddie et de Linc. L’endroit tenait tout à la fois du salon de coiffure et du placard à vêtements. Le long d’une cloison on apercevait une table de maquillage avec un miroir, tandis que le reste de la pièce était occupé par des vêtements suspendus à des cintres, du matériel d’effets spéciaux et des objets divers.
Les deux chiens de chasse, comme les appelait Max, étaient vêtus d’uniformes noirs de combat bardés de poches pour les munitions, couteaux de combat et autres accessoires. Ils étaient également armés de fusils d’assaut Barrett REC7, probablement destinés à remplacer les M16.
— Laissez tomber la quincaillerie, lança Cabrillo.
Sortant d’une vaste salle où étaient entreposés les déguisements, Kevin fit alors irruption dans le Magasin de magie. Il apportait avec lui des dishdashas, une sorte de longue robe couramment portée dans la région. Evidemment, ces robes, autrefois blanches, avaient été artificiellement vieillies et usées. Les deux hommes les enfilèrent par-dessus leurs vêtements. Linc avait l’air boudiné comme une saucisse, mais au moins, à part ses bottes de combat, son uniforme noir était-il dissimulé.
Nixon leur donna également des turbans qu’ils entreprirent d’enrouler autour de leurs têtes tandis qu’il leur appliquait du maquillage. Perfectionniste, Kevin détestait le travail bâclé, mais l’impatience de Cabrillo était visible.
— Pas besoin que ça soit parfait, dit Juan. Les gens voient ce qu’ils ont envie de voir. C’est la règle numéro un dans le déguisement.
La voix de Linda résonna dans ses écouteurs.
— Dans deux minutes environ, Didi va atteindre la cale principale.
— Trop tôt. On n’est pas encore prêts. Il y a quelqu’un sur le pont ?
— Deux jeunes sont en train de jouer avec la barre.
— Fais donner la corne de brume et envoie le son dans la cale par le réseau de haut-parleurs.
— Pourquoi ?
— Fais-moi confiance, répondit Juan.
Le beuglement de la corne de brume retentit dans la mangrove, provoquant l’envol d’une multitude d’oiseaux et faisant s’enfuir les chiens du camp, la queue entre les pattes. Dans la coursive où se trouvaient Mohammed Didi et ses hommes, le fracas fut ressenti comme une véritable agression sonore. Ils eurent beau se couvrir les oreilles de leurs mains, rien n’y faisait.
— Bien vu, dit Linda au directeur. Didi s’est arrêté et a envoyé un de ses hommes dans le poste de pilotage. Les jeunes vont en prendre pour leur grade.
— Que se passe-t-il, ailleurs ?
— La corne de brume n’a pas arrêté les pillages. Je vois deux femmes en train d’emporter le matelas de la cabine du capitaine. Deux autres sont en train de décrocher ces horribles tableaux de clowns. Et ne me demande pas pourquoi, mais il y a un type qui cherche à démonter le siège des toilettes.
— D’une certaine façon, c’est un trône.
Kevin termina son maquillage au moment même où l’homme envoyé par Didi faisait irruption dans la cabine de pilotage et distribuait quelques paires de claques aux deux gamins.
Linda coupa la corne de brume avant même que la main du pirate n’eût atteint le tableau de commandes. L’homme se montra surpris puis haussa les épaules et retourna auprès de son chef.
Dans le Magasin de magie, l’armurier qui venait d’arriver leur tendit trois Kalashnikov AK-47. Ces armes semblaient en aussi mauvais état que celles des pirates, mais comme tout à bord de l’Oregon, il s’agissait d’une ruse : elles fonctionnaient parfaitement. Il leur donna aussi des masques à gaz qu’ils glissèrent dans les poches de leurs dishdashas.
— Vous nous avez fait descendre et vous nous déguisez en Somalis, dit Linc, mais je ne connais pas le plan.
— Avec tous ces rebelles armés, on ne peut pas se pointer vers Didi en costumes de ninjas. Il faut l’approcher sans éveiller de soupçons.
— De là les robes, fit Eddie.
— Dans tout ce tohu-bohu, on passera inaperçus, dit Juan. On se fondra dans la foule en attendant le moment propice.
— Si Didi ouvre l’un des fûts de nitrate d’ammonium et qu’il découvre qu’il est rempli d’eau de mer, il va sentir le piège et fuir aussitôt l’Oregon.
— Pourquoi croyez-vous qu’on se dépêche ? Kevin ?
Nixon fit un pas en arrière et contempla son œuvre. Puis il fouilla dans un tiroir, en sortit deux paires de lunettes noires de style aviateur et les tendit à Juan et à Eddie. La couleur de la peau était acceptable, mais sans latex, il ne pouvait guère modifier les traits. Avec un peu de temps, il aurait pu les transformer en jumeaux de Didi, mais avec les lunettes noires, il sembla satisfait. Il hocha la tête et s’apprêtait à donner son satisfecit lorsqu’il s’aperçut que Juan entraînait déjà les deux hommes hors de la salle.
— Linda, où est Didi, à présent ? demanda Juan dans sa radio.
— Ils sont juste devant la cale. Il y a une douzaine d’hommes avec lui. Tous armés jusqu’aux dents. Et le chef pirate, Hakim, a un sourire jusqu’aux oreilles.
— Ça m’étonne pas. Mais pas pour longtemps.
Juan conduisit Linc et Eddie face à une porte donnant sur l’une des coursives, et souleva un judas dans un miroir sans tain ; voyant que la salle était plongée dans l’obscurité, il ouvrit la porte et les trois hommes franchirent le seuil. Ils se retrouvèrent dans une sorte de placard à fournitures équipé d’un évier, avec des seaux, des balais et des étagères remplies de produits d’entretien. C’était l’un des nombreux passages entre les deux parties de l’Oregon.
Au moment d’ouvrir la porte donnant sur la partie publique du navire, Juan prit soudain conscience qu’il se retrouvait à présent en situation de combat. L’adrénaline se répandit en lui comme une drogue. Il retrouva les impressions anciennes : peur, anxiété, excitation, mais aussi la maîtrise de soi.
Aucun des membres de la Corporation n’aurait reconnu éprouver un tel vertige. Il imaginait déjà l’horreur de Linc et d’Eddie s’il leur avouait sa peur et leur demandait s’ils éprouvaient la même chose. Le bon soldat reconnaît sa peur mais se débrouille en même temps pour la transformer et la rendre utile au combat.
Juan ne perdit pas une seconde. Il ouvrit la porte et pénétra dans la partie publique du navire. Des femmes somalis passèrent devant lui, transportant un tapis roulé qu’elles avaient dû trouver dans une cabine. Elles ne lui accordèrent même pas un regard.
Les trois hommes gagnèrent en courant un escalier les menant plus profondément encore dans les entrailles du cargo. Lorsqu’ils arrivèrent en bas de l’escalier, un homme armé saisit Cabrillo par le bras et lui dit quelque chose en somali qu’il ne comprit pas.
— Je dois parler au seigneur Didi, dit Juan en arabe, en espérant que l’homme comprendrait cette langue.
— Non, il ne faut pas le déranger.
— Comme tu voudras, grommela Juan en anglais avant de lui balancer un violent uppercut qui souleva de terre le trop maigre Somali.
Linc et Eddie tirèrent l’homme inconscient sous l’escalier métallique.
— Celui-là, il ne faudra pas l’oublier à la fin de l’opération, dit Juan en se précipitant vers la cale.
D’après Linda Ross, Mohammed Didi y était arrivé depuis trois minutes et inspectait encore les camions.
— Comment réagit-il ?
— Comme un enfant dans un magasin de bonbons.
— Bon, je crois que le moment est venu. Dis à Max de commencer à envoyer la fumée et d’être prêt à utiliser les canons à eau. N’oublie pas : je veux que ces gens quittent le navire et qu’il n’y en ait pas d’autres qui montent à bord pour piller.
— Compris.
Le dispositif caché le plus important de l’Oregon était probablement son mode de propulsion. A la place du traditionnel moteur diesel, il était équipé de propulseurs magnétohydrodynamiques. Des aimants refroidis à l’hélium liquide captaient des électrons libres dans l’eau de mer, apportant au navire une source quasi inépuisable d’électricité ; cette énergie était ensuite utilisée pour alimenter quatre pompes à réaction projetant de l’eau à travers deux tubes directionnels sous la coque. Ce système de propulsion révolutionnaire permettait de mouvoir les onze mille tonnes du navire à une vitesse inimaginable. Mais pour conserver l’apparence d’un vieux cargo poussif, l’Oregon était également équipé de générateurs capables de projeter de la fumée par la cheminée.
C’était cette fumée que Max, grâce au système de ventilation, redirigeait dans la partie du navire que les Somalis croyaient maîtriser.
En approchant de la porte de la cale n° 3, Juan remarqua la fumée qui commençait à jaillir des grilles de ventilation du plafond. Dans moins d’un quart d’heure, le navire serait envahi de ce gaz toxique. On entendait des voix venues de l’intérieur de la cale.
— Prêts ? demanda Juan.
Eddie et Linc acquiescèrent.
Ils s’élancèrent dans la cale et Juan se mit à crier « au feu ! au feu ! ».
Occupés à examiner l’un des gros pick-up, Didi et la douzaine de pirates se retournèrent.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Il y a le feu. De la fumée, dit Juan qui savait que son accent saoudien devait sembler étrange au Somali. Ça vient de partout.
Didi jeta un coup d’œil aux fûts de nitrate d’ammonium. Songeait-il à les sortir du navire ou craignait-il surtout de les voir exploser ? La fumée sortait à présent des bouches de ventilation de la cale. Juan observait Hakim, qui le remarqua mais ne parvenait pas à saisir son regard derrière les lunettes noires.
La voix de Linda lui parvint dans les écouteurs dissimulés sous le turban.
— Les femmes et les enfants gagnent la passerelle, mais les combattants ne semblent pas plus inquiets que ça.
— Avez-vous vu vous-même les flammes ? demanda Didi.
— Euh, non, monsieur.
Un éclair passa dans les yeux du chef des pirates.
— Je ne vous connais pas. Quel est votre nom ?
— Farouk, monsieur.
— D’où êtes-vous ?
Incroyable. L’incendie menaçait et ce type lui faisait subir un interrogatoire.
— Ce n’est pas le moment, monsieur.
— Bon, ça va. Allons voir ce qui vous a fait tellement peur. Quelqu’un a peut-être tout simplement fait des grillades.
Juan fit signe à Eddie de les conduire dans la coursive menant à l’escalier. En dépit de la pression qu’exerçait Juan, Didi marchait lentement, au milieu du groupe. Au moment de franchir une porte étanche, Eddie jeta un bref coup d’œil en arrière. Juan acquiesça.
Dès que Mohammed Didi, précédé de Juan et de Linc, eut franchi la porte, un panneau d’acier dissimulé dans le plafond s’abattit avec force. La descente du panneau fut si rapide que les hommes piégés derrière n’eurent pas le temps de réagir.
Le groupe de pirates avait été ainsi coupé en deux, mais ils étaient encore nombreux.
— Que se passe-t-il ? demanda Didi à la cantonade.
Hakim se rappela alors l’histoire bizarre de Malik et d’Aziz au sujet de la disparition de l’équipage. Il promena autour de lui un regard effrayé, superstitieux. Il se passait des choses étranges sur ce navire, et sa soudaine envie de fuir n’avait rien à voir avec l’incendie.
Deux pirates s’efforcèrent en vain de soulever le panneau métallique, tandis que leurs camarades tambourinaient de l’autre côté. La fumée s’épaississait de seconde en seconde.
— Laissez-les, lança Didi, qui sentait lui aussi qu’il se passait des choses anormales.
Il s’élança dans l’escalier sans même remarquer l’absence du garde qu’il avait lui-même posté là.
Ce type a l’instinct de survie d’un rat, songea Juan. Il ralentit l’allure de façon à pouvoir parler au Centre d’opérations sans attirer l’attention.
— Linda, tu nous suis ?
— Oui.
— Avec tous ces gars, je ne peux pas m’emparer de Didi. Quand on sortira sur le pont, je veux que tu balances la sauce. Compris ?
— Compris.
Ils quittèrent la coursive par la prochaine entrée secrète et débouchèrent sur le pont principal, non loin de la passerelle. Au moment où ils posèrent le pied sur la superstructure, sous un soleil de plomb, un jet d’eau craché par un canon frappa violemment Didi à la poitrine, le projetant contre ses hommes et en renversant trois. Linc en saisit deux restés debout à bras-le-corps et leur entrechoqua la tête. Il aurait pu leur briser le crâne, mais il lui suffisait de les voir s’écrouler sur le pont, assommés.
Ignorant le torrent d’eau à ses pieds, Hakim se tourna vers Juan, sidéré. Le jet d’eau de mer avait lessivé son maquillage et arraché ses lunettes, révélant son teint pâle et ses yeux bleus. Son hurlement couvrit les plaintes des femmes frappées elles aussi de plein fouet. Il avait déjà sa Kalachnikov à la hanche lorsque Juan le poussa d’un coup d’épaule contre le bastingage.
Une rafale jaillit de l’AK-47, mais passa heureusement au-dessus des têtes des femmes et des enfants qui se pressaient autour de lui tout en attirant l’attention des hommes armés présents en nombre sur le pont.
Juan lui envoya un violent coup de coude dans le ventre et la Kalachnikov tomba sur le sol. Puis d’un coup de poing à la mâchoire, il le précipita par-dessus le bastingage. Hakim n’eut pas la chance de tomber à l’eau, dans l’étroite bande séparant le cargo du quai, mais alla s’écraser sur le bateau de pêche utilisé pour l’attaque de l’Oregon. En voyant l’angle bizarre de son cou, Juan comprit que le pirate était mort.
Il en fut ravi.
Il se fraya alors un chemin au milieu de la foule paniquée des Somalis qui prenaient de plein fouet le puissant jet d’eau du canon. Pris dans ce cyclone, ils ne semblaient pas remarquer sa peau blanche jusqu’à ce qu’un enfant d’environ six ans, transportant une pile de draps et de serviettes ne s’apprête à donner l’alerte. Juan lui pinça alors fortement le bras, espérant lui arracher un cri qui se serait perdu au milieu de ceux des autres enfants fuyant le navire. Au lieu de cela, le garçon se jeta sur le sol et entoura de ses bras la jambe de Juan. Ce dernier tenta de se dégager, mais l’enfant s’accrochait à lui avec la ténacité d’une murène. Puis il commit l’erreur de vouloir mordre Juan au mollet. N’ayant jamais vu de dentiste de sa vie, il ne réussit qu’à perdre quatre dents de lait. Du sang jaillit de sa bouche et il se mit à pleurer.
Juan se débarrassa de l’enfant et rejoignit son équipe.
— Allez, les gars !
Juan aida Linc à entraîner Didi plus loin dans la superstructure, tandis qu’Eddie les couvrait.
En dépit du jet qui s’abattait sur eux, les pirates finirent par s’apercevoir que leur chef était en danger. L’un d’entre eux lâcha même une courte rafale, sans se rendre compte qu’il risquait de toucher Didi.
Les balles ricochèrent contre le plafond avant de se perdre dans la coursive.
Eddie se rua sur lui, assomma le tireur de deux coups de crosse de son AK-47, plaça le sélecteur sur automatique et lâcha une longue rafale. Les trois derniers pirates s’aplatirent sur le sol, donnant à l’équipe le temps de tourner un coin.
Juan se mit alors en position de tir tout en écoutant Linda lui donner des informations sur les pirates encore présents à bord. Il y avait un Somali à quelques pas de lui. Il jeta un coup d’œil, l’aperçut de dos et lui abattit la crosse de son AK-47 sur l’arrière du crâne.
Soit il avait mal calculé son coup soit le pirate avait le crâne le plus dur du monde, quoi qu’il en soit, l’homme se retourna et lui enfonça dans l’estomac le canon de son arme pour l’éloigner et pouvoir lâcher une rafale.
D’un coup de pied, Juan plaqua le canon du fusil contre le mur, puis, se servant de son AK-47 comme d’une batte de base-ball, il frappa une deuxième fois le pirate à la tête. La joue ouverte, l’homme s’effondra sur le sol.
Le deuxième avertissement de Linda lui parvint au moment même où il relevait les yeux. Deux pirates jaillissaient du mess en tirant. Juan reçut une balle juste au-dessus de la cheville droite et vacilla. Au moment où il allait s’effondrer, Eddie le saisit par le bras et le tira en arrière, derrière le coin.
— Ça va ? demanda Seng.
Juan fléchit le genou.
— Je ne crois pas que la prothèse ait été trop abîmée.
Au cours d’une mission pour la National Underwater and Marine Agency, la NUMA, il avait reçu un éclat d’obus tiré par un destroyer chinois et on avait dû lui mettre une prothèse en dessous du genou. C’était là-dessus que l’enfant s’était cassé les dents.
Juan rajusta ses écouteurs.
— Dis-moi quelque chose, Linda.
— Les deux qui viennent de te tirer dessus se sont mis à l’abri dans le mess et il y en a six autres qui arrivent de derrière.
— Eddie, surveille derrière.
Juan traversa le couloir en courant et gagna une cabine qu’il ouvrit avec un passe. Destinée en principe au chef mécanicien, cette cabine était plus petite que celle du capitaine qu’Eddie avait précédemment utilisée. Pour maintenir l’illusion du vieux rafiot, le mobilier était bon marché et la décoration se réduisait à quelques affiches de corrida et à des voiliers en bouteille. Il gagna le cabinet de toilette. Au-dessus du lavabo en porcelaine, se trouvait un miroir fixé à la paroi avec de la colle. Il brisa le miroir d’un coup de crosse de son AK-47 et réduisit les fragments en petits morceaux. Il en prit un, de la taille d’une carte à jouer, et se rua hors de la cabine.
Après avoir regagné le coin de la coursive, il disposa le bout de miroir de façon à voir les deux pirates. Comme l’avait dit Linda, ils étaient tapis devant la porte du mess ; l’un penché en avant, l’autre au-dessus de lui. Tous deux avaient leur arme braquée sur le coin, mais dans la pénombre ne pouvaient voir le miroir.
Avec la lenteur d’un cobra guettant sa proie, Juan fit un tout petit peu dépasser le canon de son arme du coin de la coursive.
Appelons cela un sixième sens, la capacité de connaître sa position dans son environnement, son orientation dans l’espace ; en tout cas, bien qu’il ne quittât pas le miroir des yeux, et alors que six terroristes les tenaient en joue, il savait très exactement à quelle hauteur placer le canon de sa Kalachnikov. Il appuya sur la détente.
La rafale de balles heurta le mur voisin de la porte du mess et ricocha avec assez de force pour claquer cette porte contre les armes des pirates. Juan se mit en mouvement sans cesser de tirer et les pirates ne tentèrent même pas de retirer leurs armes ou d’ouvrir la porte. Juan réussit ainsi, sans être vu, à glisser le canon de son AK-47 dans l’entrebâillement de la porte et à lâcher une rafale à bout portant. Lorsqu’il retira son arme, le canon était couvert de sang. Par la fente, il aperçut les deux corps criblés de balles.
Il fit signe à ses hommes qui le suivirent au pas de charge en portant plus qu’en emmenant avec eux le seigneur de la guerre.
— Ils arrivent, prévint Linda.
Juan savait qu’il s’agissait des six gaillards précédemment mentionnés. Il ôta le chargeur vide de son AK-47 et en mit un nouveau à la place. Il y avait encore une cartouche dans le magasin – même lorsque la fusillade faisait rage, Juan ne laissait jamais son arme vide – et il n’eut donc pas besoin de l’armer. Dès qu’il aperçut une ombre bouger, il fit feu, permettant ainsi à ses hommes de se mettre à couvert.
Dans cet espace confiné, le bruit était assourdissant, et le mélange de fumée crachée par la ventilation et d’odeur de poudre rendait la respiration presque impossible, sans compter qu’on n’y voyait goutte.
A l’autre extrémité de la coursive, une série d’éclairs lumineux signala l’origine d’une riposte. Comme s’il avait été frappé par derrière, Eddie Seng se mit à tituber avant de s’effondrer sur le président. D’une main, Juan le saisit par le col et le tira dans le mess sans cesser de faire feu.
De son côté, Didi ne cessait de s’agiter sous la poigne de fer de Linc qui l’avait amené également dans le mess. Tous les meubles avaient disparu, et en dépit de la fusillade, deux hommes étaient occupés à déménager la cuisinière. Lorsqu’ils se rendirent compte que ceux qui venaient d’entrer n’étaient pas des leurs, ils lâchèrent l’appareil et voulurent s’emparer de leurs armes posées sur les brûleurs.
Le fusil d’assaut à la hanche, Juan réussit pourtant à lâcher une rafale d’une redoutable précision et les deux hommes s’écroulèrent, la poitrine sanguinolente hachée par les balles.
Une porte secrète aménagée dans une cloison s’ouvrit avec un léger déclic : Linda avait envoyé des renforts. Deux hommes jaillirent dans la salle, et une seconde plus tard, Mohammed Didi se retrouva avec des menottes en plastique flexible aux poignets. Puis Juan aida Eddie à se remettre sur ses pieds et ils franchirent tous la porte qu’ils refermèrent derrière eux. Une fois en sécurité, Juan s’adossa à la cloison et se laissa glisser à terre, les mains sur les genoux, dégouttant d’eau. Il lui fallut un moment pour reprendre haleine.
— Ça aurait pu mieux se passer, dit-il en haletant.
— A qui le dis-tu, fit Eddie.
— Ça va ?
— La balle a creusé le gilet pare-balles. Ça fait un mal de chien, mais je suis prêt à repartir. Donne-moi une minute.
Giuseppe Farina fit son apparition en compagnie du Dr Huxley. Cette dernière avait revêtu la blouse blanche de rigueur, enfilé des gants en latex et tenait à la main une sacoche de médecin. La quarantaine, les cheveux noirs ramenés en queue-de-cheval, elle affichait un air sérieux et déterminé.
— On a pas été trop cow-boys pour vous ? demanda Juan en souriant à l’observateur italien.
Farina jeta un regard assassin à Didi avant de répondre.
— Je m’attendais peut-être à un peu plus.
— Qui êtes-vous, tous ? demanda Didi avec un fort accent. Vous pouvez pas m’enlever. Je suis citoyen somalien. J’ai des droits.
— Ça n’est plus le cas dès que vous avez posé le pied sur ce bateau avant qu’il ait franchi la douane, rétorqua Juan. A présent, vous êtes sur mon territoire.
Il éprouvait une furieuse envie de dénouer le foulard crasseux passé autour du cou de Didi et de le lui enfoncer dans la gorge.
Julia Huxley s’accroupit pour fouiller dans son sac, et se releva avec une seringue et une paire de ciseaux de chirurgie. Tandis que Linc le maintenait toujours fermement, elle coupa une partie de sa manche et nettoya la peau à l’alcool.
— Qu’est-ce que vous faites ? s’écria Didi, paniqué.
Il voulut s’échapper mais Linc le tenait serré à bras-le-corps.
— C’est de la torture !
Avant que quiconque ait pu esquisser le moindre geste, Juan bondit devant le seigneur de la guerre et l’arracha des mains de Linc. Puis il l’étreignit à la gorge et le souleva de façon à ce que leurs yeux fussent à la même hauteur. Didi avait du mal à respirer mais personne ne vint à son secours. Même l’observateur européen était tétanisé par la rage dont faisait preuve le président de la Corporation.
— Vous voulez voir ce que c’est que la torture ? Je vais vous montrer, moi, espèce d’ordure, espèce d’assassin !
Il enfonça alors le pouce sur un nerf de l’épaule de Didi qui laissa échapper un petit cri de douleur. Puis il l’enfonça plus profondément encore et le cri se transforma en hurlement.
— Ça suffit, Juan, dit le Dr Huxley.
Juan relâcha la pression et laissa tomber Didi qui porta les mains à sa gorge et s’effondra sur le sol. Il pleurait et un filet de salive coulait au coin de ses lèvres.
— C’est bien ce que je pensais, dit Juan avec un calme qui contrastait avec sa fureur précédente. Au fond, tous ces durs ne sont que des lâches. Je regrette que vos hommes ne soient pas là pour vous voir.
Julia se pencha et enfonça l’aiguille dans le bras du pirate. Un instant plus tard, les yeux de Didi se révulsèrent et l’on n’en vit plus que le blanc. Elle se pencha à nouveau vers lui et abaissa ses paupières.
— Félicitations, Juan, dit Farina en lui tendant la main. Mission accomplie.
— Elle ne sera totalement accomplie que lorsque nous aurons quitté les eaux somaliennes et que cette ordure ne sera plus sur mon bateau. (Il tapota sa radio.) Linda, dis à Max de couper la fumée et donne-moi un aperçu de la situation.
— Les pirates qui vous poursuivaient sont entrés dans le mess. L’un d’eux est en train d’examiner les gars que vous avez descendus, mais ils ne sont pas en état de dire grand-chose. Sur le pont, les canons à eau ont rempli leur tâche. Les gens fuient le navire aussi vite qu’ils le peuvent.
— A ton avis, combien y en a-t-il encore à bord ?
— Exactement quarante-trois. Y compris les pirates que vous avez enfermés près de la cale. Les autres se sont déjà occupés de celui que tu as assommé et laissé sous l’escalier. Il s’est réveillé dès qu’ils l’ont jeté à l’eau.
— Dis à Eric qu’il se prépare à s’éloigner du quai.
— Qu’est-ce qu’on fait avec les pirates encore présents dans la superstructure ?
— Verrouille-la et dis à l’armurier de venir ici avec des fusils à seringue et des lunettes de vision nocturne.
Linda transmit les ordres de Juan. Sur le grand écran, elle vit un groupe de jeunes utiliser le puissant jet d’un des canons à eau comme un jeu. Elle prit alors la maîtrise de ce canon-là et coupa l’eau. Les jeunes s’immobilisèrent, déçus, comme si on leur avait ôté leur jouet. Elle ajusta ensuite sa cible et rouvrit la valve. Le jet les frappa à hauteur des genoux, et les six gamins furent projetés comme des fétus de paille jusqu’à l’échelle de coupée qu’ils dégringolèrent. Ils se relevèrent prestement et s’enfuirent à toutes jambes en direction du village.
— Verrouillage, annonça Mark Murphy après avoir pianoté un instant sur son clavier. Une dernière touche enfoncée, et dans tout le navire, des volets d’acier s’abattirent devant les portes, fenêtres et hublots. La superstructure était désormais hermétiquement fermée.
Un chat aurait pu se déplacer dans une telle obscurité, mais sans lunettes de vision nocturne, un homme se retrouvait aveugle.
Linda passa les caméras intérieures sur l’imagerie thermique et scanna toutes les pièces et toutes les coursives. Il y avait encore treize personnes prisonnières dans le navire. En passant les caméras en mode de basse intensité lumineuse, elle s’aperçut que tous ces hommes étaient armés. Grâce aux micros, elle les entendait s’interpeller, mais aucun n’osait bouger de là où il se trouvait.
A peine avait-elle terminé son balayage qu’elle entendit la voix de Juan dans la radio.
— Comment ça se présente, maintenant ?
— On en a treize. Les pirates qui se trouvaient dans le mess en sont sortis, et je dirais donc que maintenant vous avez la voie libre.
— Parfait.
— Bonne chasse.
Deux ponts au-dessus, Juan éteignit les lumières dans la coursive et installa une paire de lunettes de vision nocturne de troisième génération devant ses yeux. A la main, il tenait un pistolet étroit à crosse de noyer avec un canon particulièrement allongé. Fonctionnant au gaz, cette arme pouvait tirer dix aiguilles chargées d’un sédatif puissant capable d’endormir en dix secondes un homme de poids moyen. Pourtant, ces dix secondes pouvaient permettre à n’importe qui de vider un chargeur d’arme automatique, d’où la nécessité de l’obscurité.
Eddie et Linc étaient armés de la même façon.
Juan ouvrit à nouveau la porte secrète. A travers ses lunettes, tout autour de lui avait pris une teinte verte plutôt glauque. Les surfaces réfléchissantes renvoyaient une lueur blanche et brillante qui aurait pu gêner Juan et ses équipiers s’ils n’avaient pas été habitués à ces lunettes de vision nocturne. Une odeur âcre de fumée flottait encore dans l’air.
— Il y en a trois sur ta droite, lui dit Linda. A trois mètres cinquante dans la coursive, et ils sont en train de s’éloigner.
Par gestes, Juan transmit l’information à ses hommes, et, comme des ombres de cauchemar, ils se glissèrent hors de la salle et ajustèrent leurs cibles ensemble. Les pistolets émirent un petit bruit sourd et en un éclair, Juan et ses compagnons retournèrent dans le mess.
Les fines aiguilles transpercèrent sans mal les vêtements et se logèrent dans les chairs. Les trois hommes se retournèrent d’un même mouvement, et l’un d’eux, pris de panique, ouvrit le feu. Les flammes du fusil d’assaut ne révélèrent qu’une coursive vide, et pour la deuxième fois en douze heures, Malik et Aziz eurent le sentiment de poursuivre des fantômes.
— Ce bateau est infesté de djinns, dit Aziz d’une voix pâteuse avant de s’écrouler.
Malik, plus grand et plus costaud, tituba un moment avant de s’affaler à son tour sur le troisième pirate, déjà étendu au sol.
— Plus que dix, fit Linda. Mais il y a un autre problème.
— J’écoute.
— A terre, les pirates sont en train de s’organiser. Il y a un type qui les rassemble pour les lancer de nouveau à l’abordage de l’Oregon. Il y en a apparemment vingt-cinq ou trente prêts à tenter le coup.
— Je suis sur haut-parleurs ?
— Oui.
— Mark, découvre une des mitrailleuses de 30 du pont et disperse cette foule. Eric, fais-nous partir.
Eric Stone et Mark Murphy échangèrent un sourire et entreprirent d’exécuter les ordres de Juan. Mark appuya sur les touches permettant l’extraction d’une des mitrailleuses de calibre 30 dissimulée dans un fût d’huile, sur le pont.
Le couvercle du fût s’ouvrit et l’arme en sortit en position verticale avant de s’abaisser en direction de la jetée en terre, derrière l’appontement. Sur l’écran de Murphy, une caméra jouxtée à la M60 lui donnait une image des lieux assortie d’un cercle de visée.
Il lâcha une rafale au-dessus de leurs têtes et une pluie métallique de douilles vides s’abattit sur le pont du navire. Les pirates en armes soit s’aplatirent au sol soit disparurent derrière la jetée. Quelques-uns ripostèrent, mais leurs cartouches étaient aussi efficaces que des billes en plastique sur un rhinocéros.
A côté de Murphy, Eric Stone mit en route les moteurs magnétohydrodynamiques. Dans ces marais, l’eau saumâtre était fortement mélangée à l’eau douce mais conservait une salinité suffisante pour que les moteurs tournent à 80 % de leur capacité. En arrière toute. Les énormes hydropompes firent bouillir l’eau à la poupe de l’Oregon, et le grand navire s’éloigna lentement de l’appontement en bois.
Les cordages utilisés par les pirates se tendirent comme des cordes d’arc avant de claquer. Eric éloigna le navire d’une quinzaine de mètres du quai puis enclencha le système de positionnement dynamique pour que l’Oregon garde la position GPS.
De toute façon, il n’était pas question de quitter ces marais sans que le président soit sur le pont, prêt à donner un coup de main en cas de pépin.
Mais soudain…
Comme une volée de flèches tirées par des archers, une pluie de roquettes s’éleva au-dessus de la digue, traînant derrière elle une fumée qui semblait obscurcir le ciel.