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Première bonne nouvelle depuis un bout de temps, Juan s’aperçut qu’il connaissait bien le supertanker qui s’approchait lentement de la frégate libyenne. Il s’agissait de l’Agggie Johnston, de la compagnie pétrolière Petromax, que l’Oregon avait sauvé quelques mois auparavant en lançant une torpille contre le sous-marin iranien qui l’attaquait.

Ils étaient si près que toutes leurs communications pouvaient être surveillées par le Khalij Surt. Pour contourner l’obstacle, il trouva l’adresse électronique du navire sur le site internet de Petromax et envoya un message au capitaine. Ce n’était guère commode et ils échangèrent ainsi des messages pendant dix minutes avant de réussir à convaincre le capitaine qu’il était bien le commandant du cargo qui croisait à moins de mille mètres d’eux et pas un ado facétieux qui écrivait depuis chez ses parents, à Ploucville, aux Etats-Unis.

En attendant la réponse à chacun de ses messages, Juan regrettait l’absence à bord de Mark et d’Eric. Ces deux-là auraient su comment pirater le réseau de la compagnie pétrolière pour donner des ordres directement sans avoir besoin de se lancer dans de longues explications.

Un nouveau courriel apparut dans sa boîte de réception.

« Capitaine Cabrillo, cela va contre mes intuitions et mes années de formation, mais j’accepte de faire ce que vous me demandez, sous réserve que nous ne nous approchions pas à plus d’un demi-mille de cette frégate et que vous m’offriez le même genre de protection que dans le détroit d’Ormuz s’ils ouvrent le feu sur nous.

« J’aimerais pouvoir faire plus, mais la sécurité de mon équipage l’emporte sur mon désir de vous aider sans réserve. J’ai passé la plus grande partie de ma carrière à desservir les ports du Moyen-Orient et je déteste ce que les terroristes font subir à cette région, mais je ne peux prendre le risque qu’il arrive quoi que ce soit à mon navire. Comme vous pouvez l’imaginer, si je transportais une cargaison de pétrole au lieu de naviguer à vide, la réponse aurait été non, et cela sans la moindre hésitation.

Bien à vous,

James McCullough.

PS : Balancez-leur un bon crochet du gauche de ma part. Bonne chasse. »

— Génial ! s’écria Juan. Il accepte !

Max Hanley se tenait de l’autre côté de la cabine de pilotage, penché sur les cartes, la pipe coincée entre ses dents tachées de nicotine.

— A ta place, je ne serais pas aussi excité, parce qu’on va jouer à la bataille navale avec une frégate puissamment armée.

— Ce sera parfait, rétorqua Juan. Nous serons prêts avant qu’ils se rendent compte de quoi que ce soit. On a calculé les directions et tout en réduisant la distance on a réussi à garder le pétrolier entre nous et le Khalij Surt. Ils ne savent pas qu’on est là et ne s’en rendront compte que quand le Johnston s’éloignera.

Tout en parlant, il écrivait une réponse sur son ordinateur portable :

« Capitaine McCullough, votre rôle est décisif dans le sauvetage de la secrétaire d’Etat, et je vous remercie infiniment vous et votre équipage. J’aurais aimé qu’après cela vous receviez les félicitations qui vous sont dues, mais cet épisode doit rester secret. D’ici dix minutes environ, nous éclairerons votre pont avec notre lampe Aldis pour vous signaler que vous devez commencer.

Recevez une fois encore mes plus sincères remerciements.

Juan Cabrillo. »

Sur la table, Juan avait déployé un plan des aménagements intérieurs de la frégate russe de classe Koni. Mike Trono et Jerry Pulaski, qui devaient diriger l’assaut avec une dizaine d’hommes, se tenaient à ses côtés. Ces deux-là étaient parfaitement entraînés et avaient une longue habitude du combat, mais il regrettait tout de même l’absence d’Eddie Seng et de Franklin Lincoln.

Par le hublot de bâbord, on apercevait la coque d’acier du pétrolier. L’Oregon avait rempli ses ballasts pour abaisser sa ligne de flottaison alors que le supertanker était presque vide et le dominait de toute sa hauteur, même à cette distance. La superstructure à la proue avait la taille d’un immeuble de bureaux, et sa courte cheminée ressemblait à un wagon de chemin de fer renversé.

— Bon, fit Juan. On est tous d’accord pour dire que le lieu le plus probable de l’exécution serait le mess de l’équipage ?

— C’est le plus grand espace ouvert du bateau, dit Mike Trono, un homme mince, les cheveux bruns, qui avait été parachutiste de recherche et sauvetage avant d’intégrer la Corporation.

— Ça me paraît logique, dit Pulaski.

Surnommé Big Pole, c’était un ancien marine, qui les dominait tous d’au moins une tête.

Plutôt que des tenues de combat, ces hommes avaient revêtu un uniforme de marin que Kevin Nixon avait modifié pour qu’il ressemble à celui de la marine libyenne. Un instant d’hésitation de l’adversaire à la vue d’un uniforme familier pouvait se révéler crucial.

— Pourquoi sur un bateau ? demanda soudain Mike.

— Pardon ?

— Pourquoi procéder à l’exécution sur un bateau ?

— Il sera presque impossible de le trianguler lorsque le signal vidéo apparaîtra, répondit Max. Et même si l’on y parvient, le navire aura disparu avant qu’on puisse se rendre sur place.

— Nous pénétrerons dans le Khalij Surt par là, dit Juan en montrant une écoutille sur le pont principal, au milieu du navire. On franchit ensuite deux portes sur la droite jusqu’au premier escalier. On descend un étage, ensuite c’est à gauche, à droite, à gauche. Le mess se trouvera juste en face de nous.

— Il y aura beaucoup de marins de garde, prédit Jerry.

— En principe, je serais d’accord avec toi, dit Juan. Mais dès qu’on aura manœuvré, ils se rendront à leurs postes de combat. Les couloirs seront déserts et quiconque se trouvera dans le mess sera un terroriste. On descend les terroristes, on s’empare de Mme Katamora et on aura quitté le rafiot avant même qu’ils se soient rendus compte de quelque chose.

— Il y a quand même un problème avec ton plan, dit Max en rallumant sa pipe. Tu n’as pas expliqué ta stratégie pour la fin. Dès qu’on s’écartera, le Khalij Surt va nous canarder. J’y ai réfléchi, et je propose qu’une autre équipe l’aborde, avec des explosifs. Au cours de l’attaque, l’Oregon pourra mettre hors de combat certains armements du Khalij Surt, et l’équipe pourra faire sauter ce qui restera.

Hanley n’était pas connu pour ses intuitions tactiques, et Juan n’en fut que plus impressionné.

— Mais dis-moi, Max, voilà un plan bien conçu.

— C’est aussi ce que je me suis dit.

— Le seul problème, c’est que ces hommes se feront tailler en pièces avant même d’avoir approché les premiers systèmes d’armements du Khalij Surt. Il y a des emplacements pour des mitrailleuses de calibre 30 aux quatre coins de la superstructure. On pourra faire taire celles qu’on verra, mais les deux aux extrémités sont protégées par le navire lui-même. Nos gars seront taillés en pièces.

— Envoie Gomez avec l’hélico, il leur balancera un missile, rétorqua Hanley, un peu vexé que l’on remette son plan en cause.

— La couverture SAM est trop serrée. Il n’arrivera jamais suffisamment près.

— Bon, monsieur j’ai réponse à tout, qu’est-ce que tu proposes ? demanda Hanley, mortifié.

Juan replia les plans du navire, laissant apparaître une carte de la côte libyenne, au sud de leur position actuelle. Du doigt, il tapota un point à dix-huit kilomètres à l’ouest de là où ils se trouvaient.

— Ça.

Le regard de Max se porta alternativement sur la carte et sur les yeux de Juan. Un sourire démoniaque illumina alors son visage.

— Magnifique.

— Je me disais aussi que ça te plairait. C’est la raison pour laquelle nous repoussons l’attaque de quelques minutes. Pour que ça marche, il faut qu’ils soient plus près.

— Très bien, fit Mike Trono.

Les hommes descendirent alors sur le pont principal. Juan et Max s’attardèrent un instant.

— Tu as encore l’air un peu maussade, dit Juan à son meilleur ami.

— Tu vas te jeter dans la gueule du loup, Juan. Il y a de vrais durs à bord de ce navire : dès qu’ils se rendront compte qu’il se passe quelque chose, j’ai peur qu’ils la tuent sur-le-champ, et on aura fait tout ça pour rien.

Une réplique désinvolte mourut sur les lèvres de Juan.

— Je sais, dit-il d’un air sombre. Mais si on n’essaye pas, on les laisse gagner. Quand on y pense bien, cette guerre a commencé dans ces mêmes eaux il y a deux cents ans. Lorsque notre pays a lutté pour défendre ses valeurs. Cela vaut quand même le coup de se battre aujourd’hui pour les mêmes raisons.

— Cela relèverait au moins de la justice poétique.

En souriant, Juan lui administra une claque dans le dos.

— Voilà qui est bien dit. Bon, maintenant descends au Centre d’opérations et ne bousille pas mon bateau en mon absence.

— Tu sais bien que c’est la seule promesse que je ne peux pas tenir.

Dès que le capitaine McCullough eut reçu le signal, l’énorme tanker infléchit subtilement sa route vers le sud, sans avertissement, en direction de la frégate libyenne. En suivant son cap, l’Aggie Johnston serait passé à neuf kilomètres du Khalij Surt, mais la distance entre les deux navires s’amenuisa petit à petit. Collé au flanc du tanker, l’Oregon s’approchait lui aussi de sa proie.

Les radios demeurèrent silencieuses jusqu’au moment où le tanker ne fut plus qu’à deux milles nautiques au nord de la frégate. Le soleil commençait à disparaître à l’horizon, et bien que la température eût notablement décru, il faisait encore une chaleur d’enfer sur le pont de l’Oregon.

— Tanker qui approchez de ma proue, ici le Khalij Surt de la marine libyenne. Vous passez trop près. Modifiez votre cap et éloignez-vous de nous avant d’arriver par le travers.

— Khalij Surt, ici James McCullough, capitaine de l’ULCC Aggie Johnston. Nous sommes soumis à des courants violents. La barre est mise au maximum et le navire commence à répondre. Nous respecterons vos consignes, je vous le promets.

— Très bien, répondit sèchement le Khalij Surt. Faites-nous savoir si vous éprouvez toujours des difficultés.

McCullough s’en était tenu au scénario de Juan, et le premier épisode s’était déroulé à la perfection. Bien entendu, le capitaine du tanker allait maintenir son cap, donnant ainsi plus de temps à l’Oregon.

Dix minutes s’écoulèrent et la distance entre les deux navires se réduisit encore d’un demi-mille. Les Libyens auraient dû rappeler beaucoup plus tôt, et la confiance dont ils témoignaient sembla de bon augure à Juan.

— Aggie Johnston, Aggie Johnston, ici le Khalij Surt. Avez-vous toujours des difficultés ?

— Un instant, s’il vous plaît, dit McCullough, comme pressé par le temps.

Lorsque au bout de deux minutes il ne répondit toujours pas, le Libyen répéta sa demande, mais cette fois de façon un peu plus urgente.

— Oui, désolé. Le courant s’est intensifié. Nous en sortons, à présent.

— Nous n’éprouvons pas le même courant auquel vous êtes confronté.

— C’est parce que notre quille est profonde de douze mètres et s’étend sur la longueur de trois terrains de football.

Du calme, Jimmy, songea Juan.

Juan et le capitaine avaient fait en sorte que l’appel suivant vienne du tanker. Deux minutes après son dernier commentaire, il reprit contact.

— Khalij Surt, ici l’Aggie Johnston. Nous vous informons que notre commande de gouvernail vient de lâcher. J’ai ordonné un arrêt immédiat, mais vu notre vitesse, cela prendra plusieurs milles. D’après mes calculs, je passerai sur votre flanc bâbord à environ un demi-mille. Puis-je vous suggérer de modifier votre vitesse et votre cap ?

Mais au lieu de ralentir, le tanker se mit à accélérer et un bouillonnement plus important apparut dans son sillage. Cela n’était pas prévu et Juan comprit que McCullough ignorait les conditions qu’il avait lui-même fixées de façon à amener l’Oregon le plus près possible de la frégate. Juan se promit de le retrouver après toute cette histoire et de lui offrir un verre.

Le Khalij Surt avait commencé à virer de bord et à augmenter sa vitesse, mais il était encore lent et ses manœuvres pataudes. Plus le tanker se rapprochait, à la vitesse de dix-huit nœuds seulement, et plus il dominait la frégate libyenne.

Juan sentit sous ses pieds vibrer le pont de l’Oregon. Les grosses pompes du navire expulsaient l’eau de mer des ballasts.

Dans le Centre d’opérations, Max tenait la barre. Comme Juan, il avait écouté les échanges radio, mais à la différence de ce dernier, il avait pu assister à une partie des actions. Le responsable des armements se tenait à ses côtés. Toutes les portes extérieures étaient ouvertes et tous les canons et mitrailleuses sortis. L’Oregon était hérissé d’armes.

Il coupa les pompes et renversa le flux.

L’eau explosa en grosses vagues hors des tubes de poupe, et le navire ralentit si rapidement que sa proue s’éleva un peu hors de l’eau. Dès que l’Oregon ne fut plus dissimulé par l’Aggie Johnston, Max coupa la poussée inversée et passa en propulsion. Les cryopompes qui maintenaient les propulseurs magnétohydrodynamiques à cent degrés sous zéro commencèrent à siffler au fur et à mesure que les moteurs réclamaient de l’énergie.

L’Oregon accéléra comme un cheval de course, creusant une courbe gracieuse à l’arrière du tanker. Devant lui se dressait la silhouette basse et grise de la frégate libyenne.

Il imaginait déjà la consternation à bord du Khalij Surt en voyant apparaître soudain un navire deux fois plus gros que le leur. Après trente secondes de stupeur, ce fut un jaillissement de messages comminatoires, d’exigences et de menaces.

Tandis que McCullough virait au nord pour mettre son tanker à l’abri, Max glissa l’Oregon entre les deux navires.

— Identifiez-vous ou nous ouvrons le feu.

C’était la deuxième fois qu’ils proféraient la menace et il doutait qu’il y en eût une troisième. L’espace entre eux était encore suffisant pour que le Khalij Surt balaye l’Oregon avec ses canons de trois pouces. Max éprouvait une furieuse envie d’empoigner le micro et de s’identifier comme le USS Siren, mais bien sûr il n’en fit rien.

Sur l’écran du moniteur, on aperçut soudain une grosse balle de coton fleurir devant le canon de proue du Khalij Surt. L’obus s’abattit en mer à quinze mètres de la proue, et une seconde plus tard l’onde de choc secoua l’Oregon.

— Le coup de semonce c’est gratuit, fit Max. Au prochain, on sort la grosse artillerie.

Le canon de poupe tonna et un obus explosif balaya complètement la passerelle.

Max faillit bondir de son siège.

— Ça suffit ! Feu à volonté !

Tandis que la distance se réduisait entre les deux navires, les mitrailleuses Gatling de 30 mm et le canon mitrailleur Bofors de l’Oregon se mirent à cracher le feu de façon continue. Les canons antiaériens du Khalij Surt ajoutèrent au tonnerre de leurs batteries qui tiraient à un rythme de quatre coups à la minute.

A chaque impact, l’Oregon résonnait comme une cloche. Les obus de DCA pénétrèrent la coque mais furent arrêtés par la première cloison. En revanche, ceux tirés par les canons de pont éclatèrent à l’intérieur.

Déjà, trois cabines étaient ravagées, et un obus arracha des plaques de marbre doublant le ballast qui servait également de piscine. Chaque impact provoquait de nouvelles destructions. La salle où se réunissait la direction fut directement touchée. La table de deux cent cinquante kilos fut renversée et les fauteuils en cuir réduits en miettes.

Le système automatique anti-incendie arrosait simultanément six incendies, car les équipes de pompiers avaient reçu pour consigne de demeurer de l’autre côté du navire.

Mais l’Oregon ripostait. Toutes les vitres de la passerelle du Khalij Surt avaient volé en éclats et les munitions au tungstène déchiquetaient les instruments de navigation. Des obus perçaient son blindage, et lorsque la mitrailleuse Gatling l’arrosa de rafales, son canot de sauvetage se mit à trembler comme un rat dans la gueule d’un chien de terrier avant de pendre lamentablement au bout d’un des bossoirs.

Aucune de leurs armes de petit calibre ne pouvait percer le blindage qui protégeait les tourelles et le responsable des armements décida de faire donner le canon de 120 mm placé à la proue. Utilisant le même système de stabilisation que sur le char d’assaut M1A2, ce canon possédait une incroyable précision. Son premier obus atteignit le pont au pied de la tourelle, et la masse entière s’éleva d’un mètre cinquante avant de s’écraser, tandis qu’une épaisse fumée s’échappait des canons.

Tandis que l’espace entre eux se réduisait, les deux navires ne cessaient d’échanger des projectiles, tant ils semblaient capables d’encaisser les coups les plus dévastateurs. A bout portant, plus besoin de viser. Les obus atteignaient leur but presque aussitôt après avoir été tirés.

Depuis un siècle, on n’avait jamais assisté à une telle bataille navale, et en dépit du danger, Max Hanley n’aurait cédé sa place pour rien au monde.

Il n’en allait pas de même pour le président et les hommes sur le pont. Ils étaient terrés derrière une section de bastingage qui avait reçu un triple renfort, mais lorsque le canon mitrailleur de 30 mm se mit à tonner ils se sentirent totalement exposés.

Pour Juan, un tel affrontement défiait l’entendement. La technologie avait aseptisé la guerre, l’avait rendue froide et distante. Pour vaincre son ennemi il suffisait à présent d’appuyer sur un bouton. Là, il en allait tout autrement. Il sentait la haine qui les animait, comme si chaque coup de canon était une expression de leur mépris.

Ils voulaient le tuer. Non, pas seulement le tuer, balayer son existence, comme s’il n’était jamais né.

Un nouvel obus vint frapper le blindage, et, l’espace d’un instant, Juan eut l’impression que ses entrailles se liquéfiaient. N’avait-il pas commis une terrible erreur ?

Puis il se dit que non, que ces gens n’arrêteraient que si quelqu’un se dressait face à eux. S’ils ne voulaient pas entendre raison, ils devraient supporter les conséquences de leur attitude barbare.

Un choc brutal. L’Oregon et le Khalij Surt étaient désormais flanc contre flanc. Max avait rempli les ballasts de façon à ce que les deux bastingages fussent à la même hauteur. Son pistolet-mitrailleur compact à la main, Juan sauta sur l’autre navire.

La traînée d’une roquette RPG tirée depuis la redoute de proue du Khalij Surt passa à quelques centimètres au-dessus de sa tête et toucha la plaque de blindage au moment même où les douze hommes de son équipe s’apprêtaient à le rejoindre. Dix d’entre eux furent projetés en arrière par le choc, et, quoique ensanglantés ne souffrirent que de commotions ; les deux autres furent projetés vers l’avant, au moment où une petite vague sépara les deux navires. Ils tombèrent à l’eau en même temps.

Max, qui avait assisté au désastre grâce au système de télévision intérieure écarta aussitôt l’Oregon de manière à ce que les deux hommes ne soient pas broyés par les coques. Sans savoir s’ils étaient encore vivants, il donna l’ordre à l’équipe de secours qui se tenait dans le garage à bateaux de lancer immédiatement un Zodiac à la mer.

Au moyen d’une manette, un technicien fit balayer le pont du Khalij Surt par une caméra.

— Là ! hurla Max.

Juan se tenait seul sur le pont du navire libyen, son pistolet mitrailleur Heckler & Koch fumant à la main : il venait d’abattre le tireur de roquettes au moment où celui-ci rechargeait son arme. On eût dit qu’il se savait filmé par la caméra. Il regarda directement l’objectif, d’un air sauvage que Max ne lui avait jamais vu, et disparut par une écoutille.