Chapitre 42

 

 « Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité. »

Serment des témoins

 

 

Deux heures plus tard, Harmony se trouvait assise à la terrasse du restaurant Sous l’ombre du baobab. Il n’y avait pourtant pas de baobab, mais juste des cocotiers. Devant elle, l’océan semblait paisible, pas de vagues déchaînées, pas de vent violent. Dans le ciel, elle ne se souvenait pas d’avoir déjà pu observer une telle myriade d’étoiles. Près d’elle, à intervalles réguliers, elle entendait le bruit d’une étincelle. Un piège électrique attirait avec ses lampes UV bleues les nombreux moustiques qui s’électrocutaient en percutant la grille. Elle découvrait les vieux tubes d’Alpha Blondy qui se succédaient les uns à la suite des autres et qui donnaient envie de se trémousser bien qu’elle fut une piètre danseuse.

Elle était arrivée juste à temps afin d’être au tout début du service du soir. Son dessert achevé, Fanta, qui se révéla être une sculpturale Peule aux tresses interminables, revint débarrasser la table. Harmony s’empressa de lui demander d’aller féliciter de sa part le chef. De lui dire que son tiramisu était le meilleur du monde, encore meilleur que celui de Miami…

Quand elle le vit avancer vers elle, vêtu d’un tablier vert chasseur et d’un couvre-chef, elle le trouva quelque peu maigri. Maxence était là. Son regard était le même, bleu et profond. Quelques instants plus tard, Fanta s’étonna de surprendre le nouveau chef embrassant ainsi avec fougue une touriste américaine à peine débarquée. Les Français qui vivaient en Afrique avaient la réputation d’avoir le sang chaud, mais pas à ce point-là.

— Tu as donc compris mes messages...

— J’ai failli ne pas les comprendre. Qui es-tu, Maxence ?

— Je vais tout t’expliquer dans les moindres détails après mon service.

— Promets-moi une chose, tu n’es pas un assassin ?

— Non, Harmony, juste un imposteur, victime d’une femme maître chanteur, Sonia Marquès.

— Elle est morte, tu le sais ?

— Bien sûr ! Depuis que j’ai quitté Saint-Barth, je lis sans arrêt les infos qui circulent sur l’île via internet.

— Pourquoi alors ne pas avoir repris contact avec moi ? Elle, morte, ton problème était résolu.

— Je préférais attendre ici ta réaction. Soit tu venais, soit tu me dénonçais.

— Mais, tu n’as commis aucun crime.

— Usurpation d’identité, c’est passible de plusieurs années d’emprisonnement. Souhaites-tu passer le reste de ta vie avec quelqu’un qui a cette épée de Damoclès au-dessus de la tête ? Sans compter que j’ai aidé cette femme à faire disparaître un cadavre.

— Je veux vivre le reste de ma vie avec toi. Et je te soutiendrai, on va tourner définitivement cette page, nos pages, car tu savais pour mon premier fiancé, Steven Reardon ?

— Oui. Te souviens-tu de notre rencontre ? Tu étais ivre. Ce soir-là, tu m’as expliqué que tu avais découvert que ton fiancé te trompait. Tu as souhaité leur mort comme n’importe qui, sauf que cela s’est produit. Jonathan Clark t’a mise à l’abri en payant ton voisin pour qu’il te donne un alibi en béton. Vu ta fragilité à l’époque, les flics ou l’assureur auraient pu te déstabiliser, et t’incriminer. Les erreurs judiciaires sont tellement faciles… Surtout lorsque l’on touche une assurance-vie de 250 000 dollars.

— Et toi, me crois-tu coupable ?

— Non, les méchants sont parfois punis par une justice autre que celle des hommes. Toi, je te sais incapable de faire du mal, sauf à toi-même. Je retourne en cuisine. Tu m’attends, on se retrouve à la fin de mon service ? Je te jure de te dire toute la vérité, rien que la vérité...