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Comme sa muraille, Philippe Auguste est fascinant ! Il a tout fait, tout imaginé, tout réinventé. Il a imposé l’autorité royale, agrandi le pays, renouvelé Paris.
Quand il monte sur le trône, en 1179, celui que l’on nomme Philippe II n’a que quinze ans, il n’est rien encore. Ou pas grand-chose. Un trop jeune roi des Francs qui règne essentiellement sur l’Île-de-France… Son destin, il va le transformer. Il fait des conquêtes et s’impose comme roi de France, montrant ainsi la cohérence de ses territoires à qui il donne une histoire, une langue et un projet communs. Avec lui, Paris prend les allures d’une capitale digne du nouveau royaume qui émerge. Philippe II devient de son vivant Philippe Auguste, dignité impériale romaine que lui confèrent les prêtres dans leurs homélies et les scribes dans leurs écrits.
Bien sûr, les méthodes du roi sont rudes et expéditives. Bien dans le ton de l’époque et, disons-le tout net, parfois abominables. Par exemple, pressé par les besoins d’argent dès son arrivée sur le trône, il décide de rançonner la communauté juive. Un samedi matin de l’an 1181, les juifs de Paris sont jetés en prison. Pour obtenir leur libération, les captifs doivent faire don de leurs biens au roi. Mais cela ne suffit pas, l’année suivante, Philippe supprime purement et simplement les créances des juifs envers les chrétiens. Bonne affaire pour les finances publiques : les débiteurs sont contraints de reverser au trésor royal le cinquième des sommes dues !
Le 24 juin 1182, un édit d’expulsion est pris. Pour la première fois dans l’Histoire, un royaume chrétien chasse la totalité de ses juifs par un décret officiel. Les synagogues de Paris, celle qui s’abrite à l’ombre de la cathédrale sur l’île de la Cité, celle de la rue de l’Attacherie (actuelle rue de la Tacherie) sur la rive droite, sont transformées en églises et les immeubles des juifs vendus par l’autorité royale. Avec les sommes réunies, le roi fait notamment édifier un marché sur l’ancien quartier juif des Champeaux, désormais vide de ses habitants. Il ordonne de construire deux bâtiments couverts entourés de murs dont les portes sont désormais fermées la nuit. Ces halles aménagées constituent une avantageuse nouveauté : elles permettent aux négociants d’entreposer leurs marchandises en toute sécurité, à l’abri de la pluie et des détrousseurs. Très vite, le marché des Champeaux devient le plus couru de la capitale. Il est vaste et propose un peu de tout : des denrées alimentaires jusqu’aux étoffes. Le roi jette ainsi les bases de ce qui deviendra sur cet emplacement même, et durant presque huit siècles, les Halles de Paris…
Comment les Halles disparurent-elles ?
Face à la multiplicité de l’offre, le marché s’étendit et, au XVIe siècle, François Ier entreprit la réorganisation de l’endroit. Des maisons bien particulières s’élevèrent alors, les « piliers des Halles » : au rez de-chaussée, des galeries couvertes abritaient les échoppes, et au centre de ces galeries à arcades se trouvait le « carreau », où l’on venait se ravitailler en pain et crémerie.
Au XIXe siècle, les Halles posaient de graves problèmes d’organisation et d’hygiène : il fallait à nouveau tout restructurer. Le concours d’architecture lancé en 1848 fut remporté par Victor Baltard, qui édifia, en 1852 et 1870, dix pavillons couverts de vitrages avec des parois en verre et des colonnes en fonte. Deux autres pavillons furent ajoutés en 1936.
Avec le XXe siècle triomphant, les vieilles Halles allaient être sacrifiées. L’augmentation de la population parisienne et les normes d’hygiène obligèrent à transformer le quartier et à porter le marché ailleurs. En 1969, effectivement, les Halles plièrent bagage pour s’installer à Rungis, dans la région parisienne.
Dans les années suivantes, entre 1971 et 1973, la bêtise, l’ignorance, le modernisme arrogant et le principe de rentabilité abattaient les pavillons Baltard. Triste époque pour Paris : on détruisait les Halles et on construisait la tour Montparnasse ! Un des pavillons de Baltard subsiste, mais déplacé à Nogent-sur-Marne.