Xe siècle
LA CHAPELLE
Le triomphe des Capétiens
« Miracle sans nom à la station Chapelle, on voit le métro qui sort de son tunnel », aurait pu chanter Charles Trenet. En effet, le métro se fait ici aérien, sans doute pour venir un peu respirer à l’air libre. Surprise, du bout du quai on aperçoit le dôme blanc du Sacré-Cœur de Montmartre. Mais la ligne et la station ont été construites sur des vestiges bien plus anciens : l’enceinte des fermiers généraux qui remonte à la fin du XVIIIe siècle.
Je flâne dans ce quartier qui sent bon les épices venues d’Inde ou du Pakistan, sorte d’Indiantown propice à toutes les découvertes. En quelques pas, voici le vieux théâtre des Bouffes du Nord, un peu excentré par rapport à nos grandes scènes parisiennes, mais qui a échappé à une mort annoncée grâce au talent du Britannique Peter Brook. Ce metteur en scène en a fait le laboratoire vivant d’un théâtre novateur, parfois étrange, souvent audacieux, toujours passionnant. Mais revenons à l’Histoire…
D’ou vient ce nom : La Chapelle ?
De Charlemagne ! On sait que l’empereur était un exalté de reliques en tout genre. Pour assouvir sa toquade, il dépêchait régulièrement en Palestine des chevaliers ayant pour mission d’en rapporter les ultimes fragments de la Passion du Christ ou les restes des premiers martyrs chrétiens. Ses envoyés revenaient de ces longs voyages au bout de la foi chargés de débris de bois, d’étoffes, d’ossements qui, enchâssés dans de superbes orfèvreries, se métamorphosaient par la magie du dogme en pieuses reliques admirées par des foules éperdues de vénération.
L’une des plus belles pièces de sa collection était la cape de saint Martin, la moitié de cape plus exactement, puisque le jeune homme inspiré l’avait coupée en deux pour en offrir une partie à un mendiant. Pour ce tissu glorifié, Charlemagne fit construire dans l’enceinte de son palais d’Aix un lieu de culte et de dévotion : une chapelle, terme tiré du latin cappa, la cape.
Le mot entra dans le langage courant. À Paris, on l’attribua notamment à un petit oratoire où, dit-on, sainte Geneviève se serait autrefois arrêtée pour prier sur la route qui la conduisait au sépulcre de saint Denis.
Entre Montmartre et Belleville, le village de La Chapelle se groupa donc autour de l’oratoire, la chapelle où pria sainte Geneviève, et puis, comme il fit partie des terres de l’abbaye de Saint-Denis, on l’appela aussi La Chapelle-Saint-Denis, avant son annexion à Paris en 1860 où il s’intégra dans le XVIIIe arrondissement.
L’église située au 16, rue de la Chapelle se trouve sur remplacement de l’ancien oratoire, que certains jadis pensaient même être la tombe de saint Denis.
Après sainte Geneviève, une autre célèbre pénitente fréquenta ces lieux : Jeanne d’Arc. Une statue rappelle que la Pucelle vint prier ici le 7 septembre 1429, espérant libérer Paris du joug anglais et bourguignon. Cette fois, elle échoua dans sa tentative et fut blessée à la cuisse au cours des combats.
L’église actuelle date en grande partie du XVIIIe siècle, les seuls vestiges de l’église primitive de 1204 – qui ont donc vu prier Jeanne – sont les quatre premières travées de la nef, séparées du reste par des piliers ronds.