Commence alors une répression aveugle et violente. Pour se débarrasser d’un parent, d’un voisin, d’un concurrent, il suffit de l’appeler armagnac. Et l’on peut se montrer soulagé quand les miliciens se contentent de jeter le coupable dans un cul-de-basse-fosse et de piller sa maison, car le plus souvent le supposé armagnac est tout bonnement noyé dans la Seine. Même le roi et sa famille ne se sentent plus tout à fait en sécurité. Ils quittent l’hôtel Saint-Pol et vont s’établir au Louvre, citadelle que leurs troupes pourraient mieux défendre, au cas où les bouchers déchaînés se retourneraient contre la couronne.

Ces exactions poussent trois cents bourgeois parmi les plus prestigieux, conduits par le prévôt des marchands, à quitter la ville pour se préserver et ne pas rester les témoins muets de ces horreurs.

Personne ne peut mettre fin au désordre, sinon Dieu lui-même. Alors les chanoines de la Sainte-Chapelle, les prêtres bernardins, les frères carmes et les moines mathurins unissent leurs forces spirituelles pour processionner, les pieds nus, jusqu’à Saint-Germain-l’Auxerrois, révérencieusement suivis par les conseillers du Parlement. Il ne s’agit pas de prendre parti pour les Armagnacs ou les Bourguignons, on espère seulement mettre tout le monde d’accord en plongeant dans la dévotion. Tous demandent par des prières, des chants et des cantiques, le prompt retour de la paix des princes…

Mais cette belle démonstration n’impressionne personne. En tout cas pas Jean sans Peur qui, au mois de novembre 1411, après être allé chercher des troupes, entre dans Paris à la tête de divisions anglaises. Trois mille Parisiens se précipitent à sa rencontre pour lui prêter main-forte. Désormais, Paris et ses faubourgs appartiennent aux Bourguignons : les Armagnacs sont chassés du royaume et leurs biens confisqués. De son côté, le Parlement, soupçonné d’accointance avec les Armagnacs, est imposé de mille livres, qui serviront à payer les troupes anglaises pour leur appui et obtenir d’elles un éloignement provisoire. En effet, Henri V, roi d’Angleterre, souhaite profiter des dissensions françaises pour récupérer quelques domaines perdus.

Fin avril 1413, les classes populaires parisiennes, qui en ont assez de voir leur ville et tout le royaume en pleine déconfiture, se soulèvent sous la conduite d’un écorcheur nommé Caboche. En réalité, Caboche s’appelle Simon Lecoustellier, mais comme son métier consiste à fracasser la caboche des bœufs pour en extraire la cervelle, on le surnomme Caboche et ses partisans s’affublent du sobriquet de cabochiens…

Jean sans Peur pense de bonne tactique de soutenir cette tentative de révolution et d’appuyer ces cabochiens, espérant bien, en fin de parcours, écarter ces gueux pour s’emparer seul du pouvoir. Durant tout le joli mois de mai, les cabochiens tiennent la ville dans un époustouflant déferlement de violences. On prend la Bastille, on massacre les prisonniers qui s’y trouvent, on occit les Parisiens qui ont plus ou moins l’air d’appartenir au parti des Armagnacs, on décapite le prévôt de Paris. On impose même au Parlement une ordonnance en deux cent cinquante-huit articles pour introduire un rigoureux contrôle des dépenses publiques, une réorganisation du pouvoir judiciaire, la réglementation des péages, ordonnance qui restera lettre morte et sera bien vite abrogée. En attendant, les nouveaux maîtres arpentent les rues avec le capuchon blanc, leur signe de reconnaissance. Malheur à celui qui refuse de porter cette coiffe : même le roi doit accepter d’arborer le blême galure des insurgés.

C’en est trop pour les gens de bon sens : la plupart des Parisiens, désormais, veulent qu’on mette un terme aux folies des cabochiens. Pour ce faire, les Bourguignons sont les plus mal placés : n’ont-ils pas fait alliance avec la sanglante rébellion ? Il faut donc se tourner vers les Armagnacs ! Leurs troupes, qui cantonnent près de Paris, n’attendaient que ce moment-là : elles pénètrent dans la ville et en chassent les Bourguignons.

Deux mois plus tard, le 4 août, les cabochiens tentent encore de soulever la population. Sur la place de Grève, ils sont là, les orateurs qui incitent le bon peuple à reprendre le combat contre les Armagnacs. Mais une voix surgie de la foule lance alors :

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