Clovis II va d’ailleurs déserter Paris et s’établir dans sa villa de Clichy. Le palais de la Cité se transforme en coquille vide, que l’on ranime à l’occasion, quand il faut recevoir un ambassadeur ou réunir une grande assemblée. Ce pauvre Clovis prend alors place sur le trône, couronne posée sur sa longue chevelure, comme un vrai mérovingien. Ce grand benêt au visage empâté, qui porte un nom bien trop lourd pour lui, suit les événements sans mot dire et en ouvrant de grands yeux naïfs.
Et quand il entre dans sa capitale, les Parisiens sont bien étonnés : il ne traverse pas la ville à cheval, comme l'ont fait tous les souverains jusqu’ici : non, il se fait transporter dans une voiture tirée par quatre bœufs. En fait, le jeune roi, constamment malade, n’a pas la force de dominer une monture, alors il se résout à se faire traîner ainsi. Dans la population, on ricane et les Parisiens goguenards ont tôt fait de lui trouver un surnom taillé sur mesure : le roi fainéant ! Un sobriquet qui lui collera à la peau et à celle de tous ses descendants.
Une fois pourtant, Clovis II fait montre d’une volonté royale : alors que la famine décime Paris, il décide de reprendre à l’abbaye de Saint-Denis une vaisselle d’argent que le roi son père avait, jadis, offerte aux moines. Il vend ce trésor et peut ainsi acheter du blé qu’il fait livrer à la ville. L’abbé de Saint-Denis en est scandalisé ! Pour lui, il y a péché à retirer des richesses à l’abbaye…
D’ailleurs, le roi semble en vouloir un peu à Saint-Denis. Un jour, décidant qu’il fallait pour son oratoire personnel de Clichy une sainte relique capable de le protéger des tentations du Diable, il se rend à Saint-Denis, fait froidement ouvrir le tombeau du saint et, vlan ! d’un coup d’épée, tranche un bras du martyr. Puis s’en va, guilleret, avec son bras sous le bras.
Quelques mois plus tard, âgé de vingt-deux ans, Clovis II succombe après une mystérieuse langueur et les moines de Saint-Denis, qui tiennent à récupérer le bras de leur saint, font savoir que si le roi est mort fou et tellement jeune, c’est par châtiment de son terrible sacrilège… Le bras retrouve aussitôt la crypte de l’abbaye et Clovis II peut être inhumé près de son père.
En cette seconde moitié du VIIe siècle, Saint-Denis voit ainsi son influence croître au point de devenir un concurrent de plus en plus sérieux pour Saint-Germain-des-Prés, qui reste la nécropole privilégiée des rois mérovingiens…