De tels affronts ne s’oublient pas. On comprend finalement un peu mieux pourquoi Louis XIV voulut faire de Paris une ville ouverte, pour l’embellir certes, mais surtout pour l’affaiblir. Les cours et boulevards remplacèrent les enceintes, la ville était offerte…

Boulevard, un mot typiquement parisien ?

En 1670, Louis XIV ordonna la destruction du rempart de Charles V, rendu doublement inutile, d’une part en raison de l’évolution des techniques militaires, d’autre part à cause de l’urbanisation des quartiers hors les murs.

Sur la rive droite, le rempart fut remplacé par un boulevard allant de la Bastille à la Madeleine, où les gens pouvaient se promener.

Le mot français boulevard apparaît à cette époque, pour désigner cette nouveauté. Il est donc typiquement parisien !

En fait, il a une double origine. Il vient tout d’abord du terme hollandais bolewerk, qui signifie « ouvrage de fortification » (de bol, la poutre, et voerk, l’ouvrage). Ce terme désignait donc le rempart. Plus tard, quand la muraille a été abattue, elle a fait place à un cours ou un mail garnis d’arbres… Les Parisiens les appelaient « boules vertes », boulevert, puis boulevard. Et le boulevard devint un lieu de délassement, de flânerie, de rêve…

Louis XIV réserva à Versailles ses toquades architecturales et ses enthousiasmes artistiques. Il fit pourtant une exception de taille pour venir au secours de la foultitude de soldats blessés ou mutilés au service de sa grandeur militaire… Louis XIV n’ignorait pas à qui il devait ses victoires : à la piétaille mobilisée pour ses coûteuses campagnes. Alors, il les soigna, ces petits, ces obscurs, et sa reconnaissance devait se lire dans la pierre… Il y est parvenu. Encore aujourd’hui, on aperçoit de loin ce dôme illuminé d’or dressé à cent cinq mètres au-dessus d’une vaste esplanade déserte, champ de bataille engourdi rendu à la sérénité de la paix recouvrée : les Invalides.

*

* *

Quand Louis XIV, confortablement calé dans son carrosse, traverse Paris, quand il franchit le Pont-Neuf encombré de poètes, de vagabonds, de vendeurs de gazettes et de montreurs d’ours, son cœur se serre à la vue des unijambistes, manchots, culs-de-jatte, borgnes ou aveugles, ces estropiés qui ont laissé leurs forces sur le champ d’honneur, et qui traînent une existence de misère et de honte dans la mendicité.

Sur le plan humain, le roi est un peu ébranlé. Sur le plan politique, il est catastrophé. En effet, ce revers de la médaille militaire ou cet envers du décor est un peu trop voyant. Lui qui aime tant la guerre désire n’en conserver que l’image du panache et du courage, il veut oublier que les conflits mènent à des hommes dépecés, des chairs labourées, des vies brisées. Il faut donc éloigner ces invalides du centre de Paris, les cacher le mieux possible car ils sont tous les soleils noirs du règne, l’ombre portée de la réalité sur la luminescence royale.

En définitive, le choix de l’emplacement de l’hôtel des Invalides, dans cette plaine de Grenelle si isolée, n’est pas pour déplaire au roi. Au moins on ne les verra plus, ces éclopés ! Ce dôme d’or qui éblouit a-t-il une autre fonction que de cacher la nuit de ceux qui souffrent ?

En 1674, Louis XIV dresse par ordonnance la fonction des bâtiments dont la construction vient de s’achever : « Un hôtel royal d’une grandeur et espace capables d’y recevoir et loger tous les officiers et soldats tant estropiés que vieux et caducs et d’y assurer un fonds suffisant pour leur subsistance et leur entretien. »

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