Chapitre 1

Chaque individu commence sa vie plein d’espoirs et d’aspirations. Parmi ces aspirations figure le désir qu’une voie directe lui permette un jour d’atteindre ses objectifs.

C’est rarement le cas. Peut-être même jamais.

Parfois, détours et déviations sont la conséquence de nos propres atermoiements, car les idées et les objectifs de chacun changent au cours du temps. Mais le plus souvent, ces circonvolutions nous sont imposées par des forces extérieures.

Ainsi en a-t-il été pour moi. Le souvenir reste vivace ; le temps n’a pas eu de prise sur lui : les cinq amiraux se lèvent de leurs sièges tandis que je pénètre dans la pièce, sous escorte. L’Ascendance a pris sa décision et tous sont là pour la faire connaître.

Aucun d’eux n’en est satisfait. Je peux le lire dans leurs yeux. Mais en tant que dirigeants et serviteurs des Chiss, ils exécuteront leurs ordres. Le protocole à lui seul l’exige.

La sentence est celle que j’attendais.

L’exil.

La planète a déjà été choisie. Les Aristocra rassembleront le matériel nécessaire pour que l’isolement ne me condamne pas à une mort trop rapide, victime des prédateurs ou des éléments.

On m’emmène. Une nouvelle voie s’ouvre une fois de plus devant moi.

Où elle me conduira, je ne saurais le dire.

 

 

La hutte était petite, manifestement composée de matériaux locaux, et située au centre de la clairière. Huit grandes boîtes rectangulaires l’encerclaient, couvertes de deux séries distinctes d’inscriptions.

— Et c’est pour ça, grimaça le commandant Voss Parck, que vous m’avez fait descendre jusqu’ici depuis le Vifassaut ?

— Oui, commandant, répondit d’un ton acerbe le colonel Mosh Barris. Il se pourrait que nous ayons un problème. Vous voyez ces motifs ?

— Bien sûr. Des caractères bogolans, on dirait.

— Ce sont bien des caractères bogolans, mais pas du bogolanese, précisa Barris. Pour les droïdes traducteurs, ça n’a ni queue ni tête. De plus, les deux générateurs énergétiques derrière la hutte ne sont pas de conception impériale.

Légèrement en retrait et s’efforçant de se faire le plus discret possible, le cadet première classe Eli Vanto observait son commandant et le capitaine des troupes du Vifassaut discuter du campement qu’ils venaient de trouver sur cette planète sans nom.

Et se demandait ce qu’il faisait ici.

Aucun des dix autres cadets de l’Académie de Myomar n’avait reçu comme lui l’ordre de descendre de la navette de Parck. Eli ne possédait aucune expertise spécifique en technologie ou en artefacts inconnus. Et ce n’était pas comme s’il avait besoin d’acquérir de l’expérience en dehors d’un vaisseau : il était appelé à devenir commissaire de bord. Il ne voyait donc aucune raison à avoir été sélectionné de la sorte.

— Cadet Vanto ? appela Barris.

Eli s’arracha à ses réflexions.

— Oui, colonel ?

— D’après les droïdes, une demi-douzaine de langues véhiculaires de la région utiliseraient les caractères bogolans. Vous êtes notre expert pour tout ce qui est dialecte local obscur, ajouta-t-il en indiquant les caisses. Alors ?

Eli s’approcha, le pas légèrement chancelant. C’était donc pour ça qu’il était là. Il avait grandi sur la planète Lysatra dans cette partie de l’Espace Sauvage, juxtaposée à la zone connue sous le nom de Régions Inconnues. La compagnie de transport appartenant à sa famille travaillait principalement sur et autour de leur monde natal, mais ils faisaient assez d’affaires avec les Régions Inconnues pour qu’Eli ait fini par maîtriser un certain nombre de langues commerciales locales.

Malgré tout, c’était loin de faire de lui un expert.

— Ce pourrait être une variante du sy bisti, colonel, répondit-il. Certains mots me sont familiers, et la syntaxe correspond, mais ce n’est pas la forme standard.

Barris renifla de dédain.

— Difficile d’imaginer quoi que ce soit de standard pour une langue si obscure que même les droïdes ne s’en encombrent pas.

Eli se mordit la lèvre. Le sy bisti était en réalité une langue parfaitement définie et extrêmement utile. Seuls les gens qui s’en servaient encore et les planètes sur lesquelles ils vivaient étaient obscurs.

— Vous avez dit que vous pouviez déchiffrer quelques mots ? lui demanda Parck.

— Oui, commandant. Il semble que ce soit surtout des informations de suivi et le nom de l’entreprise qui a fourni le contenu. Il y a aussi un petit passage qui loue la grandeur et l’honneur de cette entreprise.

— Quoi ? Ils gravent de la publicité directement sur leurs caisses d’expédition ? s’étonna Barris.

— Oui, colonel. Beaucoup de petites entreprises font ça, par ici.

— Le nom de cette société ne vous dit rien, j’imagine ? l’interrogea Parck.

— Non, commandant. Je crois que c’est Red Bype ou Redder Bype. Possible que ce soit le nom du propriétaire.

Parck opina du chef.

— On va pouvoir regarder si on a quelque chose dans nos archives. Et pour ce qui est de l’autre série de caractères ?

— Désolé, commandant, dit Eli. C’est la première fois que je les vois.

— Formidable, marmonna Barris. Alors, peu importe qu’il s’agisse d’une base de contrebandiers ou du campement de survivants d’un crash de vaisseau, ça tombe quand même dans le cadre des protocoles AI.

Eli grimaça. Les protocoles Alien Inconnu étaient un vestige de l’âge d’or de la République, lorsqu’une nouvelle espèce était découverte chaque semaine et que le Sénat souhaitait que chacune soit contactée et étudiée. La Marine Impériale moderne n’avait aucune raison et encore moins de motivation à exécuter de telles tâches, et le Haut Commandement l’avait exprimé à de nombreuses reprises.

La rumeur courait à l’Académie que l’Empereur Palpatine travaillait à abroger les protocoles. Mais, pour le moment, il s’agissait toujours des normes à suivre, et beaucoup trop de Sénateurs y étaient favorables.

Voilà qui allait bouleverser le planning du Vifassaut. Les officiers et l’équipage du vaisseau n’étaient déjà pas particulièrement enchantés d’avoir une bande de cadets dans les pattes, et Eli voyait bien qu’ils avaient hâte de les renvoyer sur Myomar. Ces joyeux adieux allaient devoir être reportés de deux jours supplémentaires, si ce n’est plus.

— Entendu, dit Parck. Très bien. Dites à vos troupes de s’installer confortablement pendant que je fais descendre une équipe technique. Gardez un œil ouvert au cas où votre contrebandier ou votre rescapé devait revenir.

— Oui, commandant, acquiesça le colonel tandis qu’une sonnerie s’élevait de son comlink.

Il le sortit de sa poche.

— Barris.

— Ici, major Wyan depuis le site du crash, colonel, indiqua une voix tendue. Pardonnez-moi de vous déranger, mais je crois que vous feriez mieux de venir voir ça.

Eli fronça les sourcils. Il n’avait pas entendu parler d’un accident.

— Il y a eu un crash, commandant ? demanda-t-il.

— L’un de nos chasseurs V-wings s’est écrasé, répondit Parck en indiquant de la tête l’autre côté de la clairière.

Au loin, des lumières tremblotaient à travers les volutes de brume crépusculaire qui flottaient entre les arbres.

Eli hocha silencieusement la tête. Il avait remarqué les lumières un peu plus tôt, mais il était parti du principe qu’il s’agissait du reste de l’équipe d’inspection de Barris.

— J’arrive tout de suite, dit le colonel. Avec votre permission, commandant ?

— Allez-y, dit Parck. Je resterai ici avec le cadet Vanto pour voir ce qu’il a d’autre à nous dire sur ces inscriptions.

Eli avait presque terminé de tout étudier lorsque Barris et un soldat de la Marine portant un uniforme et un casque noirs revinrent avec une combinaison de vol de pilote de V-wing.

Une combinaison de vol bourrée d’herbe, de feuilles et de fruits rouges à l’odeur étrange.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? voulut savoir Parck.

— C’est ce que nous avons trouvé près du site du crash, répondit Barris, l’air sombre, alors qu’il déposait la combinaison sur le sol devant le commandant. Le corps a disparu. Il ne reste que ce… cet…, ajouta-t-il en secouant vaguement la main.

— Épouvantail, murmura Eli.

Parck lui décocha un regard perçant.

— C’est quelque chose que vous avez l’habitude de faire dans le coin, vous autres ?

— Certains fermiers utilisent encore des épouvantails pour garder les oiseaux à distance de leurs plantations, répondit Eli en sentant son visage s’empourprer.

Vous autres. Parck laissait poindre ses préjugés d’habitant du Noyau.

— On en croise aussi dans les festivals et les parades, ajouta le cadet.

Parck se retourna vers Barris.

— Avez-vous cherché le pilote ?

— Pas encore, commandant. J’ai ordonné que les soldats établissent un périmètre de sécurité autour du campement, et je vais demander à ce qu’une autre troupe nous rejoigne.

— Bien. Une fois qu’elle sera là, étendez vos recherches et retrouvez la dépouille.

— Oui, commandant, acquiesça le colonel. Néanmoins, nous ferions peut-être mieux d’attendre l’aube.

— Vos soldats ont peur du noir ?

— Non, commandant, répondit Barris avec raideur. Seulement, nous avons aussi retrouvé la trousse de survie du V-wing. Le blaster, les recharges énergétiques et les grenades à concussion ont disparu.

Parck esquissa une grimace.

— Une bande armée de primitifs. Merveilleux. Très bien. Cherchez jusqu’à ce qu’il fasse nuit, puis reprenez à l’aube.

— Nous pouvons poursuivre les recherches toute la nuit si vous préférez.

Parck secoua la tête.

— C’est déjà bien assez difficile de se repérer dans le noir en territoire inconnu. J’ai vu trop de patrouilles nocturnes désorientées au point de finir par se jeter ou se tirer les unes sur les autres, et la brume qui est en train de s’installer ne fera qu’empirer les choses. Nous allons maintenir une surveillance aérienne, mais vos soldats feraient mieux de rester dans l’enceinte du campement jusqu’au lever du soleil.

— À vos ordres, commandant. Peut-être que ceux qui ont pris les grenades auront la courtoisie de se faire sauter, avant de s’en prendre à nous.

— Peut-être, répondit Parck en regardant le ciel s’assombrir. Je vais retourner au vaisseau pour mettre en place une couverture aérienne plus étendue.

Il posa de nouveau les yeux sur Eli.

— Cadet, vous resterez ici avec l’équipe du colonel Barris. Étudiez de près le campement pour voir s’il n’y a pas d’autres inscriptions. Plus tôt nous saurons tout ce qu’il y a à savoir, plus tôt nous pourrons repartir.

*

Il faisait presque nuit noire lorsque les hommes de Barris finirent de créer le périmètre de sécurité. L’équipe technique avait installé une table d’examen sous un auvent destiné à la protéger des intempéries afin d’y étudier l’herbe et les feuilles qu’ils avaient retirées de la combinaison. Ils avaient commencé leur travail lorsque le major Wyan et son équipe d’inspection revinrent de la forêt les mains vides.

Ils n’avaient donc pas retrouvé le corps du pilote. En même temps, aucun membre de l’équipe ne semblait avoir été tué ni même blessé. Avec des grenades et un blaster entre les mains de primitifs ou d’un rescapé d’une espèce inconnue, Eli était enclin, à titre personnel, de voir ça comme une demi-victoire.

— C’est donc ça qu’il y avait dans la combinaison de vol ? demanda Wyan en rejoignant Barris, occupé à regarder les deux techniciens étaler le rembourrage de l’épouvantail.

— Oui, répondit le colonel.

La brise changea momentanément de direction et Eli perçut une odeur étrange qu’il avait déjà sentie plus tôt. Il s’agissait probablement des fruits rouges que les techniciens avaient dû broyer pour les analyser.

— Pour l’instant, il semblerait qu’il ne s’agisse que de flore locale, poursuivit le colonel. Peut-être que tout ça n’était qu’une sorte de rituel religieux…

Ils furent brusquement interrompus par l’éclair et le coup de tonnerre d’une explosion derrière eux.

— À couvert ! s’écria Barris.

Le colonel pivota sur place et, posant un genou à terre, dégaina son blaster.

Eli bondit derrière l’une des grosses caisses, puis jeta un coup d’œil prudent sur le côté. À mi-distance de l’orée de la clairière, un carré d’herbe se consumait suite à l’explosion ; au-delà, des soldats couraient en direction de la partie la plus proche du cordon de sentinelles, blasters au poing, prêts à tirer. Quelqu’un alluma un projecteur et balaya la forêt d’un éclat puissant qui illumina la brume flottant entre les arbres. Eli suivit le faisceau de lumière des yeux et scruta les bois en quête de leur assaillant… lorsque Barris fut projeté face contre terre par une seconde explosion.

— Colonel ! hurla Wyan.

— Je vais bien, cria l’Impérial.

Derrière lui, le tas d’herbe et de feuilles qui se trouvait sur la table d’examen était dévoré par des flammes étincelantes tandis que la table elle-même gisait sur le sol, renversée par le souffle de l’explosion. À l’autre extrémité, les deux techniciens, secoués de tremblements, se remettaient lentement à quatre pattes. Jurant à mi-voix, Eli resta allongé sur le sol en prévision de l’inévitable troisième explosion.

Mais l’inévitable n’eut pas lieu. Il entendit les soldats du périmètre de sécurité reprendre contact un à un avec Barris et lui confirmer que les défenses étaient en place. Wyan organisa une battue sur une bande de vingt mètres à l’intérieur de la forêt et annonça que les assaillants non identifiés s’étaient enfuis.

Étant donné que personne n’avait rien repéré avant l’explosion, le fait qu’ils n’aient rien découvert de plus à présent ne réconfortait pas vraiment Eli.

Les explosions en elles-mêmes se révélaient également mystérieuses.

— Ce qui est sûr, c’est qu’il ne s’agissait pas de grenades à concussion, affirma Wyan. C’était loin d’être assez puissant. On suppose qu’il doit s’agir de cartouches énergétiques de blaster auxquelles on aurait retiré les goupilles de sécurité.

— Ça ne ressemble pas à quelque chose auquel auraient pu penser des « sauvages », commenta Eli en fronçant les sourcils.

— Quel esprit de déduction, cadet ! rétorqua Wyan avec sarcasme. Le colonel Barris pense que notre rescapé est de retour, ajouta-t-il avant d’indiquer la hutte. Je ne vous ai pas fait venir ici pour bénéficier de votre opinion sur notre situation tactique. Je vous ai fait venir pour que vous nous disiez s’il y a quoi que ce soit dans la hutte ou sur les caisses de stockage qui pourrait nous donner un indice quant à son apparence ou ses capacités technologiques.

— À en croire la forme de son lit et de ses couverts, il est probablement humanoïde, répondit Eli. Mais il n’y a pas d’autre indice.

— Et ces générateurs énergétiques ? Il faut bien un minimum de compétences technologiques pour s’en servir, non ?

— Pas nécessairement, répondit le cadet. Ils fonctionnent de façon quasi automatique.

Wyan jeta un regard noir en direction des ténèbres.

— Alors pourquoi cette attaque ? marmonna-t-il. Et pourquoi une attaque aussi insignifiante ? S’il est assez malin pour penser aux goupilles de sécurité, il l’est assez pour dégoupiller une grenade.

— Peut-être qu’il essaie de nous chasser sans abîmer sa maison, suggéra Eli.

Wyan lui adressa un regard aiguisé et sembla sur le point de lui rappeler de garder pour lui ses conseils militaires. Mais il n’en fit rien. Peut-être se rappelait-il qu’Eli avait de l’expérience dans cette région insignifiante de la galaxie.

— Et comment serait-il parvenu à s’introduire dans le campement ? l’interrogea-t-il.

Un bruissement s’éleva non loin des pieds d’Eli. Il sursauta, mais ce n’était qu’un petit animal terricole qui détala à travers les herbes.

— Il a peut-être projeté les cartouches de blaster jusqu’ici à l’aide d’une catapulte ou quelque chose de ce genre.

Wyan haussa les sourcils.

— À travers l’auvent ?

Eli grimaça en regardant le tas d’herbe toujours fumant. Non, bien sûr que non : projeté depuis l’extérieur du campement, l’explosif aurait rebondi sur l’auvent et n’aurait jamais atteint la table. C’était stupide de sa part.

— J’imagine que non, major.

— Vous imaginez que non, répéta Wyan avec sarcasme. Merci, cadet. Remettez-vous au travail et, cette fois, tâchez de trouver quelque chose d’utile.

— Oui, major.

— Major ? appela Barris en traversant la clairière à grands pas.

— Colonel ? répondit Wyan en se retournant vers lui.

— Le commandant envoie quelques V-wings effectuer un quadrillage de la zone, lui annonça Barris. Pendant ce temps, prenez une escouade et installez des projecteurs le long du périmètre. Je veux tout le contour de la forêt illuminé comme l’intérieur d’un module d’allumage. Puis resserrez le maillage du bouclier de capteurs. Je refuse qu’un autre explosif parvienne jusqu’à nous sans même en être informé.

La réponse de Wyan fut couverte par le grondement soudain de deux V-wings passant au ras de la cime des arbres.

— Quoi ? demanda Barris.

— Je rappelais au colonel qu’il y a beaucoup d’oiseaux dans les parages, répéta Wyan. Des petits animaux terricoles également. J’ai failli me tordre la cheville en marchant sur l’un d’eux il y a une minute. Si l’on resserre trop le maillage du bouclier, les alarmes vont se déclencher toute la nuit.

— Très bien : oubliez le resserrage du maillage. Installez-moi juste ces projec…

Soudain, droit devant eux, la silhouette des arbres se découpa dans la nuit tandis que s’élevait une boule de feu dans le lointain.

— Qu’est-ce que… ? aboya Wyan.

— Un V-wing s’est crashé ! rétorqua Barris en allumant son comlink. Une équipe de secours au transport. Vite !

*

Au moins, cette fois, le corps du pilote n’avait pas disparu. Malheureusement, son blaster, ses cartouches énergétiques et ses grenades à concussion, si.

Et les rumeurs comme les spéculations allaient bon train.

Occupé qu’il était dans la hutte du rescapé, Eli était tenu à l’écart des bavardages. Mais de temps en temps, l’un des techniciens le rejoignait à l’intérieur pour récupérer quelque chose à analyser. Ils étaient généralement désireux de discuter, d’exposer leurs intuitions et de prétendre que cela ne leur faisait pas du tout peur.

Mais c’était faux.

Eli avait peur, lui aussi. La lumière des projecteurs braquée sur le pourtour de la forêt avait réussi à empêcher de nouvelles attaques, mais les nuages d’insectes qu’elle attirait étaient presque aussi stressants. Les V-wings qui survolaient le campement créaient une impression de sécurité et de protection, mais Eli se crispait à chaque fois qu’il en entendait un passer, avec l’appréhension que ce soit le prochain à se faire abattre.

Qui plus est, il y avait la question du pourquoi.

Pourquoi les choses se passaient-elles comme ça ? Était-ce quelqu’un désireux de chasser les Impériaux ? À moins que l’assaillant cherche à les clouer au sol ou encore à les faire tourner en rond ? Pire encore, pouvait-il s’agir d’une sorte de jeu macabre ?

Et cette combinaison de vol bourrée d’herbes : était-ce une feinte, une distraction ou un simple rituel indigène ?

Cette dernière question, au moins, ne resta pas sans réponse. Vers minuit environ, après avoir consulté le commandant Parck par comlink, Barris ordonna que la combinaison de vol soit attentivement examinée.

Ce ne fut qu’à cet instant qu’ils découvrirent que le comlink du casque avait disparu.

— Oh, les petits futés ! grommela Barris tandis qu’Eli s’approchait pour mieux entendre la conversation. Et dans celle-là ?

— Le comlink est toujours là, confirma Wyan après avoir jeté un coup d’œil dans le casque du second pilote abattu. Ils n’ont pas dû avoir le temps de le récupérer.

— Ou ne s’en sont pas donné la peine, commenta Barris.

— Parce qu’ils peuvent déjà écouter discrètement nos communications ?

— Exactement. Mais plus pour longtemps. Contactez le Vifassaut et faites-leur fermer ce canal.

— Oui, colonel.

Barris tourna les yeux vers Eli.

— Vous avez quelque chose à ajouter, cadet ? Ou vous vous mettez à espionner, vous aussi ?

— Oui, colonel. Enfin, je veux dire : non, colonel. Je voulais vous informer que j’ai trouvé deux pièces de monnaie entre les revêtements intérieur et extérieur de l’une des caisses. Elles datent du début de la Guerre des Clones. Ce qui signifie que notre survivant serait là depuis au moins aussi longtemps…

— Attendez, le coupa Barris. Des pièces de monnaie ?

— Beaucoup d’affréteurs par ici placent de la petite monnaie fraîchement frappée dans leurs caisses, expliqua Eli. Ça sert de porte-bonheur, et aussi à s’assurer que les dates des manifestes ne soient pas altérées. Ils les retirent et en mettent de nouvelles à chaque fois que la caisse leur revient.

— Donc si on part du principe que ces caisses étaient neuves quand le survivant les a eues, ça voudrait dire qu’il est là depuis plusieurs années, commenta Wyan, l’air songeur. Ce qui pourrait expliquer un peu son comportement.

— Non, pas pour moi, répliqua Barris. Si tout ce qu’il veut, c’est qu’on lui offre un billet retour pour la civilisation, pourquoi ne se contente-t-il pas de sortir de la forêt pour nous le demander ?

— Peut-être qu’il était en cavale lorsque son vaisseau s’est crashé ? suggéra Wyan. Ou peut-être qu’il est venu ici volontairement et qu’il veut juste qu’on s’en aille ?

— Auquel cas, il risque d’être profondément déçu, rétorqua le colonel. Très bien, cadet, continuez de chercher. Souhaitez-vous que je vous envoie un technicien pour vous aider ?

— Il n’y a pas beaucoup d’espace, ici, colonel. On se gênerait plus qu’autre chose.

— Alors, remettez-vous au travail. Tôt ou tard, à force de jouer avec le feu, notre ami finira par faire un faux pas. Et quand ce moment arrivera, nous serons prêts.

*

Il y eut cinq victimes au cours de la nuit parmi les sentinelles chargées du périmètre de sécurité. Trois d’entre elles furent blessées par l’ennemi invisible, touchées à la poitrine et à la tête par des grenades à concussion. Personne ne vit rien, que ce soit avant ou après l’attaque. Les deux autres victimes s’étaient fait tirer dessus par leurs propres camarades qui, pris de nervosité, les avaient confondus avec des assaillants dans l’obscurité brumeuse.

L’aube avait à peine commencé à éclaircir le ciel que Barris avait repris contact avec le Vifassaut via son comlink. Et le temps que le soleil finisse de dissiper la brume nocturne, deux escouades de stormtroopers étaient arrivées en renfort. Elles allèrent consulter Barris, puis se dirigèrent d’un bon pas vers la forêt, leurs fusils blasters croisés sur la poitrine, prêts à faire feu.

Personnellement, Eli doutait qu’ils aient plus de chance que les hommes de Barris de trouver le mystérieux attaquant. Mais il devait reconnaître que la présence des guerriers en armure blanche eut l’effet bienvenu de remonter le moral des troupes.

Il était en train de démonter la dernière caisse en quête de nouvelles pièces lorsqu’il entendit provenir de l’extérieur de la hutte un bruit aigu, léger, mais persistant, aussitôt suivi de cris et de jurons.

Une alerte générale ? Il s’empara de son comlink et l’activa.

Puis le coupa tout aussi rapidement, en le tenant le plus loin possible, lorsque le même bruit suraigu lui perça les tympans.

Quelqu’un brouillait leurs comlinks.

— Alerte maximale ! entendit-il Barris aboyer depuis l’autre côté de la clairière. Toutes les troupes en alerte maximale. Major Wyan, où êtes-vous ?

Eli s’empressa de faire le tour de la hutte et faillit être percuté de plein fouet par une femme soldat qui se dirigeait vers le périmètre de sécurité. Son visage était couleur cendre sous son lourd casque noir. Elle avait la mine défaite et son uniforme était couvert de poussière. Eli finit par repérer Barris à l’instant où il était rejoint par Wyan.

— Toutes les fréquences de comlink sont HS, colonel, annonça le major.

— Je sais, grogna Barris. La coupe est pleine ! Il y a dix-huit stormtroopers qui ratissent les buissons là-bas : envoyez des soldats leur dire de revenir. Nous plions bagage.

— Nous partons, colonel ?

— Des objections ?

— Non, colonel. Mais qu’est-ce qu’on fait de ça ? demanda Wyan en indiquant la hutte du pouce. Les protocoles exigent que nous l’étudiions.

Barris contempla l’habitation d’un regard noir pendant quelques secondes, puis son visage s’éclaira.

— Mais ils n’exigent pas que nous le fassions sur place, dit-il. Nous allons l’emporter avec nous.

Wyan le dévisagea, bouche bée.

— À bord du Vifassaut ?

— Pourquoi pas ? rétorqua Barris, comme s’il continuait d’y réfléchir tout en parlant. Il y a amplement assez d’espace dans le transport pour tout ça. Dites aux techniciens de sortir les monte-charge à répulseurs et de se mettre au travail.

Wyan lança un regard on ne peut moins enthousiaste au campement.

— À vos ordres, colonel.

— Et dites-leur de se remuer, lança Barris à Wyan tandis que le major s’éloignait déjà au pas de course. La seule raison pour laquelle il brouille nos communications, c’est parce qu’il s’apprête à lancer une attaque d’envergure.

Eli s’appuya contre la paroi de la hutte et balaya du regard l’orée de la forêt. Il ne repéra aucun ennemi tapi dans l’ombre. En même temps, personne n’avait encore rien vu jusqu’à maintenant.

Trois minutes plus tard, des soldats et des techniciens aux visages sombres arrivèrent au campement et commencèrent à fixer des monte-charge à répulseurs aux générateurs et aux caisses de stockage. Pendant qu’ils commençaient à transférer leur butin jusqu’au transport, l’un des techniciens resta avec Eli de façon à étudier la hutte et à déterminer où attacher les monte-charge.

Ils discutaient encore de la procédure à suivre lorsque les premiers stormtroopers commencèrent à émerger de la forêt conformément aux ordres de Barris. Alors que le brouillage se poursuivait, le reste des troupes regagna progressivement le campement et, faisant demi-tour pour faire face au bois, se plaça en formation défensive en prévision de l’attaque que tous savaient imminente.

Sauf que rien ne se passa. Le transfert du campement fut achevé, laissant le groupe entier prêt à partir.

Il n’y avait qu’un seul petit souci. L’un des dix-huit stormtroopers avait disparu.

— Comment ça, disparu ? rugit Barris d’une voix qui porta d’un bout à l’autre de la clairière tandis que trois stormtroopers retournaient dans la forêt d’un pas décidé. Comment un stormtrooper peut-il bien disparaître ?

— Je ne sais pas, colonel, répondit Wyan en regardant autour de lui. Mais vous avez raison. Plus vite on filera d’ici, mieux on se portera.

— Un peu, que j’ai raison ! Ça suffit, major. Faites monter les techniciens à bord du transport, puis faites suivre vos troupes en formation standard d’arrière-garde.

— Et pour les stormtroopers ? demanda Wyan.

— Ils ont leur propre transport de troupes, répliqua le colonel. Ils peuvent rester en arrière et fouiller autant de buissons qu’il leur plaira. Nous partirons dès que tous les autres seront à bord.

Eli n’attendit pas d’en entendre davantage. Il n’avait pas été spécifiquement mentionné dans les ordres de Barris, mais il était plus technicien que soldat. Ou c’était tout comme. Il se tourna donc vers le transport.

Et marqua un temps d’arrêt. L’un des stormtroopers montait la garde dans une posture rigide devant le sabord de charge, son arme tenue contre lui, en travers de la poitrine. Il pourrait s’offusquer que Barris ait donné l’ordre de les abandonner, lui et ses compagnons…

Sans le moindre geste ni avertissement, le stormtrooper se désagrégea brutalement en une violente explosion.

Eli s’aplatit aussitôt sur le sol.

— Alerte ! entendit-il quelqu’un hurler, la voix altérée par le sifflement dans ses oreilles.

Une poignée de soldats se précipitait vers la forêt, mais Eli n’aurait su dire s’ils étaient sur une vraie piste ou espéraient seulement tomber par hasard sur leur assaillant. Il reporta son attention vers le transport…

Ce qu’il vit lui coupa le souffle. L’écran de fumée qui était en train de se dissiper révéla que le vaisseau lui-même n’avait subi que des dégâts mineurs. Essentiellement d’ordre esthétique, rien qui ne puisse empêcher le vol ou nuire à l’intégrité de la coque du transport. L’armure du stormtrooper, dont la blancheur immaculée n’était plus qu’un souvenir, gisait éparpillée sous forme de débris dans un petit rayon autour de l’endroit où se tenait le soldat.

L’armure était tout ce qu’il y avait. Le corps lui-même avait disparu.

— Non, s’entendit murmurer Eli.

C’était impossible. Une explosion qui avait causé derrière elle si peu de dégâts au vaisseau ne pouvait pas avoir désintégré un corps de façon aussi complète. Qui plus est sans avoir fait la même chose à l’armure dans laquelle il se trouvait.

Un mouvement sur sa gauche attira son regard. Les trois stormtroopers partis à la recherche de leur camarade regagnaient la clairière. Ils l’avaient effectivement retrouvé.

Ou, du moins, ce qu’il restait de lui.

*

Eli s’attendait presque à ce que leur vaisseau et le transport de troupes soient attaqués tandis qu’ils s’élevaient dans le ciel. Mais aucun missile, aucune impulsion laser ou grenade catapultée ne fut lancé à leur poursuite. Et ils regagnèrent bientôt, à son grand soulagement, la sécurité du hangar du Vifassaut.

Le commandant Parck patienta devant l’écoutille du transport tandis que les hommes sortaient un à un du vaisseau.

— Colonel, dit-il en hochant gravement la tête lorsque Barris émergea derrière Eli. Je ne me rappelle pas vous avoir donné la permission de quitter votre poste.

— Non, en effet, répondit le colonel, et Eli n’eut aucun mal à percevoir la lassitude dans sa voix. Mais en tant que commandant sur place, j’ai pris la décision qui me semblait la meilleure.

— Oui, murmura Parck.

Regardant par-dessus son épaule, Eli vit le commandant détourner les yeux de Barris pour les poser sur le transport.

— On me dit que vous avez rapporté le campement alien avec vous ? ajouta Parck.

— Oui, commandant. Absolument tout ce qui était sur place, jusqu’à la poussière. Je peux remettre les techniciens au travail quand bon vous semble.

— Il n’y a pas d’urgence. Vous allez me raccompagner à mon bureau. Quant aux autres, qu’ils se présentent pour procéder au débriefing.

Il se tourna pour faire face à la rangée de techniciens et de soldats.

Et ses yeux tombèrent sur Eli.

Le jeune cadet détourna vivement la tête. Tendre une oreille indiscrète pour écouter les conversations des officiers était de très mauvais goût. Avec un peu de chance, Parck n’avait rien remarqué.

Malheureusement, cela ne lui avait pas échappé.

— Cadet Vanto ?

Retenant son souffle, Eli s’immobilisa et fit demi-tour.

— Oui, commandant ?

— Vous nous accompagnez aussi. Venez.

Et prenant la tête du trio, Parck les précéda hors du hangar.

Mais, à la surprise d’Eli, ils ne se rendirent pas au bureau du commandant. Au lieu de cela, Parck les conduisit à la tour de contrôle du hangar dont l’éclairage était étonnamment faible.

— Commandant ? s’étonna Barris tandis que Parck s’approchait de la baie d’observation.

— Une simple expérience, colonel, le rassura-t-il avant de faire un geste en direction de l’homme situé devant la console de contrôle. Tout le monde est sorti ? Bien. Baissez les lumières du hangar.

Barris alla se placer aux côtés de Parck tandis que l’éclairage de l’autre côté de la baie passait en mode nuit. Prudemment, soucieux de rester le plus discret possible, mais d’obtenir aussi un bon angle de vue, Eli se positionna de l’autre côté de Parck, légèrement en retrait. Leur transport ainsi que celui des stormtroopers, situés juste en contrebas, étaient aisément observables ; plus loin, à l’autre extrémité du hangar, se trouvaient trois navettes de classe Zeta et un vaisseau coursier Harbinger.

— Quelle sorte d’expérience ? voulut savoir Barris.

— Il s’agit de tester une théorie, expliqua Parck. Prenez vos aises, colonel, cadet. Nous allons peut-être rester là un moment.

Près de deux heures s’étaient écoulées lorsqu’une silhouette émergea furtivement du transport. Silencieusement, elle traversa le hangar plongé dans l’obscurité et se dirigea vers les autres vaisseaux, s’abritant à chaque fois que cela était possible derrière les rares éléments qui parsemaient son chemin.

— C’est qui, ça ? demanda Barris en se penchant un peu plus près de la cloison en transparacier.

— À moins que je ne me trompe, la source de tous les problèmes que vous avez rencontrés à la surface, colonel, lui répondit Parck avec une satisfaction non feinte. Je pense qu’il s’agit du rescapé dont vous avez envahi le foyer.

Eli écarquilla les yeux puis fronça les sourcils. Un homme ? Un seul homme ?

Barris ne semblait pas y croire, lui non plus.

— C’est impossible, commandant, protesta-t-il. Ces attaques ne peuvent être l’œuvre d’une seule personne. Il a dû recevoir de l’aide, d’une façon ou d’une autre.

— Nous allons attendre un instant pour voir s’il est rejoint par d’autres individus, consentit Parck.

Mais personne d’autre n’apparut. L’ombre finit de traverser le hangar et rejoignit les autres vaisseaux avant de s’arrêter un instant, comme pour prendre le temps de réfléchir. Puis, délibérément, la silhouette se dirigea vers le sas de la navette du milieu et se faufila à l’intérieur.

— Il semblerait que l’individu soit bel et bien seul, commenta Parck en sortant son comlink. Réglez vos armes en mode paralysant. Je le veux en vie et indemne.

*

Après toutes les difficultés que le survivant avait causées sur la planète, Eli s’attendait à ce qu’il lutte farouchement contre ceux qui venaient le capturer. Mais il fut surpris d’apprendre qu’il s’était rendu aux stormtroopers sans la moindre résistance.

Peut-être avait-il été pris par surprise. Ou plutôt savait-il reconnaître lorsqu’il était futile de résister.

Au moins Eli comprenait-il maintenant pourquoi Parck avait voulu qu’il les accompagne. Les caisses du prisonnier étaient recouvertes d’inscriptions dans une variante du sy bisti. S’il parlait cette langue – et s’il s’agissait de la seule langue qu’il connaisse –, les Impériaux auraient besoin d’un interprète.

Le groupe se trouvait à mi-chemin entre la navette et l’endroit où Parck, Barris, Eli et leur escorte de stormtroopers attendaient lorsque l’éclairage du hangar fut rétabli.

Le prisonnier, comme Eli l’avait déjà noté, était de forme et de dimensions humanoïdes. Mais c’était là que s’arrêtait sa ressemblance avec les humains. Sa peau était de couleur bleue, ses yeux d’un rouge luisant et ses cheveux d’une teinte bleu nuit.

Eli se raidit. Chez lui, sur Lysatra, il existait des mythes à propos d’êtres semblables. Des guerriers fiers et implacables que la légende appelait des Chiss.

Détachant ses yeux du visage de l’inconnu et son esprit des vieux mythes, il s’intéressa à la tenue du prisonnier. Il s’agissait, semble-t-il, de peaux et de fourrures ayant appartenu à la faune locale qu’il avait cousues ensemble. Et même s’il était escorté par une escouade entière de stormtroopers armés, une sorte de confiance quasi royale émanait de lui.

La confiance. Ça aussi, les légendes en parlaient.

Les stormtroopers avancèrent jusqu’à se trouver à quelques mètres de Parck et, d’un coup de coude, indiquèrent à l’individu de s’arrêter.

— Soyez le bienvenu à bord du Vifassaut, Destroyer Stellaire de classe Venator, dit le commandant. Parlez-vous le basic ?

L’espace d’un instant, le non-humain sembla l’étudier.

— Ou êtes-vous plus à l’aise en sy bisti ? demanda Eli dans la langue en question.

Barris lui décocha un regard noir et Eli tressaillit. Quel idiot, une fois de plus. Il aurait dû attendre qu’on lui en donne l’ordre. Le prisonnier le dévisageait, lui aussi, mais son expression semblait plus pensive que furieuse.

Le commandant Parck, quant à lui, n’avait d’yeux que pour le détenu.

— Vous lui avez demandé s’il parlait sy bisti, j’imagine ?

— Oui, commandant. Mes excuses, commandant. J’ai pensé que… les histoires racontent toutes que les Chiss utilisaient le sy bisti dans leur…

— Les quoi ? le coupa Parck.

— Les Chiss, répondit Eli en sentant ses joues s’empourprer. Ce sont des… eh bien, on a toujours cru qu’il s’agissait d’un mythe de l’Espace Sauvage.

— Tiens, vraiment ? commenta Parck en dévisageant le prisonnier. Il semblerait que leur existence soit un peu plus substantielle que cela. Mais je vous ai interrompu. Vous disiez ?

— Juste que, dans les histoires, les Chiss utilisaient le sy bisti lorsqu’ils voulaient communiquer avec nous.

— Tout comme vous avec nous, ajouta le prisonnier d’un ton calme en sy bisti.

Eli tressaillit. Le prisonnier avait répondu en sy bisti… mais il avait répondu à un commentaire que le cadet avait fait en basic.

— Comprenez-vous le basic ? demanda-t-il en sy bisti.

— J’ai quelques bases, avoua le Chiss dans la même langue. Mais je suis plus à l’aise avec ce langage.

Eli hocha la tête.

— Il dit qu’il comprend un peu le basic, mais qu’il est plus à l’aise avec le sy bisti.

— Je vois, dit Parck. Très bien. Je suis Voss Parck, commandant de ce vaisseau. Quel est votre nom ?

Eli ouvrit la bouche pour traduire…

— Non, l’interrompit Parck, la main levée. Vous pouvez traduire ses réponses, mais je souhaite déterminer à quel point il comprend le basic. Votre nom, je vous prie ?

L’espace d’un instant, le Chiss resta silencieux et parcourut le hangar du regard. Non pas comme le ferait un primitif impressionné par la taille et la magnificence de l’endroit, songea Eli, mais plutôt comme un militaire évaluant les forces et les faiblesses de son ennemi.

— Mitth’raw’nuruodo, répondit-il en posant à nouveau son regard de braise sur Parck. Mais je pense qu’il serait plus simple pour vous de m’appeler Thrawn.