Chapitre 2
Il arrive qu’un parcours de vie change suite à des décisions ou des événements importants. Ce sont ces derniers qui ont donné lieu à ma voie actuelle.
Mais parfois, même le plus petit des événements peut occasionner une bifurcation. Dans le cas d’Eli Vanto, cette force résidait dans un seul mot, prononcé au détour d’une conversation.
Chiss. Où donc le cadet Vanto avait-il entendu ce nom ? Qu’est-ce que cela signifiait pour lui ? Il avait déjà fourni une explication, mais il pouvait très bien y en avoir d’autres. En effet, la pleine vérité pouvait se composer de plusieurs couches. Mais quelles étaient-elles ?
Sur un vaisseau aussi grand que celui-ci, il n’y avait qu’une seule façon de le découvrir.
Ce fut ainsi que mon parcours connut une nouvelle bifurcation. Tout comme le sien, à n’en pas douter.
— Thrawn, répéta Parck comme pour tester le nom. Très bien. Comme je le disais, soyez le bienvenu. Je souhaite que vous sachiez qu’il n’était pas dans notre intention d’envahir votre territoire. Nous étions à la recherche de contrebandiers quand nous sommes tombés sur votre maison. Or il est stipulé dans notre règlement que nous devons étudier toute espèce inconnue que nous viendrions à croiser.
— Oui, dit Thrawn en sy bisti. C’est aussi ce que disaient les premiers marchands qui sont entrés en contact avec mon peuple.
— Il comprend, commandant, traduisit Eli. Il a entendu parler de ce point de règlement par des marchands ayant contacté son peuple.
— Alors pourquoi ne pas vous être présenté à nous ? exigea de savoir Barris. Pourquoi avoir harcelé et tué mes hommes ?
— C’était nécessaire…, commença Thrawn.
— Ça suffit, le coupa Barris. Il comprend le basic. Ça veut dire qu’il peut aussi le parler. Alors parlez. Pourquoi avoir harcelé et tué mes hommes ?
L’espace d’un instant, Thrawn l’observa pensivement. Eli regarda Parck, mais le commandant resta également silencieux.
— Très bien, poursuivit Thrawn en basic, avec un accent prononcé, mais compréhensible. C’était nécessaire.
— Pourquoi ? demanda Parck. Qu’espériez-vous obtenir en faisant cela ?
— J’espérais rentrer chez moi.
— Votre vaisseau s’est écrasé ?
— J’ai été…
Il regarda Eli et ajouta :
— Xishu azwane.
Eli cilla. Il a été… ?
— Il dit qu’il a été exilé.
Le mot sembla flotter dans l’air chargé d’émanations du hangar. Eli observa Thrawn en repensant aux histoires que l’on se racontait au coin du feu dans son enfance. Ces récits vantaient l’unité et les prouesses militaires du peuple chiss.
Mais aucun ne racontait qu’ils pouvaient s’exiler les uns les autres.
— Pourquoi ? demanda Parck.
Thrawn regarda Eli.
— En basic, si vous le pouvez, dit le cadet.
Le Chiss se tourna de nouveau vers Parck.
— Nos chefs et moi n’étions pas d’accord.
— Un désaccord allant jusqu’à justifier l’exil ?
— Oui.
— Intéressant, murmura le commandant. D’accord. Ça nous explique pourquoi vous avez fait tourner les hommes du colonel Barris en rond. Maintenant, dites-nous comment.
— Rien de difficile. Votre engin spatial s’est écrasé près de mon lieu d’exil. J’ai le temps de regarder avant que les soldats suivants arrivent. Le pilote était mort. J’ai pris son corps et je l’ai caché.
— Et rempli sa combinaison de vol d’herbe, intervint Barris. Dans l’espoir qu’on ne remarque pas que vous aviez volé son équipement.
— Et ça a marché, lui rappela le Chiss. Mais le plus important était pour vous de prendre la combinaison de vol et les baies pyussh pourries avec.
— Les baies ? répéta Barris.
— Oui, les baies pyussh pourries écrasées attirent les petites bêtes de la nuit.
Eli acquiesça intérieurement. Pourries : fermentées. Bêtes de la nuit : animaux nocturnes. C’était comme si Thrawn avait eu en sa possession un dictionnaire de basic plutôt complet, mais qu’il lui manquait les termes les plus techniques et qu’il devait improviser. Sa grammaire était également un peu hésitante, ce qui suggérait, là encore, qu’il l’avait apprise dans les livres plutôt que par la pratique de la conversation.
Est-ce que cela impliquait que le Chiss n’avait eu ces derniers temps que des contacts limités avec des personnes extérieures aux Régions Inconnues ?
— Vous avez donc fixé des cartouches de blaster trafiquées sur le dos d’animaux, en déduisit Barris. C’est comme ça que vous avez pu franchir notre périmètre de sécurité !
— Oui, confirma le Chiss. Comme ça aussi que plus tard j’ai attaqué les soldats. Avec une fronde, j’ai envoyé d’autres fruits sur leurs armures.
— Vous avez ensuite fait s’écraser un chasseur stellaire, ajouta Parck. Comment ?
— Je savais que des engins spatiaux vont venir faire des recherches. En prévision de ça, j’ai tendu du…
Il s’interrompit et reprit :
— Ohuludwu.
— Du fil monofilament, indiqua Eli.
— … du fil monofilament entre les sommets des arbres. L’engin s’est pris dedans.
— Et à cette altitude, le pilote n’a pas eu le temps de redresser, conclut Parck en hochant la tête. Cela ne vous aurait servi à rien de récupérer le chasseur intact, à ce propos. Ils ne sont pas équipés d’hyperdrive.
— Je ne voulais pas l’engin spatial. Je voulais…
Thrawn fit une nouvelle pause puis ajouta :
— L’ezenti ophu ocengi du pilote.
— Son équipement et son comlink, traduisit Eli.
— Mais vous n’avez pas pris son comlink, objecta Barris. Nous avons vérifié la combinaison sur le campement. Il était toujours là !
— Non, dit Thrawn. Ce qui était là, c’était le comlink du premier pilote.
Eli acquiesça intérieurement. Astuce, tactique et contrôle continu de la situation. Il s’agissait bien des caractéristiques principales des Chiss. Du moins, à en croire les légendes.
Mais tout de même : l’exil ?
— Ingénieux, commenta Parck. Et comme nous pensions savoir ce qui s’était passé, nous n’avons pas pris la peine de vérifier le numéro de série. Aussi, lorsque nous avons découvert que le premier comlink avait disparu et que nous l’avons déconnecté du réseau, vous en aviez encore un qui fonctionnait.
— Donc vous avez tué un homme juste pour prendre son comlink, intervint Barris avec rudesse.
Il n’était clairement pas aussi impressionné par l’ingéniosité du non-humain que le commandant.
— Pourquoi avez-vous continué d’attaquer mes hommes ? poursuivit-il. Juste pour le plaisir ?
— Je regrette que des gens soient morts, répondit Thrawn, l’air grave. Mais j’avais besoin de faire venir des soldats avec plus d’armures.
— Avec plus de… ? l’interrompit Barris. Des stormtroopers ? Vous vouliez faire venir des stormtroopers ?
— Vos soldats portent des casques, expliqua le Chiss en traçant un rebord imaginaire autour de son front. Pas bon pour moi, expliqua-t-il en touchant ses joues. J’avais besoin d’un masque de visage.
— La seule solution pour que vous puissiez entrer dans le campement sans être repéré, réalisa Parck en hochant une nouvelle fois la tête.
— Oui, confirma Thrawn. Je me suis servi d’explosifs sur un des soldats pour avoir une armure que je peux étudier…
— Comment avez-vous fait pour que personne n’entende d’explosion ? l’interrompit Barris.
— C’était lorsque j’ai commencé les parasites sur les comlinks, expliqua le Chiss. Le bruit a caché celui des explosifs. Grâce à l’armure, j’ai appris comment tuer un soldat sans bruit et sans dégât. J’ai pris un second soldat et son armure, puis j’ai été jusqu’au vaisseau.
— Pendant que nous chargions votre équipement à bord ? demanda Barris.
— J’ai choisi un moment où personne n’est à l’intérieur, précisa Thrawn. Avec des petites branches, j’ai fait tenir l’armure debout devant la porte. C’est un explosif à l’intérieur qui l’a détruite.
— Une distraction pour que nous ne nous rendions pas compte qu’il manquait en réalité deux stormtroopers à l’appel, raisonna Parck. Où vous êtes-vous caché pendant le trajet jusqu’ici ?
— Dans le coffrage du deuxième générateur énergétique, répondit Thrawn. Il est presque vide, car ses pièces m’aidaient à entretenir le premier.
— J’en déduis que vous êtes là depuis un bon moment, constata Parck. Je comprends pourquoi vous cherchiez désespérément à partir.
Thrawn se redressa.
— Je n’étais pas désespéré. Mais mon peuple a besoin de moi.
— Pourquoi ?
— Il est en danger. Il y a beaucoup de dangers dans la galaxie. Des dangers qui menacent mon peuple, qui menacent votre peuple, précisa-t-il. Mieux vaut pour vous d’apprendre à les connaître.
— Et pourtant, votre peuple vous a exilé ici, lui fit remarquer Parck. Étaient-ils en désaccord avec vous concernant l’ampleur de ces menaces ?
Thrawn regarda Eli.
— Répétez ? demanda-t-il en sy bisti.
Eli traduisit la question du commandant.
— Nous ne sommes pas en désaccord sur la menace, répondit Thrawn dans son basic à l’accent prononcé. Nous sommes en désaccord sur le procédé. Ils n’aiment pas l’idée de… ezeboli hlusalu.
Eli déglutit.
— Ils n’approuvent pas l’idée de frappes préventives, traduisit-il.
— Donc votre peuple a besoin de protection, résuma Parck avec un changement subtil perceptible dans sa voix. Comment comptez-vous vous y prendre seul, sans vaisseau et sans allié ?
Eli fronça les sourcils. Une question étrange posée sur un ton étrange. Le commandant était-il à la pêche aux informations sur de potentiels alliés chiss ?
Thrawn ne sembla rien remarquer.
— Je ne sais pas, dit-il calmement. Je trouverai un moyen.
— Je n’en doute pas, fit Parck. En attendant, vous avez eu une journée bien remplie et je suis sûr que vous ne refuseriez pas un peu de repos. Capitaine ?
— Commandant Parck ? répondit un des stormtroopers en s’avançant d’un pas.
— Votre escouade et vous allez escorter notre invité jusqu’au bureau de l’officier de pont le temps qu’un logement et une collation convenables soient préparés, ordonna Parck. Thrawn, je vous laisse à présent. Nous aurons l’occasion de nous reparler plus tard.
— Merci, commandant Parck, dit le Chiss. J’attendrai votre visite.
*
Eli se trouvait dans ses quartiers, en pleine rédaction du rapport d’analyse après action qu’il avait reçu l’ordre de compléter, lorsqu’ils vinrent le chercher.
Le cadet ne s’était jamais rendu dans le bureau privé du commandant, ni même dans cette zone du Vifassaut.
Surtout, il ne s’était jamais retrouvé en présence d’autant d’officiers de haut rang à la fois. Il se serait cru devant un jury d’examen.
Ou une cour martiale.
— Cadet Vanto, l’accueillit le commandant Parck en lui indiquant une chaise qui avait été placée devant la rangée d’officiers. Asseyez-vous.
— Oui, commandant.
Eli prit place et pria ardemment pour que nul ne remarque ses tremblements.
— Tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour votre conduite au cours des derniers événements, déclara Parck. Vous vous êtes comporté de manière admirable au cœur de l’action.
— Merci, commandant, répondit Eli, même si dans son souvenir, il n’avait pas fait grand-chose à part rester autant que possible à distance des combats et de la pagaille.
— Dites-moi, que pensez-vous de notre prisonnier ?
— Il semble très sûr de lui, commandant.
Pourquoi lui demandaient-ils son avis ?
— Il donne l’impression d’avoir tout son contrôle, ajouta-t-il. Sauf peut-être lorsqu’il s’est fait capturer dans le hangar. Vous avez dû le prendre par surprise à ce moment-là.
— Je ne pense pas, dit Parck. Il s’est rendu assez facilement, sans tenter de résister ou de s’échapper.
Il pencha légèrement la tête sur le côté avant de reprendre :
— Vous semblez savoir des choses à propos de son peuple.
— Pas vraiment, commandant. Il y a des histoires sur les Chiss – plutôt des légendes, à vrai dire – qui se transmettent chez nous de génération en génération. Pour autant que je sache, personne n’en a vu sur Lysatra ou dans la région depuis des centaines d’années.
— Mais vous avez néanmoins ces légendes, ce qui est toujours plus que ce que possèdent les archives du Vifassaut, nota Parck. Qu’est-ce que ces histoires disent d’eux ?
— Qu’ils sont censés être de grands guerriers. Intelligents, ingénieux, fiers. Profondément loyaux les uns envers les autres, aussi. Cet exil… Ils doivent vraiment détester le principe des frappes préventives pour lui avoir fait ça.
— C’est ce qu’on dirait, acquiesça Parck. Je vois que vous étudiez à l’Académie de Myomar pour devenir commissaire de bord.
— Oui, commandant, répondit Eli, momentanément déstabilisé par le changement de sujet. Ma famille travaille dans le domaine du transport de marchandises, et ils ont pensé qu’en servant l’Empire, je gravirais un échelon supplémentaire…
— Avez-vous reçu une quelconque formation dans l’enseignement ou le tutorat ?
— Rien de formel, commandant.
Parck allait-il lui recommander de changer de filière pour celle de l’enseignement ? Il espérait que non. Il avait passé sa jeunesse à livrer des cargaisons pour sa famille et il n’avait aucune envie de se retrouver coincé derrière un bureau ou dans une salle de classe.
Le commandant l’observa quelques instants. Puis il s’appuya contre le dossier de son siège et échangea un regard avec les officiers situés de part et d’autre de lui. Un accord silencieux passa entre eux…
— Très bien, cadet, annonça Parck en se retournant vers Eli. À partir de cet instant, vous êtes affecté comme intermédiaire, interprète et assistant auprès de notre prisonnier. De plus, vous…
— Commandant ? bafouilla Eli en sentant ses yeux s’écarquiller. Mais je ne suis qu’un cadet…
— Je n’ai pas terminé. En plus de lui servir d’interprète, vous l’aiderez à progresser dans sa pratique du basic. Il maîtrise les bases de la langue, comme vous avez pu le voir, mais il a besoin d’enrichir son vocabulaire ainsi que de faire des progrès en prononciation et en grammaire. Des questions ?
— Non, commandant, parvint à répondre Eli. En fait, si, commandant : pourquoi a-t-il besoin d’apprendre le basic ? N’allons-nous pas le ramener sur sa planète ?
La question provoqua un émoi silencieux parmi les officiers, et Eli comprit soudain qu’il venait de franchir une ligne invisible. Il se crispa…
— Non, répondit Parck.
Sa voix était calme, mais son ton légèrement tranchant, comme s’il s’agissait d’une question dont ils avaient déjà longuement débattu. Sans nécessairement être tous tombés d’accord.
— Nous l’emmenons sur Coruscant.
— Sur… ?
Eli se força à fermer la bouche, l’esprit assailli d’images d’antiques monarques paradant à travers les rues en compagnie de leurs ennemis vaincus.
Mais ce n’était sûrement pas ce que Parck avait en tête. Si ?
— Je pense que l’Empereur voudra le rencontrer et sera intéressé d’apprendre l’existence de ces Chiss, expliqua le commandant.
Quelque chose dans le ton de sa voix laissait entendre que cette explication s’adressait autant à ses officiers qu’à Eli.
— Je crois aussi qu’ils pourraient s’avérer un atout précieux pour l’Empire, poursuivit Parck. Est-ce que vos légendes contiennent des indications quant à l’emplacement possible de leur planète d’origine ?
— Juste qu’ils viennent des Régions Inconnues, commandant. Rien de plus précis.
— Dommage. Tant pis. Ce sera une autre de vos missions dans les jours à venir : en apprendre autant que possible sur lui, sa planète natale et son peuple.
— Oui, commandant.
Eli sentait son cœur faire des bonds dans sa poitrine. De modeste cadet à interprète et précepteur d’un être tout droit sorti des légendes de Lysatra !
Et l’unique inconvénient à cela était les retombées que cela pourrait avoir sur son avenir. Parce qu’il avait déjà vu en action l’impitoyable et gigantesque machine qu’était l’Empire. En ne déviant ne serait-ce que de quelques degrés du plan de carrière qu’il avait choisi, il pouvait subitement se retrouver relégué dans une autre filière, une filière obscure qui pourrait l’envoyer au fin fond d’une base stellaire oubliée où il resterait croupir à jamais.
Toutefois, cette petite sortie de piste n’était pas censée durer plus d’une semaine environ, le temps que le Vifassaut transporte Thrawn jusqu’à Coruscant. Après cela, Eli retournerait à Myomar avec les autres cadets et avec, dans la tête, des anecdotes à raconter jusqu’à la fin de sa vie.
Et puis, au final, qu’est-ce qui pouvait mal tourner ?
*
— Vous semblez amusé, nota le cadet Vanto.
Il s’appuie contre le dossier de son siège.
— Amusé ? répéta Thrawn.
— Diverti par quelque chose de drôle, précisa Vanto.
Il est repassé au sy bisti pour l’explication.
— Y a-t-il quelque chose en particulier dans cette histoire que vous avez trouvé drôle ? ajouta le cadet.
— J’ai trouvé cette histoire plutôt intéressante.
— Vous trouvez certaines de mes histoires intéressantes.
Des plis se forment sur son front.
— Vous semblez trouver les autres inconcevables, poursuivit Vanto. Et quelques-unes d’entre elles vous amusent. La dernière faisait partie de celles-là.
— Je ne veux pas offenser, dit Thrawn. Mais moi-même je suis chiss, et jamais je n’ai entendu parler de tels pouvoirs chez mon peuple.
— Vous n’avez pas tort sur ce point.
La plupart des rides disparaissent de son front.
— Je vous avais dit dès le début que ces histoires dépassaient rarement le statut de mythes, poursuivit-il. Mais vous avez insisté pour les entendre.
— Merci d’avoir accepté de les partager, dit Thrawn. On peut apprendre beaucoup de choses sur les gens grâce aux histoires qu’ils racontent sur les autres.
— Et ? demanda Vanto.
Les rides réapparaissent. Sa tête pivote légèrement vers la droite.
— Je ne comprends pas.
— Je voulais savoir ce que vous avez appris sur les humains, précisa Vanto.
Il plisse légèrement les yeux.
— Je me suis mal exprimé. Excuses. Je voulais dire que je pouvais apprendre sur une personne, vous, grâce aux histoires que vous choisissez de raconter.
— Et qu’avez-vous appris sur moi ? demanda Vanto.
Ses yeux reprennent leur forme normale. Sa voix a maintenant une tonalité plus grave.
— Que vous ne voulez pas être ici. Vous ne voulez pas du rôle d’interprète et d’assistant. Encore moins celui d’interrogateur.
— Qui a dit que j’étais un interrogateur ? demanda Vanto.
Sa voix grimpe légèrement dans les aigus et gagne en volume. Les muscles de ses bras se contractent sous ses manches.
— Vous voulez retrouver vos chiffres et vos listes d’inventaire. C’est là que vous avez un don, et c’est la direction que vous voulez prendre pour votre avenir.
— Fascinant, dit Vanto.
Un léger grondement accompagne sa réponse. Il plisse brièvement le coin des lèvres.
— Je suppose, ajouta-t-il, qu’en tant que chef militaire haut gradé, vous devez trouver la logistique et l’approvisionnement indignes de votre rang.
— Et vous ?
— Bien sûr que non, rétorqua Vanto.
Son buste se redresse légèrement. Son timbre de voix gagne en intensité.
— Parce que je m’y connais, continua-t-il. Ma famille est dans ce métier depuis trois générations. Je le ferai pour la Marine Impériale plutôt que pour ma propre famille, c’est tout.
— J’imagine que vous êtes doué pour ça.
— Je suis très doué pour ça, répliqua Vanto. Le lieutenant Osteregi m’a dit que j’étais l’un des meilleurs cadets qu’il avait eus à bord. Dès la fin de mon dernier trimestre à l’Académie, j’ai la garantie d’être affecté à bord d’un vaisseau de ligne.
— Est-ce votre souhait ? demanda Thrawn.
— Absolument.
Sa voix perd une partie de son intensité.
— Ce qui m’échappe, c’est pourquoi ça vous intéresse ? ajouta le cadet.
— Pourquoi je m’intéresse à quoi ?
— Pourquoi vous vous intéressez à moi, dit Vanto.
Il plisse à nouveau les yeux. Sa voix baisse encore d’un ton pour revenir à son état initial.
— Vous m’étudiez… N’allez pas croire que je ne l’ai pas vu. Vous me demandez de vous raconter une des légendes de mon enfance, puis vous m’interrogez sur ma maison, mon passé, ma jeunesse. Des questions simples à chaque fois, posées systématiquement de manière nonchalante. Et je veux savoir pourquoi.
Il croise les bras sur sa poitrine.
— Je suis désolé, s’excusa Thrawn. Je n’avais pas de mauvaises intentions. Je m’intéresse à vous comme je m’intéresse à tout ce qui est lié à votre Empire.
— Mais pourquoi moi ? demanda Vanto. Vous ne posez aucune question sur le commandant Parck, le major Barris ou n’importe quel autre officier supérieur. Ni même sur l’Empereur Palpatine ou le Sénat Impérial.
— Ils ne sont pas liés à ma survie immédiate, expliqua Thrawn. Contrairement à vous.
— Avec tout le respect que je vous dois, vous avez tort sur toute la ligne.
Il secoue la tête de gauche à droite.
— Le commandant Parck peut ordonner à tout moment que vous soyez jeté par un sas de décompression, poursuivit-il. Le major Barris pourrait porter de fausses accusations contre vous, vous incriminer pour une raison ou une autre et obtenir que vous soyez fusillé. Quant à l’Empereur…
Les muscles de son cou se contractent brièvement.
— Son pouvoir est absolu, reprit-il, et il l’exerce sur tout et tous dans l’Empire. Si vous ne réussissez pas à l’intriguer ou à lui plaire, vous serez exécuté.
— Le commandant Parck recherche les honneurs et les promotions. Il croit que je peux être la voie vers ça. Le major Barris ne m’aime pas, mais il ne prendra pas le risque de mettre son commandant en colère. Quant à l’Empereur… nous verrons bien.
— Soit.
Les muscles de son cou se détendent en partie, mais pas entièrement.
— Personnellement, ajouta le cadet, je serais beaucoup plus inquiet à son sujet, mais cela vous regarde. Je reste malgré tout le dernier nom sur la liste. Pourquoi me porter le moindre intérêt ?
— Vous êtes mon interprète. Vous avez mes paroles entre vos mains, et leur sens. Une erreur de traduction peut provoquer confusion ou colère. Une erreur délibérée conduire à la mort.
— Postillons de krayt, lâcha Vanto.
Il émet une sorte de reniflement.
— Je vous demande pardon ?
— Je dis « postillons de krayt », répéta Vanto. Vous avez beaucoup progressé en basic ces deux derniers jours. Vous le parlez aussi bien que moi. Peut-être même mieux : vous n’avez pas d’accent de l’Espace Sauvage dont les gens pourraient se moquer. La dernière chose dont vous avez besoin, c’est d’un interprète.
— Vous plaidez en ma faveur, dit Thrawn. Que signifie « postillons de krayt » ?
— C’est de l’argot pour dire « foutaises », expliqua Vanto.
Le coin gauche de sa lèvre se retrousse.
— Et tout spécialement celles prononcées par quelqu’un qui sait que ce sont des foutaises, précisa-t-il.
— Je vois. Postillons de krayt. Je prends note.
— Mauvaise idée.
Sa voix est grave, son ton est sec.
— Ce n’est pas poli, poursuivit-il. Et c’est une expression qui a des relents de planète de seconde zone, comme Lysatra. C’est-à-dire n’importe quel monde qui ne fait pas partie des Mondes du Noyau ou de l’élite et des gens puissants qui y vivent.
— J’imagine qu’il existe une hiérarchie entre les mondes et les personnes qui les habitent.
— Enfin : une question sur l’Empire ! Oui, absolument, il existe une hiérarchie. Une énorme hiérarchie, en grande partie informelle, mais particulièrement inflexible. Si vous comptiez sur moi pour vous présenter aux grands et aux puissants de cette galaxie, vous risquez d’être déçu.
— Vous vous accordez bien peu de mérite, cadet Vanto. Ou peut-être en accordez-vous trop à cette hiérarchie sociale. Je suis satisfait de vous avoir pour interprète.
— Vous m’en voyez ravi, dit Vanto.
Sa voix grimpe légèrement dans les aigus. Les muscles de son cou montrent encore quelques tensions.
— Ce n’est pas comme si vous aviez eu beaucoup de choix en la matière, ajouta-t-il.
— Peut-être. Dites-moi, quand arriverons-nous ?
— Mes ordres sont de vous conduire au hangar – c’est celui d’où vous avez essayé de vous échapper – à 7 heures précises demain matin.
— Puis je rencontrerai l’Empereur ?
— Je n’ai aucune idée de ce qui se passera après, avoua Vanto.
Les muscles sous sa tunique se contractent légèrement, et des rides réapparaissent sur son front.
— Mais il y a très peu de chance que vous voyiez l’Empereur en personne. Ce sera sûrement un cadre supérieur, voire un de ses assistants.
— Viendrez-vous avec moi ?
— C’est au commandant de décider. Il me reste tout de même des tâches à accomplir à bord du Vifassaut. J’ai également besoin de préparer mon retour à l’Académie de Myomar.
— Vos devoirs et vos études sont bien sûr importants. Nous verrons bien quelle décision prendra le commandant Parck. D’ici à demain matin, cadet, je vous salue et vous souhaite une bonne soirée.
— Oui, dit Vanto.
Ses muscles tendus se relâchent en partie. Mais en partie seulement.
— À demain matin, conclut le cadet.
*
La navette Lambda personnelle du commandant Parck quitta le hangar à 7 heures précises le lendemain matin. Outre Parck, Thrawn et Eli, la liste des passagers comprenait le major Barris, trois des soldats qui se trouvaient sur la planète lorsque Thrawn avait fait tourner tout le monde en bourrique, ainsi que deux stormtroopers.
Comme tout un chacun dans l’Empire, Eli avait déjà visionné des centaines d’holos de Coruscant. Il avait également passé deux heures à étudier des cartes de la planète dès le lendemain de l’annonce de leur destination.
Mais rien de tout cela ne l’avait préparé à la majesté époustouflante de la réalité.
Il contemplait, subjugué, l’écran de la cabine des passagers. La planète entière était entourée, en orbite, par une demi-douzaine d’anneaux constitués de cargos, de transports de passagers ou militaires qui patientaient avant de descendre vers la surface. Ailleurs, le flux constant de vaisseaux en partance créait de délicats rais de lumière à mesure que les appareils rejoignaient les différents couloirs de sortie qui allaient leur permettre de traverser l’atmosphère, avant de se disperser en tous sens une fois l’espace atteint.
À mesure que la navette descendait vers Coruscant, Eli observa la constellation de points lumineux qui recouvrait la planète se transformer lentement en un réseau de tours et d’immeubles. Puis il vit le quadrillage serré des véhicules à répulsion s’entrecroiser entre les gratte-ciel dans un ballet complexe. Une pensée vertigineuse lui traversa l’esprit : sans doute voyait-il à l’instant plus de véhicules qu’il n’y en avait sur l’ensemble de sa planète natale !
Le pilote s’inséra en douceur dans l’une des voies supérieures, un couloir qui semblait réservé aux véhicules militaires. Ils étaient assez proches de la surface à présent pour qu’Eli repère certains monuments spécifiques. Il y avait l’Académie Royale Impériale où l’élite de l’Empire était formée avant de rejoindre l’armée et la Marine. Au-delà, en direction de l’est, s’étalait une zone industrielle émaillée de gigantesques tours crachant de la vapeur d’eau résiduaire surchauffée vers les hautes couches de l’atmosphère. Au loin, Eli aperçut une zone dégagée. Si elle était située moins haut que les sommets des tours environnantes, de nombreux niveaux la séparaient néanmoins de la vraie surface de la planète. Il s’agissait d’un terrain d’atterrissage, vraisemblablement, sans doute réservé aux politiciens du gotha ou aux vaisseaux militaires de grande taille. Eli repéra le sommet du Sénat Impérial qui se dressait du côté opposé.
Il retint sa respiration. Si le Sénat était là et l’Académie Royale de l’autre côté…
Ils ne se dirigeaient ni vers l’Amirauté, ni vers le quartier général du Bureau de la Sécurité Impériale, les deux destinations qui lui avaient semblé les plus probables.
Ils se dirigeaient droit vers le Palais Impérial.
Le Palais ?
Non… C’était impossible. Le Palais, pour un individu à la peau bleue surgi de nulle part et capturé sur un monde sans nom de l’Espace Sauvage ? C’était absolument impossible que l’Empereur prête seulement attention à un tel événement, encore moins qu’il s’y intéresse personnellement.
Et pourtant, c’était exactement ce qui se produisait.
Eli regarda de l’autre côté de l’allée, où Thrawn et Parck étaient assis, entourés de gardes. Le commandant avait dans sa posture une rigidité peu naturelle, comme s’il n’arrivait pas plus qu’Eli à croire à leur destination. Les gardes donnaient la même impression, à cela près que certains semblaient terrifiés.
Et ils avaient bien raison. Ne s’agissait-il pas des hommes et des femmes dont les erreurs avaient permis à Thrawn de s’introduire à bord du Vifassaut ? On racontait toutes sortes d’histoires terribles sur ce que l’Empereur faisait subir aux gens qui osaient le décevoir.
Mais Thrawn lui-même n’avait pas l’air effrayé, ni même inquiet. Tout ce qu’Eli pouvait lire sur son visage était cette assurance ahurissante dont il avait le secret.
Peut-être Parck ne lui avait-il pas dit où ils se rendaient. Peut-être ne lui avait-il rien révélé à propos du passé de l’Empereur, ou de sa réputation.
Ou peut-être n’avait-il rien caché à Thrawn, mais le Chiss estimait-il simplement que, quelle que soit leur destination, il garderait les choses sous contrôle.
Eli se retourna vers l’écran, et les vieilles histoires sur la puissance militaire chiss résonnèrent dans sa mémoire. Pour autant qu’il ait pu en juger, l’ensemble de cette culture et de cette société avait disparu des radars de la République depuis des siècles, voire des millénaires. Et subitement, les voilà qui réintégraient le cours de l’histoire.
L’assurance dont faisait preuve Thrawn lui était-elle propre ? Ou tous les Chiss étaient-ils comme lui ?
En tant qu’officier pouvant un jour être amené à devoir les combattre, il espérait ardemment que la première hypothèse était la bonne.
*
Eli avait presque réussi à se convaincre qu’ils n’allaient rencontrer rien de plus qu’un dignitaire du Palais lorsqu’on les fit passer devant des gardes impériaux à la cape et au casque rouges pour pénétrer dans la salle du trône de l’Empereur : des Gardes Royaux.
Les holos qu’Eli avait vus de Coruscant n’offraient qu’un pâle reflet de la réalité, mais cela était encore plus frappant pour l’Empereur Palpatine.
Au premier regard, l’homme ne payait pas de mine. Il était vêtu d’une longue tunique marron à capuche sans ornementation ni fioriture d’aucune sorte. Son trône, bien qu’imposant, était très simple et d’un noir uni, là encore sans aucune ostentation, et se dressait à moins de quatre marches au-dessus du sol. Pour tout dire, sa tenue était si sombre qu’il semblait presque se fondre dans le noir de son trône.
Ce fut lorsque le petit groupe s’approcha qu’un sentiment d’étrangeté envahit Eli.
D’abord, il y avait le visage de l’Empereur. Les holos le montraient toujours comme un homme âgé plein de dignité, quelque peu marqué par les expériences de la vie et le poids de sa fonction. Mais les holos n’étaient pas fiables. Le visage caché sous la capuche était celui d’un vieillard ; d’un vieillard à la peau plissée d’une centaine de rides profondes.
Il ne s’agissait pas non plus de rides ordinaires, comme celles que les grands-parents d’Eli avaient gagnées au fil des années passées en plein air. Ces rides-là ressemblaient moins à des marques de vieillissement qu’à des balafres ou à des traces de brûlure.
L’histoire affirmait que, lors de leur ultime tentative pour s’emparer du pouvoir, les Jedi renégats s’en étaient pris à Palpatine, alors Chancelier. L’histoire ne mentionnait pas que sa victoire sur ses assassins lui avait coûté si cher.
Peut-être était-ce aussi ce qui était arrivé à ses yeux ?
Un frisson parcourut l’échine d’Eli. Ces yeux irradiaient l’intelligence, l’omniscience et la toute-puissance. Mais ils étaient… étranges. Uniques. Dérangeants. Abîmés, peut-être par la même perfidie qui avait ravagé son visage ?
L’intelligence, le savoir, le pouvoir. Et de façon plus forte encore que chez Thrawn, l’impression d’une maîtrise complète de tout ce qui l’entourait.
L’Empereur observa en silence le groupe s’avancer vers lui. Parck ouvrait la marche, Barris et Eli étaient derrière lui, suivis par Thrawn, puis par des stormtroopers et des soldats qui feraient office de témoins. Le contingent de gardes que Parck avait amené resta de l’autre côté de la porte, six membres de la Garde Royale ayant pris leur relais pour escorter le groupe.
La traversée de la salle sembla durer un temps interminable. Eli se demanda jusqu’où ils étaient autorisés à s’approcher et comment Parck saurait qu’ils avaient atteint la limite. La réponse lui fut donnée lorsque le commandant arriva à cinq mètres du trône et que les deux gardes impériaux postés en bas des marches se mirent en position de défense. Parck s’arrêta, imité par le reste du groupe, et attendit.
Et attendit encore.
Cela ne dura probablement que cinq secondes. Mais Eli eut l’impression qu’il s’écoulait une petite éternité. La salle du trône tout entière était figée dans un silence profond. Le seul bruit se réduisait au battement de son cœur pulsant à ses oreilles, le seul mouvement à celui du tremblement de ses bras sous ses habits.
— Commandant Parck, dit finalement l’Empereur d’une voix grave et neutre. On me dit que vous m’avez apporté un cadeau ?
Eli grimaça. Un cadeau ? Pour les Chiss des histoires, une telle désignation aurait constitué une insulte mortelle. Thrawn se trouvait derrière lui et Eli n’osa pas se retourner, mais il pouvait imaginer l’expression que devait afficher son visage fier.
— Tout à fait, Votre Majesté, répondit Parck en s’inclinant profondément. Un guerrier appartenant semble-t-il à une espèce connue sous le nom de Chiss.
— En effet, dit l’Empereur d’un ton encore plus sec. Et dites-moi, je vous prie, ce que je suis censé faire de lui ?
— Si je puis me permettre, Votre Majesté, intervint Thrawn avant que Parck ait le temps de répondre, je ne suis pas uniquement un cadeau. Je constitue également une ressource. Une ressource comme vous n’en avez sans doute jamais vu auparavant, et pourriez ne plus jamais voir. Vous seriez sage de m’utiliser.
— Vraiment ? demanda l’Empereur, l’air amusé. Vous êtes sans aucun doute une ressource inépuisable d’aplomb. Qu’avez-vous à offrir exactement, Chiss ?
— Pour commencer, j’offre des informations, répondit Thrawn.
S’il avait été offensé, cela ne transparaissait pas dans sa voix.
— Des menaces rôdent dans les Régions Inconnues, poursuivit-il. Des menaces qui, un jour, trouveront votre Empire. Je connais bien la plupart d’entre elles.
— J’en apprendrai bien assez tôt sur elles par moi-même, rétorqua placidement l’Empereur. Avez-vous quoi que ce soit d’autre à m’offrir ?
— Peut-être que vous en apprendrez assez sur elles à temps pour les vaincre. Ou peut-être pas. Qu’ai-je à vous offrir de plus ? J’offre mes compétences militaires. Elles pourraient vous servir à élaborer des plans visant à localiser ces dangers et à les éliminer.
— Ces menaces dont vous parlez, dit l’Empereur, je suppose qu’elles ne concernent pas uniquement mon Empire ?
— Non, Votre Majesté, reconnut Thrawn. Elles menacent aussi mon peuple.
— Et vous cherchez à éliminer tout ce qui pourrait menacer de la sorte votre peuple ?
— En effet.
Les yeux jaunâtres de l’Empereur semblèrent étinceler.
— Et vous souhaitez l’aide de mon Empire ?
— Votre assistance serait la bienvenue.
— Vous souhaitez que j’aide les personnes qui vous ont banni ? À moins que le commandant Parck ait fait erreur ?
— Non, ce qu’il a dit est vrai. J’ai bien été exilé.
— Et pourtant, vous cherchez encore à les protéger. Pourquoi ?
— Parce qu’il s’agit de mon peuple.
— Et s’ils devaient refuser de se montrer reconnaissants et de vous réintégrer ?
Il y eut une courte pause, puis Eli eut l’intuition étrange que Thrawn adressait à l’Empereur un de ces petits sourires dont il avait le secret.
— Je n’ai pas besoin de leur permission pour les protéger, Votre Majesté. Et je ne m’attends pas non plus à ce qu’ils me remercient.
— J’en ai vu d’autres, armés de la même noblesse, dit l’Empereur. Beaucoup ont fini par baisser les bras quand leur altruisme naïf s’est frotté au monde réel.
— J’ai déjà affronté le monde réel, comme vous l’appelez.
— Vous l’avez fait, en effet. Que souhaitez-vous exactement de mon Empire ?
— Un échange de bons procédés, répondit Thrawn. Je vous offre maintenant mes connaissances et mes compétences en échange de votre considération envers mon peuple dans le futur.
— Et quand ce futur sera là, que se passera-t-il si je refuse d’en tenir compte ?
— Dans ce cas, j’aurais perdu mon pari, répondit calmement Thrawn. Mais d’ici là, je compte bien vous convaincre que nous partageons les mêmes objectifs.
— Intéressant, murmura l’Empereur. Dites-moi, imaginons que vous serviez l’Empire, mais qu’un danger menace soudain votre peuple, de quel côté pencherait votre loyauté ? Lequel d’entre nous gagnerait votre allégeance ?
— Je ne vois pas en quoi le fait de partager des informations pourrait s’avérer conflictuel.
— Je ne parle pas d’informations, le corrigea l’Empereur. Je vous parle de service.
Thrawn resta silencieux un instant.
— Si je venais à servir l’Empire, mon allégeance vous serait acquise, finit-il par déclarer.
— Quelle garantie m’offrez-vous ?
— Ma parole est ma garantie, répliqua Thrawn. Peut-être que votre serviteur pourra attester de la valeur de ma promesse.
— Mon serviteur ? répéta l’Empereur en tournant les yeux vers Parck.
— Je ne faisais pas allusion au commandant Parck, dit Thrawn. Je parlais d’un autre. Peut-être me suis-je trompé en pensant qu’il était votre serviteur. Néanmoins, il vantait toujours les mérites du Chancelier Palpatine.
L’Empereur se pencha légèrement en avant, ses yeux jaunes étincelant.
— Et son nom ?
— Skywalker, répondit Thrawn. Anakin Skywalker.