Chapitre 12
Nul ne peut prédire où le conduira la voie où il se trouve, ne serait-ce que le lendemain. Plus difficile encore est de prévoir à quel moment sa voie croisera celle d’un autre guerrier.
Un guerrier doit toujours rester attentif à de telles rencontres. Certaines sont le fruit du hasard, et peuvent rester sans conséquences. Mais d’autres sont organisées dans un but précis. Ces dernières ne doivent jamais être sous-estimées.
Heureusement, il y a toujours des signes annonciateurs. Avant de se déclencher, un piège doit être préparé, anticipé et dressé. Pour celui qui arrive à lire correctement les signes, le schéma de l’attaque apparaîtra clairement.
Mais il faut garder à l’esprit qu’il est toujours plus facile de tendre un piège que de le déjouer.
Le regard noir et le juron aux lèvres, les contrebandiers furent escortés à bord du vaisseau puis conduits l’un après l’autre dans la zone de détention. Debout près de l’écoutille extérieure menant aux cellules, le commandant Alfren Cheno faisait tourner une grosse coquille de mollusque entre ses doigts.
— Des coquillages, dit-il d’une voix monocorde. Ils faisaient passer l’iridium à l’intérieur de coquillages.
— Oui, commandant, acquiesça Eli.
Officier de la vieille école, Cheno était parvenu au sommet de ce que ses compétences lui avaient permis en devenant commandant du Sphex d’Orage. Il était certainement destiné à terminer sa carrière à bord de ce vaisseau ou d’un vaisseau similaire.
Compte tenu de l’âge et de l’éducation du commandant, Eli avait craint que ce dernier partage les préjugés condescendants de Culper, l’assistante du Moff Ghadi, ou le mépris dont avait fait preuve le commandant Rossi à bord du Corbeau de Sang. Au lieu de cela, Cheno avait accepté l’affectation de Thrawn sans sourciller, quoiqu’avec un certain degré d’appréhension, discret, mais néanmoins manifeste. Toutefois, avec le temps, le Chiss avait fini par gagner sa confiance, grâce à cette aptitude qu’il avait à s’émanciper du chaos des événements pour cerner le cœur des problèmes qu’ils devaient gérer.
Néanmoins, le commandant n’avait jamais perdu sa capacité à s’ébahir des prouesses du Chiss. Ce qui rendait les moments comme celui-ci si distrayants.
— Ils chargeaient l’iridium qu’ils avaient volé dans la mine dans un vieux véhicule sous-marin inutilisé, expliqua Eli. Un sous-marin gungan, peut-être ; nous n’avons pas encore clairement identifié le véhicule. Ils le transportaient ensuite jusqu’à un groupe de bateaux de pêche où ils le taillaient en forme de petits disques qu’ils cachaient à l’intérieur des coquillages afin de les expédier hors-monde.
— Et la différence de poids n’a alerté personne ?
— Il n’y en avait pas, commandant, répondit Eli. Les disques étaient petits, et la chair des mollusques est particulièrement dense. Tout était savamment orchestré.
— Mmmh, marmonna Cheno en pinçant ses lèvres. Et puis-je savoir qui a découvert cette combine ?
— Est-ce bien nécessaire que je vous le dise, commandant ?
— Non, pas la peine. D’accord. Comment a-t-il fait ?
Eli se rappela comment, pas plus tard que l’année précédente, lorsque Thrawn et lui avaient embarqué pour la première fois à bord du Sphex d’Orage, il trouvait pénible d’avoir à expliquer chacun des petits miracles du Chiss. À présent, Eli y était tellement habitué que c’en devenait presque amusant. C’était un peu comme être l’assistant d’un illusionniste qui connaîtrait le secret de tous ses tours de magie.
Ce qui ne signifiait nullement qu’il serait un jour capable de porter la cape de magicien à son tour. Mais étonnamment, il acceptait de mieux en mieux cet état de fait.
— C’est grâce aux makorrs, répondit Eli. Des prédateurs marins locaux. Le capitaine Thrawn a remarqué qu’ils étaient anormalement actifs près de ces bateaux-là. Quelque chose semblait les attirer.
— Cette mystérieuse attraction que suscite la vue d’un repas gratuit, dit Cheno en opinant du chef. Les contrebandiers devaient bien se débarrasser de la chair des mollusques pour pouvoir glisser l’iridium dans les coquillages ; alors ils l’ont simplement jetée à la mer.
Il secoua la tête et ajouta :
— C’est d’une simplicité déconcertante, une fois qu’on le sait.
— Oui, commandant, acquiesça Eli.
L’assistant de l’illusionniste…
— C’est souvent le cas, ajouta-t-il.
L’écoutille s’ouvrit en coulissant et Thrawn apparut.
— Commandant, le salua Cheno. Nos invités sont bien ligotés pour la nuit ?
— Oui, commandant, répondit Thrawn. Ils semblent toutefois quelque peu perplexes.
— Bien. J’aime les prisonniers perplexes. Occupés qu’ils sont à gamberger, ils pensent moins à s’évader. À part ça, j’ai cru comprendre que nous étions sur le point de recevoir de nouvelles antiquités ?
— Oui, commandant. Je m’excuse de ne pas vous avoir prévenu plus tôt.
— Pas de problème. De quoi s’agit-il cette fois ? Une autre partie d’anneau hyperdrive ?
— Non, commandant. Une pièce détachée de droïde buzz et un élément d’une arme de combat appelé « droïde Vautour », je crois.
Cheno poussa un grognement.
— Encore de l’équipement de la Guerre des Clones, commenta-t-il en observant Thrawn de plus près. Y aurait-il quelque chose dans cette période qui vous intéresse en particulier ?
— À vrai dire, commandant, tout ce qui touche à cette période m’intéresse. Puis-je continuer à entreposer les pièces dans la soute arrière ?
— Absolument. Sachez tout de même que s’ils finissent par nous envoyer ces nouveaux chasseurs Tie qu’ils nous promettent depuis des lustres, nous devrons trouver un autre arrangement. Mais en attendant, je ne vois pas d’objection à ce que vous utilisiez cet espace.
— Je vous remercie, commandant. Si vous me le permettez, je vais m’y rendre pour m’assurer qu’ils sont rangés correctement.
— Bien sûr, allez-y. Commandant. Aspirant.
Cheno les salua tous les deux, tourna les talons et partit en direction de la passerelle.
— Pouvez-vous m’accompagner ? demanda Thrawn à Eli en lui indiquant la coursive menant à la soute inutilisée.
— Certainement, commandant, répondit Eli en se mettant en route. Perplexes, vous dites ?
— Ils sont furieux de la façon dont on les a capturés.
— Pas étonnant, commenta Eli. Les prochains auront peut-être l’intelligence de conserver la chair des mollusques et de ne s’en débarrasser qu’après, en la dispersant le long du chemin du retour vers le port. De cette façon, ils éviteraient d’attirer l’attention.
— Excellent, affirma Thrawn.
Eli fronça les sourcils.
— Qu’est-ce qui est excellent ?
— Votre aptitude grandissante pour l’art de la tactique. Que pensez-vous de cela ? lui demanda le Chiss en lui tendant son datapad.
— Qu’est-ce que c’est ? voulut savoir Eli en prenant l’appareil.
Ce n’était pas tellement être tacticien que de repérer les erreurs idiotes commises par des contrebandiers trop sûrs d’eux. Comme l’avait dit Cheno, tout paraissait évident avec du recul.
— La liste des prix de divers objets datant de la Guerre des Clones chez différents antiquaires, magasins de surplus militaire et ferrailleurs au cours des trois dernières années.
Eli fronça les sourcils.
— Vous voulez dire depuis que vous avez commencé à les collecter sur le Corbeau de Sang ?
— Oui. Cela commence avec les chiffres les plus anciens. Jetez-y un œil et dites-moi ce que vous en pensez.
Eli étudia la liste. C’était un document impressionnant, long et détaillé. N’y figuraient pas uniquement les articles que Thrawn avait achetés, mais aussi tout un éventail d’armes et d’équipements datant de la Guerre des Clones. Il scruta la liste, son cerveau passant automatiquement en mode approvisionnement et transport, exercice qu’il n’avait pas eu l’occasion de beaucoup pratiquer depuis qu’il avait obtenu son diplôme à l’Académie.
— Bon, les droïdes buzz première version sont hors de prix, mais compte tenu du coût du doonium qui ne cesse de grimper, c’était inévitable.
— Effectivement, commenta Thrawn. Continuez de parcourir la liste. Essayez de repérer un schéma récurrent.
Eli, qui avait déjà anticipé la demande, acquiesça distraitement. Articles, prix, dates…
Ça y est. Il avait trouvé.
— Les droïdes Vautour, dit-il en tapotant le datapad. Les prix étaient encore stables il y a cinq mois.
— Puis ils ont commencé à grimper en flèche, confirma Thrawn en opinant du chef. Et qu’est-ce que vous en déduisez ?
— Que quelqu’un en achète, manifestement. Et qu’il en achète beaucoup, précisa Eli avant de hausser les sourcils. Du doonium, également ?
— Pas avec ces droïdes. Mais maintenant que vous m’y faites penser : avez-vous pu avancer dans votre analyse des chantiers de cuirassés envisagés par la Marine ?
— Un petit peu, répondit Eli avec prudence.
En réalité, ils avaient été tellement occupés ces derniers mois qu’il n’avait eu que rarement l’occasion de se pencher sur ce projet.
— Il y a beaucoup de coins et de recoins dans ce genre de matrices de données, alors je préfère ne pas tirer de conclusions hâtives. Mais, pour l’instant, je n’ai trouvé aucun projet de construction pouvant expliquer la disparition des marchés d’une telle quantité de doonium.
— Et les finances elles-mêmes ?
— Là encore, rien de probant. Si quelque chose se trame, c’est très bien dissimulé.
— Intéressant, murmura Thrawn. Je vous fais confiance pour poursuivre votre enquête.
Il indiqua le datapad et ajouta :
— En attendant, nous avons ces droïdes Vautour à examiner de plus près. On les achète, m’avez-vous dit ?
— Oui. Et cette razzia ne peut pas avoir lieu seulement à l’échelle locale. Les chiffres ne peuvent pas monter si rapidement sans que tous les secteurs avoisinants soient impactés, eux aussi.
— C’était aussi mon hypothèse, acquiesça Thrawn. Et comme ces droïdes n’ont pas de valeur particulière, j’en conclus que l’acheteur a l’intention de les utiliser.
— Il n’y a pas grand-chose que l’on puisse faire avec un droïde Vautour à part tirer sur les gens, souligna Eli. En plus, cette technologie doit dater de plus de vingt ans au moins. J’imagine que nous savons comment les neutraliser aisément depuis le temps.
— Il est possible que nous l’ayons oublié, fit remarquer Thrawn. À mesure que l’armement progresse, les techniques de défense utilisées contre le matériel de guerre aujourd’hui obsolète pourraient être négligées ou oubliées.
— C’est probable. Cependant, il faut avoir sacrément confiance en soi pour penser que des canons blasters puissent l’emporter face à des turbolasers modernes.
Thrawn haussa les épaules.
— Je pourrais y arriver.
— Certes, mais vous êtes dans notre camp, répondit Eli d’un ton pince-sans-rire. Qui d’autre en serait capable ?
Thrawn leva un sourcil en guise de question silencieuse. Le front d’Eli se plissa…
— Laissez-moi deviner. Nightswan ?
— Le Rodien qui m’a vendu la pièce de droïde Vautour avait un bon de commande pour des pièces similaires au nom de Nightswan, confirma Thrawn.
— Le vendeur vous a laissé regarder ses bons de commande ?
— Il n’en a rien su.
— Ah, dit Eli en le dévisageant attentivement.
Depuis l’épisode d’Uba et du tibanna volatilisé, Thrawn s’intéressait de près – Eli se refusait à parler d’obsession, ne serait-ce qu’en pensée – à Nightswan. Pendant l’année qui venait de s’écouler, Thrawn avait été convoqué à quatre reprises sur Coruscant pour s’entretenir avec l’Empereur et, au cours de chacune de ces visites, il avait pris le temps d’aller voir le colonel Yularen pour faire le point – en privé et officieusement – sur les activités de Nightswan.
— Et j’imagine qu’il n’y a pas de deuxième Nightswan dans la nature, supposa-t-il.
— On ne sait jamais, dit Thrawn. Mais réfléchissez un instant : nous savons que notre Nightswan est un fin stratège. Nous savons également qu’il a pu personnellement constater l’efficacité des technologies et des armes anciennes que plus personne ne s’attend à affronter. Et à côté du nom de l’acheteur, il est spécifié sur le bon de commande que le règlement sera effectué en iridium.
— Donc vous lui attribuez aussi l’opération que nous venons de déjouer ? demanda Eli.
Il secoua la tête avant d’ajouter :
— Je ne sais pas. Nightswan est intelligent. Et ces contrebandiers sont idiots.
— Vous n’avez pas tort. C’est pourquoi j’ai questionné l’un d’eux sur la chair de mollusque au moment où ils étaient mis aux fers. Il m’a avoué que l’homme qui avait monté l’affaire leur avait bien précisé de disperser la chair tout au long du trajet. Ils lui auraient répondu que c’était trop compliqué.
— Intéressant, concéda Eli. Mais ce n’est pas une preuve pour autant.
— Certes, mais cela mérite d’être examiné plus en détail. Je vais faire part au commandant de mes réflexions et théories. En attendant, peut-être pourriez-vous remonter la trace de ces métaux de contrebande et voir si vous parvenez à les relier aux achats de droïdes Vautour ?
— Je vais voir ce que je peux faire. Mais les traces de ce genre sont faciles à effacer.
— J’ai foi en vos compétences. Nous devons aussi vérifier si des incidents ont été rapportés sur la planète Umbara.
— Pourquoi Umbara ?
— Les contrebandiers se sont rappelé que l’homme qui leur a donné les instructions avait mentionné ce monde.
— J’ai bien peur que ce soit une fausse piste, le prévint Eli. Umbara était l’une des planètes majeures des Séparatistes. Ses habitants se sont battus avec fougue et la répression a été méchamment sévère. Je doute qu’ils souhaitent remettre le couvert.
— Je suis d’accord. Mais nous surveillerons tout de même les signalements qui en proviennent.
Le visage de Thrawn se durcit et il ajouta :
— Nightswan a échappé à l’Empire une fois. Je suis sûr que l’Empire sera ravi que nous remédiions à cet échec.
*
L’art.
Pour certains, c’était un indice de culture. Pour d’autres, un indice de richesse. Pour la majorité, un simple plaisir des sens.
Pour Thrawn, c’était un outil inestimable.
La bibliothèque numérique du Sphex d’Orage ne disposait que d’un catalogue limité de reproductions d’art et seules trois d’entre elles provenaient d’Umbara. Heureusement, Thrawn avait passé les trois dernières années de sa vie à se constituer une vaste collection de datacartes, rivalisant haut la main avec les meilleures archives d’art de l’Empire.
Il s’assit dans sa cabine au milieu des hologrammes de sculptures, gravures, œuvres mobiles, cinétiques ou interactives… toutes ces formes d’art développées et approfondies par les Umbarans au fil des siècles. Ce qui l’intéressait particulièrement, c’était les changements subtils que l’on pouvait déceler entre les œuvres qui avaient précédé et succédé à la Guerre des Clones.
Les autres Chiss ne comprenaient pas. Ils n’avaient jamais compris. Combien de fois lui avait-on demandé comment il faisait pour acquérir des connaissances tactiques aussi pointues à partir d’indices aussi obscurs et insignifiants ?
La réponse se trouvait dans la question elle-même. Pour Thrawn, rien dans l’art d’une espèce n’était obscur ou insignifiant. Tous les éléments s’imbriquaient les uns dans les autres ; chaque coup de pinceau lui parlait ; chaque courbe de lumière lui racontait l’histoire de son créateur.
Les artistes étaient des individus. Mais ils étaient aussi le fruit d’une culture, d’une histoire et d’une philosophie. Les liens tissés entre l’artiste et la culture étaient une évidence pour l’œil avisé. Le schéma primordial d’une espèce pouvait ainsi être esquissé et dessiné, jusqu’à être parfaitement défini. Plus important encore, il était possible d’établir des liens entre l’art, la culture et la doctrine militaire.
Et ce qui pouvait être établi pouvait être contré.
Du coin de l’œil, Thrawn se rendit compte qu’une nouvelle image venait de faire son apparition dans le réseau d’œuvres umbaranes qui flottait autour de lui. Il s’extirpa à contrecœur de sa contemplation et de ses réflexions pour se focaliser sur elle.
L’aspirant Vanto était entré dans sa cabine.
— Aspirant, vous perturbez ma solitude.
— Nous étions inquiets, rétorqua Vanto.
Son expression est préoccupée.
— Le commandant Cheno essaie de vous joindre par intercom depuis dix minutes, poursuivit-il. Nous sommes entrés dans le Système d’Umbara et il vous réclame sur la passerelle.
— Je vous prie de m’excuser. Je devais être plus concentré que ce que je pensais.
— Il n’y a pas de mal, répondit Vanto en jetant un œil sur les œuvres d’art qui parsemaient la pièce. Le commandant craignait que vous soyez tombé malade. Qu’est-ce donc que tout cela ?
— Des œuvres d’art umbaranes. Le reste de la force opérationnelle est-il déjà là ?
— Notre Destroyer Stellaire est arrivé, répondit Vanto.
Il continue d’observer les œuvres avec intérêt.
— Il s’agit du Prééminent, un Destroyer Stellaire de classe Impérial, commandé par l’amiral Carlou Gendling. Il a deux de ses quatre corvettes avec lui, mais a envoyé les deux autres ainsi que son croiseur léger enquêter sur un problème qui vient de survenir dans un autre système.
— L’amiral Gendling a-t-il prévu d’attendre les autres vaisseaux ?
— Il pense que la situation qui nous occupe pourra être gérée sans leur aide. Je suppose qu’une fois que nous aurons atteint l’orbite, il ordonnera aux dissidents de se diriger vers la garnison ou le poste de police le plus proche pour y déposer les armes. Le commandant Cheno exige votre présence sur la passerelle, au cas où ils désobéiraient.
— Entendu, répondit Thrawn. Pourriez-vous transmettre mes excuses au commandant et lui dire que je le rejoins dans un instant ?
Quand il arriva sur la passerelle, il constata que l’équipage de combat était au complet et que chacun était bien à son poste. Tout semblait indiquer que le Sphex d’Orage était prêt pour la bataille.
— Au rapport, mon commandant. Toutes mes excuses pour ce retard.
— Pas de problème, répondit Cheno.
Il dévisagea Thrawn attentivement.
— Tout va bien ? J’ai cru que vous étiez malade.
— Tout va bien, lui assura Thrawn. Si j’ai bien compris, l’amiral Gendling s’apprête à lancer un ultimatum ?
— Oui, répondit Cheno.
Son visage reflète de l’appréhension.
— Je lui ai conseillé d’attendre le retour du reste de la force opérationnelle, poursuivit-il, mais Gendling est du genre impatient.
Cheno s’approcha de Thrawn et baissa d’un ton :
— Il a aussi une très haute opinion de lui-même et de ses compétences, ajouta-t-il. Mais ce n’est que mon avis.
— Ce n’est pas uniquement votre avis, commandant. La tendance générale de sa carrière confirme votre analyse.
— Ah bon ? demanda Cheno.
Il est surpris.
— Vous avez étudié sa carrière ? continua-t-il.
— Je l’ai examinée de manière sommaire.
— Tiens donc. Auriez-vous également examiné ma carrière de manière sommaire ?
— On ne vous a pas offert les mêmes opportunités que l’amiral Gendling. Dès lors, vous n’avez pas eu l’occasion de démontrer vos capacités.
— Et quand bien même je l’aurais eue ? demanda Cheno.
Son ton est tout à la fois ironique et compréhensif.
— Non, n’essayez pas de m’épargner. Vous êtes un officier brillant. Moi, je suis convenable. Vous allez gravir les échelons. Alors que ma carrière s’achèvera dans l’indifférence.
Il se retourna en direction de la baie d’observation.
— Mais peut-être aurons-nous de la chance. Peut-être aurons-nous l’occasion de nous battre et que vous gagnerez la bataille pour moi. Au moins le Sphex d’Orage obtiendrait-il enfin un peu de reconnaissance.
D’un signe de tête, il indiqua la poupe du vaisseau.
— Le système de ciblage du turbolaser tribord nous donne du fil à retordre. Allez voir si l’aspirant Vanto a besoin d’aide pour établir le diagnostic, si vous le voulez bien.
— À vos ordres, commandant.
Thrawn trouva Vanto posté devant la station de diagnostic de l’artillerie.
— Aspirant, dit-il en le saluant. Compte-rendu sur le système de ciblage tribord ?
— Ils viennent d’effectuer un test diagnostique. Pas de problème apparent, mais l’appareil fait des siennes alors nous relançons le test. Ai-je bien entendu le commandant Cheno dire qu’il espérait que les Umbarans nous prennent pour cible ?
— Vous avez bien entendu, confirma Thrawn. Mais il y a des chances pour que ce souhait ne soit jamais exaucé. Les Umbarans n’attaqueront pas.
— En êtes-vous sûr, commandant ? demanda Vanto, surpris. Parce que pendant la Guerre des Clones, ils étaient plutôt du genre agressif.
— Seulement quand ils sentaient qu’ils avaient pour eux l’avantage du nombre, de la position ou du commandement. Ce n’est pas le cas ici. De plus, leur planète natale aurait beaucoup à souffrir d’un bombardement orbital s’ils devaient lancer les hostilités.
— Ah, dit Vanto. Dommage pour le commandant Cheno alors…
Sur l’écran principal du système comm apparut le visage de l’amiral Gendling.
— Habitants d’Umbara, dit-il.
Sa voix est puissante et fière, pleine de défi comme de mépris.
— Ou plutôt devrais-je dire… insurgés d’Umbara. Je suis l’amiral Carlou Gendling du Prééminent, Destroyer Stellaire impérial. Vous avez pris part à une sédition et rassemblé des armes au mépris de la loi de l’Empire. Au nom de l’Empereur, je vous ordonne de vous rendre et de déposer vos armes dans la garnison ou le poste de police le plus proche. Vos chefs seront condamnés en fonction de la gravité de leurs crimes ; ceux qui auraient suivi par simple ignorance ou à cause de liens familiaux auront la permission de retrouver leur maison et leur vie sans subir de représailles. Si vous n’obéissez pas, votre monde devra faire face à toute la force destructrice dont est capable un Destroyer Stellaire impérial. Je vous donne une heure.
— Et voilà, dit Vanto.
Il y a une pointe de regret dans sa voix. À l’instar du commandant Cheno, Vanto aimerait savoir un jour ce qu’il vaut vraiment dans une situation de combat.
— Au final, il lui suffira sûrement d’envoyer quelques escouades de stormtroopers pour maintenir l’ordre et s’assurer que les fauteurs de troubles se souviennent de la menace qui leur pend au nez. Mais en ce qui nous concerne…
— Intrus en approche ! s’écria un lieutenant depuis la station des senseurs.
On peut percevoir de la surprise et de la tension dans sa voix.
— De nombreux vaisseaux en approche provenant de la lune extérieure. Deux cents… trois cents… quatre cents ! Quatre cents vaisseaux en approche sur notre hanche tribord arrière, se déplaçant selon des vecteurs d’attaque. Identification : droïdes Vautour.