Épilogue

On dit souvent qu’il faut garder ses alliés à portée de vue, et ses ennemis à portée de main.

Une déclaration pertinente. Il faut savoir déceler les forces d’un allié, de façon à déterminer la meilleure façon d’en faire usage. Tout comme il faut savoir déceler les faiblesses d’un ennemi de façon à déterminer la meilleure façon de le vaincre.

Mais qu’en est-il des amis ?

Il n’existe pas de réponse toute faite, peut-être parce que l’amitié véritable est extrêmement rare. Mais j’en ai formulé une moi-même.

Un ami n’a pas besoin d’être gardé à portée de vue ni à portée de main. Il est nécessaire de laisser à un ami la liberté de trouver et de suivre sa propre voie.

Avec de la chance, ces voies se rejoindront pour un temps. Mais si elles se séparent, il est réconfortant de savoir que cet ami honore malgré tout l’univers de ses compétences, de son point de vue, et de sa présence.

Car quiconque reste dans le souvenir d’un ami n’est jamais vraiment séparé de lui.

 

 

Eli relut la note une seconde fois. Puis il soupira et éteignit son datapad.

Il ne savait toujours pas pourquoi Thrawn lui avait laissé son journal. Peut-être le considérait-il simplement comme de l’histoire ancienne. Peut-être l’avait-il vu comme une dernière opportunité pour former et instruire son assistant.

Ou peut-être que la réponse se trouvait dissimulée dans cette ultime note.

Distraitement, Eli se demanda si le journal qu’il lui avait remis était complet. Et si ce n’était pas le cas, s’il trouverait un jour les autres notes.

Il en doutait. Mais cela importait peu. La galaxie bénéficiait déjà de l’héritage et des réalisations de Thrawn. Ceux capables de tirer des leçons de son héritage l’avaient probablement déjà fait. Ceux qui ne le pouvaient pas n’en seraient sans doute jamais capables.

Eli espérait faire partie du premier groupe.

Mettant son datapad de côté, il reporta son attention sur le flot de chiffres qui défilait sur son écran. Il savait que, pour la plupart des gens, les chiffres n’avaient pratiquement aucun sens. Pour Eli, de par ses qualités naturelles et sa formation dans le domaine de l’approvisionnement, ils étaient comme de la musique. Qu’ils s’assemblent pour former des listes d’inventaire, des calculs de ciblage, une trajectoire dans l’hyperespace ou des données de position, les chiffres étaient au cœur de tout ce qui faisait tourner l’univers. Ils parlaient d’une grande symphonie de gens, aussi bien humains que non humains, de mondes et de voies commerciales, de forces vives appartenant indifféremment au bien et au mal.

C’était peut-être la raison pour laquelle Thrawn et lui avaient si bien travaillé ensemble. Eli avait ses chiffres, Thrawn avait son art, et personne d’autre ne pouvait entièrement comprendre aucune de ces compétences.

Il sourit à cette pensée et à sa propre vanité. Non, il n’avait jamais entièrement compris Thrawn. Et doutait que quiconque y soit jamais parvenu.

Mais il s’agissait du passé d’Eli. Le présent d’Eli se trouvait ici. Son présent et, avec un peu de chance, son avenir.

Le flot des chiffres de sa trajectoire cessa de défiler, et Eli actionna les leviers de l’hyperdrive. La vue à travers la verrière du cockpit passa d’un ciel moucheté à de longues traînées d’étoiles, puis à la beauté froide d’étoiles inconnues.

Et au milieu de cette grandeur, un vaisseau unique. Un immense vaisseau, aux feux de navigation scintillant d’une lumière douce, hérissé d’armes et composé d’un équipage de femmes et d’hommes qu’Eli n’avait jamais rencontrés.

Il était arrivé.

Sur l’écran du système comm apparut un visage au profil majestueux, à la peau bleue et aux yeux rougeoyants. Ses cheveux bleu-noir étaient attachés en un chignon à l’arrière de sa tête ; ses insignes de col étaient ceux d’un amiral.

— Je suis l’amirale Ar’alani de la Flotte de Défense chiss, dit-elle en sy bisti d’une voix claire, quoique fortement accentuée. Est-ce bien vous ?

— C’est bien moi, répondit Vanto en prenant une profonde inspiration. Mon nom est Eli Vanto. Je vous transmets les salutations de Mitth’raw’nuruodo. Selon lui, je pourrais être utile à l’Ascendance chiss.

— Soyez le bienvenu, Eli Vanto, dit Ar’alani en le saluant d’un signe de tête. Découvrons ensemble s’il a vu juste.