Chapitre 28
Tout le monde aspire à la victoire. Mais rares sont ceux qui comprennent ce qu’elle signifie réellement.
Pour un soldat ou un pilote du front, la victoire consiste à survivre au combat. Pour un politicien, la victoire est un avantage qu’il peut poser sur la table des négociations. Pour un guerrier, la victoire consiste à repousser son ennemi du champ de bataille, ou à obtenir sa reddition.
Parfois, la victoire va bien au-delà des espérances du guerrier.
Parfois, elle dépasse ce qu’il peut supporter.
— C’est une blague ? dit Arihnda en contemplant la pile de vingt datacartes que sa mère venait de lui tendre. Toutes ?
— Toutes, répondit Elainye, inflexible. Et si je parviens à remettre la main sur l’autre boîte avant que tu nous traînes dehors, il y en aura dix de plus.
— C’est toute ta vie, Arihnda, lui rappela son père. Tes spectacles de danse, tes débats à l’école, ton premier jour à la mine. Tout, jusqu’à ce que tu partes pour Coruscant.
— D’accord, céda Arihnda en parvenant à jeter un œil à son chrono sans renverser toutes les cartes par terre. Vous avez quinze minutes. Et n’oubliez pas d’emporter des souvenirs à vous aussi.
— Tu es ce que l’on a de plus cher, Arihnda, dit doucement Talmoor.
— Bah… emportez quand même des affaires à vous. Vous avez forcément des souvenirs qui datent d’avant ma naissance. Où sont les sacs à provisions ?
— En bas, dans le placard près de la cuisine, répondit Elainye. Il y en a un gros et trois plus petits.
— D’accord. Je vais ranger ça dans l’un des petits et monter le gros. N’oubliez pas : quinze minutes.
Elle descendit, la pile de datacartes pressée entre les paumes de ses mains. Quinze minutes devraient leur laisser le temps de filer avant le retour de Gudry.
Elle s’était trompée. De quinze minutes exactement.
— Ah, vous voilà ! tonna la voix de Gudry alors qu’elle venait d’atteindre le bas des escaliers.
Arihnda sursauta et manqua de renverser la pile de cartes en faisant volte-face. L’agent avait surgi, le regard noir et méfiant, un filet de sang séché lui barrant le menton.
Un petit blaster serré dans la main.
— Mais bien sûr, répondit Arihnda le plus calmement possible.
Mince.
— Où vouliez-vous que je sois ? ajouta-t-elle.
— Oh, je ne sais pas, dit Gudry d’un ton sarcastique. À l’hôpital, peut-être ? Votre mère étant mourante, tout ça…
— Fausse alerte. On lui a fait du thé, soulevé les jambes avec un coussin et elle a commencé à se sentir mieux.
— Oui, j’en ai bien l’impression, dit Gudry. C’est la fête, là-haut. Une fête de départ d’après ce que j’entends. Où est la tasse de thé ?
Arihnda sentit son estomac se nouer. Idiote, se tança-t-elle. Elle savait pourtant qu’il était préférable d’éviter les mensonges inutiles, surtout ceux facilement vérifiables.
— Puis-je savoir ce que vous sous-entendez exactement ?
— Ce que je dis, c’est que vous vous êtes délibérément débarrassée de moi, gronda-t-il en faisant un pas vers elle. J’affirme que vous n’avez jamais eu l’intention de m’aider à trouver ce que nous étions venus chercher ici.
— C’est vous le professionnel. Je ne pensais pas que vous aviez besoin d’aide.
— Alors que vos parents, eux, ont besoin de votre aide pour filer d’ici avant que s’ouvrent les portes de l’enfer, n’est-ce pas ?
Gudry secoua la tête.
— Désolée, ma jolie, mais ce n’est pas une mission de sauvetage. C’est une opé « recherche et destruction ».
Il leva son comlink et ajouta :
— Heureusement pour l’Empire, je n’avais effectivement pas besoin de vous. Je me suis chargé de la phase des recherches, et maintenant nous sommes prêts pour celle de la destruction.
Arihnda prit une profonde inspiration. Maudit Gudry ! Comment avait-il pu être aussi rapide ?
Ou plutôt comment avait-elle pu être aussi lente ?
— Excellent ! dit-elle. Qu’est-ce qu’on a ?
— Un dépôt d’explosifs et le générateur du bouclier, répondit-il avec un sourire malicieux. Eh ouais, je suis arrivé jusqu’au générateur du bouclier.
Arihnda posa les yeux sur son nouveau blaster.
— Je suppose que c’est là que vous avez trouvé cette arme ?
— Disons que son propriétaire n’en aura plus besoin. J’ai relié les détonateurs à mon unité comm. Le signal 1 correspond au bouclier. Le signal 2 à tous les explosifs.
— Tous les explosifs ?
— Tous. Un sacré dépôt. Il m’a fallu rien de moins que quatre amorces pour couvrir tous les tas. Enfin bref. On est prêts, la force opérationnelle et les troupes de la Marine sont prêtes, et c’est le moment de ficher le camp d’ici. Alors posez-moi ces cartes et on y va.
— Rien ne nous empêche d’emmener mes parents. Ils ne nous ralentiront pas.
— Ils pourraient se transformer en dragons arkaniens et nous faire sortir d’ici sur leur dos, que ça me ferait ni chaud ni froid ! rétorqua Gudry. Un groupe, ça attire l’attention, et on ne peut pas se le permettre. C’est moi qui décide, et ils ne viennent pas.
— Je suis Gouverneur, gronda Arihnda en faisant un pas vers lui.
— Je suis armé.
Un cri étouffé s’éleva soudain des escaliers. La mère d’Arihnda s’était immobilisée après avoir descendu quelques marches, serrant contre elle un cristal multicolore étincelant, les yeux écarquillés à la vue du blaster de Gudry. Profitant que l’agent se soit instinctivement retourné en direction du bruit, Arihnda se rapprocha d’un pas de plus…
Et lorsqu’il pivota à nouveau vers elle, Arihnda lui projeta le tas de cartes au visage.
Il était rapide, mais n’ayant pas terminé son mouvement, son équilibre n’était pas assuré, et son blaster était pointé dans la mauvaise direction. Il baissa la tête pour éviter la volée de cartes, tendit sa main libre devant lui pour se protéger, puis fit volte-face vers Arihnda.
Trop tard. Elle saisit le poignet de Gudry de sa main droite et, alors qu’il tentait de se libérer, releva vivement le bras de l’agent, plongea dessous, empoigna le blaster de son autre main et tira d’un coup sec le bras de son adversaire contre sa propre épaule. On entendit un léger craquement quand l’articulation du coude se disloqua, et un grognement à peine plus perceptible quand Gudry réagit à la douleur. Arihnda lui arracha le blaster de la main, voulut plonger hors de sa portée…
Et poussa un cri de douleur quand il lui frappa violemment la nuque du plat de la main. Elle s’éloigna de lui en trébuchant, prise de vertiges et les jambes en coton. Elle tendit sa main libre à l’aveugle et parvint à se rattraper à l’accoudoir d’un fauteuil dans sa chute. Elle pivota autour de l’accoudoir et, partant à la renverse, tomba lourdement sur le dos.
— Comme c’est mignon, grommela Gudry en avançant vers elle à grandes enjambées, soutenant son coude disloqué de son autre main. On recommencera ça au dojo quand ils m’auront remis le bras en place. Debout, il faut y aller.
— Avec mes parents, parvint-elle à dire, la voix haletante.
— Non, répondit sèchement Gudry. Laissez-les crever ici avec le reste de ces tordus de la Bordure Extérieure.
Levant le blaster, Arihnda lui tira trois fois dans la poitrine.
Il s’effondra par terre, mort sans même avoir eu le temps de changer d’expression. La tête entre les mains, le visage grimaçant à cause de la douleur aiguë qui lui traversait le crâne, Arihnda se releva péniblement.
Sa mère se tenait toujours dans les escaliers, les yeux comme des soucoupes.
— Vous voyez ? dit-elle en pointant le blaster vers le cristal qu’Elainye tenait entre les mains. Je vous avais bien dit que vous aviez des souvenirs à vous.
— Arihnda, souffla Elainye. Oh, Arihnda…
— Je n’avais pas le choix, mère, l’interrompit-elle. Il allait vous laisser là, père et toi. Et il m’aurait probablement tuée une fois que je l’aurais raccompagné hors de la zone.
C’était faux, évidemment. Mais si ça pouvait aider sa mère à se sentir mieux, elle était ravie de pouvoir lui rendre ce service.
— Je vais aller chercher la valise…, ajouta-t-elle.
— C’est moi qui vais me charger de la valise, s’exclama Elainye qui, retrouvant enfin ses esprits, se précipita vers sa fille. Toi, assieds-toi. Non, attends, laisse-moi d’abord aller chercher le médikit.
— Occupez-vous de la valise. Je prends le médikit. On n’a plus beaucoup de temps.
Elainye posa les yeux sur Gudry, puis les détourna rapidement.
— Nous sommes presque prêts, murmura-t-elle.
Après un dernier regard adressé à sa fille, et aucun au cadavre allongé sur le sol, elle se dirigea vers le placard et les sacs à provisions.
Arihnda fixa Gudry un long moment et se demanda si elle était censée ressentir quelque chose après ce qu’elle avait fait. Mais rien. Ni culpabilité, ni chagrin, ni même le moindre malaise. Gudry avait menacé ses parents. Il s’était mis en travers de son chemin.
Il en avait payé le prix.
Avec précaution, consciente de son équilibre instable, elle s’avança vers lui. Il avait encore tout leur équipement sur lui, après tout, y compris les amorces, les mécanismes de déclenchement installés sur son unité comm, et tout ce qu’il avait bien pu décider d’emporter.
Arihnda n’avait sans doute besoin de rien, mis à part des mécanismes de déclenchement. Mais on ne savait jamais.
Et se laissant doucement tomber à genoux, elle se mit à fouiller le corps.
*
— Toujours aucune réponse de Pryce ou de Gudry, résonna la voix de Yularen à travers le haut-parleur de la passerelle du Chimaera. Avez-vous reçu quelque chose ?
— Pas depuis la transmission de l’agent Gudry confirmant le sabotage du bouclier, répondit Faro. Je suppose que vous avez également les codes de déclenchement ?
— Oui, mais je préfère ne pas les utiliser tant que nous ne les savons pas capturés. Ou morts.
Eli regarda vers l’avant de la passerelle de commandement. Thrawn se tenait tout au bout, près de la baie d’observation, les mains jointes dans le dos et regardait, immobile, la planète située en contrebas.
Le Chiss n’avait pas dit grand-chose depuis son retour de son rendez-vous clandestin près de Creekpath. Eli avait reçu une communication privée de Yularen pendant que Thrawn retournait au vaisseau, mais le message en disait très peu en dehors du fait qu’il avait reçu des réponses satisfaisantes aux questions qu’il se posait sur les motivations et la stratégie de l’amiral.
Satisfaisantes pour le BSI et le colonel, peut-être. Mais Eli ne pouvait pas en dire autant. Le fait que Thrawn soit rentré sain et sauf de Batonn l’avait soulagé. Mais l’affaire des croiseurs vulnérables continuait de planer au-dessus de sa tête à la manière d’une nébuleuse obscure.
Surtout depuis qu’Eli avait été en mesure de prouver, au moins pour sa satisfaction personnelle, que l’amiral Kinshara avait dit vrai à propos des insurgés ayant filé en douce de Denash avec leurs vaisseaux.
Et on ne parlait pas non plus d’une simple poignée de vaisseaux. D’après les estimations qu’il avait glanées dans les listes de livraison de pièces détachées et de matériel que Kinshara avait récupérées dans la base des insurgés, pas moins de trente vaisseaux de taille moyenne devaient rôder quelque part dans le coin. Tous armés. Tous prêts à leur bondir dessus.
Même un Destroyer Stellaire impérial ne pouvait pas prendre trente vaisseaux armés à la légère. Dans une situation comme celle-ci, le Chimaera avait besoin de ses vaisseaux-écrans à portée de main.
Or ce n’était pas le cas. Les trois croiseurs attendaient toujours dans leurs petites zones d’isolement privées, loin du Chimaera, tous à moitié enfouis sous les vaisseaux de ravitaillement et les barges de réparation. Les deux frégates ne leur étaient d’aucune utilité, puisqu’elles avaient été éloignées de la planète par Thrawn qui leur avait confié une mission d’observation au cas où Nightswan tenterait d’apporter du personnel ou des armes supplémentaires à ses forces terrestres.
Eli avait partagé ses découvertes avec Faro, qui avait réagi en vidant les hangars du Chimaera et en dédoublant l’écran de chasseurs Tie sentinelles autour de la planète. Mais les Tie n’avaient pas le moyen de tout couvrir, et les cuirassés les plus proches pouvant répondre à un appel de détresse se trouvaient à plus de trente heures de là. Le temps que de l’aide soit envoyée, la bataille serait finie.
Eli regarda l’écran et sentit son estomac se nouer. Chacun des vaisseaux de la 96e était vulnérable. Mais il n’y en avait qu’un seul qui importait réellement. Si les trente vaisseaux cachés de Nightswan réussissaient à se débarrasser du Chimaera, le système entier leur serait grand ouvert. S’ils n’y parvenaient pas, ils avaient déjà perdu.
Le Chimaera n’était pas qu’une cible. Elle était la cible.
— Colonel Yularen, quelle est la situation de vos troupes ? demanda Thrawn.
— Nous ne sommes pas assez nombreux pour un encerclement, amiral, mais nous pouvons probablement tenter une percée. Je dois également préciser que le rapport de Gudry au sujet de la découverte d’un nombre inconnu de canonnières et de chasseurs a passablement inquiété les commandants au sol.
— Une fois le bouclier détruit, cela ne devrait plus poser de problème, lui assura Thrawn. Le Chimaera peut descendre à une distance de tir efficace en trois minutes, ce qui nous laisse largement le temps de nous occuper de véhicules de combat de cette taille.
— Nous aurons probablement besoin de ce soutien, amiral.
— Vous l’aurez, lui promit Thrawn. Avant que toutes les troupes soient engagées au combat, je veux que vous détachiez une escouade spéciale pour moi.
— Bien, amiral. Sa mission ?
— Une fois que la bataille aura commencé, je veux qu’elle se rende au domicile des parents du Gouverneur Pryce. Si l’agent Gudry et elle ont été mis en danger, ils s’y sont peut-être réfugiés.
— Compris, amiral. En fait, elle n’a peut-être pas besoin d’attendre que la bataille commence pour se mettre en route. Si mon interprétation des cartes et des images est correcte, leur domicile est suffisamment éloigné du centre pour que nous puissions introduire une escouade dans la zone dès que nous le souhaiterons.
— C’est également la conclusion à laquelle j’étais arrivé. Mais la situation au sol est souvent plus complexe qu’elle ne le paraît en orbite. Combien de temps mettra l’escouade pour atteindre la maison ?
— Donnez-moi quinze minutes pour trouver mon équipe et la préparer, dit Yularen. Probablement trente de plus pour leur faire franchir le piquet de grève et rejoindre la maison. Quarante-cinq minutes, une heure tout au plus.
— Bien. Allez-y.
— À vos ordres, amiral.
— Commandant Faro ?
— Amiral ? répondit celle-ci en s’avançant d’un pas sur la passerelle.
— Préparez le Chimaera au combat, ordonna Thrawn. Je m’attends à l’apparition des forces ennemies d’un instant à l’autre.
— Bien, amiral, dit Faro en faisant signe à son équipe. Turbolasers, tenez-vous prêts. Boucliers en état d’alerte.
— Boucliers en état d’alerte, commandant, confirma une voix.
— Turbolasers en…, commença une autre voix.
— Vaisseaux en approche ! coupa la voix de l’officier des senseurs. Des vaisseaux de taille moyenne – dix – arrivent sur le vecteur cent dix par quatre-vingts. Amplitude, cent trente kilomètres.
Eli se tourna vers l’écran, la gorge serrée. Les dix vaisseaux avaient émergé de l’hyperespace trente kilomètres derrière le Shyrack, accéléraient dans sa direction et atteindraient bientôt la vitesse d’attaque. Exactement comme il l’avait craint.
— Amiral, le Shyrack…
— Vaisseaux en approche ! l’interrompit l’officier des senseurs. Onze autres de taille moyenne sur le vecteur…
— Deux autres groupes arrivent, précisa l’officier des senseurs en second, la voix ferme. Onze vaisseaux aussi. Amiral, ils visent les croiseurs.
— Je les vois, dit Thrawn d’une voix glaciale.
Alors, faites quelque chose ! hurla intérieurement Eli. Les trois escadrons d’attaque n’avaient pas encore ouvert le feu, mais le répit ne serait que de courte durée. Vingt kilomètres de plus et leurs canons blasters découperaient les croiseurs sans défense avec la même facilité qu’un couteau dans du beurre.
Et une fois les croiseurs éliminés, il n’y aurait plus rien entre eux et le Chimaera.
Eli fixait l’écran, l’esprit en ébullition, s’efforçant de trouver une solution. Mais il n’y en avait aucune. Le Chimaera était trop enfoncé dans le puits de gravité de Batonn pour sauter en hyperespace. Avec son moteur principal toujours en réserve, il mettrait près de dix minutes à parcourir la distance nécessaire. Ils ne disposaient d’aucune arme au sol pour leur prêter main-forte, et Batonn ne possédait pas de plate-forme d’armement en orbite. Le Destroyer Stellaire allait devoir se débrouiller seul face à ses vaisseaux ennemis.
C’était donc ça le plan de Thrawn ? Faire en sorte que les assaillants dépensent leur énergie sur les croiseurs et, avec un peu de chance, surchauffent certains de leurs canons en cours de route, puis espérer que le blindage et l’artillerie du Chimaera suffiront à les retenir ? L’amiral voulait certainement éviter que les nouveaux arrivants rejoignent les insurgés au sol… Était-ce sa façon de les garder dans l’espace, hors de portée de Nightswan, jusqu’à ce que la bataille de Creekpath soit terminée ?
Un mouvement attira l’œil d’Eli, et il se tourna pour voir Thrawn remonter le long de la passerelle de commandement. Sans presser le pas, comme aurait pu le faire quelqu’un souhaitant s’éloigner de la baie d’observation avant le début de l’attaque, mais calmement, avec le pas mesuré d’un homme sûr de son plan et de ses ordres.
Il marqua une pause à côté de la section comm de la fosse d’équipage, presque comme si une idée lui était venue après coup.
— Contactez les commandants au sol, ordonna-t-il. Les unités ouest et nord peuvent ouvrir le feu sur les insurgés de Creekpath. Mais ils doivent rester aux limites du complexe – tirs d’intimidation uniquement – jusqu’à ce que le bouclier soit désactivé ou jusqu’à nouvel ordre.
— Bien, amiral.
Thrawn poursuivit son avancée le long de la passerelle puis s’arrêta devant Eli et Faro.
— L’escadron de sauvetage du colonel Yularen saura profiter de ces tirs de diversion partout ailleurs le long du périmètre, expliqua-t-il.
— Oui, amiral, répondit Eli, une petite partie de son esprit quelque peu chagrinée d’avoir été trop préoccupé par l’attaque des assaillants pour ne pas avoir déduit cela de lui-même. Amiral… et les vaisseaux ?
— Oui, commandant, les vaisseaux, confirma Thrawn en se tournant à nouveau vers la baie d’observation. Découvrons à présent si je ne me suis pas trompé en interprétant le jeu de notre adversaire.
— Et si nous allons survivre ou non, murmura Eli.
— Oui, dit Thrawn. Si nous allons survivre…
*
Arihnda et ses parents étaient presque arrivés au piquet de grève des insurgés lorsque les parties ouest et nord du complexe s’illuminèrent sous les tirs des blasters.
— Talmoor ? murmura Elainye, agrippée au bras de son mari.
— Je les entends, dit-il, le ton grave. Alors, c’est finalement arrivé… J’espérais que non.
Arihnda scruta la zone à demi éclairée devant eux, s’efforçant de repérer les soldats de l’Empire qui se trouvaient de l’autre côté. Mais ils étaient toujours tapis et silencieux, exactement comme à son premier passage en compagnie de Gudry. Ces troupes avaient-elles raté l’ordre d’attaquer ?
C’était peu probable. S’ils restaient en retrait, c’est qu’on le leur avait ordonné.
Auquel cas, les attaques au loin étaient soit une incursion à vecteur unique, soit une diversion.
Un sourire lui étira les lèvres dans l’obscurité. Bien sûr. Elle n’avait cessé d’ignorer les appels de plus en plus fréquents qu’elle recevait sur son unité comm et celle qu’elle avait prise à Gudry. Elle refusait de parler à Thrawn tant qu’elle ne savait pas quoi lui dire exactement. Si ces tirs constituaient une diversion, c’était pour permettre à une équipe de s’introduire dans la zone par un autre côté et d’aller la chercher.
Son sourire s’effaça. L’endroit le plus logique pour commencer les recherches était la maison de ses parents. Si l’équipe se rendait sur place et découvrait le corps de Gudry…
Elle pourrait toujours essayer d’inventer une histoire pour s’en sortir. Mais sans garantie de succès. Trouver une explication au fait que Gudry soit mort sans qu’Arihnda ni ses parents n’aient la moindre égratignure allait s’avérer extrêmement délicat.
— Il faut y aller, dit Elainye, les yeux fixés sur les lumières vacillantes au loin. Arihnda ?
— Dans une minute, répondit-elle en jetant un regard autour d’elle.
À quelques mètres sur la droite se trouvait un engin de type bulldozer, probablement installé là par les insurgés de façon à ce que cette partie du piquet de grève dispose d’un endroit derrière lequel se rabattre lorsque les tirs commenceraient.
— Restez ici. Je reviens tout de suite.
En début de mission, le sac à malice de Gudry contenait six amorces connectables à son unité comm. Il n’en restait plus qu’une seule à Arihnda.
La fixer au bulldozer serait un jeu d’enfant. Paramétrer le comlink de Gudry de façon à s’en servir pour déclencher l’explosion serait beaucoup moins aisé. Il lui avait montré la manip à bord du transport, mais de façon rapide et sommaire, manifestement persuadé que cette information ne lui serait jamais d’aucune utilité.
Mais après quelques faux départs, elle parvint à la connecter. Dissimulant l’unité comm au creux de sa main, elle alla rejoindre ses parents.
Ils fixaient toujours les lumières au loin comme s’ils pouvaient, par leur simple volonté, voir ce qu’il se passait là-bas.
— Il faut y aller, leur murmura-t-elle. Laissez-moi parler.
Elle avait espéré que les insurgés situés le long du piquet de grève porteraient toute leur attention vers l’extérieur, et que ses parents et elle seraient à même de se faufiler de l’autre côté sans se faire remarquer. Mais là encore, la chance n’était pas de leur côté.
— Halte ! leur ordonna à voix basse une voix juste devant eux. Où vous croyez aller comme ça ?
— Je dois sortir mes parents d’ici, répondit Arihnda.
L’homme avait un certain âge et sa façon de tenir son blaster indiquait qu’il savait ce qu’il faisait. Un vétéran de la Guerre des Clones, peut-être.
— Mère ne se sent pas bien, ajouta-t-elle en avançant vers lui, les doigts serrés autour du comlink de Gudry. Je dois l’emmener à…
— Montrez-moi vos pièces d’identité, l’interrompit le garde. Tous les trois.
Et voilà. Jusqu’ici, tous ceux qu’ils avaient rencontrés connaissaient son père, de nom ou de visage, et les chances qu’il en soit de même pour ce garde étaient plutôt bonnes. Si c’était le cas, et s’il se mettait à poser des questions ou, pire, s’il devait appeler un supérieur un peu suspicieux…
— Ce ne sera pas nécessaire, intervint son père en s’approchant d’un pas. Je suis Talmoor…
Serrant les dents, Arihnda appuya sur le déclencheur du comlink.
Les amorces n’avaient qu’un pouvoir limité, et l’explosion fut modérée. Mais elle se révéla assez grosse et bruyante pour détourner l’attention générale vers le bulldozer que le souffle de la détonation avait fait basculer sur le côté.
Alors que le garde contemplait la scène, bouche bée, Arihnda s’approcha de lui, appuya l’embout de son blaster contre sa poitrine et tira.
Avec un peu de chance, espérait-elle, le bruit de la décharge étouffé par le corps du garde et couvert par les derniers échos de l’explosion passerait inaperçu. L’homme, en tout cas, s’effondra en silence, son blaster cliquetant doucement contre la chaussée. Arihnda regarda autour d’elle en replaçant son blaster dans sa tunique, mais ne repéra aucun autre garde à proximité.
— Arihnda ! Qu’est-ce que… Arihnda ! s’écria sa mère. Que s’est-il passé ?
— Je crois qu’il a reçu un éclat, dit-elle en saisissant le bras de sa mère pour l’éloigner.
— Mais nous devons l’aider ! protesta Elainye.
— C’est trop tard, affirma Arihnda en tirant sa mère vers elle. Père, venez.
— Dans un instant, répondit Talmoor d’une voix étrange.
Arihnda tourna la tête pour regarder par-dessus son épaule, le mouvement ravivant la douleur dans sa nuque. Talmoor se tenait debout au-dessus du cadavre encore chaud, le regard fixé dessus.
— Père ! cria-t-elle à mi-voix. Venez.
Il observa le corps encore quelques instants, puis sortit de sa torpeur et les suivit.
Et malgré la pénombre, Arihnda put lire de la douleur et de la répulsion dans ses yeux.
Elle s’était attendue à d’autres obstacles avant d’atteindre les lignes impériales. Mais l’explosion avait apparemment poussé les insurgés à se mettre à couvert le temps de comprendre si l’attaque était lancée ou non. Devant eux, elle discerna une file de véhicules blindés dont la sombre carrosserie ressortait sur les lumières lointaines de Paeragosto…
— Halte ! ordonna brusquement une voix derrière eux.
Arihnda se retourna. Deux hommes en uniformes noirs de la Marine avançaient d’un pas rapide dans leur direction, blaster au poing.
— Tout va bien, s’empressa-t-elle de dire. Je m’appelle Arihnda Pryce. Je suis ici dans le cadre d’une mission spéciale pour le colonel Yularen.
— Gouverneur Arihnda Pryce ? demanda l’un des soldats en accélérant le pas. Il était temps, Gouverneur. Le colonel est très inquiet à votre sujet. Vous devriez l’appeler, l’équipe est déjà en route.
— Quelle équipe ?
— L’équipe de sauvetage partie au domicile de vos parents. Ce sont eux ?
— Oui, ce sont mes parents, confirma Arihnda, le cœur battant à tout rompre.
Elle avait espéré que l’équipe attendrait le début de la bataille avant d’entrer.
Peut-être avait-elle encore le temps de les arrêter.
— Quand sont-ils partis ?
— Je ne sais pas, dit-il en jetant un regard rapide au pass d’Arihnda. Il y a peut-être vingt minutes. Il faudra que vous demandiez au colonel Yularen. Il n’était pas censé y avoir quelqu’un d’autre avec vous ?
— Nous avons été séparés, répondit Arihnda en serrant les dents.
Vingt minutes. Pour peu qu’ils n’aient pas rencontré trop d’obstacles en route, ils pourraient déjà être à proximité de la maison.
Si ce n’est même à l’intérieur.
— Je vais l’appeler au plus vite, promit-elle en levant les yeux vers le ciel.
L’éclat des étoiles, de celles du moins que l’on apercevait à travers la lueur vaporeuse du complexe, tremblotait quelque peu comme sous les effets d’un écran de protection. Ils se trouvaient encore sous le bouclier énergétique de Creekpath.
— Où est votre QG ? demanda-t-elle aux soldats. Je dois emmener mes parents en ville et leur fournir les soins appropriés.
— Le QG est par là, dit l’homme en lui indiquant le plus gros des véhicules blindés. Le major Talmege vous trouvera un transport.
— Merci, dit Arihnda en faisant signe à ses parents. Venez, trouvons un endroit où vous pourrez vous reposer.
Talmoor et Elainye se mirent en route, Arihnda derrière eux. Encore quelques pas, se dit-elle. Juste quelques pas de plus.
*
Les trois groupes de vaisseaux ennemis étaient désormais à portée de tir des croiseurs. Eli serra les dents, se demandant quand allait commencer le massacre. Les assaillants continuèrent d’avancer, s’approchèrent à bout portant…
Puis rompirent leur formation d’un seul mouvement harmonieux et, dans une large boucle, contournèrent les croiseurs comme leurs vaisseaux d’escorte. Une fois ces obstacles derrière eux, ils reprirent leur formation initiale et se dirigèrent droit vers le Chimaera.
Sans tirer un seul coup.
— Bon sang, qu’est-ce que… ? marmonna Faro.
— Nightswan a retenu la leçon de notre attaque sur l’île de Scrim, expliqua Thrawn d’une voix calme. Voyez comment il a amené ses vaisseaux le long des vecteurs où nos tirs auraient été bloqués par les croiseurs pendant la première étape de leur assaut.
— Oui, amiral, dit Faro. En parlant de tirs…
— Patience, commandant. Lieutenant Lomar, ordonnez aux croiseurs de se libérer des barges immédiatement.
— Vous les faites partir maintenant, amiral ? demanda Eli. Je croyais que vous les aviez mis là pour qu’ils puissent sauter avant que la force ennemie ouvre le feu.
— Une supposition erronée, commandant, répondit calmement Thrawn. Les assaillants n’ont jamais eu l’intention d’ouvrir le feu. Rappelez-vous, nous affrontons Nightswan, qui a insisté pour que les membres d’équipage du Dromedar soit fait prisonniers et non tués par les pirates qui les avaient capturés. Jamais il n’ordonnerait à ses forces de tirer sur des vaisseaux incapables de riposter.
D’un geste, il indiqua le Shyrack à travers la baie d’observation.
— D’un point de vue purement tactique, reprit-il, avoir nos vaisseaux et leurs équipages derrière ses assaillants et directement dans notre ligne de feu devrait également nous faire hésiter à pratiquer des tirs défensifs.
— Et c’est pour ça que vous les faites partir ? demanda Faro. Pour que nous puissions enfin riposter ?
— Je ne les fais pas partir, répondit Thrawn avec un petit sourire. Patience. Lieutenant-colonel Vanto, rapportez-moi la situation des barges de réparation.
— Elles se sont éloignées du Shyrack, répondit Eli en étudiant l’écran. Même chose pour celles du Flensor et du Tumnor…
Il marqua une pause et observa de plus près le groupe des structures de réparation. Est-ce que quelque chose était en train d’émerger derrière elles ?
— Amiral ? Est-ce que ce sont… ?
— En effet, commandant, le coupa Thrawn dans un murmure. Des chasseurs Tie, un escadron entier à chaque emplacement. Introduits dans le Système de Batonn, dissimulés dans les barges de réparation.
Eli poussa un soupir discret et sentit le nœud à son estomac se détendre à mesure que les pièces s’emboîtaient dans son esprit.
— Et qui n’attendaient, pour sortir, que le passage de vaisseaux ennemis.
— Oui, répondit Thrawn. Et maintenant, grâce à la stratégie de Nightswan, ils sont parfaitement positionnés derrière leurs cibles.
Sous les yeux d’Eli, les Tie contournèrent lentement les barges puis passèrent en vitesse d’attaque pour foncer sur les vaisseaux des insurgés.
— Nos Tie sont toujours en mission sentinelle, se souvint Eli. D’où viennent ceux-là ?
— Du Judicator. L’amiral Durril a eu la gentillesse de nous les prêter. Commandant Faro ?
— Amiral ?
— Ordonnez à nos turbolasers de se préparer à faire feu. Mais veillez à ce qu’ils n’aillent pas toucher un Tie par excès de zèle.
— Oui, amiral, répondit Faro, un petit sourire sur les lèvres. Poste de tir, vous avez entendu l’amiral. Ennemi à l’approche. Préparez-vous à les éliminer.
*
Le moment était venu.
Les parents d’Arihnda se trouvaient à l’abri dans le QG du major Talmege. Arihnda se tenait debout derrière le véhicule. L’éclat fixe des étoiles au-dessus de sa tête indiquait qu’ils étaient enfin sortis du bouclier de Creekpath.
Et personne ne regardait.
Elle ne pouvait pas arrêter l’unité spéciale de Yularen. Elle ne pouvait pas l’empêcher de trouver le corps de Gudry. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était s’assurer qu’ils ne pourraient jamais le signaler.
Elle leva le comlink de Gudry et appuya sur la touche du détonateur.
Pas celle du signal 1, qui aurait détruit le bouclier. Celle du signal 2, relié au dépôt d’explosifs de Nightswan.
Et soudain, le monde vola en éclats dans un déferlement de flammes ardentes.
*
Quoi que puisse penser Eli des compétences tactiques de Durril, les pilotes de chasse du Judicator faisaient sans aucun doute partie des meilleurs qu’il ait jamais vus. Le temps que les assaillants arrivent à portée de tir du Chimaera, leur nombre avait déjà diminué de près des deux tiers.
C’était au tour du Destroyer à présent.
Eli contemplait les virevoltes des vaisseaux et les faisceaux verts des turbolasers strier le ciel, quand il aperçut, du coin de l’œil, l’écran centré sur le bastion de Creekpath s’illuminer dans une violente explosion de lumière.
Il se tourna vivement vers le moniteur, le souffle coupé. L’espace d’une fraction de seconde supplémentaire, le tourbillon de feu et de fumée garda la forme d’une boule quasi parfaite…
Puis, après un second éclair provenant de son centre, la boule disparut et le gigantesque tourbillon de fumée et de débris se transforma en un nuage informe à mesure qu’il s’étendait vers l’extérieur.
Quelqu’un poussa un juron… et soudain, Eli comprit.
Les charges posées par Gudry avaient explosé. Mais avec le bouclier toujours en place, l’explosion massive avait été contenue et son énergie déviée vers l’intérieur et le sol, démolissant non seulement le bastion des insurgés, mais aussi les nombreuses habitations des civils regroupées autour du complexe minier.
Bon sang, mais que venaient de faire les insurgés ?
Un silence de plomb tomba sur la passerelle du Chimaera. Thrawn fut le premier à le briser :
— Commandant Faro, contactez le colonel Yularen et les commandants au sol, ordonna-t-il d’une voix calme, mais non sans tension. Les soldats doivent immédiatement entrer dans le complexe. Non pas pour combattre, mais pour chercher et secourir les survivants.
— Compris, amiral, répondit Faro en s’efforçant de garder une voix ferme. Et ceux-là ? ajouta-t-elle en montrant du doigt les vaisseaux ennemis tourbillonnant entre les tirs des canons blasters et des turbolasers.
— Si certains essaient de s’échapper, laissez-les partir. Leur récit de ce qui s’est passé ici aujourd’hui devrait finir de démoraliser les autres groupes de leur genre.
— Et ceux qui restent pour combattre ?
Thrawn ne cilla pas.
— Détruisez-les.
*
— Tu as vu ça ? demanda Elainye pour la énième fois, la voix encore tremblante. Tu as vu ça ?
— J’ai vu, mère, confirma Arihnda en entraînant ses parents tant bien que mal en direction de la navette qui les attendait.
Derrière eux, la ligne de front impériale s’était réveillée et une multitude d’hommes et de véhicules se déplaçaient à présent parmi les immeubles en feu et les débris du complexe minier de Creekpath.
— Et, non, je n’ai aucune idée de ce qui s’est passé, ajouta-t-elle.
— Une chose terrible, murmura Elainye. Comment l’Empire a-t-il pu faire une chose pareille ?
— Si vous voulez accuser quelqu’un, accusez les insurgés, rétorqua Arihnda, plus sèchement qu’elle n’en avait eu l’intention. Ce sont eux qui ont provoqué cette confrontation.
Sa mère se tut. Son père n’avait pas dit un mot depuis qu’ils étaient descendus du véhicule de Talmege.
Arihnda, elle-même, ressentait un certain malaise. Contenue par le bouclier, l’explosion s’était avérée bien plus destructrice que ce à quoi elle s’était attendue.
Mais elle avait rempli sa mission. L’explosion – ou la tempête de feu qui avait suivi – avait certainement désintégré la maison de ses parents, et avec elle la preuve du meurtre de Gudry.
C’était tout ce qui comptait.
— Voilà ce que vous allez faire, dit-elle à ses parents en les secouant un peu pour être sûre d’avoir leur attention. Le pilote a reçu l’ordre de vous emmener sur la piste d’atterrissage de Paeragosto jusqu’à un transport appelé le Duggenhei. Votre voyage jusqu’à Lothal a déjà été réglé. Une fois là-bas, allez à la maison du Gouverneur – j’appellerai avant votre arrivée pour leur dire de vous installer dans la suite des invités. Je vous rejoindrai dès que je le pourrai, et on parlera ensemble de ce que vous voulez faire ensuite. C’est clair ?
— Mais…, commença Elainye.
— Il n’y a pas de mais, mère. Allez-y et attendez-moi là-bas, d’accord ?
Elainye soupira.
— Très bien.
— Père ? C’est d’accord ?
Talmoor se contenta d’opiner du chef.
— D’accord, dit Arihnda en s’arrêtant au pied de la rampe de la navette. Allez-y. Je vous rejoins dès que possible.
Elle les regarda monter la rampe en silence, tels dès rêveurs pris au piège d’un horrible cauchemar. Le sabord se referma, puis la navette décolla et prit la direction des lumières lointaines de la ville.
— Vos parents ?
Arihnda se retourna. Situé à quelques mètres derrière elle, le colonel Yularen la fixait d’un regard perçant.
— Oui, répondit-elle. Je les renvoie chez eux, il n’y a plus rien pour eux, ici.
— Il n’y a plus rien pour personne, à vrai dire, rétorqua-t-il. Je suis venu vous informer que l’amiral Thrawn requiert notre présence à bord du Chimaera.
Ce que le colonel aurait très bien pu lui dire par comlink, songea Arihnda. Mais alors il n’aurait pas eu l’occasion de la suivre et de voir ce qu’elle trafiquait.
Très bien. Il pouvait bien regarder, s’interroger et suspecter tout autant qu’il le voulait. Elle était Gouverneur à présent, dirigeait un vaste réseau de mines, d’usines et d’industries indispensables au bien-être économique et militaire de l’Empire. Tant qu’elle continuait de fournir à Coruscant ce qu’on attendait d’elle, elle était intouchable.
— Merci, colonel, dit-elle. Avez-vous une navette à disposition ?
— Oui, Votre Excellence. Nous y allons ?