Chapitre 15
Parmi ceux qui maîtrisent les technologies de la guerre, beaucoup considèrent l’entraînement physique et la discipline comme superflus. Avec les turbolasers, les hyperdrives, les armures blindées, et les ressources mentales pour les diriger, la force musculaire et l’agilité sont considérées comme vaines.
Ils ont tort. L’esprit et le corps sont connectés dans un maillage d’oxygène, de nutriments, d’hormones et de neurones. L’exercice physique éveille ce maillage, stimulant le cerveau et libérant l’intellect. Le combat simulé, lui, possède la vertu supplémentaire d’entraîner l’œil à repérer les petites erreurs et à les exploiter.
Un changement d’approche peut également permettre au subconscient de se concentrer sur des questions non résolues. Le combat simulé amène souvent le guerrier à découvrir qu’une ou plusieurs de ces questions a été élucidée contre toute attente.
Et, occasionnellement, cet exercice peut servir d’autres desseins.
— Je ne comprends pas, dit Thrawn dont le visage habituellement impassible semblait troublé par le rapport qu’affichait le datapad.
Si Thrawn avait été un personnage plus quelconque, Eli aurait presque dit que le Chiss était perplexe.
— Qu’y a-t-il à comprendre ? demanda Eli. C’est le résultat auquel tout le monde s’attendait.
Les yeux rougeoyants de Thrawn plongèrent dans les siens.
— Tout le monde ?
— Pratiquement, nuança Eli.
Oui, c’était bien ce qu’il définirait comme de la perplexité.
— À vrai dire, ce ne sont que des histoires de politique, comme d’habitude dans la Marine, ajouta-t-il.
— Mais cela va à l’encontre de toute raison tactique, objecta Thrawn. Le commandant Cheno s’est acquitté de sa tâche avec succès, son vaisseau a remporté la bataille et a sauvé de nombreuses vies. Comment le Haut Commandement a-t-il conclu qu’il devait être relevé de ses fonctions ?
— Ils ne l’ont pas tout à fait relevé de ses fonctions, lui fit remarquer Eli. Le communiqué déclarait qu’il avait été autorisé à prendre sa retraite.
— Mais le résultat est le même, n’est-ce pas ?
— En effet, admit Eli. Vous avez raison, le laisser prendre sa retraite n’est qu’une façon de le mettre au placard. Comme je le disais, tout cela est politique. Gendling a beaucoup de relations, il a été blessé dans son petit orgueil, alors il se défoule sur Cheno.
Thrawn baissa à nouveau les yeux sur le datapad.
— C’est une manière stupide de gâcher des ressources.
— Je suis d’accord, dit Eli. Mais cela aurait pu être pire.
— Comment cela ?
— Vraiment ? demanda Eli, les sourcils froncés.
Cela ne lui semblait-il pas évident ?
— C’est vous que Gendling visait en réalité. Cheno aurait pu s’en sortir s’il avait dit au jury que vous aviez dépassé les limites de votre autorité. Mais il ne l’a pas fait. Comme ils n’avaient rien contre vous, c’est lui qu’ils ont jeté aux lions.
Thrawn resta muet encore un instant.
— Un gâchis stupide, répéta-t-il.
Eli soupira.
— Autant vous y habituer.
Cette fois encore, les yeux rouges se tournèrent vers lui.
— Qu’insinuez-vous ?
Eli hésita. Ce n’était vraiment pas à lui de le lui dire. Mais s’il ne s’en chargeait pas, qui d’autre le ferait ? Et malgré toutes ses compétences militaires et sa perspicacité, Thrawn ne semblait pas comprendre.
— Ce que je veux dire, commandant, c’est qu’il y a de grandes chances pour que vous détruisiez quelques carrières sur votre chemin. En fait, c’est déjà le cas : le commandant Cheno, l’amiral Wiskovis, le commandant Deenlark : ils ont tous perdu des plumes sur votre passage.
— Je n’en avais aucunement l’intention.
— Je le sais bien, dit Eli. Ce n’est pas à cause de ce que vous avez pu faire. C’est juste la réaction politique à… Eh bien, à vous.
— Je n’ai jamais eu une telle intention en acceptant de servir l’Empereur.
— Ce n’est pas une question d’intention, répondit Eli patiemment. Le problème, c’est que vous ne rentrez pas dans la petite case parfaite des officiers de Marine. Vous n’êtes pas humain, et pire encore, vous n’êtes pas du Noyau.
— Tout comme vous et comme beaucoup d’autres.
— Mais nous autres, les péquenauds de l’Espace Sauvage, nous ne passons pas notre temps à humilier l’élite politique qui a pourtant une si haute opinion d’elle-même, remarqua Eli. Vous les offensez, alors ils vous en veulent. Et s’ils ne parviennent pas à vous éliminer, ils s’en prennent aux gens qui, selon eux, vous ont aidé à en arriver là où vous êtes aujourd’hui.
— Des gens comme vous ?
Eli laissa son regard dériver. Oui, des gens comme lui. Des gens qui étaient restés au même grade depuis leur sortie de l’Académie alors que tous les autres s’empressaient de grimper les échelons.
Mais il ne s’agissait pas de lui, il s’agissait de Thrawn.
— Ils s’en prendraient sûrement à moi s’ils estimaient que j’en valais la peine, répondit Eli en contournant la question.
— Me suggérez-vous d’essayer d’être moins compétent ?
— Bien sûr que non, répondit Eli avec fermeté. Si vous agissez ainsi, nos pertes augmenteront et nos ennemis s’en sortiront. Je veux simplement que vous soyez conscient d’être dans la ligne de mire des politiques.
— Je comprends, dit Thrawn. Je m’efforcerai d’apprendre les règles et les tactiques de cette forme de guerre. En attendant, que pourrions-nous faire pour le commandant Cheno ?
— Lui souhaiter une bonne continuation, j’imagine. Même si vous parveniez à convaincre quelqu’un d’accepter un recours, il ne commandera plus jamais de vaisseau. Là au moins, il part la tête haute.
— Sauf que nous savons que ce n’était qu’une victoire partielle.
— Nous le supposons, le corrigea Eli en baissant le ton. Nous ne sommes pas sûrs que ce soit ce que cherchait Nightswan.
Il pointa du doigt la porte devant eux, qui arborait une simple plaque dorée BUREAU DE LA SÉCURITÉ IMPÉRIALE, au-dessus de celle, plus petite, du COLONEL WULLF YULAREN.
— C’est peut-être ici que nous obtiendrons des réponses, ajouta-t-il.
Le colonel Yularen attendait derrière son bureau lorsqu’ils entrèrent.
— Bienvenue, capitaine Thrawn, aspirant Vanto, les salua-t-il. Asseyez-vous.
— Merci, colonel, dit Thrawn. Je crois que vous avez des nouvelles pour nous ?
— En effet, mais pas celles que vous espérez, répondit Yularen avec amertume. En parlant de nouvelles, je viens d’apprendre que votre commandant Cheno avait été poignardé dans le dos par le comité de la cour martiale. J’en suis désolé.
— Merci, colonel, dit Thrawn. C’était un bon officier.
— C’est ce que j’ai cru comprendre. Pas formidable, mais il ne méritait pas d’être éjecté de cette façon, dit Yularen.
Il plissa les yeux et ajouta :
— Aucune répercussion sur vous ? Sur vous deux ? ajouta-t-il en regardant Eli.
— Pas que nous sachions, colonel, répondit celui-ci.
— Bien. Le Haut Commandement ne vous apprécie peut-être pas, Thrawn, mais il ne peut pas ignorer le fait que vous obteniez des résultats, gronda-t-il. Malheureusement, nos résultats ne sont pas aussi bons que les vôtres. Nous avons étudié chaque document que le BSI pouvait trouver. Le nom de Nightswan apparaît partout : contrebande de métaux, achat d’antiquités, organisation de manifestations et troubles civils. Mais nous ne savons toujours pas qui il est vraiment.
— Intéressant, dit Thrawn. Vous dites qu’il a organisé des manifestations. Des manifestations contre qui ?
— Presque tout le monde. Principalement contre des gouvernements – à la fois locaux et impériaux –, mais aussi des corporations et même des sociétés de transport.
Ses yeux parcouraient rapidement l’écran de son ordinateur.
— Nous n’avons cependant rien trouvé de commun entre ses différentes cibles. Peut-être aime-t-il simplement créer des problèmes ?
— Puis-je avoir une liste de toutes les activités auxquelles il est associé ? demanda Thrawn.
— Bien sûr.
Yularen saisit une datacarte et la tendit au-dessus de son bureau.
— Qu’espérez-vous trouver ?
— Un schéma récurrent, répondit Thrawn. Vous dites que ses cibles semblent avoir été choisies au hasard, mais je pense que nous trouverons quelque chose qui relie les lieux, le timing ou le personnel impliqué. Beaucoup de ses combines impliquent le vol de doonium ou d’autre métal précieux. Se pourrait-il qu’il soit motivé par ce qu’il considère être du vol ou…
Il regarda Eli et ajouta :
— Gubudalu ?
Eli fronça les sourcils. Gubudalu ? Qu’est-ce que c’était que ça ?
— Ah, une usurpation !
— Merci. Se pourrait-il qu’il soit motivé par le vol ou l’usurpation d’intérêts miniers personnels ou familiaux ?
— C’est intéressant, dit Yularen. Les contrebandiers, les pirates et les voleurs n’aiment généralement pas attirer l’attention. Mais Nightswan étale son nom à tout-va.
Yularen pinça les lèvres avant de continuer :
— Peut-être qu’il prépare une opération majeure et qu’il essaie de faire diversion. Je me souviens d’un groupe de trafiquants d’armes, pendant la Guerre des Clones, qui déclenchait des incendies d’un côté de la ville pour y attirer la police et les pompiers, et en profitait pour dévaliser un dépôt d’armement de l’autre côté.
— En effet, dit Thrawn. Et qu’en est-il de Coruscant ? Y a-t-il de l’agitation ici ?
— Vous plaisantez, ricana Yularen. Descendez de deux mille niveaux et vous trouverez toute l’agitation que vous voudrez. Descendez de quatre mille niveaux et vous ne verrez pas la différence avec l’Espace Sauvage.
— Ce serait donc un terrain propice aux manifestations anti-impériales ?
— Certainement, acquiesça Yularen. Excepté que tous les centres du pouvoir sont ici, à la surface, et que nous avons les meilleures forces de défense policière, militaire et privée de toute la galaxie. Bon sang, nous avons même des dojos qui ne font rien d’autre qu’entraîner les gardes du corps du Sénat et des ministères. Nightswan pourrait tenter de semer le trouble autant qu’il le souhaite entre maintenant et la Semaine de l’Ascension sans faire une seule vague dans les milieux qui comptent.
— Nous aurions également pu penser que Nubia était à l’abri de telles menaces, fit remarquer Thrawn en indiquant une note sur son datapad. Et pourtant, cette manifestation au bureau du maire de Baie du Cercle semble avoir été plutôt efficace.
— C’était un cas particulier, grogna Yularen. Les auteurs ont réussi à faire renvoyer tout le personnel des cuisines et à le renouveler entièrement avec leurs propres agents. Une fois que vous avez quelqu’un d’infiltré, tout est possible.
— Exactement, dit Thrawn. Vous dites qu’il existe des dojos travaillant uniquement avec des gardes du corps du Sénat ?
— Oui, murmura Yularen, montrant un soudain intérêt. Je vois où vous voulez en venir. Mais la plupart des gardes du corps qui s’y entraînent sont déjà employés. Je doute qu’un Sénateur s’adresse à un dojo pour recruter du personnel remplaçant ou supplémentaire. Il passerait probablement par une agence agréée.
Il se leva.
— Quand bien même, le BSI n’a pas inspecté ces endroits depuis longtemps. C’est peut-être l’occasion de découvrir la sous-culture des arts martiaux du District Fédéral. L’un de vous souhaiterait-il se joindre à nous ?
*
— Soyez les bienvenus au Dojo Yinchom !
Le garçon assis en tailleur à droite de la porte se lève. Sa voix, qui possède la clarté de la jeunesse, est solennelle, mais teintée de gaieté. Il s’incline profondément pour saluer le colonel Yularen, puis recommence devant chacun des quatre autres membres du groupe.
— Abandonnez la monotonie et les préoccupations du quotidien, vous qui entrez, et préparez votre corps et votre esprit aux rigueurs et aux joies du combat, ajouta le garçon.
— C’est ce que nous allons faire, dit Yularen.
Sa voix est calme et formelle, mais on y décèle aussi une pointe d’amusement ainsi que de l’admiration pour la performance du garçon.
— Je suis le colonel Yularen. Je souhaiterais parler à la propriétaire de cet endroit. Peux-tu aller la chercher ?
— Oui.
Le garçon s’incline à nouveau devant Yularen.
— Je vous en prie, entrez, les invita-t-il.
Le groupe pénétra dans le dojo en file indienne. Le garçon attendit qu’ils soient tous les cinq alignés contre le mur puis il s’éloigna en contournant le tapis d’entraînement.
— L’endroit est loin d’être aussi impressionnant que le précédent, commandant, murmura Vanto.
— Non, en effet, acquiesça Thrawn.
— Un peu petit et trop loin de la surface pour être placé en haut de l’affiche, dit Yularen.
Il parcourt lentement la salle du regard, les yeux allant de gauche à droite, étudiant les détails. Quatre couples s’entraînent chacun dans un coin du tapis central : le premier à mains nues, le deuxième à main nue contre lame, les troisième et quatrième à bâton contre bâton. Une jeune femme se déplace au centre du tapis, donnant des instructions à chaque binôme.
— Malgré tout, trente Sénateurs ont envoyé au moins l’un de leurs gardes du corps ici au cours des cinq dernières années pour leur faire suivre un entraînement adapté ou pratiquer le combat libre, poursuivit Yularen. Donc l’endroit doit bien avoir quelque chose de spécial. La propriétaire est une Togorienne appelée H’sishi.
Le garçon, qui poursuit son chemin autour de la salle, passe devant une femme assise sur un banc contre le mur.
— Commandant ? dit soudain Vanto.
Il fait un signe de tête en direction de la femme.
— Cette femme. On l’a déjà vue quelque part.
Le garçon passe devant elle. Elle se lève et contourne le tapis. Un coup de pied d’une grande amplitude la frôle. Elle se penche gracieusement pour l’éviter, faisant par là même preuve d’une grande maîtrise. Elle s’approche des Impériaux et incline la tête.
— Bienvenue au Dojo Yinchom, capitaine Thrawn, dit-elle en haussant la voix pour recouvrir le brouhaha des bâtons qui s’entrechoquaient. Je suis Arihnda Pryce. Vous ne vous souvenez sans doute pas de moi, mais nous nous sommes rencontrés à une réception donnée à l’occasion de la Semaine de l’Ascension à l’hôtel Alisandre. À l’époque, vous étiez lieutenant.
— Je me souviens très bien de vous, mademoiselle Pryce. Vous êtes une assistante du Sénateur Renking.
— Vous avez une mémoire remarquable, capitaine, dit Pryce. Je ne travaille plus avec le Sénateur Renking, en revanche. Je travaille à présent pour un groupe de défense.
— Je vois, dit Thrawn. Puis-je vous présenter à nouveau mes compagnons, le colonel Yularen et l’aspirant Vanto.
— Je me souviens de vous deux également, dit Pryce.
Elle adresse un signe de tête à chacun en guise de salut. Son regard dérive brièvement en direction des deux agents silencieux derrière eux.
— En quoi puis-je vous être utile ?
— Nous souhaiterions parler à la propriétaire, indiqua Yularen. Le garçon est parti la chercher.
— Qui est la femme qui supervise le combat libre ? voulut savoir Thrawn.
— C’est Juahir Madras. Elle est instructeur ici.
— Êtes-vous ici pour un cours ? demanda Yularen.
— Non, répondit Pryce. Mon supérieur a pensé que je pourrais établir quelques contacts avec certains des gardes du corps de haut niveau qui s’entraînent au dojo, alors j’ai passé les derniers jours ici à discuter. Ah, voici H’sishi.
Une créature massive et féline apparaît par une porte sur le côté de la salle principale. Elle est couverte d’un pelage ras brun et blanc et porte un ensemble composé d’un kilt et d’une cartouchière. Ses yeux jaunes fixent tour à tour chaque visiteur. Elle observe chaque couple, puis l’instructeur Madras.
— Arrêtez ! ordonna-t-elle.
Tous s’immobilisèrent instantanément. Dans le silence, H’sishi traversa le tapis, se déplaçant avec grâce sur ses pattes arrière. Elle passa devant l’instructeur Madras sans un regard et vint s’arrêter aux côtés de Pryce.
— Bonjour à vous, officiers de l’Empire, dit-elle.
Sa voix est sifflante, mais claire.
— Je suis H’sishi, maître du Dojo Yinchom. Que puis-je faire pour vous ?
L’expression et la posture de l’instructeur Madras révèlent un malaise. Son regard est posé sur la poitrine de Yularen, et non sur son visage.
— Je suis le colonel Yularen. Voici le capitaine Thrawn, l’aspirant Vanto, les officiers Roenton et Brook. Nous procédons à un contrôle de routine des dojos du District Fédéral, avec un intérêt spécifique pour les contrats gouvernementaux et l’entraînement des gardes du corps. Je suppose que vous disposez des traces de tout cela dans vos archives ?
— Bien sûr, répondit H’sishi. Je vais vous les chercher.
— Avant que vous n’y alliez, intervint Thrawn, nous sommes également à la recherche d’entraîneurs pour la création éventuelle d’une nouvelle unité de combat urbaine. Enseignez-vous le combat au bâton avancé ?
— Oui, lui confirma H’sishi. Avez-vous été entraîné à cet art ?
— J’ai reçu les enseignements fondamentaux, répondit Thrawn. J’aimerais commencer par observer votre meilleure technique.
— Certainement, dit H’sishi. L’instructeur Madras et moi-même allons vous faire une démonstration.
— Il est inutile d’impliquer une tierce personne, dit Thrawn. Instructeur Madras, apportez les bâtons ; je vous prie. L’instructeur H’sishi et moi allons nous affronter.
— Commandant ? intervint Vanto.
Sa voix est surprise et méfiante. Mais elle ne révèle aucune compréhension. Il ne voit pas la logique derrière tout cela, il n’a pas fait le lien entre les faits et les possibilités.
Madras entre au centre du tapis, les bâtons de combat dans les mains. Sa posture dénote un malaise.
— Mademoiselle Pryce, venez faire quelque pas à mes côtés, ordonna Thrawn. Je souhaiterais vous poser une question.
— Bien sûr.
Pryce s’approcha de lui.
Thrawn, Pryce et H’sishi s’avancèrent au centre du tapis.
— Vous dites que vous travaillez pour un groupe de défense, dit le Chiss à Pryce. Lequel ?
— Il s’agit du groupe Stratosphère.
— Merci. Vous pouvez reculer, à présent. Instructeur H’sishi, commençons.
Pryce et Madras s’éloignèrent.
— Le minuteur est réglé sur trois minutes, indiqua H’sishi.
Elle croisa ses bâtons en guise de salut et Thrawn l’imita.
Ils commencèrent.
H’sishi est une bonne combattante. Mais son attention est dirigée exclusivement sur le combat. Elle ne pense à rien d’autre. Elle ne remarque pas les changements de position autour d’elle jusqu’à ce que Madras et Pryce entrent dans son champ de vision.
Toutes deux regardent le combat, sans s’adresser la parole, bien que quelques mots aient pu être échangés avant qu’elles soient à portée de vue.
Les deux femmes sont fascinées par le combat et tous leurs soucis, peurs et pensées sont submergés par leur enthousiasme.
Concernant H’sishi elle-même, il n’y a plus de doutes.
Les trois minutes s’achèvent. La Togorienne recule et croise à nouveau ses bâtons.
— Excellent, capitaine, le félicita-t-elle. Votre style m’est inconnu, mais vous avez manifestement été bien entraîné.
— Merci, instructeur.
Il croisa ses bâtons à son tour et les tendit à Madras.
Elle s’approche et les saisit, le regard fuyant.
— La prochaine fois que j’ai à faire sur Coruscant, vous m’apprendrez un peu de votre style. Est-il caractéristique de votre espèce ?
— Oui, c’est une forme togorienne. J’espère que vous trouverez le temps. Je vous accueillerai à la fois comme élève et comme enseignant. Et maintenant, colonel Yularen, je vais chercher les dossiers que vous m’avez demandés.
Tandis qu’ils patientaient, elle alla jusqu’à son bureau et revint avec une datacarte. Yularen l’accepta et ressortit avec le groupe.
— Eh bien, c’était intéressant, commenta-t-il alors qu’ils se dirigeaient vers leur voiture volante. Quelque chose me dit, capitaine, que vous n’avez pas combattu uniquement pour vous dégourdir les jambes ?
— En effet, dit Thrawn. Je suppose que vous avez remarqué que l’instructeur Madras n’a pas interrompu l’entraînement à notre arrivée ?
— Elle ne s’est pas non plus arrêtée lorsque Pryce est venue nous parler, dit Yularen.
Son ton laisse supposer une humeur songeuse.
— Et ce malgré le fait que le bruit rendait la conversation difficile.
— Ils n’ont pas arrêté jusqu’à ce que H’sishi leur ordonne de le faire, ajouta Vanto.
— Je suppose qu’à vos yeux il ne s’agit pas seulement d’un manque de politesse ? demanda Yularen.
— Je pense qu’elle sait qui je suis, dit Thrawn. Elle sait en tout cas qui vous êtes, colonel. Elle a donc essayé de gagner du temps avant notre rencontre, afin de mieux s’y préparer.
— Intéressant, dit Yularen. Malheureusement, c’est une réaction que connaissent bien les agents du BSI. Tout le monde a de vilains secrets.
— Mais tout le monde n’a pas de secrets concernant Stratosphère, précisa Thrawn.
— Le groupe de défense ? demanda Yularen.
— Oui. C’est celui pour lequel travaille mademoiselle Pryce. Je lui en ai parlé avant le combat, et j’ai observé l’instructeur Madras quand elle m’a donné le nom de son employeur. Elle a eu l’air assez mal à l’aise.
— Vous en êtes sûr ?
— Oui. Pour une raison ou pour une autre, le groupe mérite qu’on enquête sur lui.
— Mais alors, une fois que vous avez eu le nom du groupe et la réaction de Madras, pourquoi avoir malgré tout demandé ce combat ? voulut savoir Vanto.
— J’ai développé une certaine habileté à lire les émotions des humains, expliqua Thrawn. Je ne possède aucun point de comparaison pour les Togoriens. Je souhaitais savoir si H’sishi aussi était inquiète à l’idée que je découvre le lien entre mademoiselle Pryce et Stratosphère.
— Alors, vous lui avez donné la chance de vous éliminer, dit lentement Vanto.
Le ton qu’il emploie montre qu’il commence à comprendre de quoi il retourne.
— Vous étiez le seul d’entre nous à avoir entendu le nom. Donc si elle l’avait voulu, elle aurait pu vous assommer, prétendre à un accident, et gagner du temps.
— C’est exact, dit Thrawn. Pour être encore plus précis, je lui ai offert des occasions de me blesser. Elles étaient, bien entendu, illusoires.
— Bien entendu, répéta Vanto.
Son ton est respectueux mais trahit également de l’ironie.
— Alors… quand on vous a attaqué à l’Académie Royale Impériale…, poursuivit Vanto.
— Je souhaitais étudier les aptitudes de nos agresseurs, expliqua Thrawn. Je ne les aurais pas laissés vous blesser gravement, comme je l’ai fait pour moi-même.
— Il faudra que vous me racontiez cette histoire un jour, capitaine, dit Yularen en souriant.
Le colonel sort son comlink.
— Je vais donner l’instruction au BSI de lancer une enquête sur Stratosphère et voir ce que nous pouvons en tirer, continua-t-il.
— Je leur recommanderais d’être prudents et discrets, indiqua Thrawn. Ils vont être à l’affût désormais, et nous ne souhaitons pas les faire fuir.
— Oui, nous savons comment mener une enquête, merci.
— Je n’avais pas l’intention de vous offenser, s’excusa Thrawn. Je vous serais également reconnaissant si vous me permettiez d’observer vos progrès.
— Désolé, mais cela ne sera pas possible, répondit Yularen. Nous avons reçu de nouveaux ordres pendant que vous faisiez mumuse avec H’sishi. L’aspirant Vanto les a réceptionnés.
Il fit signe à Vanto.
— Aspirant.
— Oui, colonel, dit Vanto.
Sa voix laisse transparaître une frustration dissimulée.
— Les quatre prochaines semaines, pendant que le Sphex d’Orage subira des réparations, vous serez posté au Palais aux côtés de l’Empereur Palpatine. Une fois les réparations terminées, le vaisseau retournera patrouiller dans la Bordure Médiane et la Bordure Extérieure.
Il marque une pause ; sa frustration est de plus en plus perceptible.
— Sous l’autorité du nouveau commandant qui lui est désigné, le commandant Thrawn.
— Félicitations, commandant, murmura Yularen.
— Merci, dit le Chiss.
Il avait été promu. Mais pas Vanto ?
Ça n’était pas normal. Vanto avait déjà gardé le grade d’aspirant une année de plus que d’ordinaire. Et pourtant, il n’y avait rien qu’il ait fait ou pas pour retarder sa promotion.
— Un exploit impressionnant, commenta le colonel.
Son regard passa de Thrawn à Vanto.
Lui aussi remarque que quelque chose ne va pas.
— En général, un capitaine lorgne sur le poste pendant au moins six ans avant de l’obtenir.
— J’ai compris que pendant la Guerre des Clones les promotions étaient plus rapides.
— En temps de guerre, oui, acquiesça Yularen.
Sa voix trahit de tristes souvenirs.
— Bonne chance pour votre nouvelle affectation, et votre nouveau commandement. Et ne vous en faites pas pour Stratosphère. Quoi qu’ils cachent, nous le découvrirons.