SUITE À TYBURN
Quand Tyburn n’était pas obligé de porter le masque sévère du justicier, son visage n’était que sourires et promesses de douces et estimables joies.
Sa forme triangulaire faisait songer à un grand bonnet de mitron couché par terre, dont la muraille de ceinture des Groves aurait figuré l’entrée, et l’excellente taverne du « Pécheur repenti », le gland. Encore cette muraille cachait-elle sa grise austérité derrière une verdure fraîche et plaisante aux yeux. Louez la charité des juges et des édiles de la Cité, qui permettaient ainsi aux misérables, rendant leurs derniers comptes aux hommes, de mourir dans un cadre charmant et d’emplir leur dernière vision d’images agréables.
Quand je pendis au gibet le fameux coupeur de route Tad Fenwick, il me supplia de lui laisser tourner la face du côté de la taverne du « Pécheur repenti ».
— J’y ai bu pas mal de gallons de bonne bière, Tipps, me dit-il, et il n’y a pas auberge à Londres où l’on boit de meilleur genièvre de contrebande, sans oublier le pâté de pintade au vin d’Espagne…
Je n’eus garde de lui refuser une aussi juste consolation, et j’ose affirmer que Fenwick mourut satisfait et content, car l’ayant accroché très haut près de la traverse, il avait vue dans la salle basse de la taverne et même dans la cuisine aux grands feux clairs.
Je vois que vous admirez les atours qui ornent ma personne ; je les porte avec un plaisir d’autant plus grand qu’ils me rappellent un beau geste de gratitude de la part du Très Honorable Sir Warlowe, qui mourut de ma main à Tyburn.
Convaincu de trahison, de concussion, de simonie et de conspiration contre la Couronne, il fut condamné à avoir la tête tranchée.
— Sir Tipps, m’avait-il dit, veuillez donc tourner le billot vers le Sud-Ouest, car dans cette direction je vois une très jolie fille se pencher à sa fenêtre. Je ne veux pas mourir en tournant le dos à un si frais et délicieux minois.
— Je ne demande pas mieux que d’obliger Votre Honneur, dis-je en déplaçant aussitôt la lourde pièce de bois cerclée de cuivre.
— Vous hériterez de mes six plus beaux habits, dit-il.
Et, se tournant vers le chapelain qui l’assistait, il le prit à témoin de ce dernier et bien honnête désir.
— Non, ajouta-t-il, alors que je voulais lui voiler les yeux d’un bandeau de taffetas noir. Cet endroit est vraiment enchanteur, et je regrette fort de l’avoir tant négligé au temps jadis ; laissez-moi en jouir jusqu’à la dernière seconde.
Les jours d’exécution, de torture publique ou d’exposition au pilori, la place regorgeait de monde et était fort bruyante, mais une fois l’échafaud démonté, les gens lui faisaient grande injustice en la fuyant, la laissant déserte et silencieuse.
Cela me faisait mal, car il me semblait alors que mon beau Tyburn souffrait de ce malhonnête abandon, aussi lui consacrais-je mes plus belles heures de loisir.
Je fréquentais assidûment la taverne du « Pécheur repenti » et j’y prenais fréquemment mes repas, surtout aux jours du pâté de pintade au vin d’Espagne. À l’un des angles de Spite Street, s’ouvrait la boutique du boulanger Miffins, un bien digne commerçant à qui je réservais ma pratique et qui devint mon ami.
Les jours de fête, il confectionnait à mon intention un gibet en pain d’épices, et je me souviens avec émotion d’un de mes jours d’anniversaire où il m’offrit une épée de justice en sucre argenté, sur laquelle le sang des suppliciés était représenté par du sirop de framboise.
Aux pauvres gens qui habitaient un peu plus loin, vers Wardour Ham, je laissais emporter les fagots non consumés des bûchers ou les rondins tournés au charbon, et je leur offrais le vieux chanvre du gibet impropre à un nouvel usage. Ils m’en surent si bien gré que, bientôt, ils ne m’appelèrent plus que le « bon Sir Benjamin » et ils poussèrent même la reconnaissance jusqu’à me proclamer leur principal bienfaiteur après Dieu et le Roi.
Les commerçants et les boutiquiers de l’endroit, tout en tenant un langage plus modéré, affirmaient avec conviction « qu’après tout, le bon Sir Tipps faisait vivre le quartier en y faisant mourir les malandrins ». Quant à moi, j’avais coutume de proclamer « que les méchantes gens ne venaient à Tyburn que pour y mourir ». Un mot qui fit fortune depuis.
J’avais droit à un logis gratuit dans le Tower ; à vrai dire, le Parlement ne s’y montra pas généreux, car ma maison se composait de deux misérables petites chambres derrière les écuries, où je vivais en lutte perpétuelle avec les rats et les mouches bleues. Je renonçai finalement à ce privilège, et un logement convenable étant devenu vacant chez Mistress Squeak, la mercière, voisine du boulanger Miffins, je le louai pour un prix fort raisonnable. Depuis ce jour, je fus l’homme le plus heureux de Tyburn. Que dis-je ? De Londres, sinon de la terre entière !
On m’a prêté quelques mots heureux ; je ne sais si ma modestie me permet d’en accepter la complète paternité. Mais on ne prête qu’aux riches, n’est-il pas vrai ?
Ainsi, en me voyant brandir la hache, un condamné se mit à pousser des cris lamentables.
— Allons, lui dis-je, est-ce ainsi que vous saluez la clé du paradis ?
La sentence, qui me livrait le terrible égorgeur Bob Smiles, stipulait qu’avant de subir l’estrapade il aurait les yeux crevés par la main du bourreau.
Le juge qui lisait l’arrêt au pied de l’échafaud était l’Honorable Sir Bricknose, dont la laideur était proverbiale.
Comme j’approchais le double poinçon des yeux de Smiles, je lui glissai dans l’oreille :
— Chançard ! Vous ne verrez plus Sir Bricknose !
Les spectateurs ont prétendu que le misérable se tordit de souffrance, quand mon instrument le frappa. Ce fut là une grande erreur : il se tordit littéralement de rire, tant mon bon mot lui donna du plaisir ! Et le chapelain Peeppy disait, à ma louange :
— On ne peut plus prétendre à Londres que la Justice ait la main lourde depuis que Benjamin Tipps lui prête la sienne. Ce serviteur de l’équité est réellement un homme plein d’adresse et de tact.
*
* *
Tyburn, qui me donnait mon pain et me valait beaucoup d’honneur, me destinait également la plus parfaite des félicités : l’amour.
Mistress Squeak, ma bonne logeuse, veuve depuis plus de quinze ans de l’honorable Mr. Squeak, me distingua entre bien des prétendants.
Les jours où mes devoirs ne m’appelaient pas sur la place, je l’aidais à servir les pratiques.
Je devins très vite habile à auner le gros drap d’Écosse, la douce toile de Preston, le taffetas, le satin, la gaze et le tapissendis venu de France.
Parfois, des dames de qualité demandaient mon avis sur les réseaux argent ou or, chenilles de vert ou de cerise, qui devaient rehausser l’éclat de leur toilette. Elles réclamaient mes conseils avant d’arrêter leur choix sur les glands, les barrières de perles, les tassettes et les bracelets de moire destinés à achever la splendeur de leurs robes.
D’homme d’esprit, j’étais devenu homme de goût aux yeux de tout le monde.
Deux fois par mois, Mistress Squeak attelait la bonne jument Wheepy à sa tapissière et, aidée par son fidèle domestique, le vieux Nick Due, se rendait aux marchés de Kingston, de Deptford, de Southwark ou de Stoke-Newington.
Pendant ses absences, qui duraient parfois plusieurs jours, je la remplaçais au magasin et, jamais, la clientèle n’eut à en souffrir.
Ah ! la belle et mémorable journée où je lui offris mon nom et où, rougissante et heureuse, elle l’accepta.
J’avais revêtu mon plus bel habit, legs du Très Honorable Sir Warlowe. Il était garni de rosettes en rubans bleus chenilles d’orange et garni de franges d’argent ; et, tout en faisant ma révérence, j’offris à l’élue de mon cœur un bouquet de roses purpurines que je payai, d’une couronne d’argent non rognée, au jardinier de Sir Billoughsby. Le lendemain, nos fiançailles furent rendues officielles, et je donnai une grande fête.
Au matin, j’avais traité à l’huile bouillante un célèbre faux-monnayeur, à qui je fis part de mon bonheur avant de le précipiter dans la cuve ardente. Il tint, au moment de faire le plongeon, à saluer ma fiancée qui se tenait à la fenêtre du bel-étage et elle lui répondit le plus gracieusement du monde.
— Cela nous portera bonheur, me disais-je. En effet, avant de mourir, le condamné s’était repenti d’une façon si édifiante qu’on ne pouvait douter de son salut. J’étais convaincu qu’au séjour des élus, il se souviendrait de mes bonnes manières et de celles de ma future épouse.
La fête fut charmante. Elle fut grandiose le jour de notre mariage, béni par le Très Révérend chapelain Peeppy en personne. Le juge Bricknose m’envoya la traduction qu’il fit d’un ouvrage de Ciceron, « De Tortionis », revêtue d’une flatteuse dédicace, et le tavernier du « Pécheur repenti » confectionna un pâté monstre, pour lequel il employa la chair de trente-deux pintades et douze flacons d’excellent vin d’Espagne. Quant à Miffins, il émerveilla nos invités en présentant, au dessert, un pilori en sucre et en nougat, moitié grandeur nature.
Un bachelier d’Oxford prononça un discours dont la dernière phrase me restera à jamais dans la mémoire :
« En ce jour, Sir Benjamin, la Justice, dont vous êtes le digne et dévoué serviteur, ôte le bandeau de ses yeux pour vous gratifier d’un doux sourire. Elle charge les plateaux de sa balance de l’odorante floraison de l’oranger et orne son glaive de roses et de lauriers. »
Le restant d’huile ayant servi à l’exécution du très civil faux-monnayeur suffit à garnir cent quatre-vingts lampions, qui illuminèrent magnifiquement la grand-place, une fois la nuit venue.
Alors, comme dit l’Écriture, mon cœur a fleuri comme une rose, fleur merveilleuse dont le parfum inonda mon cher Tyburn, témoin souriant de ma fortune et de mon bonheur.
*
* *
À quelques mois de là, mon confrère Dick Wallet, le bourreau de Kingston, tomba malade et me fit prier de le remplacer, pour accrocher au gibet de cette ville, trois hideux coupe-jarrets faisant partie de la fameuse bande de « Knives and Axes », qui terrorisait la région.
Je ne pouvais refuser ce service à un vieil ami comme Wallet, bien que le jour de justice fût mal choisi à ma convenance.
Ma chère femme devait en effet se rendre au marché de Deptford, et il nous peinait fort de devoir fermer boutique.
Mon départ subit un regrettable retard, par la faute des six hommes d’armes et de leur sergent, qui devaient m’accompagner et qui ne purent se mettre en route qu’après vêpres.
— Nous prendrons au plus court, par Hampton, me dit le sergent, mais cela n’empêche qu’il fera nuit close quand nous traverserons Bushy Forest, de bien vilaine renommée.
Je ne pus réprimer un frisson : la bande de « Knives and Axes » avait établi ses repaires dans cette forêt sombre et dense, qu’une unique route traversait.
Mais six hommes d’armes, commandés par un sergent, sont de bonne compagnie, au cours d’une pareille équipée, et je me dis avec raison que je n’aurais rien à craindre des horribles bandits de grand chemin. Il faisait nuit noire quand nous arrivâmes à l’orée de la sinistre forêt et, pour comble d’infortune, un mauvais brouillard se leva des marais proches.
Après deux heures d’une marche fort pénible, le sergent commanda le repos.
— Je veux y laisser ma paie de la semaine, maugréa-t-il, si nous ne sommes pas égarés dans ces damnés bois !
— La route s’est bien rétrécie, dit un des hommes. Je crois que nous l’avons quittée depuis belle lurette et que nous suivons une sorte de piste qui nous mène au beau milieu de cet enfer d’arbres !
— Bah, ripostai-je, en essayant de faire montre de bonne humeur, si tous les chemins conduisent à Rome, à plus forte raison doivent-ils nous conduire à Kingston !
Sur cette excellente parole, qui nous mit du cœur au ventre, nous reprîmes la route.
— Une heure à ajouter aux deux autres, gronda le sergent.
Tout à coup, l’homme qui marchait en tête revint vivement vers nous.
— Le brouillard se lève, dit-il, et il me semble avoir aperçu de la lumière entre les arbres.
— Knives and Axes ! murmura une voix effrayée.
— Silence ! ordonna le sergent. Et apprêtez vos armes. Si nous pouvions mettre la main sur « Silver Cat », cela nous vaudrait honneur et profit !
— Silver Cat ? demandai-je.
— La Chatte d’argent ! C’est ainsi que l’on appelle le chef – ou plutôt la femelle du diable – qui s’est mise à la tête de la bande de « Knives and Axes ». Oui, mon bon Monsieur Tipps, cette horreur en jupons n’a pas sa pareille pour manier couteaux et hachettes, et pourfendre, égorger, étriper les pauvres voyageurs tombés dans ses rets.
Le soldat envoyé en estafette revint sur ces entrefaites :
— Il y a une clairière et une maison fort louche en son milieu !
Soudain, je me mis à trembler, et j’eus grande peine à retenir un cri de détresse.
Un cheval venait de pousser un long hennissement et je n’avais aucune peine à reconnaître l’appel de notre bonne jument Wheepy, car la brave bête, que je choyais particulièrement, me sentait venir de loin et exprimait aussitôt sa joie en hennissant longuement.
— Ma pauvre femme a été faite prisonnière par les bandits, sanglotai-je. Ah ! monsieur le sergent, allons la délivrer, s’il en est encore temps.
Je ne songeai pas sur l’heure que ma chère compagne s’était rendue au marché de Deptford, et non à Kingston…
L’un des soldats me prêta son sabre, et nous nous approchâmes en tapinois de la mystérieuse demeure forestière.
Wheepy ne hennissait plus, mais je l’entendais frapper du sabot avec frénésie ; l’intelligent animal, me sentant proche, m’appelait à son secours et à celui de sa chère maîtresse.
— Tout semble bien silencieux, murmura le sergent.
À peine avait-il dit cela que la porte fut ouverte et que deux coups de pistolet claquèrent.
Un de nos hommes poussa une plainte atroce et s’écroula.
— En avant ! tonna le sergent. Et pas de quartier à cette canaille !
Je fus un des premiers à atteindre la porte, et vis vaguement la silhouette d’un homme qui tapi dans l’ombre, me mettait en joue. Mon sabre brilla comme l’éclair et le bandit s’abattit, la gorge béante.
À ce moment un de nos soldats accourait, brandissant un énorme flambeau de résine crachant des flammèches et des étincelles. La rouge clarté tomba sur le scélérat auquel je venais de faire si prompte justice.
Je hurlai d’horreur, incapable de comprendre ce qui arrivait.
Le cadavre qui ricanait hideusement à mes pieds était celui de notre domestique Nick Due…
Permettez que je n’allonge pas le récit de cette épouvantable aventure, car ce serait trop éveiller ma douleur et ma honte.
Silver Cat fut capturée, ainsi que le reste de sa bande.
Je me tenais caché dans l’ombre, incapable de retenir mes larmes et mes sanglots, car la femme chargée de chaînes que les hommes d’armes entraînaient, et dont la bouche proférait les plus atroces blasphèmes, c’était Mistress Squeak en personne… l’ex à présent. Hélas !… Mistress Benjamin Tipps. Mon épouse…
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Les juges firent preuve de pitié et de grandeur d’âme.
Eu égard à mes bons et loyaux services, Mistress Tipps fut condamnée à être pendue et non à monter sur le bûcher ; la torture lui fut également épargnée.
Le chapelain Peeppy l’assista et la réconcilia avec le Ciel, en lui faisant prendre en aversion toutes ses fautes passées.
Elle marcha au supplice avec vaillance et résignation.
— Benjamin, dit-elle, il ne faut pas trembler ainsi. Vous vous feriez mal voir par vos chefs si vous démontriez quelque faiblesse. Les juges ont été bien généreux, car ils n’ont pas prononcé la confiscation de mes biens. Je vous les ai légués par un testament en due forme. N’oubliez pas, mon ami, que vous devez porter six aunes de taffetas rose à Miss Parsons et que Mistress Bitterstone nous doit encore trois couronnes deux shellings pour la dentelle et les lacets qui furent livrés pour la robe de noce de sa fille. J’ai commandé du miel noir de Hongrie à Miffins ; n’omettez pas d’en prendre tous les soirs, car vous avez une tendance à vous enrhumer depuis quelque temps. Au revoir, mon ami. De Là-Haut, je veillerai sur vous et sur notre boutique.
C’était une femme d’ordre, Messieurs, et je suis certain qu’elle m’a beaucoup aimé malgré ses erreurs.
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Je me désistai de ma charge en faveur d’un lointain cousin, dont la réputation était sans tache et qui, j’en étais certain, ferait honneur à Tyburn.
J’achetai une petite ferme sur les confins de Dulwich… Oui, Messieurs, j’eus le triste courage de quitter Tyburn.
J’élevai des poules et des canards et, dans mon jardin poussèrent, des roses purpurines dont les plants provenaient de la closerie de Sir Billoughsby.
En l’année 1783, les démolisseurs firent leur besogne à Tyburn, qui disparut de Londres. Comme je n’étais plus de ce monde, cette douleur me fut épargnée car, là où je prends ma part d’éternité, les peines et les joies sont d’une autre essence.
À l’endroit où se trouva jadis la mercerie de Mistress Squeak, on a bâti une belle maison de maître ; j’y reviens tous les ans, le jour ou plutôt la nuit d’anniversaire de l’affreux drame de Bushy Forest. Les habitants, après quelques frayeurs premières, ont fini par s’habituer à ma tranquille apparition. Si d’aventure, sur le coup de minuit, ils me rencontrent dans les corridors, ils me disent gentiment :
— Bonne nuit, Sir Benjamin !
Et je leur rends leur politesse en leur faisant une belle révérence.
Ce soir, comme ces braves gens étaient absents, et comme je ressentais un incontestable désir de bonne compagnie, je me suis laissé conduire par mon étoile, et j’ai eu grand plaisir à me trouver au milieu de vous. Bonne nuit, Messieurs, et si, d’aventure, des dames se trouvaient encore dans l’auditoire sans que mes regards ne les découvrissent, et pour autant qu’elles ne soient ni sorcières ni filles de mauvaise vie, je leur présente mes hommages.
Il se fondit en une petite vapeur blanche qui flotta quelque temps au-dessus de la braise du foyer et finit par s’envoler, comme à regret, par la cheminée.