L’odyssée de M. Gallagher
Gallagher, pour vous servir… Charles Gallagher…
Si jamais, sous le soleil, la lune et les étoiles, pour ne pas parler des nuages, évolua parmi les hommes un être insignifiant, ce fut certes ce Charles Gallagher.
À me souvenir de lui, je me sens l’envie d’écraser sous mon talon un imaginaire cloporte, de cracher par terre, de renifler ou de lancer une plate injure au vent de la rue.
Il était petit, maigre, et devait sentir l’aigre et le rance.
Où diable avait-il déniché ce tapabord qu’il arborait en guise de coiffure ?
Pourquoi portait-il une cravate roulée à la Robert Peel ?
Et comment sa voix faisait-elle songer tour à tour à une crécelle et à un pipoir ?
— Charles Gallagher, pour vous servir…
Tout en parlant, il se dandinait sur ses courtes jambes, agité par une danse de Saint-Guy que j’attribuais à l’abus des boissons fortes et du gros tabac à priser qui saupoudrait son gilet à fleurs. Mon devoir m’oblige de transcrire son odieuse histoire ; je le fais avec mépris et dégoût.
Cancrelat, fesse-mathieu du diable !
Il me donnait la nausée, vous dis-je, car son être me semblait tiré hors de la glaise livide et purulente des maries-salopes que les toueurs de dragues prennent en remorque entre Limehouse et Shadwell.