18

Quand Antoine du Mesnil ne vit pas revenir Mathilde, il mit son retard sur le compte de quelque incident de voyage. Une roue qui se rompt, une route coupée par des chutes d’arbres… Puis il s’inquiéta. Mathilde était certes rebelle à toute autorité, mais elle ne l’aurait jamais laissé sans nouvelles. Il sella son cheval et, malgré le dégoût qu’il avait de la ville, il prit le chemin de Rouen en compagnie de Robertet, son valet.

Alyne de Saint-André, sa cousine, lui apprit la terrible nouvelle. Mathilde en prison pour meurtre ! Il tenta d’aller plaider la cause de sa fille auprès du prévôt qui lui rit au nez. Bien sûr, tous les meurtriers étaient innocents, c’était bien connu. Non, il ne pourrait pas voir Mlle du Mesnil, retenue au cachot. L’effronterie de ce bourgeois, trop content d’emprisonner une fille de la noblesse, mit le sieur du Mesnil en rage. Il rédigea une lettre et chargea Robertet de galoper ventre à terre jusqu’à Alençon et de la remettre à Marguerite. Le valet, qui se serait fait hacher menu pour la jeune demoiselle, revint quatre jours plus tard avec la lettre d’élargissement signée de Charles d’Alençon. Antoine du Mesnil se fit un plaisir d’aller l’agiter sous le nez du prévôt en lui intimant l’ordre de libérer sa fille sur-le-champ. La levée d’écrou prit du temps, le prévôt pinaillant sur les effets que Mathilde avait en sa possession à son arrivée. Son sac de voyage s’était égaré et, malgré les protestations d’Antoine du Mesnil, il tenait absolument à le lui rendre, prouvant ainsi que les prisons de Normandie n’étaient pas des repaires de voleurs, du moins en ce qui concernait les gardiens.

Le lendemain matin, le père de Mathilde se présenta à la prison, bien décidé à faire cesser ce petit jeu ridicule et à emmener sa fille, avec ou sans sac. Il trouva le prévôt tout sourire. Pour faire bonne mesure, Antoine du Mesnil le salua poliment.

— Monsieur du Mesnil, vous arrivez trop tard, lui lança le prévôt.

— Qu’est-ce à dire ?

— Votre fille a été transférée.

— Transférée ? Mais elle est libre. Qu’en avez-vous fait ?

L’affreux bonhomme prit un air mielleux et ricana :

— Je n’ai fait qu’obéir aux ordres du roi.

— Que me chantez-vous là ? grogna Antoine du Mesnil, prêt à lui sauter à la gorge.

— Une missive du chancelier Duprat me donnait l’ordre de faire convoyer votre fille à Amboise. Une affaire d’État ? Voilà qui ne va pas arranger le sort de votre fille. Vous auriez été mieux avisé de me laisser m’occuper d’elle.

— Quand est-elle partie ? demanda du Mesnil, ignorant les sarcasmes du prévôt.

— Ce matin à l’aube, escortée par quatre hommes d’armes.