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Des filets de sang maculaient la fourrure de l’hermine. Léonard s’approcha. Avec douceur, il enleva les clous crucifiant le petit animal. Et les jeta au loin d’un geste rageur. Elle était morte, mais il la pressa contre lui. D’un doigt léger, il effleura les oreilles délicates, le pelage aussi fin que de la soie. Il caressa le corps encore tiède. Il revoyait l’hermine lovée dans le giron de Cécilia, immaculée, le museau frémissant, l’œil aux aguets, prête pour un nouveau jeu.

Cette mort annonçait la sienne, il le savait. La partie était finie. Ses yeux prirent la couleur froide de l’ardoise. Pourquoi ces lâches ne s’en prenaient-ils pas à lui ? Qu’ils viennent donc l’affronter face à face. Pourquoi faire souffrir un animal innocent ? Qu’ils viennent donc mugir leur haine en pleine lumière. La cruauté l’insupportait. Il l’avait tant vue à l’œuvre, détruisant les créatures de Dieu. Assassiner l’innocence le rendait fou. Ne pouvait-on le laisser en paix ? Lui qui était si las et n’avait plus rien à donner au monde. Partir ? Fuir ? Ne l’avait-il pas toujours fait ? Soit, il partirait. Rome n’était plus qu’un tombeau pour lui. On dit que l’hermine préfère toujours la mort à la souillure. Et lui ?

La haute silhouette poussa la porte et disparut dans la pénombre du palais.