ÉPILOGUE
 
Kamino

Parfois, en de très rares occasions, il cessait de pleuvoir sur Kamino. Le temps était devenu relativement clément et ce changement de temps s’expliquait aux yeux de Starkiller par de bonnes conditions météorologiques. De nombreux incendies avaient ravagé l’usine, l’air chaud s’était élevé jusqu’à la couche de nuages, tandis que l’atmosphère supérieure bouillonnait encore de la bataille qui venait à peine de se terminer. Starkiller ne fut donc pas complètement surpris par le rayon de soleil qui scintilla soudain sur l’océan agité. Il savait que cela ne durerait pas.

— Le Rogue Shadow est en route, dit Kota. En termes de confinement et de camouflage, cela reste la meilleure solution pour nous.

— Je suis tout à fait d’accord, dit Juno d’un ton professionnel.

Elle était à côté de Starkiller, le tenait fermement par la main et avait déjà fait comprendre à plusieurs reprises qu’elle ne voulait pas être séparée de lui. Il n’avait pas l’intention de l’en dissuader. Cela semblait encore un miracle qu’ils soient à nouveau réunis après tous les obstacles que l’univers avait placés en travers de leur route.

— Et toi ? demanda Kota d’un ton plus ferme. Quelle est ta position maintenant ? Est-ce que tu pars de ton côté puisque tu as obtenu ce que tu voulais ?

Juno regarda Starkiller avec inquiétude. Ils n’avaient pas eu le temps de parler de la suite des événements. Elle ne savait pas quand ils trouveraient le temps de le faire.

— Je suis avec vous, dit Starkiller, sûr que Juno ne voudrait pas qu’il en soit autrement.

Quel que soit son destin, ce serait avec elle et la Rébellion qu’il l’accomplirait, s’ils voulaient bien de lui.

— À cent pour cent, ajouta-t-il.

Kota hocha la tête, bien que son soulagement ne fût que partiel. Ils avaient remporté une victoire significative contre l’Empire mais la tâche était encore immense. Si Kota voulait toujours que Starkiller soit un point de ralliement, celui-ci accepterait de jouer ce rôle. Surtout si cela permettait de servir leurs objectifs.

Dans ce sens, cela n’avait pas d’importance qu’il soit un clone ou non. La fin justifiait les moyens. Et la fin ultime était de vaincre l’Empereur. Il était sûr que personne ne chicanerait sur son pedigree quand l’heure serait venue.

Pourtant, les clones qu’il avait assassinés sur Kamino le hanteraient pour toujours, il le savait. Qu’est-ce qui leur donnait moins le droit de vivre que lui ? S’il était l’un des leurs, la tache du fratricide – ou du suicide – ne pouvait s’effacer.

À moins, se dit-il soudain, que le Starkiller qui était mort sur l’Étoile Noire n’ait été un clone et que ce soit bien lui l’original. Si c’était le cas, peut-être ses doutes pourraient-ils enfin être apaisés.

Une seule personne connaissait la vérité. Et ne disait rien.

Juno serra la main de Starkiller, comme si elle sentait le conflit intérieur qui le rongeait et cherchait à le rassurer. Ils avaient tant de choses à se dire, tant de temps à rattraper. Maintenant qu’ils étaient tous les deux revenus de la mort, ils pouvaient enfin commencer à vivre.

Quelqu’un cria de l’autre côté du toit de l’usine. Starkiller regarda avec inquiétude dans cette direction, la main droite posée sur la poignée du sabre laser à sa ceinture.

Ce n’était rien. Juste un simple désaccord sur la façon d’attacher le harnais.

— Va les aider, lui dit Juno. Je dois assister à une réunion de toute façon.

Elle l’embrassa légèrement sur les lèvres :

— Ne t’éloigne pas trop.

Starkiller comprenait tout à fait son souhait. Le pouvoir de l’amour l’avait ramenée à lui, c’était la seule explication. La Force n’y était pour rien, la médecine non plus, à moins que le pouvoir de la planète Kamino ne dépasse de loin le simple clonage. De toute façon, il ne pouvait espérer que le miracle se produise à nouveau.

Ce n’est qu’à regret qu’il sépara ses mains de celles de Juno. Il se rassurait en pensant que quelques mètres de distance ne pouvaient pas leur faire de mal.

Il laissa Kota et Juno discuter des affaires de l’Alliance et se dirigea vers l’endroit où les membres de la nouvelle escouade de Kota avaient acheminé leur redoutable prisonnier.

Juno le regarda partir et ne put réprimer un sourire. Elle n’arrivait toujours pas à croire que les choses s’arrangent aussi bien. Kota était en vie, Vador capturé, Starkiller à nouveau à ses côtés et l’opération sur Kamino s’était soldée par une victoire. Elle était persuadée que l’Alliance comprendrait désormais le point de vue de Kota et finirait par atteindre ses objectifs.

Elle sentit que Kota tournait son attention vers elle et elle détourna le regard. Au-dessus d’eux, de nombreux vaisseaux capitaux orbitaient, dont les restes éventrés de trois Destroyers Stellaires stationnés dans le système pour défendre l’usine. Elle compta également plusieurs croiseurs et frégates de l’Alliance, dont un qu’elle ne parvenait pas à identifier.

— D’où vient-il ? demanda-t-elle en le pointant du doigt.

— Le MC-80 ? répondit Kota. Un de tes amis sur Dac a entendu que tu avais des ennuis et l’a envoyé en soutien. Son aide a été providentielle pour faire pencher la balance.

Le sourire de Juno s’élargit. Ackbar. Les pièces se mettaient en place à une vitesse incroyable. Starkiller l’avait non seulement ramenée à la vie, il semblait aussi avoir arrangé tout le reste.

PROXY vint les rejoindre.

— J’attends la transmission d’un instant à l’autre, dit-il. Établir un protocole complètement sécurisé n’a pas été une mince affaire mais je crois que…

Le droïde s’arrêta au milieu de la phrase. Ses holoprojecteurs émirent des étincelles et scintillèrent. Avec des craquements, son apparence et sa posture changèrent. Juno se retrouva face au joli visage de la fille de Bail Organa.

— J’ai reçu votre message, général, dit Leia, mais comme vous êtes censé être mort, je ne sais pas trop quel crédit y apporter.

— Tout est vrai, votre Altesse, répondit-il. Nous le détenons.

— Vador en personne ?

— Nous préparons son transfert en ce moment même.

Leia semblait ne pas en croire ses oreilles.

— Cela change tout ! Quand l’Empereur saura que nous tenons son homme de main…

Elle reprit pied dans l’instant présent.

— Mais ce n’est pas à moi de décider. Capitaine Eclipse, je suis soulagée de voir que vous êtes entière, vous aussi.

— Merci, répondit-elle.

— J’espère que vos blessures ne sont pas trop graves.

Juno leva son avant-bras gauche, qui était enfermé par un bracelet de champ. Son épaule la dérangeait encore mais elle ne sentait plus la douleur.

— Je survivrai.

Le terme était bien choisi.

— Je suis désolée pour le Salvation, reprit la Princesse. Si j’ai bien compris, il a été détruit pendant l’assaut sur Kamino.

— Le prix à payer est faible, minimisa Juno, elle se rappela qu’elle devrait réprimander Starkiller pour cela plus tard.

S’il prenait l’habitude de détruire les vaisseaux dont elle avait le commandement, elle n’évoluerait jamais dans la hiérarchie de l’Alliance.

— Nous utiliserons le Rogue Shadow pour transporter Vador jusqu’à Dantooine, précisa-t-elle.

Kota ajouta :

— Au même moment, nous enverrons une dizaine de transports dans des directions différentes. Même s’ils découvrent que nous le détenons, ils ne sauront pas quel vaisseau suivre.

— Excellent, approuva Leia. Et le détachement de sécurité ?

Juno et Kota échangèrent un regard.

— Tout est sous contrôle, dit-elle.

— Nous ne devons pas juste nous méfier des Impériaux, expliqua Leia, le visage très sérieux. Comme vous le savez, général, il y a beaucoup de gens de notre côté qui aimeraient voir Vador mort. Le renversement de l’Empereur est toutefois bien plus important qu’une vendetta personnelle.

Kota s’éclaircit la gorge. On aurait dit le rugissement d’un animal féroce.

— Soyez assurée, Votre Altesse, que si Vador meurt en captivité, ce ne sera pas de ma main. Et celui qui essayera d’attenter à ses jours tâtera de mon sabre laser.

Leia approuva.

— Merci, Kota. Je sais que je peux vous faire confiance.

Kota hocha froidement la tête, comme à chaque fois qu’il recevait un compliment. Leia lui adressa un sourire rassurant et Juno fut impressionnée par l’adresse avec laquelle elle le gérait. La Princesse combinait la compréhension militaire de Garm Bel Iblis et la diplomatie de Mon Mothma. Peut-être Leia serait-elle celle qui parviendrait à conjuguer la fin et les moyens et à unifier l’Alliance. Elle le ferait sans doute mieux que son père, que Kota ou que Juno elle-même. Si seulement elle avait le temps de grandir…

— J’aimerais un débriefing avec vous personnellement, capitaine Eclipse, annonça Leia. Pensez-vous que nous en aurons l’occasion sur Dantooine ?

— Je l’espère. Princesse, dit Juno, surprise mais contente que Leia le propose.

Kota conclut :

— Nous vous recontacterons une fois que Vador sera enfermé en lieu sûr.

— Bien.

L’expression de Leia était prudemment optimiste. Après les chamailleries et les hésitations des dernières semaines, son attitude était compréhensible.

— C’est un tournant pour l’Alliance. Vous devriez être très fiers tous les deux. Que la Force soit avec vous.

Juno salua et Kota inclina la tête. La forme holographique de PROXY se dissipa et Leia disparut.

— Le secret sera difficile à garder, dit Kota.

— Lequel ?

Le général indiqua d’un mouvement de tête l’endroit où Starkiller avait rejoint l’équipe de surveillance.

— Mon escouade ne dira rien à personne. Vous pouvez en être sûre. Mais ils ne sont pas les seuls à l’avoir vu. Un pilote pose des questions quand on joue les auto-stoppeurs sur son Aile-Y. Certains survivants du Salvation ont parlé aussi. Je pense qu’on peut faire confiance à Berkelium Shyre, mais…

— Starkiller était sur Malastare ?

— Oui, il y a deux jours. Pourquoi ?

Elle secoua la tête. Cela n’avait pas d’importance. Ils auraient bien le temps plus tard de dresser la liste des endroits où ils s’étaient ratés. Elle espérait que le réparateur n’avait rien dit de fâcheux.

— Je croyais que vous vouliez qu’il prenne la tête de l’attaque contre l’Empire, fit remarquer Juno.

Kota soupira.

— Oui, c’est vrai mais nos illustres dirigeants doivent d’abord régler leurs affaires. Starkiller ne peut pas débarquer soudain et tout arranger à leur place. Les gens poseront des questions et voudront des réponses…

— C’est pour cela que vous ne m’aviez rien dit ?

Il hocha la tête, les mâchoires serrées, et Juno imaginait ce qui lui traversait l’esprit. Elle avait eu les mêmes pensées à bord du vaisseau-prison du chasseur de primes. Tant qu’ils ne sauraient pas avec certitude d’où venait Starkiller, les membres de l’Alliance Rebelle auraient du mal à croire en lui. Et Juno elle-même aurait-elle cru à son retour si elle ne l’avait pas constaté de ses propres yeux ?

Les paroles de Bail Organa lui revinrent en tête.

— Je me méfie de ce genre de pouvoir.

Lui, à tout le moins, serait particulièrement difficile à convaincre. Juno eut un pincement de regret en y pensant. Parmi les rares personnes avec lesquelles elle aurait pu partager ses sentiments, Leia était la seule qu’elle estimait complètement honnête et objective. Mais sa loyauté à l’Alliance et à son père était farouche. C’était une bombe que Juno ne pouvait se permettre de lui jeter à la figure sans risquer de la voir exploser.

La guerre entravait l’amitié, comme elle entravait l’amour. La liste des victimes ne se limitait pas aux gens. Elle savait, le cœur gros, que la session de débriefing sur Dantooine, si elle avait lieu, devrait se limiter aux missions pour leur bien à toutes les deux.

Pas terrible comme modèle, pensa-t-elle…

— Je vais l’encourager à faire profil bas, dit-elle, confiante que Vador et même Kota fourniraient bien assez de sujets de discussion aux dirigeants de l’Alliance dans un premier temps.

— Et Kamino ? J’espère que vous ne comptez pas abandonner les installations et offrir à l’Empereur la possibilité de tout recommencer ?

— Nous fouillerons les bases de données pour trouver des informations sur la station spatiale que l’Empereur construit. Je suis sûr que tout a été effacé mais ça vaut la peine de chercher. Puis nous précipiterons les Destroyers Stellaires dans l’océan et le tsunami qui en résultera détruira les installations. Dans une heure ou deux, il ne restera plus rien.

— Bien, approuva-t-elle.

Elle pensait aux efforts macabres de Vador pour recréer l’apprenti parfait… parfaitement mauvais. Plus vite tout ce matériel serait au fond de l’océan, mieux ce serait.

Elle songea à Dac et sourit à nouveau. Si les planètes forestières étaient mauvaises pour elles, les planètes océaniques lui étaient favorables. L’air de la mer lui convenait bien de toute évidence.

Une forme familière passa au-dessus d’eux. Le Rogue Shadow avait gagné de nouvelles griffes et encaissé quelques coups mais ne paraissait pas avoir subi de graves dommages. Les soldats Rebelles lui avaient dégagé un terrain d’atterrissage sur le toit et Kota se retira pour superviser la suite des opérations. Juno regarda le vaisseau descendre doucement sur ses répulseurs. Elle avait hâte de retrouver les commandes.

Comme au bon vieux temps, se dit-elle. Avec l’Empire sur les talons, un avenir incertain et un espoir ténu au fond du cœur.

— Excusez-moi, capitaine Eclipse.

Juno détacha son regard du vaisseau.

— Oui, PROXY, qu’y a-t-il ?

— Quand je montais dans la tour de clonage, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer les restes de plusieurs droïdes de ma classe. Je me demandais si, avec votre permission, je pouvais essayer de récupérer certains des composants dont j’ai besoin pour restaurer ma programmation primaire.

Le droïde la regardait plein d’espoir et Juno ne voyait aucune raison de refuser.

— D’accord, mais fais vite. Les renforts Impériaux vont bientôt arriver et je ne voudrais pas qu’on parte sans toi.

— C’est promis. Merci, capitaine Eclipse.

PROXY s’éloigna à toute vitesse, zigzaguant entre les soldats et les techniciens qui préparaient les entraves pour maintenir attaché le nouveau passager du Rogue Shadow.

L’humeur de Juno s’assombrit à cette pensée. Ce n’était pas vraiment comme au bon vieux temps puisque Vador était à bord. Enfin, cela ne durerait pas longtemps et, si tout se passait bien, le Seigneur Noir serait bientôt hors d’état de nuire et elle pousserait un gros soupir de soulagement, comme le reste de la galaxie.

Le système d’entrave, une sorte de harnais, semblait assez grand pour maintenir un Rancor mais cela n’empêchait pas les soldats d’être nerveux. Starkiller restait tout près, en cas de faux pas ou de tentative d’évasion. À un moment, le harnais se balança un tout petit peu trop à droite et menaça de cogner la charpente du sas de décompression du Rogue Shadow. D’une légère poussée de Force, Starkiller remit le harnais droit et personne ne remarqua rien. En dehors de ce petit coup de pouce, il laissa les soldats faire leur travail sans intervenir.

Kota suivit le harnais à l’intérieur pour s’assurer qu’il était solidement attaché au pont et au plafond. Starkiller ne l’accompagna pas. Il n’était pas encore certain d’avoir pris la bonne décision.

Par deux fois maintenant, il avait eu Vador à sa merci. Par deux fois, Kota l’avait dissuadé de le tuer. Il ne savait si c’était de la sagesse ou de la folie pure. Si Vador parvenait à se libérer, il savait qu’il n’aurait pas de troisième chance.

Il fallait qu’il tire parti de celle-ci.

Kota ressortit, l’air satisfait.

— Est-ce qu’il vous a dit quelque chose ? demanda Starkiller.

— Pas un mot.

— De toute la vie, il ne m’a jamais rien dit qui vaille la peine d’être entendu. Qu’est-ce qui vous fait croire qu’il acceptera de parler à quelqu’un sur Dantooine ?

— Tout le monde a un point de rupture, dit le général. Même lui.

— Je crois qu’il a dépassé le sien depuis des années.

Les yeux aveugles de Kota scrutèrent le visage de Starkiller mais il ne dit rien. Starkiller se força à regarder le bon côté des choses. Il avait trouvé tout ce qu’il cherchait en arrivant sur Kamino, et même plus. Il avait simplement oublié de penser à ce qui se passerait ensuite.

— Amené ici, la galaxie t’a, lui avait dit l’étrange créature sur Dagobah. Clairement, ton chemin, ceci est.

Peut-être que ceci était son chemin, alors. Mais il n’avait aucune idée de ce qui l’attendait à la fin du parcours.

PROXY passa devant eux à toute vitesse et monta la rampe pour rejoindre le vaisseau. Il serrait contre sa poitrine un enchevêtrement de pièces de droïdes. Il avait l’air d’accomplir une tâche urgente et Starkiller rejoignit également l’intérieur du vaisseau. Il ne pouvait éviter de monter la rampe pour toujours. Cette fois, le trajet était sans risque.

Il trouva le droïde dans le quartier de l’équipage, occupé à retirer des pièces de ses propres circuits et à brancher de nouveaux modules à leur place, ce qui provoquait d’étranges réactions. Ses photorécepteurs passaient du jaune au vert et du vert au jaune. Des parties du corps holographiques apparaissaient et disparaissaient aussitôt. Des bourdonnements et grincements bizarroïdes sortaient de son vocabulateur.

— Qu’est-ce que tu fais, PROXY ? lui demanda Starkiller, inquiet.

Le droïde leva le regard vers lui et sembla ne pas le reconnaître pendant un moment. Il prit un bloc de circuits à moitié fondu de l’arrière de son cerveau et inséra un module en bon état à sa place.

— Ma programmation primaire fait toujours défaut. Maître, répondit-il. J’essaie de la remplacer.

— Est-ce que ces pièces proviennent des droïdes que j’ai mis hors d’état ? demanda Starkiller en déplaçant les pièces avec son doigt.

— Oui, Maître. Il est clair maintenant que ma ligne de montage ne s’est pas arrêtée après ma fabrication.

PROXY ôta un nouveau bloc de sa tête et le remplaça avec un autre de la pile. Instantanément, ses holoprojecteurs devinrent fous, lis se mirent à lancer des arcs électriques à travers la pièce. Ses bras et ses jambes s’agitèrent et Starkiller se précipita sur lui pour retirer le composant défectueux.

— Je pense que tu devrais être prudent, conseilla-t-il à PROXY, qui s’était calmé.

De la fumée s’élevait des joints du droïde.

— Il vaut mieux ne pas avoir de programmation primaire que pas d’existence du tout, lui conseilla-t-il.

Le droïde paraissait inconsolable.

— C’est ce que dit le capitaine Eclipse mais je ne comprends pas pourquoi. Mes dysfonctionnements la perturbent. Je crains qu’elle ne me fasse fondre s’ils continuent.

— Elle ne ferait jamais cela, protesta Starkiller, espérant que ce n’était pas vrai. Décris-moi ces dysfonctionnements. Je peux peut-être t’aider.

PROXY s’exécuta, rapidement et objectivement, alors que cela semblait l’embarrasser d’admettre ses défauts.

— Le plus perturbant, conclut-il, c’était la période où j’avais pris votre apparence. Pour une raison inconnue, je n’arrivais pas à reprendre ma forme normale. C’est à ce moment-là que le capitaine Eclipse m’a déconnecté pour son bien comme pour le mien.

— Je comprends, dit Starkiller.

Il imaginait ce que Juno avait ressenti aux côtés d’une copie de lui, qui parlait comme PROXY, alors qu’il était censé être mort et avoir disparu. Il détestait lui aussi cette pensée.

Il comprenait ce que cela signifiait à un niveau plus profond.

— Perdu quelque chose. La voix de la petite créature sage sur Dagobah lui revint à nouveau. Une partie de toi-même, peut-être ?

— Je pense que tu essaies de remplacer les mauvaises pièces, dit-il en indiquant les puces et les circuits de droïdes morts. Regarde tous les gens que tu imites et demande-toi s’ils ont quelque chose en commun : ils possèdent peut-être quelque chose qui te fait défaut.

PROXY réfléchit gravement à cette possibilité.

— Peut-être mais à part qu’ils sont tous humains et que je les connais, je ne vois pas en quoi vous, le capitaine Eclipse, le général Kota, Mon Mothma et la Princesse Leia êtes similaires.

— Eh bien, réfléchis-y encore. C’est un ordre.

— Bien, Maître, je ferai de mon mieux.

PROXY recommença à fouiller dans la pile de pièces détachées. Il n’avait pas l’intention d’abandonner sa recherche non plus.

— Souviens-toi juste que j’ai besoin de toi en un morceau, avec ou sans programmation primaire.

— Oui, Maître.

Starkiller se releva. PROXY et lui étaient toujours seuls à bord, le prisonnier mis à part. Mais cela changerait bientôt. Il était temps d’en finir.

Il laissa PROXY se réparer et traversa le vaisseau jusqu’à l’entrée de la chambre de méditation. Là, il prit une profonde inspiration et vérifia que le sabre laser de Vador était bien à sa taille.

La porte s’ouvrit quand il la toucha. Deux plafonniers illuminaient l’entrée. D’autres s’allumèrent en clignotant quand il pénétra dans l’espace circulaire. Il n’hésita pas, ne ralentit pas. Toutefois, à l’intérieur, il sentit le conflit et la confusion se bousculer autour de lui.

Il s’arrêta devant le harnais. La dernière des lampes s’alluma, révélant les entraves et le prisonnier. Les bras de Dark Vador étaient entourés depuis les coudes par d’épaisses menottes en duracier et ses jambes à partir du genou. D’épais bracelets de contention énergétique ceinturaient sa taille, sa poitrine et sa gorge. Une cage entourait son casque, ne laissant que le « visage » exposé. Le ronronnement des champs d’énergie emplissait l’air. Starkiller savait que s’il avançait d’un pas de plus, il risquait la désintégration.

Son ancien Maître n’eut d’autre choix que de le regarder. Même Vador, avec sa force et sa volonté prodigieuses, parvenait à peine à tourner la tête. Le ronronnement de son respirateur s’élevait avec régularité.

Starkiller le regarda à son tour. C’était lui qui avait provoqué cette confrontation mais son ancien Maître paraissait plus imposant et menaçant que jamais dans son harnachement.

Il ne savait plus ce qu’il était venu dire exactement mais il sentit sa détermination fondre comme neige au soleil.

— Je vous ai laissé vivre, commença-t-il avant d’avoir pu réfléchir à ce qu’il allait dire.

Il voulait que cette déclaration soit une provocation mais elle résonna plutôt comme une question, une forme d’incrédulité, comme s’il n’arrivait toujours pas à comprendre lui-même ce qu’il avait fait. S’il rejetait définitivement le destin des Sith – tuer son Maître – que serait-il dorénavant ? un futur dans cette vie ?

Vador ne dit rien.

— Vous me dites que je suis un clone… un clone raté. Et pourtant je choisis de vous épargner. Est-ce que cela prouve que vous avez raison ou que vous avez tort ?

Vador ne répondit pas.

— Kota a peut-être raison, dit-il plus doucement. Peut-être que tout ce que vous m’avez dit n’était que ruse. Vous essayiez peut-être de me perturber au point que j’oublie qui j’étais vraiment et que je redevienne votre esclave.

Ses yeux se rétrécirent en regardant les liens qui gardaient son Maître totalement impuissant.

— Quoi qu’il en soit, j’ai enfin brisé votre emprise sur moi.

Vador le regarda, incapable d’exprimer quoi que soit par son visage ou son langage corporel. Autant parler à une statue.

Avec un soupir de dégoût, Starkiller tourna les talons.

— Tant qu’elle vit, dit Dark Vador, je te contrôlerai toujours.

Starkiller s’arrêta et faillit se retourner. Qu’est-ce que c’était que cela ? Une menace sans fondement ? Une tentative désespérée de jouer avec son esprit ? La vérité ?

Cela ne méritait pas de réponse. Il ne donnerait pas à Vador la satisfaction de voir son visage et le doute qu’il affichait certainement.

Quand il quitta la pièce, les lumières s’éteignirent et la porte se referma en glissant derrière lui.

Parmi les troupes au sol, il y avait quelques survivants du Salvation. Juno n’irait nulle part tant qu’on ne s’occupait pas d’eux et qu’on n’offrait pas à chacun une place sur un autre vaisseau de l’Alliance. Plusieurs appareils Impériaux avaient été réquisitionnés dans les baies de stationnement sur Kamino. Il était de son devoir de s’assurer que quelques-uns au moins seraient réservés pour « son » équipage. Elle ne savait pas combien de temps s’écoulerait avant qu’elle n’occupe à nouveau une telle position. Peut-être quand de nombreux croiseurs Mon Calamariens seraient mis en service…

Juno pensa à Nitram, qui l’avait trahie auprès de Mon Mothma. Elle ne pouvait lui en vouloir, même si cela lui avait causé des ennuis sur le moment. Il avait juste essayé de faire ce qui était bien. Il paraissait injuste qu’il soit mort, alors qu’elle était encore en vie. Si elle avait été à sa place sur la passerelle du Salvation, elle serait morte et lui pas. Si Starkiller avait pu le défendre, il serait peut-être encore en vie.

L’un des désavantages du commandement, se dit-elle, était de perdre le meilleur équipage selon le bon vouloir du destin. Il valait mieux qu’elle s’y habitue, tout comme le chasseur de primes de Vador devrait se faire à l’idée qu’il ne serait jamais payé pour son travail maintenant que son employeur était emprisonné pour de bon…

Les préparatifs s’achevèrent enfin. Les transports qui devaient servir de leurres furent chargés de fausses marchandises. L’équipage était constitué de personnes entièrement loyales et, comme il y avait un risque qu’un traître soit glissé parmi eux, ils étaient simplement informés qu’ils faisaient partie d’un plan beaucoup plus vaste. Seule une poignée de personnes de confiance savait exactement qui allait où. La fuite sur la localisation de la flotte près de la Nébuleuse Itani était encore dans tous les esprits.

— L’Empereur finira par être au courant, dit Juno à Kota au moment où ils se disaient au revoir au sommet de la tour de clonage.

Le vrombissement des moteurs s’amplifiait autour d’eux.

— C’est inévitable.

— Alors, faisons-lui parvenir nos exigences plus tôt, dit le général, ou laissons-le mijoter un peu. C’est à Mon Mothma de décider. Amène juste Vador sur Dantooine indemne et laisse-moi m’occuper du reste.

— Bien sûr.

Elle fit un salut, qu’il lui retourna.

— Nous vous attendrons.

— Pas si j’arrive en premier.

Kota sauta dans la navette qui l’attendait et s’éloigna directement vers la nouvelle frégate. Juno jeta un dernier coup d’œil à la surface de Kamino et frissonna. Les nuages recouvraient à nouveau le ciel. Un orage impressionnant se préparait à l’horizon, vers l’ouest.

Elle était la dernière sur le toit de la tour de clonage, où tant de choses affreuses et merveilleuses s’étaient déroulées. Bientôt, la tour disparaîtrait à tout jamais. Elle resserra son col autour de sa gorge meurtrie, gravit la rampe d’accès en courant et pénétra dans le Rogue Shadow, jurant de ne jamais regarder en arrière.

Dark Vador se tenait dans le compartiment de l’équipage, sa tête masquée menaçante semblait projeter de l’ombre sur tout le vaisseau.

Juno saisit le blaster à sa taille, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine.

Dans un éclair de lumière, Vador disparut.

— PROXY ?

Juno baissa le blaster. Ses mains tremblaient encore.

— Nom d’un Wookiee, à quoi joues-tu ?

— Je fais des expériences, capitaine Eclipse, dit le droïde en tapotant l’arrière de sa tête. Mon Maître a suggéré que je cherche ce que les personnes que j’imite ont en commun. Le seul détail que je parviens à discerner est qu’ils se fixent un but qui compte plus que leurs personnes. Ils se battent pour des principes, pas juste pour leur survie, comme je dois le faire, si je veux être entier.

Elle se souvint que Leia lui avait dit que les métamorphoses de PROXY cachaient un message.

— Peut-être que tu l’as toujours su, à ce niveau plus profond de programmation dont tu as parlé, et que tu essayais de te le faire comprendre.

— C’est possible.

— Mais que vient faire Dark Vador dans tout cela ?

— Je n’en suis pas encore sûr. Il pourrait s’agir d’un résidu d’une des puces que j’ai récupérées.

— Il sert un Maître, lui aussi, ne l’oublie pas, suggéra Juno. Et s’il a des principes, ils ne sont pas du genre que tu devrais suivre.

— Assurément pas, capitaine Eclipse.

PROXY avait l’air satisfait et elle n’avait pas le cœur de débattre du sujet.

— Voilà qui est très bien, je crois, dit-elle. Je suis contente que ta programmation primaire soit enfin réparée. On aura besoin de toi, complètement opérationnel.

— J’existe pour servir, capitaine.

Juno le laissa là et se rendit sur la passerelle, où Starkiller était installé dans le siège du copilote. Elle eut une impression de déjà-vu en rejoignant le cockpit.

Il leva la tête.

— Quelque chose qui ne va pas ?

— Absolument rien, dit-elle en venant s’asseoir aux commandes près de lui.

Cela faisait plus d’un an qu’elle n’était pas montée à bord du Rogue Shadow mais la disposition de la console lui semblait aussi familière que le fond de sa poche. Comme l’extrême fatigue sur le visage de Starkiller.

PROXY prit place sur un siège derrière eux.

— Tous les systèmes sont entièrement fonctionnels, lui assura-t-il.

Elle posa une main sur les commandes. Elle tapota adroitement quelques touches pour replier la rampe et mettre les répulseurs en marche. Le Rogue Shadow s’éleva doucement dans le ciel.

L’expression de Starkiller était impassible mais elle devinait qu’il regardait attentivement les tours de clonage disparaître sous eux. Ils avaient à peine décollé que le premier Destroyer Stellaire éventré sombrait dans l’océan. Il y eut un éclair pareil à un lever de soleil quand plusieurs mégatonnes d’eau jaillirent sous l’impact.

L’onde de choc se transforma en une vague de vapeur haute de plusieurs centaines de mètres. En quelques secondes, le tsunami atteignit les tours, les abattit et recouvrit les ruines.

Devant eux, des étoiles brillantes apparaissaient dans l’atmosphère qui se raréfiait. Parmi elles, la constellation de la flotte Rebelle, dont tous les vaisseaux arboraient fièrement le symbole de l’Alliance : les armoiries de la famille de Starkiller. Ni les soldats ni les commandants ne savaient que celui qui les avait inspirées se trouvait à nouveau parmi eux.

Le Rogue Shadow rejoignit douze petits transports en orbite au-dessus de la planète océanique.

— Vous connaissez les ordres, lança le commodore Viedas à tous les vaisseaux d’une voix ferme. Que la Force soit avec vous.

Un par un, les transports accélérèrent, chacun empruntant une trajectoire différente dans l’hyperespace.

Juno les compta en vérifiant le trajet vers Dantooine. Quand leur nombre commença à diminuer, elle regarda Starkiller, qui observait toujours Kamino. L’onde de choc circulaire grandissante ressemblait à la pupille d’un œil énorme.

Elle avait parfois du mal à deviner ses pensées. Elle posa la main sur son bras, le tirant de sa contemplation.

— Prêt pour la vitesse-lumière ? demanda-t-elle.

Il réussit à sourire.

— Je suis prêt à tout.

De l’autre main, elle actionna un levier sur la console et les hyperpropulseurs se mirent en route. Le Rogue Shadow bondit vers l’avant.

Les étoiles s’allongèrent en traînées brillantes. Cette fois, Juno espérait qu’ils laissaient le passé loin, très loin derrière eux.