CHAPITRE 17

Starkiller faisait face au droïde géant et regardait droit au fond des deux yeux qui lui restaient. Il avait perdu quatre de ses pattes et de nombreuses entailles géantes meurtrissaient son ventre et son dos, mais il demeurait redoutable. Il avait tué tous les soldats que Kota lui avait envoyés, ce qui ne laissait plus que Starkiller pour faire barrage entre le réacteur secondaire et lui. Il sentait l’effet des dégâts infligés par le droïde à la frégate : une vibration profonde et irrégulière se faisait entendre puis disparaissait dans le grondement à peine audible de l’hyperpropulseur. Dans son esprit, toute nouvelle fluctuation de puissance déclencherait une catastrophe.

Il feinta sur la gauche. Le droïde se déplaça vers la droite pour le bloquer. Il feinta dans la direction opposée. Il se déplaça à nouveau. Les mécanismes internes faisaient un bruit sourd et grinçaient sous la coque en duracier. Le droïde se baissa très bas, prêt à bondir, et émit un bruit de vieille chaudière qui rend son dernier souffle.

Mentalement, Starkiller vérifia pour la troisième fois l’emplacement du réacteur secondaire. Le droïde et lui s’affrontaient avec vigueur depuis des heures, lui semblait-il, et il craignait de tout mélanger. En l’absence de repère, le risque était élevé. Deux ponts, un nombre incalculable de pièces et de couloirs, une citerne à eau, même, avaient été complètement détruits pendant leur affrontement, laissant un énorme enchevêtrement de décombres dans leur sillage.

Il espérait que Juno lui pardonnerait les dégâts quand il finirait par la retrouver. Jusqu’à nouvel ordre, le Salvation était toujours son vaisseau et elle ne serait sans doute pas ravie qu’il l’ait mis dans cet état.

De toute façon, se dit-il en se déplaçant de quelques mètres sur sa droite, il n’avait pas le choix…

Le droïde traqua ses mouvements et bondit.

Starkiller l’évita comme il l’avait déjà fait à de nombreuses reprises et lui donna une bourrade au moment où il passait par-dessus sa tête. Ses lasers lancèrent des éclairs dans toutes les directions, découpant à nouveau de profonds motifs indéchiffrables dans le pont métallique. Les entrailles du droïde gémirent quand il tourna pour se réorienter. Il cherchait à prendre appui sur trois pattes contre le mur pour bondir à nouveau sur Starkiller et le frapper de son quatrième membre, dans l’espoir de l’empaler sur sa pointe mortelle.

Starkiller resta immobile juste assez longtemps pour donner à la machine l’impression que, cette fois, son plan pourrait enfin marcher.

Le droïde frappa la paroi avec un vacarme assourdissant et prit appui sur ses pattes aussi fort que possible. La paroi, abîmée par de nombreux impacts, résista puis céda avec un hurlement. Le vacarme fut aussitôt couvert par un autre, beaucoup plus fort, celui de l’atmosphère qui fuyait vers le vide.

Il ne s’agissait pas d’une paroi ordinaire. C’était la coque extérieure de la frégate et elle avait été poussée au-delà de sa limite de résistance. Réalisant son erreur, le droïde se débattit pour retirer ses pattes coincées dans la coque, à l’extérieur du vaisseau, mais Starkiller ne le laissa pas faire. Il s’arc-bouta fermement à la paroi intérieure derrière lui et se mit à pousser. Le droïde s’enfonça d’un mètre de plus dans le métal, qui se déchira et s’étira encore davantage. À travers les fentes, Starkiller entrevit les angles abstraits de l’hyperespace qui défilaient et il devina que le moral du droïde était au plus bas. Il ne savait pas ce qui arriverait à la matière ordinaire si elle était séparée de l’hyperpropulseur niché au cœur des vaisseaux stellaires puis lâchée dans les espaces irréels de l’au-delà. Il soupçonnait que le droïde l’ignorait aussi. Mais il allait bientôt l’apprendre à ses dépens.

La créature métallique lui envoya une dernière rafale de tirs de laser. Starkiller se baissa pour les éviter mais ne quitta pas son refuge. Cela lui était égal que le droïde parvienne à le toucher légèrement à cette étape finale. Une seule issue était possible désormais.

Il poussa encore et la coque ploya vers l’extérieur. Le droïde abandonna toute velléité de combat pour se concentrer sur sa survie.

Ses pattes laissaient de profondes griffes dans le métal tandis qu’elles luttaient pour maintenir leur prise. Mais, combinée aux étranges effets de l’hyperespace, la force de Starkiller était trop grande. Une griffe glissa, puis une autre et, dans un dernier hurlement de métal, le droïde disparut, balayé par des forces qu’ils ne comprenaient ni l’un ni l’autre.

Starkiller tituba, affaibli par l’effort et étourdi par la soudaine chute de pression. Il courut vers l’écoutille qui menait au réacteur secondaire, l’objet de toute cette agitation. Elle était scellée pour résister au vide mais il rassembla ses dernières forces pour l’ouvrir. Il se laissa tomber à l’intérieur. Il atterrit lourdement sur le dos et leva les yeux vers le plafond. L’écoutille claqua et se referma derrière lui. Reconnaissant, il inspira profondément et emplit ses poumons d’air.

Petit à petit, il prit conscience des alarmes qui retentissaient et de son comlink qui sonnait. Il le saisit et le porta à sa bouche.

— Qu’y a-t-il, Kota ?

— Ça fait un moment que j’essaie de te poser la même question, rétorqua le général. La brèche dans la coque sur le pont trois… c’est toi ?

— Le réacteur est hors de danger maintenant, répondit-il. Comment va le reste du vaisseau ?

— Il tient le coup.

— À quelle heure arrivons-nous ?

— Tu ferais bien de te mettre en route si tu as l’intention d’être sur la passerelle à l’arrivée.

Starkiller poussa un grognement et s’assit. Deux techniciens nerveux qu’il n’avait pas remarqués reculèrent dans le coin qu’ils occupaient.

— Tout va bien, les rassura-t-il. Je suis un des vôtres.

Ils n’avaient pas l’air très rassurés et il les comprenait.

Son uniforme noir était déchiré et brûlé par endroits ; des blessures cautérisées au laser couvraient presque chaque centimètre carré de peau apparente ; son visage était crasseux et tuméfié. Il prit appui sur sa jambe droite et laissa les techniciens s’occuper de la machine. Il commença la difficile ascension vers la passerelle. Il traversa des ponts endommagés, passant devant des monceaux de débris et de cadavres.

Je suis un des vôtres. Les techniciens n’avaient pas la moindre idée de qui il était et cela valait sans doute mieux. Ils avaient peut-être entendu parler du rôle qu’un jeune homme avait joué dans la formation de l’Alliance et ils avaient peut-être eu l’écho de rumeurs à propos de sa mort à bord de l’Étoile Noire. Les risques qu’ils fassent le lien entre lui et cette personne étaient infimes. De toute façon, personne ne les croirait. On ne ressuscitait pas. Ce n’était pas possible, même pour un Jedi.

Starkiller se demanda si Dark Vador se considérait comme un des leurs. Il se demanda si un seul des serviteurs de l’Empire se percevait ainsi, ne fût-ce qu’un moment. Juno avait douté bien avant de le rencontrer. Vador l’avait guidée vers le mal, comme il guidait tous ceux qu’il rencontrait. Et ceux qui résistaient ou essayaient de résister, il s’en débarrassait.

Il se demanda – ce n’était pas la première fois qu’il se posait la question – qui le Seigneur Noir avait été avant de collaborer avec l’Empereur pour dominer la galaxie. Avait-il pu être un Chevalier Jedi ? Peut-être l’un de ceux dont le corps n’avait pas été retrouvé après l’exécution de l’Ordre 66 ? Ils étaient nombreux. Plusieurs fois, Starkiller avait essayé de détecter une trace de formation Jedi dans les techniques d’enseignement de son ancien Maître. Mais bien peu d’indices filtraient chez cet homme qui préférait l’action aux paroles et dont la philosophie ne s’intéressait qu’au pouvoir et à la domination. Starkiller avait tout de même réussi à discerner une subtilité : même si les leçons étaient brutales et l’échec redoutable, il n’y avait pas de cruauté malveillante. Une fois que l’alternative était posée, obéir et réussir ou échouer et mourir, le reste ne dépendait plus que de l’apprenti.

Le monde était noir et blanc à travers le masque de Dark Vador, pensait Starkiller. Il n’y avait pas de gris. Il imposait cette façon de voir à tous ceux qui l’entouraient et, soit les gens suivaient sa pensée, soit ils ne suivaient plus aucun chemin du tout.

Cela n’empêchait pas Dark Vador d’imiter son propre Maître. Il manigançait des trahisons et fomentait des complots qui pouvaient prendre des années à se réaliser. Il était malin et avait appris à ses dépens à devenir fourbe au fil des années passées au service du Seigneur Sith qui dirigeait la galaxie.

Mais Vador préférait l’approche directe quand elle était possible. Il se battait comme il pensait. Il était plus facile d’attirer Starkiller à lui en prenant Juno en otage qu’avec n’importe quelle autre méthode. C’est donc celle-là qu’il utilisait. Au lieu de négocier avec Starkiller, il allait le tuer, tout simplement. Noir, blanc. Ouvert, fermé. L’esprit de Vador était une boite noire de laquelle rien ne filtrait mais la forme de la boîte en disait long sur lui.

Je vais vous surprendre, promit Starkiller à son ancien Maître, même si c’est la dernière action que j’accomplis.

Dans cette vie, ajouta-t-il, ou dans une autre.

La passerelle portait les marques de la bataille : du sang, des impacts de blaster, des consoles brûlées. Mais, aussi incroyable que cela puisse paraître, elle fonctionnait encore. Comme toutes les bandes de mercenaires, l’escouade de Kota avait l’habitude d’opérer dans des conditions moins que parfaites. Ils réparèrent des senseurs qui avaient déversé leurs composants et reconnectèrent des systèmes de contrôle à la main. Le médecin, Ni-Ke-Vanz, n’était pas là. Starkiller se dit qu’il était dans l’infirmerie, occupé à raccommoder l’équipage comme il pouvait.

PROXY aidait aussi, il manipulait des boutons sur deux consoles à la fois. On avait réparé sa poitrine à la hâte et il semblait avoir retrouvé un état plus ou moins normal. Une image de Kota apparut brièvement sur le corps de métal du droïde. Starkiller se demanda pourquoi.

— Laissez tomber les cales, criait Kota dans son comlink. Si le moteur six nous lâche dans les cinq minutes, on se fiche des réserves perdues.

Il leva les yeux vers Starkiller qui s’avançait pour prendre place à côté de lui. Kota semblait en aussi mauvais état que sur Cato Neimoidia. Se débarrasser des derniers stormtroopers camouflés n’avait pas été une partie de plaisir. Il fit un signe de la tête à Starkiller.

— Nous n’avançons pas vite. À ce rythme-là, la flotte sera sur place avant nous. Mais nous finirons par y arriver, ça, je te le garantis.

Starkiller fut un peu rassuré mais l’angoisse qu’il ressentait pour Juno ne faiblissait pas. Si la flotte avait rejoint Kamino, ça signifiait que le chasseur de primes était arrivé aussi. Elle était aux mains de Dark Vador en ce moment, c’était presque certain. Elle devait souffrir le martyr.

Pour dissiper ces sombres pensées, il effectua les vérifications du Rogue Shadow. Le vaisseau était toujours amarré à l’épine dorsale de la frégate et semblait indemne. Ses boucliers l’avaient protégé pendant la bataille et personne n’était monté à bord. C’était déjà cela de pris. Le simple fait de disposer de ce vaisseau, qui le rattachait au passé, l’aidait à calmer ses pensées.

Rends-toi sur Kamino, se dit-il. Trouve Juno. Libère-la. C’est facile.

— Je suis désolé, général, dit PROXY, mais je n’ai pas réussi à restaurer complètement l’ordinateur de visée.

— Alors, nous tirerons manuellement, dit Kota, ce qui nécessitera de la main-d’œuvre. Nous n’avons plus que quinze combattants. Assure-toi qu’ils soient prêts à ouvrir le feu dès que nous sortirons de l’hyperespace, ordonna-t-il à un des membres de son escouade.

— Encore combien de temps ?

— Deux minutes.

Kota étudia le visage de Starkiller.

— Ne t’inquiète pas. On la retrouvera.

Starkiller accueillit les mots de réconfort du général avec une sorte de grognement. Il savait ce que Kota voulait : que Starkiller revienne dans la bataille. Kamino n’était qu’un moyen d’arriver à cette fin. Une fois Juno libre, Kota espérait sans doute annoncer le retour de Starkiller, rassembler l’Alliance derrière lui et prendre d’assaut la forteresse de l’Empereur sur Coruscant.

Peut-être, pensait Starkiller, était-il injuste avec Kota mais il lisait peu de compassion dans les yeux aveugles du général. Juste de la détermination à vaincre. À tout prix. Si l’opération sur Kamino était victorieuse, il y en aurait une autre, puis une autre encore. Cela ne cesserait jamais, jusqu’à ce qu’il soit mis fin à l’Empire lui-même.

Starkiller ne savait pas comment expliquer à Kota qu’il ne savait pas lui-même ce qu’il ferait après avoir retrouvé Juno. Il avait du mal à se projeter plus loin que quelques minutes en avant.

Rends-toi sur Kamino. Trouve Juno. Libère-la.

Tout le reste pouvait attendre. Il était sûr de cela, que ce soit son cerveau défectueux de clone qui parle ou non : Juno comptait plus que quiconque. Le futur proche, tel qu’il l’avait entraperçu dans les visions, devait être changé avant qu’il ne puisse envisager la suite.

Le vaisseau fut parcouru d’un long frisson en réaction à une fluctuation de puissance du réacteur principal. Starkiller mit la main sur une console toute proche et régla le problème. Il n’y avait rien de mieux à faire. L’ennemi ne pouvait être combattu par la violence. Il devait faire confiance aux gens qui l’entouraient et aux machines dont ils s’occupaient pour l’amener à bon port.

Kota annonça à son équipe improvisée :

— Nous approchons de Kamino. Puissance maximale sur les boucliers déflecteurs de la proue.

— Bien, général, répondit PROXY.

Le vaisseau trembla à nouveau, cette fois en réaction au ralentissement provoqué par les boucliers. Starkiller retint sa respiration, il espérait que l’hyperpropulseur n’allait pas les lâcher juste avant qu’ils n’atteignent leur destination.

Ou que le vaisseau ne les avait pas transportés à des années-lumière de leur destination. Il n’y avait aucune garantie qu’ils puissent remettre en marche les propulseurs une fois qu’ils s’arrêteraient.

Devant eux, la topologie torturée de l’hyperespace commença à laisser place aux étoiles striées familières de l’espace réel. Le vaisseau tournoyait autour de son axe longitudinal, ce qui rendait la vue plus déconcertante que d’habitude. Le métal grinça et les ponts furent secoués. Des alarmes de pression se déclenchèrent en des dizaines d’endroits.

Starkiller se demanda à nouveau ce que Juno penserait de l’état de son vaisseau quand elle le récupérerait. Il repoussa une fois de plus cette inquiétude avec les autres et décida de s’en soucier plus tard. Après.

Un choc violent secoua le Salvation quand il fit son entrée dans le monde réel. Il se retrouvait en plein champ de bataille.

Kamino s’étendait devant eux, sa face bleue striée de blanc semblait faussement paisible. Derrière elle s’affichaient les constellations inhabituelles de l’Espace Extérieur. Starkiller dénombra une dizaine de vaisseaux Rebelles qui n’affrontaient pas moins de cinq Destroyers Stellaires Impériaux. Des nuages de chasseurs TIE, d’Ailes-Y et de chasseurs de tête Z-95 s’affrontaient autour de la coque de plus grands vaisseaux. Des bombardiers laissaient des traînées brillantes dans leur sillage. Des armes d’énergie et des éclairs de boucliers teintaient le ciel de couleurs violentes.

Quelques secondes à peine après avoir quitté l’hyperespace, le Salvation fut touché par les tirs d’un des Destroyers Stellaires.

— Pointez les canons sur ces vaisseaux de guerre ! ordonna Kota. Liquidez ces chasseurs !

Starkiller fit mine de quitter la passerelle, afin d’engager le Rogue Shadow dans la bataille, mais Kota le retint par le bras.

— Pas toi. Je veux que tu sois au turbolaser principal, à la proue. Le gars qui tire en ce moment serait incapable de toucher une planète depuis une orbite basse. Prends le contrôle des commandes à distance.

Il indiqua une console disponible.

— Quand le bouclier planétaire sera désactivé, nous poserons le Rogue Shadow ensemble sur Kamino.

Starkiller ne discuta pas, même s’il aurait préféré être au cœur de l’action. Manipuler un canon n’était pas la même chose que slalomer entre les vaisseaux et les décharges d’énergie qui faisaient rage à l’extérieur, mais il pouvait contribuer activement au combat d’où il était. Le turbolaser principal d’une frégate n’était pas le genre d’arme dont on repoussait facilement les tirs.

Il fit apparaître les commandes à distance et s’installa dans un siège. Il n’avait jamais utilisé cette interface mais elle semblait simple à manipuler. Chargement de gaz. Bobines du barillet. Refroidissement. Repérage. Il sourit. Mise à feu. C’est ça qu’il voulait.

Une représentation holographique de la bataille était affichée en suspension devant lui. Il balançait le réticule du viseur d’un Destroyer Stellaire vers l’autre à la recherche d’un point faible. L’arme était plus lente que celles du Rogue Shadow mais il s’y attendait. Il profita de la proximité de chasseurs TIE pour leur tirer dessus, laissant la Force guider sa main, et infligea rapidement de sérieux dégâts aux rangs Impériaux.

Starkiller ciblait les canons ioniques et les tourelles du pont avec beaucoup d’effet, ce qui attira l’attention des canonniers des Destroyers Stellaires. Les boucliers de la frégate gémissaient et se plaignaient tandis que les chasseurs stellaires Rebelles faisaient de leur mieux pour riposter.

D’une demi-oreille, Starkiller écoutait les conversations paniquées des pilotes dans les comlinks.

— On se fait déchirer, ici ! cria l’un d’eux tandis qu’un tir concentré de turbolaser mettait en pièces son escadron. Ordonnez la retraite !

La réaction de Kota fut immédiate.

— Gardez la position, Wedge Antilles.

Il changea de fréquence pour se faire entendre de tous les vaisseaux.

— Continuez votre attaque ! Nous n’aurons pas d’autres occasions de prendre cette cible !

Un hologramme vacillant apparut devant lui. Il montrait un Rodien trapu, portant une sorte d’uniforme de commodore.

— Le bouclier planétaire autour de Kamino s’avère plus résistant que nous ne le pensions, dit-il.

Les parasites mangèrent quelques mots.

— … assaut au sol est impossible tant qu’il n’est pas désactivé.

Kota avait l’air désespéré, Starkiller savait ce qu’il ressentait. C’était la première et la meilleure chance de l’Alliance Rebelle de faire mal à l’Empire. Si elle échouait, la défaite symbolique pourrait être pire qu’un simple revers militaire.

— PROXY, dit Kota, est-ce que tu peux t’introduire dans les défenses et désactiver le bouclier d’ici ?

— J’essaie déjà, général, mais cela prendra trop de temps. Le Salvation a subi de gros dommages. Nous avons déjà perdu les ponts huit et douze et le vaisseau ne tiendra plus très longtemps.

— Il doit y avoir un moyen.

Kota s’agrippa si fort au bord de l’écran principal que les jointures de ses mains blanchirent. De petites images de vaisseaux stellaires dansaient et tourbillonnaient devant lui. Le commodore attendait, son image disparaissait et réapparaissait à peu près toutes les secondes.

— Que pouvons-nous faire ? Le vaisseau tombe en ruine. La flotte est en train de prendre une raclée. Et nous ne sommes pas plus près de la cible que quand nous sommes arrivés.

Starkiller céda le contrôle du turbolaser à l’équipage et rejoignit Kota. Une idée se formait dans son esprit, une idée qui semblait folle mais peut-être juste assez pour fonctionner.

— Où sont les générateurs de bouclier planétaire ? demanda-t-il.

PROXY se pencha vers l’écran principal et indiqua l’emplacement sur une carte de Kamino. Parmi les dômes et les tours de l’installation, il reconnut immédiatement les contours familiers de la principale base de production des stormtroopers et, nichées au milieu, les installations secrètes où Dark Vador menait ses expériences.

— Ici, Maître. Le générateur et le réacteur se trouvent au même endroit, ce qui les rend très vulnérables. En revanche, le bouclier qu’il crée est assez puissant pour prévenir toute forme d’attaque, nous ne pouvons donc pas attaquer directement ce point faible.

Starkiller hocha la tête. En effet, son plan était fou, se répéta-t-il, et il était certain que Juno ne l’approuverait pas mais c’était sa seule idée pour dénouer la situation.

— Dirigez-vous vers le Rogue Shadow, dit Starkiller à Kota. Je suis pratiquement certain que ces boucliers ne résisteront pas à l’assaut direct d’une frégate.

Les yeux aveugles de Kota fixèrent Starkiller pendant une longue seconde. Il fit une moue de surprise quand il comprit le plan.

— Tu es sûr de toi ?

— C’est le seul moyen. Soyez juste prêt à nettoyer.

— D’accord.

Kota abattit son poing avec force sur un bouton de la console.

— Abandonnez le vaisseau ! Abandonnez le vaisseau !

Sa voix bourrue résonna dans toute la frégate.

— À tout l’équipage : abandonnez le vaisseau !

Il ôta sa main du bouton et la tendit à Starkiller.

Ils échangèrent une vigoureuse poignée de main en silence. Puis le général tourna les talons et quitta la passerelle avec son escouade.

— Toi aussi, PROXY.

— Oui, Maître.

Une reproduction du visage de Starkiller apparut en clignotant sur les traits du droïde.

— Même sans programmation primaire, je reste attaché au principe d’auto-préservation.

Pendant un certain temps après le départ de PROXY et tandis qu’il cherchait à faire obéir le vaisseau à ses ordres, ce qui n’était pas simple, Starkiller s’interrogea sur les paroles d’adieu du droïde. Il les avait prononcées avec beaucoup d’emphase mais il ne pensait pas qu’elles visaient à attaquer ses propres motivations. PROXY n’essayait pas d’insinuer qu’il était suicidaire, il l’espérait du moins. Il espérait aussi que son plan n’était pas un moyen détourné d’en finir avec la vie. Le projet était beaucoup moins fou que d’autres auxquels il avait participé. La voix de Ni-Ke-Vanz résonnait à nouveau en lui, renforçant son incertitude.

Folie. Psychoses. Tendances suicidaires.

Sans ces mots, lancer une frégate depuis l’orbite pour percuter un générateur de bouclier planétaire aurait pu sembler parfaitement normal.

L’image du commodore Rodien s’était éteinte depuis longtemps. Starkiller supposa que Kota l’avait prévenu de la manœuvre en cours et que la flotte en tenait compte pour son déploiement dans la bataille. Des chasseurs stellaires convergeaient vers le Salvation pour le couvrir pendant qu’il alignait les moteurs à ions et les turbolasers. Les boucliers de la frégate avaient été touchés par tout ce qui avait croisé son chemin et leur état allait encore s’aggraver quand les Destroyers Stellaires comprendraient ses intentions.

Le Salvation se mit lentement en route. Les sept moteurs à ions étaient poussés à fond. Tous les turbolasers et les canons à la proue tiraient sans discontinuer sur le bouclier planétaire en contrebas. Starkiller ajusta la trajectoire du vaisseau pour qu’il se dirige droit sur le générateur de bouclier. Sur l’écran principal, un chrono se mit à effectuer le décompte avant l’impact.

Il y aurait en réalité deux impacts, se dit Starkiller tandis que la frégate prenait de la vitesse. Un premier contre le bouclier, un deuxième contre la surface de la planète. Il était impossible de déterminer combien de temps séparerait les deux collisions. Cela dépendrait de la résistance que le bouclier planétaire opposerait à la chute du Salvation. Il ne tiendrait pas longtemps, estimait-il, mais même une seconde pouvait sérieusement réduire son élan, au point que la frégate, au lieu de s’écraser contre le générateur, tomberait peut-être simplement dessus.

Cela serait sans doute suffisant. Il en était persuadé. Rien n’était conçu pour résister à pareil impact.

Pas même lui.

La planète grossissait à vue d’œil. Les Impériaux commencèrent à comprendre l’intention de cette frégate qui accélérait droit vers eux. Des armes d’énergie et des chasseurs TIE déferlèrent par vagues et tentèrent de détruire le Salvation avant qu’il ne percute le bouclier. Les Rebelles se jetaient littéralement entre les Impériaux et lui, encaissant les coups à sa place ; ils essayaient à tout prix de garantir le succès de son attaque de la dernière chance. Un Destroyer Stellaire passa en grondant près de lui, trop lentement pour parvenir à intercepter la frégate, qui poursuivait sa chute. Starkiller se demanda qui avait donné l’ordre de tenter une attaque de bélier : Dark Vador ou le commandant du vaisseau ? Probablement le Seigneur Noir. Il avait le pouvoir de deviner qui était aux commandes du Salvation.

Dark Vador, surtout, savait de quoi Starkiller était capable. Sur Raxus Prime, il avait modifié la course d’un Destroyer Stellaire en s’aidant uniquement de la Force.

— C’est quoi là, énorme ? lui avait demandé Kota. Concentre-toi sur l’essentiel.

Kamino paraissait de plus en plus grande. Il sentait déjà les couches supérieures de l’atmosphère.

Starkiller s’accrocha fermement au bord de l’écran et concentra son esprit sur une image de Juno.