CHAPITRE 22

Juno était suspendue, enchaînée, dans une position douloureuse. Elle faisait de son mieux pour suivre la bataille qui se déroulait dans l’usine, même si elle ne voyait pas grand-chose en direct. Elle fermait alors les yeux et laissait travailler ses oreilles. Les explosions et les tirs composaient une musique qui déferlait par vagues et éclatait autour d’elle. Rien ne l’avait encore atteinte mais elle sentait que les combats se rapprochaient inexorablement.

Après la collision avec une partie du Salvation et la désintégration de l’autre, un dôme transparent s’était refermé au-dessus de sa tête, abritant cette section de l’usine sous une bulle sécurisée. Les forces Impériales et Rebelles s’étaient livré une bataille enragée. Des combats acharnés avaient illuminé le ciel nuageux de Kamino et seules quelques trêves de courte durée avaient brillé comme un soleil au-dessus du champ de bataille. Il était difficile de déterminer qui gagnait, les nuages ne facilitant pas la lecture des événements. Juno ne savait ni combien de vaisseaux avaient engagé le combat en orbite ni combien les commandants de l’Empire et de l’Alliance en gardaient en réserve. Ce quelle voyait pouvait être l’entièreté du conflit ou une simple escarmouche.

À un moment donné, à travers le dôme, elle crut reconnaître les contours du Rogue Shadow camouflés par le champ de dissimulation qui le protégeait des tireurs ennemis. Son cœur fit un bond. Si le vaisseau était là, alors Kota était là également. Puis le vaisseau disparut derrière un bâtiment proche de la bulle qui la protégeait de la pluie. Un moment plus tard, elle entendit les bruits d’un assaut concentré sur les murs du bâtiment. Puis des tirs retentirent depuis les étages inférieurs à l’intérieur de la bulle, et elle comprit que le combat se rapprochait d’elle.

Elle s’arc-bouta aux fers. Elle aurait aimé se joindre à la bataille, quel qu’en soit le prix. Ses quatre gardes devenaient nerveux, ils avaient probablement la même envie qu’elle.

Des chasseurs TIE survolèrent l’intérieur de la bulle, les moteurs rugissant. La bataille stagna pendant que les forces de Kota affrontaient au sol les défenses aériennes mais, bien vite, l’équilibre changea à nouveau. Une porte de hangar fut ouverte pour faciliter l’accès aux forces Rebelles. Les combats se déchaînèrent alors tout autour d’elle et, pour la première fois, elle comprit que si l’usine dans son ensemble était la cible, elle n’était sans doute pas en sécurité.

Son sang se glaça. Et si les forces Rebelles ne savaient pas qu’elle était là ? Ou pire encore, si sa présence leur était égale ? Si les tours de clonage s’effondraient, elle serait un simple dommage collatéral, incapable de changer quoi que ce soit à son destin.

Starkiller était son seul espoir. Si quelqu’un pouvait la sauver à temps, c’était lui.

Des chasseurs stellaires Rebelles rasèrent les tours mais aucun d’entre eux n’attaqua sa position. Ils étaient accaparés par les TIE et les batteries de canons fixes. Une série d’explosions plus fortes suggéra que l’escouade de Kota attaquait le dôme dans l’espoir d’ouvrir la voie aux frappes aériennes. Lorsqu’ils y parviendraient, sa fin serait proche. Même Starkiller ne pourrait repousser un assaut concentré venu du ciel.

— Je ne sais pas ce que vous en pensez, dit-elle à ses gardes, mais j’ai l’impression d’être un agneau qui attend le loup, accroché à son piquet.

Ils ne répondirent pas mais elle sentit qu’ils compatissaient.

Quand des sirènes d’avertissement commencèrent à retentir dans la tour en dessous d’elle, leur malaise redoubla.

— Ça va être difficile d’en sortir vivants, dit-elle. Je parie que vous regrettez de ne pas avoir fait la grasse matinée ce matin.

Sous les casques, elle entendait des stormtroopers échanger quelques mots à voix basse dans leurs comlinks. Peut-être discutaient-ils de l’intérêt de la liquider et de filer se mettre à l’abri, même si elle doutait qu’ils prennent le risque de provoquer la colère de Vador. Même face à une telle puissance de feu, ils devaient considérer le Seigneur Noir comme une menace plus redoutable encore. Elle avait déjà dû l’affronter, elle s’en souvenait comme si c’était hier.

Quelque chose explosa dans la tour, qui la fit tanguer.

Juno se sentait à bout de souffle, comme si l’air se faisait plus rare.

C’était lui. Elle en était certaine. Les stormtroopers le savaient aussi. Ils se raidirent et se rapprochèrent pour se donner l’illusion d’être en sécurité. Ils regardèrent Juno et détournèrent rapidement les yeux. Ils semblaient encore plus nerveux qu’avant et c’est seulement alors qu’elle se rendit compte qu’elle souriait.

Il était si proche d’elle.

La tour trembla à nouveau, plus violemment. Elle se demanda où était Dark Vador et ce qu’il faisait. Il ne l’avait pas menée sur Kamino pour la laisser accrochée à un mur. À moins que le piège n’ait déjà fonctionné et que Vador n’ait plus besoin d’elle. Dans ce cas, pourquoi les troopers ne l’abattaient-ils pas, tout simplement ? Elle ne saisissait pas les détails du plan de Vador, elle s’en rendait bien compte.

Sept explosions consécutives secouèrent l’intérieur du dôme. Avec un bruit perçant, il se fendit. Des fêlures se répandirent dans le transparacier, des fissures d’une dizaine de mètres de long qui se rejoignaient et se ramifiaient pour en créer de nouvelles. Elles montaient depuis la base et convergeaient vers le centre, au sommet de l’hémisphère. Là où elles se rejoignaient, lentement, comme au ralenti, les premiers morceaux commencèrent à tomber. Chacun d’eux était plus gros qu’un chasseur stellaire et sans doute aussi lourd. Ils chutaient en tourbillonnant dans l’air avec une grâce lourde.

Quand le premier morceau s’écrasa sur les bâtiments en dessous, il se brisa en mille morceaux.

Et, depuis l’intérieur de la tour, un cri affreux s’éleva, comme si cent voix humaines hurlaient de désespoir en même temps.