CHAPITRE 2

Quatre jours plus tôt…

Sous les feux du soleil principal du système Athega, le Solidarité brillait comme une étoile miniature. Le chasseur stellaire organique moderne, un modèle Mon Calamarien récent, pendait dans l’ombre de Nkllon, une petite planète volcanique inhospitalière. Là, le Solidarité et sa flottille de vaisseaux d’assistance étaient à la fois soustraits aux regards et protégés de la lumière brûlante du soleil mortel, capable d’endommager la coque.

— Votre demande de monter à bord a été acceptée, dit le commandant en second de Juno.

Nitram avait parlé doucement, comme s’il ne voulait pas interférer avec son humeur.

— La navette est prête à décoller, conclut-il.

Juno ne lui en voulait pas. Elle savait ce qui l’attendait et elle avait été tendue pendant tout le voyage. Son équipage l’avait laissée tranquille et elle avait eu besoin de toute sa concentration. Elle avait dû prendre beaucoup de facteurs en considération pour réfléchir au commandement de l’Alliance.

— Merci Nitram. Je vous confie la barre jusqu’à mon retour.

Il salua en touchant son oreille gauche avec la pointe de sa patte poilue.

— Bien, capitaine.

Elle s’éloigna du pont d’un pas ferme. Elle voulait donner l’impression d’être sûre de revenir alors qu’en réalité elle n’en avait aucune certitude. Elle avait mis son vaisseau en danger pour aider Kota dans une mission non-autorisée. Par le passé, le succès des missions de Kota l’avait protégée des mesures disciplinaires. Cette fois, il avait échoué, elle n’avait plus d’excuse. On avait démis des officiers pour beaucoup moins que cela.

Le court trajet en navette sembla durer quelques secondes à peine. Elle salua l’escorte qui l’attendait à l’arrivée : elle redoutait qu’ils soient là pour l’arrêter.

— Bienvenue à bord, capitaine. Le commodore Viedas vous attend. Par ici, s’il vous plaît.

Le détachement prit place autour d’elle et elle emboîta le pas à ses hôtes. Le vaisseau bourdonnait d’activités exécutées avec discipline, les équipements étaient d’un blanc immaculé et soigneusement entretenus. Par comparaison, son vaisseau, le Salvation, semblait vieux et déglingué. Il avait été libéré de l’Empire au cours d’une bataille au-dessus d’Ylesia et rebaptisé selon les aspirations de la jeune Rébellion. Le Salvation portait toujours des traces de batailles, contrairement au Solidarité, qui avait l’air flambant neuf.

Le problème des vaisseaux qui composaient la flotte de l’Alliance préoccupait d’autres esprits que le sien, comme elle le découvrit bien vite en pénétrant dans la salle de conférences sécurisée du commodore.

Yat-de Viedas était un Rodien, et il avait rejoint les forces Rebelles assez naturellement étant donné l’attitude xénophobe de l’Empire envers les non-humains. C’était un contrebandier d’envergure et il s’était élevé rapidement dans les rangs de la Résistance Corellienne, jusqu’à ce que Garm Bel Iblis le choisisse pour diriger le groupe d’attaque auquel Juno appartenait. Il était petit et le stress rendait son accent encore plus prononcé lorsqu’il s’exprimait en Basique, mais il était aimé et respecté par ses officiers. Juno avait servi avec lui brièvement après la naissance de l’Alliance Rebelle sur Kashyyyk, et elle savait que sa décision, quelle qu’elle soit, ne serait pas justifiée par de la malveillance ou de la méchanceté.

— Je refuse qu’on dise du mal du MC-80.

Viedas faisait les cent pas d’un bout à l’autre de la salle de conférences. Il s’adressait au reste du petit groupe. Mon Mothma et Garm Bel Iblis étaient présents par hologramme, chacun depuis sa planète natale. Les Sénateurs semblaient stressés et ne remarquèrent pas l’arrivée de Juno. La Princesse Leia Organa assistait à la réunion en personne. Elle répondit au salut de Juno par un signe de tête respectueux.

Jusqu’ici, tout va bien, se dit Juno.

— Son système de bouclier redondant est un avantage crucial, disait Viedas. Je ne soulignerai jamais assez son importance dans des conflits contre l’Empire. Ils auront toujours plus d’armes que nous, la défense devrait donc être notre priorité numéro un.

— Je comprends, commodore, répondit Mon Mothma. Mais le fait est que nous ne pouvons tout simplement plus nous permettre d’en acheter. Pas pour le moment. Nos ressources sont déjà épuisées.

— Si les Mon Calamariens ne veulent pas nous les donner, alors nous devons les prendre, décréta Bel Iblis.

— Nous ne sommes pas des pirates, objecta Leia. Mon père ne serait pas d’accord.

— Votre père n’est pas ici. Peut-être que si nous avions un plus grand accès à ses ressources…

Juno s’éclaircit la gorge et le commodore se tourna vers elle.

— Ah, bien, capitaine Eclipse, pouvez-vous faire un rapport et nous présenter les résultats de votre mission sur Cato Neimoidia ?

— Bien sûr, commodore.

Elle s’avança dans la pièce en essayant de prendre la mesure de la réunion. Clairement, des informations avaient filtré. Quelqu’un sur son pont, ou peut-être dans l’escadron des chasseurs stellaires, avait raconté ce qui s’était passé ; les personnes réunies savaient déjà en partie de quoi il retournait. Elle se demandait s’ils lui accorderaient tout de même une audition juste ou si leur décision était déjà prise.

— Mes ordres étaient clairs, dit-elle en décidant de dresser elle-même un portrait fidèle de la situation pour contredire ses ennemis éventuels. Rassembler les renseignements, diriger mon équipe. C’est tout. Quand l’occasion d’aider le général Kota pour tuer l’administrateur Impérial sur Cato Neimoidia s’est présentée, j’ai décidé de le faire.

— Quel genre d’aide lui avez-vous apporté ? demanda Bel Iblis, sans montrer s’il l’avait déjà jugée.

Elle savait qu’il s’intéresserait avant tout à l’angle militaire.

— Nous avons agi comme distraction pour les forces au sol, principalement en lançant des chasseurs stellaires mais également en manifestant la présence de la frégate. Nous avons brouillé les signaux, autant que nous le pouvions. Nous n’avons engagé le Salvation directement avec l’ennemi qu’au moment où le général Kota avait impérativement besoin de notre support actif.

— Savait-il que vous alliez être là ? demanda Mon Mothma, qui, visiblement, s’intéressait plus aux circonstances dans lesquelles la brève alliance s’était formée qu’aux détails tactiques.

— Oui, Sénateur, répondit Juno.

— Et comment avait-il obtenu cette information ?

— Je le lui avais dit deux jours plus tôt.

— Je vois.

Mon Mothma serra les lèvres.

— Voulez-vous bien nous expliquer pourquoi ?

— Je ne savais pas que je devais cacher de l’information à un général de l’Alliance Rebelle.

— Mais vous savez, sans doute, que l’Alliance Rebelle n’approuve pas toujours les actions du général.

— Oui, Sénateur.

— Considérez-vous que vous faites partie de sa campagne renégate ?

— Non, Sénateur.

— Pourtant, vous avez désobéi à des ordres pour l’aider. Comment l’expliquez-vous ?

Juno avait l’impression que le pont allait se dérober sous elle. Elle se demanda à nouveau qui l’avait dénoncée et si elle apprendrait pourquoi avant d’être démise de ses fonctions, ou de subir une sanction pire encore.

— Je vous demande la permission de parler librement, Sénateur.

— Accordée, répondit Garm Bel Iblis.

Mon Mothma le regarda avec surprise, un peu ennuyé, mais ne la contredit pas.

— J’ai déjà aidé le général Kota à plusieurs reprises, confia Juno : sur Druckenwell, Selonia et Kuat. À chaque fois, ses missions ont réussi à aider l’Alliance. Mon aide n’a jamais rien coûté à l’Alliance. Je n’ai reçu aucun ordre de lui et il a accepté les limites de notre arrangement. Il savait que les responsabilités de mon commandement étaient prioritaires par rapport au succès de sa mission.

Du moins, je l’espère, ajouta-t-elle en silence pour elle-même avant de poursuivre :

— Nous étions du même côté, Sénateur, et je n’ai pas honte de l’avoir aidé. Je l’aiderais encore sans la moindre hésitation.

Si je le pouvais.

Tout le monde se mit à parler en même temps mais c’est la voix de Mon Mothma qui parvint à s’imposer.

— Étiez-vous au courant, commodore ?

— Non, Sénateur, mais j’en prends l’entière responsabilité.

Les extrémités de la peau verte de Viedas avaient viré légèrement au violet. Juno espérait que ce n’était pas une manifestation de colère propre à son espèce.

— Le commodore Viedas ne pouvait pas être au courant, dit-elle. J’ai veillé à ce qu’il ne l’apprenne pas car je savais qu’il n’approuverait pas.

— Avez-vous encouru des pertes, capitaine ? demanda Mon Mothma.

— Six chasseurs stellaires, dit-elle. C’est moins qu’au cours de notre dernière mission officielle, qui a pourtant été considérée comme une réussite.

— Je voudrais plus de détails, exigea Bel Iblis en se penchant dans l’hologramme puis en joignant les mains. Qu’avons-nous gagné de votre collaboration avec Kota ?

— Eh bien, nous savons que Cato Neimoidia est mieux défendue que nous ne le pensions initialement. L’installation a été touchée et des renforts ont été appelés. Maintenant, l’Empire sait que nous surveillons le marché des esclaves. Le Baron Tarko sera plus prudent quand il maltraitera son « stock ».

— Il est donc toujours en vie ?

— J’en ai bien peur.

— Vous avez dit étions, intervint Leia. Kota et vous étiez du même côté.

Juno ne pouvait soutenir le regard inquisiteur de la Princesse. C’est elle qui inquiétait Juno plus que les autres. Son père était un vieil ami du général. Ils se connaissaient avant même la naissance de Juno.

— Kota est tombé sur Cato Neimoidia, expliqua Juno. La fin de notre mission commune n’a pas été un succès pour lui.

L’air dans la salle de conférences sembla se solidifier tandis que l’assistance encaissait la nouvelle.

— Avez-vous essayé… commença Bel Iblis, mais il s’interrompit.

Il n’avait pas besoin d’exprimer sa pensée.

— Vous avez été contrainte par vos ordres, dit Mon Mothma, en hochant la tête. Je comprends. Mais vous voyez dans quelle situation vous nous avez mis ? En aidant Kota, en l’encourageant activement dans son imprudente campagne solitaire contre l’Empire, vous avez coûté à l’Alliance Rebelle son général le plus expérimenté. Pouvez-vous honnêtement dire que ce résultat est avantageux pour nous ?

Juno soutint le regard accusateur de la Sénatrice sans ciller.

— Je pense qu’il serait mort de toute façon sans mon aide, peut-être même avant. Vous connaissez son parcours comme moi. Il ne serait jamais resté assis à attendre que les opportunités lui échappent.

— Elle a raison, trancha Bel Iblis. Plus nous attendrons, plus nous perdrons de gens comme Kota.

— Mais si nous attaquons maintenant, nous risquons de tout perdre, objecta Mon Mothma avec une voix qui trahissait son émotion.

Même par hologramme, son chagrin et sa détermination étaient évidents :

— Des renégats comme Kota pourraient nous faire mourir progressivement ou disparaître lors d’une ultime conflagration. Il doit y avoir un autre moyen !

— Oui, il y en a un, dit Juno.

Tous les regards se tournèrent à nouveau vers elle.

C’était le moment pour lequel elle s’était préparée pendant tout le voyage depuis Cato Neimoidia. Elle n’allait pas le laisser échapper.

— Nous avons perdu un général, commença-t-elle. Il va nous manquer mais nous ne pouvons pas laisser cet échec nous détourner de notre objectif.

Elle prononça ces mots avec une légère impression de déjà-vu. Cela lui rappelait la période tragique qui avait suivi l’accord pris sur Kashyyyk – sauf qu’il s’agissait des paroles de Kota, pas des siennes.

— Nous devons lui trouver un remplaçant, un chef militaire qui ralliera les gens à notre cause, quelqu’un qui viendra avec ses propres ressources, comme Kota, mais qui sera aussi l’équilibre parfait entre l’action et la prudence que nous devons incarner si nous voulons gagner cette guerre.

— Vous avez quelqu’un en tête, capitaine ? demanda Mon Mothma. Elle était également prête pour cela.

— J’ai entendu parler d’un Mon Calamarien du nom d’Ackbar, un esclave que nous avons sauvé du système Eriadu…

— Le capitaine Ackbar a affirmé son soutien à l’Alliance. Il est déjà de notre côté.

— Mais son peuple n’est pas avec nous, insista Juno. Ils faisaient partie des esclaves que Kota essayait de libérer sur Cato Neimoidia. Si nous pouvons gagner le soutien des Mon Calamariens, alors nous aurons aussi leurs soldats et leurs vaisseaux. Ne vous ai-je pas entendu parler des croiseurs stellaires MC-80 à mon arrivée ? Imaginez que nous ayons les ressources de tous les chantiers navals Mon Calamariens à notre disposition ! L’Empereur ne devrait-il pas réagir et tenir compte de nous ?

Viedas hocha la tête, comme Bel Iblis.

— Il n’aurait pas le choix, reconnut le Sénateur de Corel lia.

— Il n’y a aucune garantie que le mouvement de résistance Dac se joindra un jour à notre cause, intervint Mon Mothma. Nous les avons déjà approchés plusieurs fois. Ils ne sont pas convaincus de notre sérieux.

— Les actions parlent plus fort que les mots, fit remarquer Bel Iblis.

— Je suis d’accord, dit Juno. Une frappe décisive contre l’Empire sur Dac, avec le soutien du capitaine Ackbar, les amènerait certainement à changer d’avis. C’est exactement l’opportunité dont nous avons besoin.

— Et si ça se passe mal ? demanda Mon Mothma. Si la mission échoue, comme celle de Kota, et que nous perdons Ackbar aussi ? Notre situation sera encore pire que maintenant.

Juno sentit une partie de la frustration qui avait dû bouillir en Kota depuis les débuts optimistes de l’Alliance. Elle n’avait pas peur pour elle ou pour sa carrière. C’est l’Alliance même qui était en jeu, immobilisée par des discussions et des disputes incessantes.

— Princesse, dit-elle, vous êtes bien silencieuse.

Leia leva les yeux vers elle.

— Je ne pense pas pouvoir exprimer mon opinion sans consulter mon père.

— Mais votre père a un vote décisionnel et vous le représentez, alors…

— Alors j’aimerais le consulter avant de voter, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

La fermeté de son refus prit Juno par surprise. Elle était sûre que Leia aurait la même opinion qu’elle. Après tout, c’était elle qui avait scellé l’accord sur Kashyyyk, elle qui avait choisi les armoiries de la famille de Starkiller pour représenter l’espoir dans l’avenir qu’ils avaient tous ressentis alors.

Bel Iblis semblait aussi frustré que Juno.

— Nous ne devons pas nous précipiter, Juno, dit Mon Mothma d’un ton plus serein maintenant qu’elle avait le dessus. Kota a disparu depuis un jour à peine et les menaces se rapprochent de tous côtés. Faisons nos choix avec soin. Ne soyons pas aveuglés comme l’était Kota par le rêve d’une victoire facile. Nous avons appris à nos dépens que ce ne sera jamais notre destin.

Juno savait qu’elle pensait à l’Étoile Noire, qui rôdait encore quelque part dans un état d’avancement inconnu. Ils avaient été si proches de l’Empereur et n’étaient pas parvenus à se débarrasser de lui. Si seulement ils avaient réussi ! Cette conversation n’aurait alors pas lieu d’être.

Juno se força à prononcer le seul nom qu’elle pouvait supporter de lui attribuer.

— Vous ne diriez pas ça si Starkiller était ici.

L’expression de Mon Mothma se durcit.

— Il n’est pas ici, votre argument est donc déplacé.

— Je pense que vous en avez assez dit, capitaine Eclipse, interrompit le commodore Viedas avec un zézaiement Rodien très prononcé. Laissez-nous maintenant, nous allons discuter de la suite des événements.

— Je suis prête à remettre ma démission, dit Juno en levant la main pour arracher les quatre carrés rouges de son insigne de capitaine.

La simple pensée lui fendait le cœur, mais rester là sans rien faire, à attendre, pendant qu’une occasion en or leur échappait…

— Pas si vite, dit le commodore. Nous pourrions très bien d’abord vous traduire en cour martiale.

Elle laissa retomber sa main, elle se sentait vaincue. Bien sûr, c’est ce que signifiait la suite des événements. Ajouter de la défiance n’allait pas améliorer son cas.

— Bien, commodore, dit-elle en exécutant un salut rapide. J’attends votre décision.

— Le caporal Sparks va vous conduire au mess des officiers.

La porte s’ouvrit derrière elle et elle sortit rapidement sans regarder Mon Mothma ou Leia. Garm Bel Iblis lui fit un signe d’encouragement, mais il était aussi impuissant qu’elle. Il était mis à l’écart par les autres dirigeants de l’Alliance et coincé par les réalités logistiques. Sans vaisseaux, ils ne pouvaient pas se battre ; et s’ils ne pouvaient pas se battre, ils n’obtiendraient jamais plus de vaisseaux. À ce rythme-là, la Rébellion volerait en éclats ou s’éteindrait avant qu’une nouvelle année soit passée.

Juno fut menée au mess par une jeune femme au regard vif qui semblait trop jeune pour être soldat, encore moins caporal. On montait vite en grade dans un mouvement affecté par de grosses pertes. Dans le mess, elle proposa à Juno des rafraîchissements et lui suggéra de se reposer, mais Juno déclina les deux offres. Cette dernière regarda simplement par la baie vitrée Nkllon, la planète en fusion, et son soleil ardent. Malgré le demi-mètre de transparacier, elle avait l’impression que la chaleur faisait fondre ses défenses.

Elle finit par sentir une main sur son épaule. Elle se tourna pour découvrir le commodore Viedas derrière elle.

— J’ai pensé qu’il valait mieux venir vous annoncer la nouvelle moi-même, dit-il. Je suis désolé, capitaine, mais nous vous retirons le commandement du Salvation. La rétrogradation est temporaire, le temps que la Sénatrice Mothma examine une nouvelle fois l’affaire. Cela ne durera peut-être pas plus d’un jour ou deux. Vous avez toutes les deux besoin de prendre du recul. J’espère que vous comprenez.

Elle ravala sa déception et son envie de discuter. Viedas faisait de son mieux pour lui expliquer la décision, ce qu’il n’était absolument pas obligé de faire.

— Oui, commodore, je comprends.

— Entretemps, la Princesse vous fait parvenir ceci, ajouta-t-il en tapotant la tête d’un droïde astromech bleu et blanc qu’elle n’avait pas remarqué à ses côtés. Elle espère que vous en ferez bon usage.

— Je vous demande pardon, commodore ?

— Elle a cru comprendre qu’un de vos droïdes était défectueux. On le sort du Salvation en ce moment même. Le caporal va vous conduire à une salle de maintenance mise à votre disposition : vous avez juste le temps de réparer votre droïde et je vous suggère de vous y mettre au plus vite.

Sur ce, il s’en alla. Juno le regarda partir, les sourcils froncés. En quoi est-ce que l’état de son droïde le concernait ? Et pourquoi la Princesse s’en souciait-elle ?

— Je me demande si je ne suis pas en train de rêver, se dit-elle.

L’unité R2 marmonna quelque chose d’électronique qu’elle ne saisit pas. Cela ne l’aidait en rien.

— Par ici, dit le caporal jovial qui avait réapparu à ses côtés.

— Après vous, répondit Juno.

Le R2 chemina patiemment dans leur sillage.

Quand elle arriva dans l’atelier privé, PROXY l’attendait déjà, étendu sur une table d’examen. Sa silhouette squelettique familière était cabossée. On y distinguait les traces d’innombrables réparations hâtives et de soudures réalisées sur le terrain. Ses yeux jaunes étaient toujours éteints, comme depuis plusieurs mois. Sa simple vue suffit à mettre Juno mal à l’aise pour des raisons quelle avait du mal à exprimer, et à comprendre. Elle aurait tout de même dû s’être remise depuis longtemps.

— Mettons-le en marche, dit-elle à l’unité R2 quand le caporal fut parti, et voyons ce que tu peux faire.

Elle s’apprêtait à plonger la main dans les entrailles de PROXY pour réactiver son alimentation électrique mais, au lieu de venir l’aider, l’unité R2 recula et projeta un hologramme sur le sol.

— Excusez-moi pour cette supercherie, Juno, dit une version miniature de la Princesse Leia.

L’enregistrement était récent : la Princesse portait les mêmes vêtements que lors de son entretien avec Juno. Seul l’arrière-plan était différent.

— J’espère que vous me pardonnerez de ne pas avoir pris votre défense tout à l’heure. Je ne peux pas parler librement, même si je sais que mon père souhaiterait que je le fasse. Pendant qu’il se cache, il est de ma responsabilité de maintenir l’Alliance et je sais que vous comprenez à quel point ce travail est difficile. Mon Mothma est mon amie et mon professeur, et je ne peux pas la défier ouvertement alors que nous savons tous que ce qu’elle dit est au moins en partie vrai. Nous devons agir avec prudence. Mais, en même temps, nous devons agir avec résolution. Aucun accord n’est possible : il vaut donc mieux qu’elle ne sache pas ce que vous vous apprêtez à faire.

Juno s’agenouilla devant l’hologramme, sentant se rallumer au fond d’elle-même une faible lueur d’espoir.

— R2-D2 fera ce qu’il peut pour votre droïde, poursuivit la Princesse. Vous aurez besoin d’aide pour convaincre les Mon Calamariens et les Quarrens de rejoindre notre cause, même avec Ackbar de notre côté. Je me suis arrangée pour qu’un agent de la famille Organa vous rencontre, vous et PROXY, sur la lune de Dac et organise le rendez-vous. Mais je ne peux rien faire de plus pour vous, je le crains. À partir de là, c’est à vous de jouer.

Elle sourit.

— Je vous souhaiterais bien bonne chance, Juno, mais j’espère que vous n’en aurez pas besoin.

Là-dessus, l’enregistrement se termina et recommença au début.

— Ça suffit, dit Juno à l’unité R2.

Elle s’assit pour réfléchir.

Leia voulait qu’elle amène les Mon Calamariens à rejoindre l’Alliance sans que Mon Mothma l’apprenne. Garm Bel Iblis était-il au courant ? Probablement pas puisqu’il se trouvait dans un autre coin de la galaxie et que même les transmissions privées pouvaient être interceptées. Mais le commodore Viedas devait faire partie du plan. C’est lui qui décidait comment les membres de son groupe d’attaque étaient punis – dans le cas de Juno, en la relevant de ses fonctions de commandement – et c’était lui qui avait fait apporter le droïde. Il faisait donc partie des conspirateurs qui avaient décidé d’offrir à Juno l’occasion et les moyens d’entreprendre sa mission.

Pourtant, sans le Salvation, elle se demandait ce qu’elle pouvait accomplir dans la bataille contre l’Empire.

Elle se reprocha sa couardise. Que ne pouvait-elle accomplir maintenant qu’elle était débarrassée du lourd poids des responsabilités qui pesaient sur elle ? Kota était passé maître dans ce genre de missions, il s’appuyait sur de petites équipes militaires triées sur le volet pour des coups rapides qui visaient des résultats bien ciblés. S’il avait réussi, elle y parviendrait aussi.

— Bonjour Juno, dit une voix familière en provenance de la table. Tu n’imagines pas comme je suis soulagé de te revoir.

Elle se prépara avant de regarder PROXY, mais elle eut tout de même un choc.

L’homme qui était assis sur la table était une réplique exacte de Starkiller. De lui. De l’homme qu’elle avait aimé, qui était mort, désormais. Il était recréé dans les moindres détails par le droïde qui l’avait servi.

— R2-D2, c’est cela ?

Le droïde finit un bip joyeux.

— Vois ce que tu peux faire pour réparer les circuits holographiques défectueux de ce droïde, ordonna-t-elle. Sa programmation primaire a disparu aussi mais ça n’a pas d’importance si tu peux réparer le reste. Son état s’aggrave depuis que nous l’avons retrouvé sur Corellia.

— Merci, dit la réplique de Starkiller quand l’unité R2 se mit au travail.

Il affichait le même uniforme de Jedi que le vrai Starkiller portait pendant l’attaque de l’Étoile de la Mort.

— Je suis conscient que je vous cause du désarroi. J’aimerais vous servir à nouveau, comme le souhaitait mon maître.

— Arrête, dit-elle en levant une main. Arrête !

Elle se détourna.

— Bien, capitaine Eclipse.

Elle retint sa respiration pendant que le petit droïde travaillait. Le crépitement de l’arc électrique rendait toute conversation impossible.