CHAPITRE 13

Starkiller venait juste de stabiliser le Rogue Shadow quand la première des alarmes se déclencha. Il regarda l’attaque initiale se dérouler depuis le pont. Kota était dans son dos.

Starkiller ne savait pas ce que Kota « voyait » exactement à l’aide de ses sens augmentés. Mais il suivait, c’était l’essentiel.

— Les astéroïdes, dit Starkiller en examinant rapidement l’espace environnant. C’est là qu’ils se cachaient.

— Ils devaient se tenir en embuscade depuis l’arrivée de la flotte.

La main droite de Kota était posée sur la poignée de son sabre laser.

— Qu’est-ce qui les a fait sortir de leur cachette ? demanda-t-il à haute voix.

Il n’y avait qu’une seule réponse possible.

— Moi, dit Starkiller. C’est un des chasseurs de primes de Vador. Il a découvert où la flotte devait se réunir et, au lieu de les livrer à la Marine Impériale, il a attendu ici que j’apparaisse. Maintenant, il met son piège en action.

— Nous devrions nous en aller, dit Kota. Lui glisser entre les doigts.

Starkiller secoua la tête, tandis que sur l’écran devant lui un petit bombardier d’assaut était déchiré en deux.

— Je dois aller chercher Juno avant qu’elle ne soit blessée.

— Même si cela signifie te mettre en danger ?

— Notre ami chasseur de primes va découvrir que son piège est à double sens.

Starkiller vérifia la disposition des vaisseaux attaquants. Comme il s’y attendait, ils se dirigeaient vers le Salvation maintenant que le Rogue Shadow était amarré à son flanc. L’un des plus gros vaisseaux accélérait pour lui rentrer dedans. Si la manœuvre réussissait, cela donnerait aux assaillants un accès aisé à la frégate.

Autour d’eux, la flotte se dispersait, protégeant les vaisseaux qui pouvaient encore être sauvés avant que les Impériaux ne débarquent en nombre. Seuls Kota et Starkiller savaient qu’aucun autre vaisseau n’allait arriver.

— Votre nouvelle escouade ne devrait pas être loin, dit Starkiller à Kota. Appelez-les par comlink quand ils seront à portée. Ils pourront poursuivre la bataille dehors pendant que nous allons chercher Juno. Venez !

Il courut sur le pont et traversa le sas de décompression.

Au même moment, la frégate fut secouée par un énorme impact, sans doute causé par le vaisseau qui heurtait la coque. Starkiller s’agrippa pour encaisser le choc. Il estima que la collision s’était produite dans la moitié avant du vaisseau. Si la manœuvre d’abordage avait réussi, cela signifiait qu’il y aurait des ennemis entre le pont du Salvation et eux. L’espace d’un instant, il fut envahi d’un sentiment de culpabilité. Tandis qu’ils approchaient du vaisseau de Juno, Kota et lui auraient largement eu le temps de la prévenir que quelque chose allait se produire, mais ils n’avaient pas saisi l’occasion. Ils avaient peut-être, sans le vouloir, aidé la vision de Starkiller à se réaliser.

Le sentiment ne dura pas. Le futur était toujours en mouvement. Si la volonté seule ne pouvait le changer, alors la force y parviendrait.

Le pont se stabilisa sous ses pieds. Il alluma ses deux sabres laser – ils brillaient maintenant d’un bleu ardent, comme sur Dagobah – et sauta dans le Salvation par le tunnel d’amarrage. Les lumières s’allumaient puis s’éteignaient soudain, les couloirs passaient du noir au rouge, créant un paysage crépusculaire empli de fumée et d’étincelles. Des silhouettes se mouvaient devant eux mais il était impossible pour le moment de savoir qui était qui. Kota bondit en avant, entièrement guidé par la Force : le manque de lumière et les distractions visuelles ne le gênaient pas. Starkiller le couvrait, content qu’il prenne les devants. Sa concentration n’était pas uniquement affectée par le manque de lumière. Être si proche de Juno tout en étant séparé d’elle était un distracteur permanent. Jusqu’à ce qu’ils soient dans la même pièce – ou mieux encore, dans les bras l’un de l’autre – il resterait nerveux.

Les silhouettes qu’il avait aperçues au bout du corridor appartenaient à des soldats de l’Alliance. Embusqués dans un coin, ils tiraient sur un trio de stormtroopers Impériaux qui avaient dressé une barricade à un carrefour important. Le vent soufflait autour d’eux : les boucliers et les systèmes d’autoréparation n’avaient visiblement pas réussi à sceller la brèche ouverte par le vaisseau bélier. Des flocons de cendre et de suie formaient des tourbillons tandis que Kota courait courageusement vers la barricade, renvoyant les tirs vers ceux qui les avaient tirés. Des stormtroopers s’effondraient en battant des bras. Starkiller fit signe aux soldats de l’Alliance de sécuriser la position tandis que le général et lui poursuivaient leur progression jusqu’à la passerelle.

Ils passèrent devant l’infirmerie, où des médecins soignaient les membres d’équipage blessés au cours des premières frappes. La salle elle-même avait été touchée, elle ressemblait désormais à un hôpital de campagne chaotique. Jonchée de corps, elle ne ressemblait plus à un environnement stérile. Starkiller était sûr que l’infirmerie avait été visée délibérément. L’équipage du vaisseau comptait plus de mille personnes, et plus les attaquants parvenaient à en mettre hors d’état, mieux ils se portaient.

Des explosions retentirent dans les principaux tunnels d’accès qui menaient aux compartiments avant. Starkiller et Kota foncèrent dans cette direction, ignorant les trams qui passaient de temps en temps en sifflant au-dessus de leur tête. Ils étaient trop vulnérables au sabotage et aux embuscades pour qu’on les emprunte. Il valait mieux courir, pensait Starkiller. Ce qu’il perdait en vitesse, il le gagnait en certitude d’atteindre son but. Rien ne l’empêcherait de rejoindre la passerelle et de retrouver Juno.

Ils arrivèrent à l’endroit où le vaisseau-bélier s’était encastré. Il n’était pas gardé. De toute évidence, les stormtroopers avaient un autre moyen de quitter le vaisseau ou espéraient prendre le contrôle de la frégate pour la piloter. Ce n’était pas le plus urgent : une piste noircie quittait les lieux, traversant les murs et les portes blindées en ligne droite à travers le vaisseau. Elle était jonchée de Rebelles morts, étalés ou avachis là où ils étaient tombés. Il y en avait beaucoup. Trop.

— C’est Juno qui a entraîné cette équipe ? demanda Starkiller à Kota.

— Oui.

— Ils savent se battre, alors. Ça veut dire qu’ils n’affrontent pas des troopers ordinaires.

Starkiller se pencha sur un sergent abattu qui s’accrochait péniblement à la vie.

— Qui vous a attaqués ? Ou qu’est-ce qui vous a attaqués ?

— Surgis de nulle part, parvint à articuler le sergent. Invisibles.

— Des stormtroopers ?

Mais le Rebelle venait de prononcer sa dernière parole. Sa tête retomba sur le pont et Starkiller lui ferma les yeux à tout jamais.

— Des systèmes de camouflage, dit Kota. Quelque chose de nouveau. Garde tous tes sens en alerte.

Starkiller hocha la tête, reconnaissant que cette situation offrait une nouvelle fois l’avantage à Kota et à sa vision particulière, qui se passait des yeux. Ils se hâtèrent de traverser le vaisseau, les sabres laser dressés. Starkiller se souvint d’une de ses sessions d’entraînement au cours de laquelle Dark Vador lui avait placé un casque antichoc sur les yeux et l’avait enfermé dans une cage en compagnie d’un trio de Rasps affamés et hurlants. Les oiseaux, rendus fous par la faim, l’avaient picoré et mordu jusqu’à ce que, poussé par la nécessité, il apprenne à écouter ce que lui dictait son instinct, les yeux bandés. Pas un oiseau n’avait survécu.

À part les soldats qui déblayaient les débris et soignaient les blessés, le chemin semblait dégagé. Néanmoins, mieux valait se montrer prudent. De nouvelles explosions se produisirent sur les ponts devant eux et sur les ponts inférieurs. La direction qu’elles prenaient devenait moins horizontale, plus verticale, comme ils atteignaient le nez pentu du vaisseau. Ils se passèrent d’ascenseur et descendirent dans les sombres cages par leurs propres moyens. Des câbles sectionnés serpentaient autour d’eux tandis qu’ils sautaient d’un niveau à l’autre. La passerelle se rapprochait rapidement.

Des tirs de blasters fondirent sur eux depuis une embrasure béante. Les envahisseurs avaient fait exploser les portes de l’ascenseur et deux stormtroopers montaient la garde pour s’assurer que personne n’arrivait en renfort. Starkiller et Kota se débarrassèrent d’eux rapidement, le premier fut abattu par son propre tir, tandis que le deuxième fut tranché en deux par un coup de sabre. Immédiatement, des tirs provinrent du niveau juste en dessous. Et cette fois, les adversaires n’étaient pas visibles.

Kota se tint au-dessus des troopers abattus et pointa son arme vers la pénombre. Starkiller ne voyait rien mais il invoqua tout le pouvoir de la Force dans ses mains et fit exploser l’air vide. Des éclairs bleus eurent rapidement raison du système de camouflage du trooper qui se cachait là. Il se tortilla en projetant des étincelles jusqu’à ce que Starkiller le libère en le précipitant dans les profondeurs. À partir de là, ils redoublèrent de prudence. Le bruit des tirs de blasters se répercutait autour d’eux mais aucun ne les visait. La bataille se déroulait principalement au niveau inférieur.

Starkiller brûlait d’envie de savoir ce qui se passait au dehors mais il n’osait pas interrompre sa concentration pour vérifier.

Trois troopers invisibles gardaient l’entrée de la passerelle. Il les fit exploser pour déblayer le passage, ne leur laissant pas la moindre chance de se défendre. Quatre autres étaient de faction sur la passerelle même. Les lumières d’urgence et la fumée rendaient les détails difficiles à discerner mais on aurait dit que les portes derrière les troopers avaient explosé. Starkiller courut en avant. S’il était trop tard… s’ils avaient…

Kota se posta devant lui et le retint d’une main posée sur la poitrine.

— Qu’est-ce que vous faites ? gronda Starkiller tout en essayant de trouver une ligne d’approche dégagée.

— Calme-toi, mon garçon, lui dit le général. Bas-toi sans haine ou tu perdras la guerre.

Starkiller prit le conseil à cœur. Il reconnaissait les sentiments qui montaient en lui et il savait où ils pouvaient mener. Il n’était plus le serviteur de Dark Vador. Il n’était pas un instrument du Côté Obscur. Il ne voulait pas retrouver Juno et se faire rejeter parce qu’il était un monstre. Il devait se calmer, se recentrer, pour courir avec sûreté dans n’importe quelle direction sauf à sa perte.

Cela ne le ralentit que d’une seconde à peine. Les quatre troopers s’effondrèrent avec des étincelles et des gémissements, il franchit les portes détruites et déboucha sur la passerelle.

Une épaisse fumée camouflait le carnage mais l’odeur ne laissait pas le moindre doute. Un feu brûlait et personne ne s’en préoccupait. Starkiller éteignit les flammes d’un balayage de la Force et détourna la fumée noire et acre vers le corridor extérieur. Le vent surnaturel gémit, comme un écho de la tension qu’il ressentait dans son cœur.

Il y avait des cadavres partout, la plupart en uniformes de Rebelles. Il les enjamba un à un, cherchant leurs visages, les retournant quand ils gisaient face contre le sol. Là : l’officier à tête de chien tué dans sa vision.

Pas de trace de PROXY.

Là, gisant dans un bain de sang rouge foncé : Juno.

Il courut à ses côtés, retenant un cri qui gonflait dans sa poitrine. Trop tard ! Il était arrivé trop tard ! L’attaque s’était déroulée exactement comme il l’avait vue et maintenant la troisième vision était sur le point de devenir réalité. Il allait tenir le corps de Juno dans ses bras et…

— Mon garçon, le mit en garde Kota.

Le vaisseau tremblait, en écho à sa détresse. Starkiller essaya de maîtriser ses sentiments mais ils étaient trop puissants. Si elle mourait, quelle raison avait-il de vivre ?

Juno ouvrit les yeux.

Il tomba en arrière de surprise. Elle le regarda et essaya de lever la tête. C’est seulement alors qu’il remarqua que ni elle ni son uniforme ne portaient la moindre égratignure. Le sang dans lequel elle était couchée appartenait à quelqu’un d’autre.

— Maître ?

Des étincelles surgirent d’une fente dans sa peau et, soudain, l’illusion disparut.

— PROXY !

— Oui, Maître. Je…

Le droïde se tenait la tête comme s’il avait mal. Un de ses yeux était éteint et un gros trou traversait sa poitrine. Son bras gauche manquait à partir du coude.

— On m’avait dit que vous étiez mort. Capitaine Eclipse aussi. Je pense qu’elle sera extrêmement surprise de vous revoir.

— Elle est vivante ?

Starkiller saisit PROXY par ses étroites épaules de métal.

— Où est-elle ? Dis-moi où elle est !

Les entrailles du droïde grincèrent comme les rouages d’une machine remplie de sable. Son image vacilla et changea à nouveau. Il prit l’apparence d’un homme avec une armure verte et une visière en forme de T. Son bras droit se leva pour indiquer l’entrée de la passerelle.

— Les Impériaux l’ont emmenée sur le pont sept, dit-il en reprenant sa véritable forme.

Son bras s’abattit sur le sol avec un bruit métallique.

— Elle est blessée.

Starkiller regarda le droïde, abasourdi et inquiet. L’armure verte correspondait au chasseur de primes qu’il avait vu parler à Dark Vador sur Kamino dans sa vision. Il avait accepté de capturer le clone disparu. Mais à quoi jouait-il ? Pourquoi envahir un vaisseau, détruire sa structure de commandement et ne pas s’en emparer ? Pourquoi gardait-il le capitaine du vaisseau, Juno, en vie ?

Parce qu’elle était plus qu’un capitaine.

Elle était un appât.

Il se releva, empli d’une détermination noire et terrible.

— Ordonnez l’attaque sur Kamino, général, dit-il en se dirigeant vers la sortie.

Kota regarda autour de lui, un peu perdu.

— Mais l’équipage…

— Votre escouade peut piloter ce vaisseau. Informez le reste de la flotte. Nous devons faire comprendre à Dark Vador que nous sommes déterminés.

— D’accord mais… ?

— Le pont sept, c’est la cale. Si je me dépêche, je peux encore leur couper la route.

Starkiller alluma ses deux sabres laser et courut dans la fumée.