PROLOGUE
 
Cato Neimoidia

Debout les mains derrière le dos, Juno Eclipse observait la planète Cato Neimoidia. Depuis le pont du Salvation, le vert brillant des forêts denses ressortait sur l’interminable fond noir parsemé d’étoiles. Cela lui rappela les autres planètes forestières quelle avait visitées au cours de sa carrière de pilote Impériale.

Callos avait été la première. C’est là quelle avait obéi aux ordres qui avaient décimé toute la biosphère de la planète.

Felucia avait été la suivante et elle l’avait laissée, elle aussi, empoisonnée dans son sillage.

Kashyyyk, la dernière, celle dont elle avait le plus de mal à se souvenir, n’avait pas été endommagée. En réalité, les chances de survie de ses forêts s’étaient considérablement améliorées suite à la destruction de la station orbitale qui menaçait de transformer tous les Wookiees en esclaves et d’intégrer à tout jamais la planète dans l’Empire. Les résolutions prises dans les ruines d’une hutte, au cœur de la jungle, où une poignée de personnes avaient juré de se rebeller contre l’Empereur et de libérer les milliards de milliards d’individus de la galaxie, allaient y contribuer. Avec un peu de chance, les forêts de Kashyyyk survivraient mais Juno s’était demandé comment elle-même pourrait s’en sortir. La douleur qu’elle avait ressentie était trop grande, le sentiment de perte trop profond. Tout lui rappelait cette part d’elle-même qui s’était réveillée sans prévenir, avant de mourir pour de bon. Son cœur battait avec une lourdeur qui n’était pas là avant – pas même quand elle avait été retenue prisonnière pendant des mois à bord de l’Empirique et qu’elle s’attendait à être exécutée à tout moment.

Parfois, elle se réveillait la nuit et elle sentait encore ses lèvres contre les siennes. Ils ne s’étaient embrassés qu’une fois mais le souvenir était gravé dans sa mémoire. Il était mort et elle continuait à vivre. Une année entière s’était écoulée avant qu’elle ne sente qu’elle pourrait s’en remettre. Alors pourquoi laissait-elle des arbres la perturber à présent ?

Elle se ressaisit. Juno Eclipse avait d’autres chats à fouetter.

— Excusez-moi, capitaine, aboya une voix à ses côtés. Nos droïdes-sondes ont détecté une perturbation atmosphérique à proximité de la cible.

Elle détourna son regard du panorama pour faire face à son commandant en second, un Bothan.

— Quel genre de perturbation, Nitram ?

— Des explosions.

— Montrez-moi.

L’écran circulaire situé au centre de la passerelle de commandement zooma sur la ville la plus proche de la forteresse Impériale. Des écrans secondaires affichaient des images infrarouges transmises en code crypté par des droïdes au sol. La ville-pont pendait comme un immense hamac urbain accroché à un arc rocheux. Plusieurs câbles de soutien rougeoyaient. L’un d’eux était en feu.

— Ça ressemble à une insurrection locale, rien de plus, dit-elle. Si ça nous permet de ne pas avoir le Baron Tarko sur le dos, tant mieux.

— Euh, bien, capitaine.

Nitram s’éclaircit la gorge. Juno étudia son visage allongé.

— Dites-moi ce que vous avez sur le cœur. C’est un ordre.

— Eh bien, nous avons relevé des températures inhabituelles juste avant les explosions. Vous pouvez les voir ici et ici, dit-il en indiquant un enregistrement effectué une heure plus tôt.

— Ça ressemble à la fumée d’un vaisseau.

— Mais alors, où est le vaisseau ? demanda Juno Eclipse. Je ne le vois pas.

— C’est exactement ce que je veux dire, capitaine.

Il regarda la passerelle autour de lui puis s’approcha pour chuchoter.

— Je pense qu’il pourrait s’agir du général Kota.

Juno ne savait si elle devait être irritée ou amusée. Nitram était un jeune officier mais il était doué : il avait découvert le véritable but de leur mission avec une rapidité étonnante et, à vrai dire, gênante. Heureusement, grâce à ses maîtres Impériaux, Juno avait appris très tôt à cacher ses émotions.

— Vous avez entendu trop d’histoires, Nitram, dit-elle en faisant disparaître les écrans compromettants. J’ignore où se trouve Kota, mais il ne rôde certainement pas ici avec nous.

C’était un mensonge, bien entendu : elle aurait reconnu la signature du Rogue Shadow n’importe où, même s’il avait été entièrement camouflé.

— Bien, capitaine.

Nitram était bien obligé de la croire. Après tout, elle était son supérieur. Mais cela ne signifiait pas que les choses devaient s’arrêter là.

— Donnez l’alerte. Je veux que douze chasseurs bombardent la ville dans cinq minutes. Profitons-en pour agir tant que le Baron est occupé.

Nitram salua.

— Bien, capitaine.

Il tourna rapidement les talons et lança une série d’ordres.

Juno regarda à nouveau le hublot, dissimulant un sourire. La frégate EF76 Nébulon-B Salvation était un atout de taille dans la flotte de l’Alliance, dont les rangs grandissaient. Juno n’avait pas l’intention de mettre son équipage inexpérimenté en danger. Mais il s’agissait d’un vol d’entraînement et, à ses yeux, le feu de l’action était la meilleure des écoles. De toute façon, elle était persuadée que le tristement célèbre Baron Tarko aurait bientôt d’autres soucis en tête que les jeunes soldats du Salvation.

Des sirènes retentirent dans le vaisseau. Des pieds martelèrent le sol. Une douzaine d’Ailes-Y décollèrent avec une série de vrombissements distants et, oscillant à peine dans le paysage étoilé, se groupèrent en deux formations de six vaisseaux pour filer dans l’atmosphère.

— Sortez le vaisseau, ordonna-t-elle à Nitram. Cela ne sert plus à rien de nous cacher maintenant.

Les sept turbines ioniques du Salvation se mirent en marche, projetant la frégate hors de son refuge, derrière la plus petite lune du système planétaire. Le générateur de bouclier fonctionnait à plein régime, prêt à réagir à tout moment. Au sol, les installations du Baron n’étaient pas solidement protégées. Il s’agissait d’une usine de traitement d’esclaves et de quelques bâtiments auxiliaires, parmi lesquels des baraquements, des batteries de canons laser et des plateformes de lancement de chasseurs TIE, en suspension sous la ville-pont et au-dessus d’un énorme gouffre. Un ballet incessant de transports allait et venait pour redistribuer les prisonniers de l’Empire. Les renseignements assuraient que des officiers de l’Empire haut placés arrosaient le Baron de pots-de-vin pour obtenir le meilleur « stock ». De son côté, le Baron vendait ses excédents aux Hutts et à d’autres criminels. Personne ne savait exactement ce qu’il faisait de sa fortune. Mais on imaginait sans peine les souffrances dont il était responsable. Si quelqu’un avait pu mettre fin à son régime brutal, la galaxie entière lui aurait été reconnaissante.

Mais ce n’était pas la mission du Salvation. Les ordres de Juno étaient stricts : provoquer les défenses du Baron pour évaluer leur force, préparer son jeune équipage à la bataille et ne risquer, sous aucun prétexte d’endommager le vaisseau. La position officielle de la Rébellion stipulait que les ressources étaient plus précieuses que de petites victoires – du moins pour le moment. Quand la flotte serait suffisamment fournie et que les moyens d’approvisionnement seraient plus surs, alors la bataille pourrait vraiment commencer.

Mais tout le monde n’était pas d’accord avec cette consigne officielle. Certains pensaient que la bataille avait déjà commencé et pouvait être menée par une petite force aussi bien que par une grande, qui serait bien plus difficile à défendre.

Pour ceux-là, en éliminant une cible bien pensée, on pouvait perturber des systèmes stellaires entiers. De même qu’une seule pierre suffit à créer des vagues sur la surface entière d’un étang, toutes les installations Impériales et les processus qui dépendaient du travail des esclaves seraient ralentis par une attaque victorieuse sur Cato Neimoidia.

Juno avait déjà entendu cet argument des milliers de fois. Elle savait que les actions d’une seule personne pouvaient entraîner des conséquences gigantesques. La toute jeune Alliance Rebelle n’aurait sans doute même pas vu le jour sans lui.

Elle secoua la tête, mécontente de s’être laissée à nouveau distraire. Kota avait besoin d’elle. Elle ne le laisserait pas tomber.

La nouvelle de la présence de la frégate se répandait rapidement parmi les transports en orbite autour de l’usine. Beaucoup disparaissaient dans l’hyperespace, emportant les esclaves avec eux. D’autres quittaient l’orbite et entamaient leur descente vers la planète. Les chasseurs de la frégate slalomaient entre eux, accentuant le chaos des voies aériennes. Des points rouges sur l’écran de contrôle signalaient le lancement d’une escouade de défense TIE : dix vaisseaux, comme prévu. Des canons laser pivotèrent pour suivre l’escadron Rebelle.

Juno prêta une oreille distraite à la conversation du pilote principal tandis qu’elle supervisait la façon dont Nitram gérait l’équipe.

— Attention à cette tour. Vert Six.

— Dans votre sillage, Bleu Quatre.

— Armez vos turbolasers. Visez ces canons.

— Tenez bon. Vert Deux. Tenez bon !

— Feu à volonté.

Le Salvation fut secoué tandis que ses puissants lasers lâchaient leur énergie mortelle sur la planète. Juno sentit une légère fierté l’envahir. Les membres de son équipage étaient nerveux, survoltés et même effrayés : ils se comportaient exactement comme elle l’attendait. Cato Neimoidia n’était peut-être qu’un avant-poste mais la planète était connectée à l’Empire dans son ensemble. S’ils s’attardaient trop longtemps, tout le poids de l’ennemi s’abattrait sur eux. Il fallait agir rapidement, sous peine de ne plus pouvoir repartir. Les turbolasers ratèrent leur cible mais quelqu’un d’autre tira dans le mille. Les canons laser au sol volèrent en éclats, réduits en miettes par un feu inconnu.

Juno remercia mentalement Kota et sa milice invisible. Elle se prépara à entendre Nitram lui annoncer fièrement que sa théorie était confirmée. Kota était bel et bien actif dans la galaxie, il frappait fort et vite, désobéissant aux ordres directs des dirigeants de l’Alliance. Ils ne pouvaient pas l’arrêter et ils avaient de nombreuses raisons de lui être reconnaissant. Le Baron Tarko regretterait bientôt d’avoir attiré son attention.

Mais, au lieu de jubiler, Nitram dit d’un ton inquiet :

— Dix TIE de plus !

— Ce n’est pas possible, dit Juno en se penchant plus près pour vérifier les données.

Hélas, c’était bien vrai. Les renseignements avaient mal évalué la force de la flotte de défense. Pire encore, les chasseurs TIE se dirigeaient sur eux.

— Faites décoller toutes les Ailes-Y restantes. Et mettez quelqu’un d’autre au contrôle du turbolaser. Je veux que le toit de ces baraquements soit en flammes d’ici deux minutes, même s’il faut que j’aille moi-même appuyer sur le bouton.

— Bien, capitaine !

L’énergie de l’équipage monta d’un cran. Il n’était plus question de se retenir par nervosité ou par incertitude. L’information se répandit dans le vaisseau comme un gaz invisible. Dans quelques instants tout au plus, ils seraient sous le feu d’une attaque et ils étaient bien conscients des points faibles de la frégate. Elle était bien armée et bien protégée pour un vaisseau de cette taille, mais l’étroit conduit qui reliait les quartiers d’ingénierie et les quartiers de l’équipage pouvaient être détruits par un feu ennemi concentré. Si cela arrivait, l’atmosphère s’en irait immédiatement, tuant tout le monde à bord.

Les turbolasers tirèrent à nouveau. Les cibles au sol éclatèrent en boules de feu brillantes. Juno aperçut le Rogue Shadow camouflé qui plongeait et slalomait entre les chasseurs TIE. On aurait dit que le général cherchait un endroit où se poser. Une fois qu’il aurait atterri avec ses commandos, le vaisseau pourrait immédiatement s’éloigner en lieu sûr et attendre le signal pour venir les chercher lorsque la mission serait terminée.

Juno n’avait plus piloté le Rogue Shadow depuis les événements sur l’Etoile Noire, mais elle connaissait encore ses caractéristiques par cœur. Mieux que celles du Salvation, d’ailleurs. Ici, elle n’était que commandant.

À bord du Rogue Shadow, elle avait été capitaine et membre d’équipage. C’était une différence importante.

Les chasseurs stellaires Rebelles et Impériaux s’affrontèrent à mi-chemin entre la frégate et la planète. Les armes d’énergie crépitèrent et rebondirent.

Les écrans étaient chargés de lumières. Juno aurait aimé être là avec les pilotes à respirer l’air âcre du cockpit, les pouces fatigués à force d’appuyer sur la manette de tir. Son cœur se mit à battre plus fort en pensant à eux mais elle se rappela ses nouvelles fonctions. Combattre depuis un chasseur stellaire rendait la lâche plus simple mais certainement pas meilleure. Ce qui comptait, c’était la vision d’ensemble. Gagner la guerre, pas la bataille.

Dans ce sens, elle comprenait ceux qui s’opposaient à la façon de penser de Kota. Y aller trop fort et trop vite était le meilleur moyen de se faire encercler et éliminer pour de bon. La prudence n’était pas inutile. C’est pour cette raison qu’elle l’avait discrètement aidé, autant pour le surveiller que pour le protéger. Quelqu’un devait s’assurer qu’il ne disparaissait pas dans la nature, comme cela lui était déjà arrivé. La Rébellion avait besoin de lui.

Elle fronça les sourcils en pensant aux conséquences de la campagne menée par Kota. Qu’est-ce qui pouvait lui prendre tout ce temps ? Le Rogue Shadow aurait dû emprunter le chemin du retour depuis longtemps.

— Nitram, concentrez les tirs sur les batteries de canons là et là.

Elle indiqua deux endroits près des baraquements. Les tirs qui provenaient de ces emplacements étaient de loin supérieurs à la puissance de feu indiquée par les renseignements. C’était peut-être ça le problème.

— Bien, capitaine.

Les chasseurs stellaires Rebelles changèrent de cap pour attaquer les cibles. Les échanges de tirs s’intensifièrent.

Juno examina les données de plus près, cette différence entre les renseignements obtenus de sources Impériales et ce qu’elle avait sous les yeux la tracassait.

— Rapprochez les droïdes-sondes des baraquements. Il y a quelque chose qui cloche.

Le vaisseau manœuvra tout en finesse en orbite et le matériel d’espionnage se déplaça discrètement au sol. Juno attendait que les données lui parviennent. De loin, les installations Impériales semblaient parfaitement normales : un spatioport, des générateurs de bouclier, une enceinte de sécurité, et ainsi de suite, comme sur n’importe quelle planète occupée. Mais les défenses étaient bien supérieures et le spatioport était encombré. Pourquoi tant de vaisseaux étaient-ils posés sur un territoire commercial quand il y avait tant d’espace dans l’enceinte des esclaves ? Et, surtout, pourquoi les données Impériales sur Cato Neimoidia étaient-elles si différentes de la réalité ?

Elle ne pouvait déduire grand-chose en examinant les données, elle porta donc son attention vers l’étendue galactique qui les entourait. Pas de trace de renforts Impériaux.

— Pourquoi le Baron n’a-t-il pas encore demandé de l’aide ? demanda-t-elle à Nitram.

— Je ne sais pas, capitaine. Nous surveillons les signaux de près.

Elle appuya sa tête sur sa main et se mit à réfléchir. La flotte Impériale ne tarderait pas à arriver, que le Baron Tarko l’appelle ou non. Il suffisait qu’un transport en fuite ait donné l’alerte pour que la botte de l’Empereur vienne écraser les Rebelles. Comme les adversaires semblaient à armes égales avec eux et que Kota traînait les pieds, elle aurait dû donner l’ordre de battre en retraite plutôt que mettre le Salvation en danger.

— Passez-moi le com, ordonna-t-elle. Et n’écoutez pas.

Les oreilles de Nitram se dressèrent puis s’aplatirent sur son crâne.

— Comme vous voulez, capitaine.

Elle sélectionna un canal peu utilisé.

— Dame Noire à Garde Noir. Répondez, s’il vous plaît.

La ligne crépita pendant un moment puis la voix bourrue de Kota se fit entendre.

— J’ai pas le temps de parler.

— Pas de chance. La manœuvre prend trop de temps. Vous devez vous replier.

— Négatif, Dame Noire. Partez si vous voulez, mais je reste pour terminer le boulot.

Elle ignora le reproche insinué par ces paroles.

— Comment ? Vous ne vous rapprocherez jamais assez près des baraquements pour atteindre le Baron Tarko. La défense est trop forte.

— Ce ne sont pas des baraquements, rétorqua-t-il.

— Alors, qu’est-ce que c’est ?

— Je ne sais pas mais ce ne sera plus rien quand j’…

Le signal de Kota disparut en crépitant au moment même où une vive lueur illuminait le sol. Deux droïdes-sondes s’éteignirent. La signature de chaleur du Rogue Shadow disparut dans une boule de feu en expansion. Quelqu’un avait lâché quelque chose de gros sur Cato Neimoidia, qui avait éliminé plusieurs chasseurs stellaires Rebelles et Impériaux en même temps. Des flammes léchaient les murs de l’enceinte Impériale, leur donnant une couleur rouge brillante.

Les crépitements du com s’intensifièrent.

— Répondez, Garde Noir. Ici Dame Noire. Avez-vous besoin d’aide là-dessous ?

Rien.

Juno essaya encore tout en s’efforçant de garder son calme. Nitram l’observait.

— Garde Noir à Dame Noire. Répondez immédiatement !

Toujours rien. Le pont était silencieux.

Elle resta là, glacée. Une question la taraudait : qu’aurait fait à sa place l’homme qu’elle aimait ?

Elle connaissait la réponse. Il aurait fait tout ce qui était en son pouvoir pour sauver son ami le Maître Jedi. Il se serait battu de toutes ses forces avec l’énergie du désespoir. Il n’aurait rien laissé entraver sa route. Mais elle n’était pas lui. Elle n’avait pas ses pouvoirs et elle avait des responsabilités dont il n’avait jamais dû tenir compte. De plus, il était mort et, à présent, il n’y avait plus la moindre trace de Kota non plus. Qu’est-ce qu’elle était censée faire ? Sauver un fantôme ? Si elle avait su comment agir, elle l’aurait fait un an plus tôt.

Une alarme se déclencha. La passerelle s’anima autour d’elle.

— Nous avons de la visite, l’informa Nitram en parcourant du regard l’écran de contrôle qui se remplissait rapidement : deux frégates, un croiseur et, oui, un Destroyer Stellaire de classe Impériale. Il pourrait s’agir de l’Adjudicator. Il lance des croiseurs. Capitaine ?

Sur la passerelle, tout le monde la regardait.

— Rappelez nos pilotes, dit-elle d’une voix claire et ferme, consciente qu’on lui forçait la main.

Une seule décision responsable s’offrait à elle maintenant.

— Ramenez tout le monde à bord et puis tirez-nous d’ici au plus vite.

— Tout de suite, capitaine.

Juno s’éloigna de l’écran pour laisser ses officiers faire leur travail. Des petits points convergeaient vers le Salvation tandis que ses chasseurs stellaires interrompaient leur bataille contre l’ennemi et rentraient se mettre à l’abri. Elle en compta dix-huit, ce qui signifiait que six pilotes ne rentreraient pas chez eux. En échange de quoi ?

Une fois encore, elle avait la réponse sous les yeux. Son équipe fonctionnait parfaitement bien et ils avaient appris à leurs dépens que Cato Neimoidia était mieux défendue qu’ils ne s’y attendaient. Le Salvation avait provoqué l’Empire et l’avait forcé à réagir. Quelqu’un, quelque part, serait reconnaissant que l’Adjudicator n’apparaisse pas dans son ciel.

Mais qu’est-ce que cela impliquait pour Juno ?

— Empruntez un détour pour nous mener au rendez-vous, dit-elle à Nitram. Il ne faut pas qu’on nous suive.

— Bien, capitaine.

Nitram ne remit pas en question ses ordres, même si la justification n’avait pas de sens. En réalité, elle avait besoin de temps pour réfléchir.

Kota était mort. Comment allait-elle expliquer cela au commandement de l’Alliance ?

Adieu, mon vieil ami, pensa-t-elle. Dans quel pétrin m’as-tu mise cette fois ?

— Calculs terminés, l’informa Nitram.

— Préparez l’hyperpropulseur, répondit-elle automatiquement. Les boucliers encaissèrent un choc impressionnant qui fit tanguer le sol sous ses pieds. Il ne restait que deux chasseurs stellaires dehors. Quand ils furent à bord, elle donna l’ordre.

— Saut.

Le Salvation fila dans l’hyperespace, laissant loin derrière lui cette infortunée planète, ses mystères et ses fantômes.