CHAPITRE 24

Quand Dark Vador déboucha sur le toit, les stormtroopers se mirent immédiatement au garde-à-vous ; Juno se redressa elle aussi mais ce n’était pas par respect. Elle n’avait aucune idée de ce qui l’attendait mais elle voulait être prête. Les étranges bruits provenant du dessous – les cris et les sabres laser qui s’entrechoquaient – l’avaient encouragée à espérer que Starkiller arriverait en premier, mais cet espoir s’était envolé. Si Starkiller était mort, Vador n’aurait aucune raison de la garder en vie.

Le volume des comlinks de ses gardes n’était pas assez fort pour qu’elle distingue les mots. Elle supposa que le Seigneur Noir distribuait ses ordres. Les soldats hochèrent la tête et adoptèrent de nouvelles positions, deux de chaque côté d’elle. Puis ils firent face à leur Maître, qui leur tourna le dos. Pendant une seconde, le monde s’arrêta. La bataille pour le contrôle de l’usine sembla baisser d’intensité. Même le conflit dans le ciel se calma. Elle eut l’impression que tout le monde sur Kamino regardait dans sa direction – même si elle savait qu’ils ne la voyaient même pas. C’était pour Vador et Starkiller – si l’homme qu’elle avait aimé était toujours en vie. Des bruits de pas retentirent sur la rampe. Elle tira sur ses liens mais Vador était dans son champ de vision. Elle ne voyait pas derrière lui. Mais elle pouvait entendre et elle reconnaîtrait sa voix parmi toutes les autres, comme le ronronnement du Rogue Shadow.

— Laissez-moi passer, dit-il à Vador.

— Tes souvenirs te trahissent.

— Ils font de moi ce que je suis.

— Tu dois leur tourner le dos pour devenir celui que tu seras.

— Jamais, dit-il.

Vador fit un pas sur le côté et derrière sa cape en mouvement, Juno vit Starkiller. Pendant un instant, elle ne vit ni le sang qui le recouvrait ni le piteux état de son uniforme de vol. Elle ne voyait que ses yeux. Eux aussi ne voyaient quelle.

— Alors, elle mourra, dit Vador en levant la main pour faire un signe à ses gardes.

Ils levèrent leurs armes, visèrent et tirèrent.

Cela se produisit si rapidement quelle eut à peine le temps de tressaillir. Vador la gardait en vie depuis si longtemps que cela lui semblait irréel qu’il se débarrasse d’elle en un fragment de seconde. Elle se jeta en avant aussi loin que le lui permettaient ses chaînes, essayant de fuir. Tous les muscles de son corps se tendirent en prévision.

Le canon des armes émirent une lueur…

… et à cet instant précis, une force énorme s’abattit sur elle et sur les gardes, la repoussant si violemment qu’elle crut que ses chaînes allaient se briser contre ses poignets. Les stormtroopers disparurent, balayés du sommet de la tour en un instant. Les coups qu’ils avaient tirés l’avaient tous ratée, déviés par cette force puissante. Seule sa joue droite fut légèrement brûlée par la chaleur d’un des tirs déviés. Les quatre explosions d’énergie suivirent des trajectoires folles dans le ciel encombré.

— Juno !

Ses chaînes tombèrent sur le sol avec un cliquetis lourd.

Vivante mais hors d’haleine, elle ne put répondre. Elle avait du mal à croire qu’elle était en vie. Elle n’avait senti que la lisière de la poussée qui avait tué les gardes et elle savait qu’elle aurait pu y passer elle aussi. Une force bien différente l’agrippa, pas moins puissante que la première mais qui la visait elle et rien d’autre. Cette force la prit cruellement par la gorge et la souleva jusqu’à ce que ses pieds touchent à peine le sol.

— Incline-toi devant moi, dit Vador à l’homme qu’elle aimait.

Starkiller fit un pas en avant. L’étranglement se fit plus fort encore, obstruant sa trachée. Elle se mit à étouffer et battit des pieds, qui ne touchaient déjà plus le sol. Ses mains tiraient sur sa gorge mais il n’y avait rien à détacher et aucun moyen de se débattre.

— Juno !

Elle entendit le désespoir et la fureur qui faisaient trembler la voix de Starkiller. Il se battait pour elle mais il était en train de perdre.

— Incline-toi devant moi, répéta Vador, ou elle mourra.

Non, avait-elle envie de dire, ne le fais pas. Tu as déjà suivi cette direction. Tu sais où elle mène. Mais elle ne pouvait pas parler. Elle arrivait à peine à le voir. Des points noirs se bousculèrent devant ses yeux quand ses nerfs optiques en manque d’oxygène commencèrent à lâcher. Ne le laisse pas te rouler à nouveau.

Il ne pouvait pas l’entendre mais elle se dit que cela ne changerait rien. À sa place, elle serait tentée de capituler. Après tout ce qu’il avait traversé, après tout ce qu’ils auraient pu être mais qui leur avait été refusé, une seconde chance leur était enfin offerte. Sans doute était-ce plus précieux que n’importe quel mouvement politique ou philosophique. Tant qu’ils survivraient, leur amour survivrait. Rien d’autre n’avait d’importance.

Elle comprit ce qui s’était passé mais ne ressentit aucun soulagement quand la poigne terrible de Dark Vador se relâcha et qu’elle chuta douloureusement sur le toit. De l’air frais s’engouffra dans ses poumons. Elle toussa comme si elle était prise de spasmes. Elle ressentait de la douleur dans toute sa trachée.

Malgré ses halètements et son râle, elle entendit deux cliquetis métalliques. Elle leva les yeux pour contempler la scène.

Starkiller avait désactivé ses sabres laser et les avait jetés aux pieds de Vador. Ils roulaient sur le toit et leur chaleur résiduelle transformait les gouttes de pluie en vapeur.

Les cordes vocales de Juno étaient tellement irritées qu’elle put juste secouer la tête en signe de refus quand Starkiller fit trois pas en avant et mit un genou à terre devant Dark Vador.

— Je suis à vos ordres, dit-il. Promettez-moi seulement que vous ne lui ferez plus jamais de mal.

— Cela dépendra entièrement de toi, répondit Vador.

Starkiller baissa la tête et Juno réprima l’envie de pleurer. Elle comprenait de quel endroit sombre venait sa capitulation, mais se soumettre à Dark Vador n’était pas le moyen de la sauver. Ce choix entraînerait plus de séparations et de morts. De trahisons. De meurtres.

Elle devait trouver la force de libérer Starkiller. Exactement comme il avait réussi à revenir d’entre les morts, en clone ou en chair et en os, pour la retrouver.

Son regard désespéré tomba sur l’un des sabres laser de Starkiller. Il avait roulé dans sa direction et était juste hors de sa portée. Si elle ne faisait pas de bruit, elle parviendrait peut-être à s’en saisir.

L’équation était très simple en fait. Elle avait déjà offert sa vie pour Starkiller. Elle pouvait le faire à nouveau si cela sauvait l’homme quelle aimait du sort horrible qu’il venait d’accepter dans l’espoir de la sauver.

Vador lui tournait le dos et Starkiller avait la tête baissée. Elle se mit à quatre pattes et agrippa le sabre laser.

— Tu vas trouver le général Kota et le tuer, dit Vador. Si tu refuses, la femme mourra.

Starkiller ne dit rien. Il hocha peut-être la tête mais Juno ne le regardait pas. Vador s’était à nouveau interposé entre eux, aussi symboliquement que physiquement.

— Tu reviendras auprès de moi et tu succomberas au Côté Obscur, poursuivit Vador. Si tu résistes, elle mourra.

La poignée métallique tiède glissa dans la main de Juno. Elle l’éleva doucement, redoutant le moindre bruit, et prit appui sur ses genoux. C’était la première fois qu’elle tenait un sabre laser. Elle savait que ce serait probablement la dernière.

— Et quand ta formation sera terminée, dit encore Vador, tu traqueras et tu exécuteras les dirigeants Rebelles.

Juno avait toujours mal partout et était encore essoufflée mais elle se mit debout maladroitement, cherchant le bouton d’activation de l’arme. Elle osait à peine quitter des yeux le dos de Vador. Elle n’était qu’à deux pas de lui.

— Si tu échoues, elle mourra.

Elle appuya sur le bouton et se jeta sur lui au même instant. La lame bleue brillante s’anima avec un sifflement surprenant mais Juno ne se laissa pas distraire. Elle avait utilisé des vibrolames dans sa période de formation et elle savait manier une épée. C’était plus simple qu’un blaster.

Elle poignarda le dos de Vador, saisissant la seule chance qui lui restait de sauver la vie de Starkiller.

Pendant un instant, elle crut que ça pourrait marcher. Vador accordait toute son attention à Starkiller et la rumeur de la bataille couvrait efficacement sa manœuvre. Qu’était une arme d’énergie de plus par-dessus les centaines qui s’affrontaient dans l’usine ?

Au dernier moment, pourtant, une sorte d’instinct obscur prévint Vador. Il se retourna avec une vitesse surhumaine. Elle eut du mal à en croire ses yeux : même les trous noirs ne tournaient pas avec cette rapidité. La pointe du sabre laser de Starkiller érafla l’avant du panneau de contrôle de sa poitrine, ce qui provoqua une pluie d’étincelles. Elle ne sentit aucune résistance.

Puis il la poussa exactement comme Starkiller avait poussé les stormtroopers. Elle eut l’impression que le monde se dérobait sous elle, aspirant tout l’air avec lui. Le sabre laser lui échappa des mains et, en un instant, elle s’envola. Sa tête fut projetée en avant et la pluie se mit à bouillonner autour d’elle. Même l’air semblait douloureux à pareille vitesse. Vador disparaissait au loin en un fragment de seconde.

Elle ne savait pas jusqu’où il l’avait poussée. Cela semblait durer une éternité mais elle savait qu’elle allait finir par toucher le sol à un moment. Elle espérait que ce ne serait pas tout de suite. L’atterrissage serait de toute façon catastrophique.

Quelque chose la heurta violemment par-derrière. C’était douloureux.

La dernière chose qu’elle sentit fut la pluie qui tombait sur ses yeux ouverts. La dernière chose qu’elle vit fut trois sabres laser qui dessinaient des traits bleus et rouges sur le fond immensément noir qui gagnait du terrain.