CHAPITRE 15

Juno.

Elle était si proche quelle occupait tout son esprit. Il était presque impossible de se concentrer sur quelque chose ou quelqu’un d’autre autour de lui. Après avoir quitté Kota, comme son comlink avait déversé des informations sur des événements et des altercations lointains, irrité, il l’avait coupé. Il se moquait de ce qui se passait en dehors du vaisseau, il ne s’intéressait qu’à ce qui arrivait à Juno. Quand des stormtroopers avaient croisé son chemin, il s’était débarrassé d’eux avec une indifférence féroce. Rien ne pouvait le ralentir. Rien ne pouvait l’arrêter. La seule chose qui les séparait, c’était la distance, et elle était facile à surmonter.

— Ce que tu as vu, le suivre, tu dois.

— Jusqu’au bout de la galaxie, s’il le faut.

Mais le chasseur de primes qu’il avait aperçu dans sa vision était plus futé qu’il ne l’imaginait.

La piste que Starkiller avait suivie ne menait nulle part. Elle était parsemée de multiples pièges et de troopers destinés à le ralentir. Si Juno était bien emmenée dans la cale, au niveau sept, alors elle devait emprunter un chemin détourné.

Il tenta de se concentrer, il la chercha à travers les murs et les multiples ponts du Salvation. Il finit par sentir sa présence deux ponts plus hauts. Ils étaient reliés par la Force, par des liens invisibles qui pouvaient s’estomper parfois mais jamais se rompre complètement.

À présent, il les apercevait clairement, il suffisait de les suivre. Il se passait d’ascenseurs ou de cages d’escaliers, préférant dégager des passages dans l’infrastructure du vaisseau à coups d’explosions. Le métal et le plastoïde pouvaient se réparer. Les câbles et les circuits hydrauliques pouvaient être redirigés. La vie humaine, celle de Juno, ne pouvait être remplacée.

Il l’avait enfin aperçue, brièvement, le visage blanc comme un linge et éclaboussé de sang, les yeux hébétés : elle le regardait incrédule. Il était totalement incapable de deviner ce qui lui passait par la tête. De la joie ? De la confusion ? Du soulagement ? Leurs regards ne s’étaient croisés qu’un instant, avant que le chasseur de primes ne la pousse hors de sa vue puis balance aux pieds de Starkiller un missile qui avait percé un énorme trou dans la frégate. Starkiller avait eu beau déployer un bouclier de Force au dernier moment, il s’était tout de même retrouvé quatre ponts plus bas quand l’explosion s’était dissipée. Le temps qu’il revienne sur ses pas, Juno était partie.

Elle n’était pas loin pourtant et il lui avait fallu moins d’une minute pour la rattraper. Pendant tout le trajet, il avait réfléchi. Si Juno était un appât, pourquoi le piège ne s’était-il pas refermé ? Starkiller était en vie et en liberté, Juno également. Où se terminerait ce jeu de cache-cache ?

— Je ne m’attends pas à ce que tu survives, lui dit la voix de son ancien Maître dans son esprit. Mais si tu réussis, tu te rapprocheras de ton destin.

Starkiller se rappelait avec clarté du moment où ces mots avaient été prononcés, quand il recevait l’ordre de tuer le Jedi fou qui fabriquait des droïdes. Kazdan Paratus. Il avait accompli la mission avec succès mais son destin restait aussi indéterminé qu’auparavant.

Que voulait donc Dark Vador ?

Parfois, il lui semblait que Vador seul pourrait répondre à cette question.

Starkiller atteignit les portes de la cale. Elles étaient verrouillées mais cela ne l’arrêta pas plus d’une seconde. Les matières inertes ne résistaient pas à la Force et ne constituaient pas un obstacle pour lui. Si Juno ne s’était pas trouvée de l’autre côté, il aurait désintégré les portails en un instant, projetant des morceaux de métal fumant à travers toute la cale.

Elle se dressait face à lui, tirée en arrière par une boucle de câble qui lui entourait la taille. L’homme en armure fit exploser le champ de force externe de la cale et le vide les aspira en même temps que l’atmosphère se déversait dans l’espace. Starkiller s’accrocha au premier point d’ancrage qui tomba sous sa main pour ne pas glisser avec eux. Un vaisseau trapu était stationné juste à la sortie du sas de décompression. De toute évidence, il attendait de les cueillir pour les emmener ailleurs. Le geôlier de Juno tira un grappin dans la direction du vaisseau et commença à le rembobiner pour les hélitreuiller à bord, lui et sa prisonnière récalcitrante.

Starkiller brava l’ouragan qui se déchaînait et dérapa jusqu’au bord du sas de décompression. Là, il s’accrocha à l’extrémité de la porte et étendit une main vers eux. À nouveau, il aurait pu les tirer vers la frégate sans difficulté s’il n’avait craint de blesser Juno. L’homme qui la détenait était armé et ne se gênait pas pour le canarder. S’il tournait son blaster sur elle, elle mourrait avant que Starkiller ne puisse faire quoi que ce soit.

Il essaya tout de même de tirer sur le câble du treuil puis, comme cela s’avérait trop difficile, il tenta carrément de tirer le vaisseau vers la frégate. Pourquoi se battre contre le treuil alors qu’il pouvait tout aussi facilement déplacer son point d’attache ? Le vaisseau trapu fut secoué, se balança puis commença à avancer lentement vers lui, avec Juno et son geôlier en suspension…

Puis une ombre apparut dans son dos. Sa concentration baissa. Quelque chose s’approchait de lui. Pas un stormtrooper, visible ou invisible. Cela venait du dessus et cela grossissait à vue d’œil.

S’il mourait, Juno ne s’en tirerait pas. Il se retourna, les sabres laser brandis, prêt à frapper cette chose. C’était une sorte de droïde avec de multiples photorécepteurs lumineux et un gigantesque corps blindé. La créature se penchait sur lui, en équilibre sur ses pattes épaisses.

Il la connaissait, elle était apparue dans sa vision de Kamino. Mais cela ne l’avançait pas vraiment. La machine leva ses pattes de devant et tenta de l’atteindre avec quatre lasers puissants. Il sauta et les faisceaux orange le suivirent, laissant des lignes brillantes dans leur sillage. Le droïde était gros mais rapide et Starkiller avait du mal à garder une longueur d’avance sur ses attaques. Derrière lui, les portes de la cale se refermèrent et le système de survie commença à injecter un air à l’odeur âcre de brûlé. Starkiller s’efforçait de résister aux assauts du droïde géant.

Courir ne servait à rien. Cela lui faisait juste perdre du temps. Starkiller s’en rendit compte et choisit une autre tactique.

Il bondit dans un coin et fit face à la créature métallique, les deux sabres laser croisés. Les rayons d’énergie convergents frappèrent les deux lames et furent renvoyés vers la source. Le blindage en miroir du droïde les lui renvoya directement, doublant le nombre d’attaques auxquelles il devait faire face. Au lieu de battre en retraite, il changea l’angle de ses lames. Les quatre rayons laser qu’il réfléchit se dirigèrent vers le sol, où ils creusèrent un arc dans la couche de duracier. De la fumée métallique s’éleva autour du droïde. Le temps que l’engin de combat ne comprenne ses intentions, il était pris au piège.

Le sol, qui ployait déjà sous son poids, s’affaissa et céda. Les lasers du droïde s’éteignirent, beaucoup trop tard. Les extrémités pointues de ses huit pattes cherchèrent une prise, laissant de profondes griffes dans le sol. Dans ce qu’il en restait, du moins.

Avec un grincement et un hurlement de métal, le droïde disparut et s’écrasa en traversant un niveau après l’autre. Starkiller se remit en route avant que le droïde n’ait complètement disparu. La porte extérieure était fermée mais il la força à s’ouvrir et la tempête s’éleva à nouveau. Il la brava pour regarder dehors. Juno et son geôlier n’étaient plus visibles. Les moteurs du vaisseau trapu étaient en marche, il l’emportait loin de la frégate. Starkiller tendit les bras pour l’attraper, trop tard. Le vaisseau trembla à peine tandis qu’il disparaissait au loin, avant de s’évanouir dans l’hyperespace.

— Non !

Son cri s’élança dans le vide. Starkiller avait à nouveau perdu Juno et, malgré toute sa frustration et sa fureur, il ne pouvait plus rien faire dans l’immédiat. La Force ne pouvait pas accomplir de miracles, même dans des mains aussi puissantes que les siennes.

Mais elle pouvait l’aider à obtenir sa revanche.

Le Côté Obscur s’éleva en lui, son pouvoir de séduction était plus puissant que jamais. Dark Vador avait envoyé le chasseur de primes pour qu’il capture Juno, sachant que Starkiller essayerait de la sauver de ses griffes. La destination du chasseur de primes était évidente : il filait là où tout avait commencé. Vers Kamino. Starkiller irait là-bas mais ne tomberait pas dans le piège que Dark Vador avait sans doute tendu à son attention. Sa colère ne connaîtrait pas de limite. Tous ceux qui se mettraient sur son chemin souffriraient.

Une nouvelle vision lui vint. Elle surgit du vide et emplit son esprit.

Un éclair. Le Seigneur Noir, un genou en terre, devant lui, le casque lisse et brillant sous la pluie, désarmé. Les sabres laser de Starkiller qui formaient un X entre eux. La nuque de Vador n’était qu’à quelques millimètres de leur intersection. D’un petit mouvement du poignet, Starkiller pouvait décapiter l’être le plus monstrueux de la galaxie et obtenir sa revanche pour tout ce qu’il avait subi.

Mais que lui apporterait la revanche ? Elle ne pouvait inverser le cours du temps. Elle ne pouvait lui dire qui était le véritable Starkiller. Elle ne pouvait ramener Juno.

Non, rien de tout cela, décida-t-il, mais la revanche était mieux que rien.

Son visage prit une expression déterminée. Il se tendit pour exécuter l’homme qui avait fait de lui ce qu’il était : une machine à tuer, sans espoir, aucun.

Avant qu’il ne puisse achever le mouvement, une lame rouge émergea de sa poitrine, exactement comme dans sa vie antérieure, sur l’Empirique. Sauf que, cette fois, son ancien Maître ne pouvait l’avoir maniée. Il était toujours agenouillé devant lui, à attendre le coup final.

La douleur et le choc étaient trop grands. Starkiller cambra le dos, les sabres laser lui échappèrent des mains. Avec un cri atroce, il s’effondra sur le sol et leva les yeux vers l’homme qui l’avait tué.

C’était lui-même.

Dark Vador se mit debout. Des tirs de blasters retentirent autour d’eux.

Starkiller entendit des hurlements, des cris et le bruit de personnes qui s’écroulaient.

La bataille fut intense mais de courte durée. Il n’avait d’yeux que pour les deux hommes en noir penchés sur lui.

— J’ai menti quand je t’ai dit que le processus de flottage n’avait pas été perfectionné.

Les paroles de son ancien Maître s’abattirent comme des coups sur sa silhouette blessée. La version de lui-même qui se tenait aux côtés du Seigneur Noir était droite et complète en tous points. L’uniforme d’entraînement des Sith qu’il portait était immaculé et affichait des décorations meurtrières. Les deux sabres laser qu’il serrait en croix sur sa poitrine ne bougèrent pas d’un millimètre quand leurs regards se croisèrent.

La respiration de Starkiller se faisait difficile. Le feu qui avait brûlé en lui était en train de s’éteindre, comme toujours à la fin. Le Côté Obscur consumait tout. La haine n’a jamais réussi à détrôner l’amour et le prix à payer pour ceux qui la cultivent, c’est leur vie.

Du coin de l’œil, il vit une silhouette brisée qui gisait sous la pluie, trempée. Il ne pouvait supporter de la regarder. Il s’accrocha au trou brûlant dans sa poitrine et vit le Seigneur Noir donner ses premiers ordres à son nouvel apprenti.

— Tu viens affronter ta dernière épreuve.

Le Starkiller ressuscité s’agenouilla aux pieds du Seigneur Noir.

— Quels sont ordres, mon Maître ?

— Prends le Rogue Shadow. Va jusqu’au fin fond de la galaxie. Trouve les derniers Rebelles et détruis-les.

— Comme vous voulez, mon Maître.

— Alors, et seulement alors, tu auras accompli ton destin.

Le nouvel apprenti se leva et s’éloigna, enjambant le corps de Juno sur son passage. La dépouille de Kota gisait non loin de là et PROXY proprement coupé en deux. Dark Vador baissa les yeux vers le corps de Starkiller et, d’un geste méprisant du poignet, l’envoya glisser jusqu’au bord de la plateforme, d’où il tomba dans la mer.

Starkiller vit encore des nuages d’orage et des éclairs au loin, un paysage qui ressemblait à celui du premier jour de sa liberté, quelques jours plus tôt.

Le tonnerre gronda et Starkiller revint à lui avec un cri de surprise. Le grondement résonnait autour de lui, il le perturbait. Cela ne pouvait être réel. Il avait vu le futur, pas un événement qui se déroulait dans le présent.

Le pont trembla sous ses pieds. Le bruit recommença. Il se rendit compte que ce n’était pas du tonnerre mais le droïde géant qui essayait de remonter vers lui pour achever la bataille. Il se sentit tout à coup très las. Las de la haine et de la douleur, de la perte et du désespoir. Il continuerait à se battre mais il ne céderait jamais au Côté Obscur. Il trouverait sa propre voie, même s’il devait pour cela courir droit dans un piège et mettre tout en péril.

Il réactiva les champs de force de la cale et l’air se remit à affluer. Il regarda la nébuleuse, tira le comlink de sa ceinture et l’alluma.

— Kota, répondez, Kota.

— Je suis là, mon garçon.

— Est-ce que vous pouvez préciser ce que vous entendez par  ?

— Sur la passerelle, nous avons repris le contrôle du Salvation et réparé l’hyperpropulseur. Les vaisseaux ennemis battent en retraite. Quelle est ta position ?

— Cela n’a pas d’importance. Juno a été capturée et je sais exactement où elle va. Ils l’emmènent sur Kamino, là où tout a commencé. Ce qui veut dire que Dark Vador s’y trouve aussi. Je pense qu’il a tendu un nouveau piège.

— Pour toi ou pour nous ?

— Rien que pour moi, je pense.

— Alors, il ne sera pas prêt à affronter toute la flotte Rebelle quand elle arrivera à sa porte. J’ai parlé à l’Alliance de cette opportunité de frappe. La flotte est en train de converger vers cet objectif, comme tu le voulais.

— Bien, dit Starkiller avec un léger sourire, parce que si vous n’aviez pas donné l’ordre, j’y serais allé sans vous.

— Prépare-toi pour la vitesse-lumière, mon garçon, lui dit Kota depuis la passerelle.

— J’espère que vous savez ce que vous faites.

Le bruit de tonnerre en provenance d’en bas se fit plus fort. Derrière lui s’éleva un bruit de course que Starkiller n’avait pas entendu auparavant, comme si des insectes métalliques géants traversaient un pont vide.

Dehors les étoiles s’étirèrent et disparurent.

Starkiller activa ses sabres laser et se mit face au trou creusé dans le sol. La sombre vision qui venait de lui apparaître avait rongé son assurance. Jusqu’à présent, trois de ses visions étaient devenues réalité : le chasseur de primes avait été envoyé à ses trousses, Juno avait été blessée et avait perdu le commandement de son vaisseau, ses sabres laser étaient devenus bleus. Il restait deux visions, les plus sinistres de toutes. Y avait-il moyen qu’il évite leur mort à tous les deux ? Est-ce que l’autre Starkiller, infaillible et meurtrier au plus haut point, existait déjà ? S’agissait-il d’une simple possibilité ou même d’une manifestation de ses craintes les plus profondes ?

— Et que se passerait-il si on essayait tout de même de cloner quelqu’un sensible à la Force ?

— Des choses affreuses. Folie. Psychoses. Tendances suicidaires.

La liste des symptômes que Ni-Ke-Vanz avait égrenée était horriblement proche de ce que Starkiller lui-même ressentait mais, par un tour de pensée pervers, il avait commencé à en tirer de l’espoir. Peut-être que Kota avait raison et qu’il avait toujours été comme ça, même dans sa première vie. Peut-être que grandir, c’était aussi apprendre à détester ce que l’on ressent. Peut-être…

Le cliquetis des petites pattes se fit assourdissant. Cinq versions miniatures de l’énorme droïde jaillirent hors du trou sur leurs quatre pattes à bouts pointus. Starkiller fut tiré de ses pensées et courut à leur rencontre. Malgré la lassitude, il était content de plonger dans l’action pour sortir de ses ruminations. Les deux premiers droïdes bondirent sur lui et il les coupa en rondelles avant qu’ils n’aient atteint le sol. Les deux autres se séparèrent et le prirent en tenaille. Il les attendit, un sabre laser dans chaque main et recourut à la Force pour guider ses coups. Les droïdes décochèrent des flots d’énergie perçante pour venir à bout de sa garde. Ils étaient insensibles à leurs propres tirs réfléchis, il abandonna donc cette tactique, se rapprocha de l’un d’eux et coupa en deux sa taille bombée puis, de sa main libre, fit exploser l’autre avec un éclair. Le droïde miniature devint fou se mit à tourner en rond en décochant des flèches d’énergie à travers toute la cale. Ses yeux verts se teintèrent de bleu puis de violet et sa tête explosa. De petits morceaux de métal s’abattirent en pluie avec un cliquetis presque musical.

D’autres bruits de raclements provinrent du trou. Starkiller s’approcha du bord et jeta un œil prudent dans le vide.

Pas moins d’une dizaine de droïdes grimpaient vers lui, sautant de pont en pont par les trous dégagés par le premier droïde. Il attrapa les caisses qui restaient dans la cale et les balança à la tête des monstres métalliques. Ils chutèrent en vrille, les pattes en l’air, et s’écrasèrent tout en bas.

Il saisit à nouveau son comlink.

— Kota, nous avons un problème.

— Tu as peut-être raison, répondit-il d’un ton bourru. PROXY détecte des lumières rouges partout dans les niveaux inférieurs. Tu as fait quelque chose ?

— Nous avons un droïde en liberté. Je pense qu’il se dirige vers le réacteur secondaire.

— S’il le détruit, nous pourrions perdre le navordinateur. Nous ne pouvons pas nous le permettre.

Starkiller regarda la folie tourbillonnante de l’hyperespace.

— Envoyez le plus de troupes possibles pour le défendre.

— Ça n’en fera pas beaucoup. Le vaisseau a encaissé de grosses pertes, l’équipage est réduit à sa plus simple expression.

— C’est bon, c’est bon, j’y serai dans une minute.

Starkiller coupa la communication et sauta dans le trou, les pieds en avant. Il fendit l’air de ses sabres laser pendant la chute, éliminant un par un les droïdes miniatures. Quand il atterrit avec souplesse en bas, une pluie de pièces de droïdes s’abattit autour de lui, rougies par la lame laser, dans un déluge d’étincelles.

D’autres droïdes l’attendaient encore sur la piste laissée par le droïde géant.

Il le vit au loin, toujours occupé à se frayer un passage dans les parois et les poutres qui se trouvaient sur son chemin. Les droïdes plus petits semblaient jaillir de ses entrailles. Ils se dépliaient avec un claquement métallique et couraient vers lui pour l’affronter. Le droïde « géniteur » se dirigeait bien vers le réacteur secondaire : mais pourquoi maintenant ? La question occupa son esprit tandis qu’il se battait avec les plus petits droïdes qui ralentissaient sa progression. Pourquoi pas plus tôt, avant que le vaisseau n’entre en hyperespace ?

La réponse semblait se trouver dans la question. Perdre le navordinateur en plein saut serait désastreux. Ils pourraient exploser et être atomisés ou ne jamais revenir dans l’espace réel. Si jamais le droïde parvenait simplement à endommager le réacteur, ils n’auraient pas le choix, ils devraient quitter l’hyperespace au lieu de courir ce risque.

La tactique visait simplement à lui faire perdre du temps. Comme tout le reste depuis que Starkiller s’opposait aux Impériaux. Leur chef, le chasseur de primes, avait attrapé Juno dans le seul but de l’attirer ailleurs. Il n’avait jamais eu l’intention d’affronter directement Starkiller. C’était une sage décision d’ailleurs, car Starkiller l’aurait réduit en miettes s’il s’était dressé entre Juno et lui. Au lieu de cela, le chasseur de primes l’obligeait à se retrouver face au seul homme de la galaxie qui ne l’ait jamais tué.

Starkiller affronterait son créateur et ferait le choix : vivre comme un monstre ou mourir fidèle à sa propre personnalité, sans trop savoir ce que cela signifiait.

Starkiller se dit qu’il était peu probable que Dark Vador saisisse l’ironie de la situation. Dans son plan, il ne percevait rien d’autre que de la méthode et de l’organisation. Comme Starkiller, Vador avait été formé à l’art de la trahison par un Sith qui n’attendait rien en retour, sinon une servitude complète. Les aspects plus subtils de l’existence lui échappaient totalement. Pas seulement l’ironie mais l’humour, le sarcasme, le regret et bien d’autres choses encore. Dark Vador était en réalité une machine, comme son aspect extérieur le laissait croire.

Il se battait comme une machine aussi. Ses coups n’avaient jamais de fin et son agressivité était tenace. La première fois qu’ils s’étaient battus en duel, dans la première vie de Starkiller, Vador n’avait fait montre d’aucune colère. Juste de la détermination, non pas pour tuer son apprenti, mais pour qu’il se soumette, à l’usure. La bataille avait fait rage pendant des heures sur le pont de l’Executor et Starkiller n’avait pas réussi à ce qu’un seul coup porte malgré tous ses efforts. Il avait d’abord été très excité à l’idée qu’il avait atteint un nouveau niveau de maîtrise, puis il avait réalisé qu’il lui restait encore bien des choses à apprendre. La haine envers son Maître et persécuteur avait été attisée mais il ressentait également une sorte d’amour tordu pour l’homme qui l’avait rendu plus fort en lui montrant à quel point il était faible. La bataille ne s’était arrêtée que quand Starkiller s’était effondré d’épuisement, inconscient, et que PROXY l’avait tiré jusqu’à sa chambre de méditation.

Et c’était peut-être là, se dit Starkiller, dans cette obstination et cette détermination que Dark Vador avait transmises à son apprenti, qu’était sa faiblesse.

Les machines étaient exemplaires pour certaines choses. Elles étaient monomaniaques et concentrées, comme PROXY dans la première vie de Starkiller, quand sa mission était à la fois de protéger son Maître, de l’entraîner au combat et de l’éliminer. Il existait des contradictions dans leurs mondes mais elles ne causaient pas de conflits. Les machines assimilaient simplement ces contradictions et les contournaient, comme les droïdes que Starkiller avait combattus pendant sa formation sur Kamino.

La galaxie n’était pas une machine et la Rébellion non plus. Cela confondrait Dark Vador, cela le surprendrait même peut-être.

— Tu n’as rien à m’apprendre, lui avait dit Dark Vador sur l’Étoile Noire.

Starkiller se promit de le contredire complètement à ce sujet.