CHAPITRE 1

Aujourd’hui…

Une voix d’homme s’éleva des profondeurs de la salle de méditation.

— Baron, vous serez bientôt à court de bourreaux !

Starkiller ouvrit les yeux. Il connaissait cette voix.

Elle réveillait en lui des zones qui sommeillaient depuis longtemps. Ou qui n’avaient jamais vraiment existé, selon le point de vue.

Il s’extirpa de ses souvenirs et de la contemplation. Inutile de gaspiller de l’énergie à ça alors que sa survie était en jeu. Il n’aurait pas pu dire depuis combien de jours il était dans ce trou mais, pendant tout ce temps, il n’avait ni mangé ni bu. L’ennemi qu’il affrontait n’était pas matériel, dans le sens où ce n’était pas quelqu’un qu’il pouvait combattre ou manipuler ; il était son propre ennemi : il affrontait son corps faillible, son esprit faible et son courage déclinant. Il devait tenir bon. Il en sortirait entier ou n’en sortirait jamais.

Ainsi se résumait la vie de l’apprenti secret de Dark Vador.

— Il est mort.

— Alors, maintenant, il est encore plus puissant que jamais.

Encore des voix. Il ferma les yeux et secoua la tête. Il se mit à genoux et posa ses mains menottées sous lui, sur la surface de métal lisse. Il se concentra pour écouter ce qui se passait au dehors.

Les longues périodes d’isolement l’avaient habitué aux diverses atmosphères du complexe de clonage. À travers le métal, il perçut un sifflement incessant qui devait être de la pluie. Les craquements sourds étaient des éclairs, qui s’approchaient et s’éloignaient en saccades. Les grondements étaient ceux du tonnerre tandis que les courants océaniques qui entouraient la planète émettaient une note continue plus profonde.

Starkiller se trouvait sur Kamino. Il en était sûr. Il était revenu à la vie sur cette planète océanique, où une bonne partie des stormtroopers de l’Empereur avaient vu le jour. C’est ici qu’il vivrait et reprendrait des forces ou qu’il mourrait, faible, sans que personne ne pleure sa disparition.

Chaque épreuve, chaque obstacle, le rapprochait un peu plus de la maîtrise complète de son destin. C’était la leçon qui découlait de toutes les autres.

Une nouvelle note vint s’ajouter à la mélodie incessante de la planète : le cri aigu d’un prototype avancé de chasseur TIE. Le vaisseau anguleux et rapide, aux ailes incurvées, pénétra dans l’atmosphère avec un bang sonique qui claqua comme un fouet et entama une descente vertigineuse vers l’installation. Starkiller se crispa. Il connaissait le ronronnement de ce vaisseau et sentait la main bien entraînée qui était aux commandes. Il entendit des stormtroopers défiler rapidement en réponse aux injonctions électroniques de leur Maître ; ils se lançaient des ordres entre eux. Des portes blindées s’ouvraient et se fermaient à grand bruit. Le lieu fut brusquement tiré de sa léthargie.

Il ne bougea pas quand le chasseur TIE se posa. Il n’ouvrit pas non plus les yeux quand deux lourdes bottes se posèrent sur la plateforme et entamèrent le long trajet à travers le bâtiment. Il respirait d’un rythme régulier, tandis que le turbo-ascenseur gémissait et que des portes s’ouvraient en sifflant. Un cercle de lumière rouge s’alluma au-dessus du puits et, même s’il sentit la lueur derrière son dos courbé, il ne leva pas les yeux. Il reconnut la respiration mécanique et régulière. Les pas lourds s’avancèrent au bord du puits et s’arrêtèrent.

— Tu es en vie, dit Dark Vador.

En entendant la voix de son ancien Maître, Starkiller releva la tête et cligna des yeux dans la lumière. Les bottes de Vador étaient à trois mètres au-dessus de lui, à peine visibles derrière les éclairages et les grilles qui séparaient le puits de la chambre sombre.

Le Seigneur Noir se dressait comme une ombre, un trou noir qui aurait pris la forme d’un homme en cape. La gorge de Starkiller était en état de marche mais si sèche qu’il arrivait à peine à parler.

— Combien de temps cette fois ?

— Treize jours. Impressionnant.

Le compliment avait été durement mérité. Il s’échappa du respirateur qui couvrait la bouche de Vador et descendit vers Starkiller comme de la poussière en suspension.

— La Force me donne tout ce dont j’ai besoin.

— La Force ?

L’ébauche de compliment se transforma en menace, comme souvent.

Starkiller baissa la tête. Il savait ce que l’on attendait de lui. Les semaines d’entraînement et d’isolement l’avaient aidé à bien s’en rendre compte.

— Je veux dire le Côté Obscur, mon Maître.

Une main gantée se leva. La grille s’ouvrit.

— Viens ! lança la silhouette noire au-dessus de lui.

Le sol métallique sous Starkiller tangua et il commença son ascension. Il tira les muscles de ses jambes de l’engourdissement causé par la position à genoux et se leva pour rencontrer debout, sans se courber, le Seigneur Vador. La pièce dans laquelle il se trouvait contenait peu de meubles et n’avait pas de fenêtre, juste une sortie – un turbo-ascenseur – et peu de lumière. Les ombres projetées par les terminaux et les lampes au sol ne permettaient pas de discerner les dimensions du local mais, grâce aux longues heures d’entraînement, Starkiller savait que la pièce était circulaire et que ses murs étaient impénétrables. Il plia les doigts, ils avaient envie de serrer un sabre laser. La mémoire de ses muscles était la plus vive de toutes. Même si Dark Vador lui avait enseigné de nouvelles techniques, ses mains voulaient se battre de la façon qu’il connaissait le mieux.

Du coin de l’œil, il vit plusieurs droïdes PROXY qui attendaient d’être activés. Avec de la chance, Vador le détacherait et l’autoriserait à en affronter quelques-uns. Sinon…

L’ascenseur s’arrêta. Vador recula pour l’examiner. Starkiller sentait l’œil curieux du Seigneur Sith parcourir sa silhouette décharnée malgré les couches de duracier, d’obsidienne et de plastacier qui couvraient le visage de l’homme. Quelque chose avait changé. Même si rien n’avait été dit, il devinait qu’il ne s’agissait pas d’une session d’entraînement ordinaire. Il attendit. Personne n’aurait osé presser Dark Vador.

— J’ai une mission pour toi.

— Oui, mon Maître.

— L’ancien complice de Starkiller a été capturé.

Il sentit un moment de confusion. Puis sa mémoire se mit en branle et lui donna un nom. Le nom de celui qui l’avait attiré loin du Côté Obscur. Vers sa mort.

La voix qui l’avait dérangé pendant sa méditation…

— Vador pense qu’il t’a converti. Mais je vois ton avenir et Vador n’en fait pas partie. Je sens seulement… moi ?

— Le général Kota, dit-il en luttant pour rester ancré dans le présent.

— Oui. Tu iras sur Cato Neimoidia et tu l’exécuteras.

— Puis ma formation sera terminée, Maître ?

— Tu ne seras prêt à affronter l’Empereur que lorsque tu auras affronté un véritable Maître Jedi.

La voix était celle de Dark Vador mais elle surgissait à nouveau d’une autre époque, d’une autre mémoire. Le Dark Vador d’aujourd’hui n’avait rien dit. Starkiller porta sa main menottée à la tête et s’éloigna pour dissimuler le trouble qui le traversait. Il avait beau essayer, il avait beau se concentrer, le passé ne voulait pas le laisser tranquille.

L’attention de Vador n’avait pas faibli.

Tu es toujours hanté par des visions.

— Oui.

Il était inutile de le nier.

— Oui, mon Maître.

— Dis-moi ce que tu vois.

Il ne savait par où commencer. Cette fois, il était resté treize jours dans le puits sans bouger, en proie aux visions et aux hallucinations : des odeurs étranges, des frôlements, des voix qui l’appelaient, des images qu’il n’aurait jamais pu imaginer. Il essayait de les ignorer et quand il n’y arrivait pas, il essayait de les assembler. Mais aucune de ces deux tâches n’était réalisable et chaque tentative était si douloureuse quelle paraissait interminable.

— Parfois, dit-il d’un ton hésitant, je sens l’odeur d’une forêt en feu.

— Continue.

— Je vois le général tomber et je sens le sol trembler tandis qu’un vaisseau s’écrase autour de moi. J’entends aussi une femme – une voix de femme – quand j’essaie de trouver le sommeil.

Il déglutit. C’était le souvenir le plus douloureux de tous.

— Je ne comprends pas ce quelle dit. Est-ce que vous savez de qui il s’agit ?

Sa voix avait pris un ton suppliant et il avait honte.

— Ce sont les souvenirs d’un homme mort, répondit Vador en approchant.

Sa présence physique ajoutait encore plus de poids à ses mots :

— Un effet secondaire du processus accéléré de clonage et des flashes de mémoire utilisés pour ton entraînement. Les souvenirs disparaîtront.

— Et s’ils ne disparaissent pas ?

— Alors, tu ne me serviras à rien.

Starkiller se redressa. Pour la première fois, cette certitude avait été prononcée à haute voix. Il avait toujours su qu’il en irait ainsi : Dark Vador n’était pas connu pour sa bonté. Mais l’entendre dire de façon si directe qu’il se débarrasserait de ce clone de Starkiller comme d’un droïde défectueux s’il ne se prenait pas rapidement en main eut un profond effet sur sa concentration.

Pas pour longtemps.

— Essayez de lâcher les chiens-rasoirs Corelliens.

C’était une nouvelle voix qu’il n’avait encore jamais entendue. Il grimaça et comprit que ce geste venait de le condamner pour de bon.

— Les émotions de Starkiller l’ont rendu faible, dit le Seigneur Noir. Pour me servir, tu dois être fort.

Dark Vador n’avait jamais précisé la nature des services qu’il attendait de son apprenti. Sans doute prendre la place de l’ancien Starkiller, comme une arme que Vador pourrait braquer vers l’Empereur quand il le souhaiterait puis vers ses autres ennemis. Des commandants traîtres à l’Empereur lui-même, peut-être. C’est ainsi que cela s’était passé, il supposait que cela recommencerait. Mais cela n’avait pas d’importance pour le moment. Le nouveau Starkiller avait juste envie de vivre.

— Je suis fort, mon Maître, et je suis en train de devenir plus fort.

Vador se mit derrière lui et agita une main. Dans un grincement aigu, les menottes tombèrent des poignets de Starkiller et frappèrent le sol avec un son métallique.

— Montre-moi.

De multiples paires d’yeux s’allumèrent dans la pénombre. Les droïdes PROXY s’activaient. Starkiller serra les poings pour se préparer. Il avait terrassé leurs programmes d’entraînement l’un après l’autre. Aucune simulation Jedi ne pouvait le battre.

Mais le programme était différent cette fois. Dès que Dark Vador lui fournit ses armes – deux sabres laser aux cristaux assortis qui produisaient une même lame rouge – il comprit qu’il n’allait pas affronter un Jedi. Les cibles qui jaillirent de l’ombre portaient des uniformes aux couleurs proches de celles portées par les anciens ennemis des Sith, mais il s’agissait d’hommes ordinaires armés de simples blasters.

Il avait déjà fait face à des hommes portant pareille armure dans les souvenirs de Starkiller. Des hommes semblables l’avaient combattu dans une usine de chasseurs TIE au-dessus de Nar Shaddaa. Il en avait aussi croisé sur Corellia. Il se rappelait très distinctement des lieux, mais ne se souvenait pas du contexte. Leurs uniformes n’étaient pas Impériaux : c’était la seule chose dont il était certain.

D’autres voix lui parvinrent, un véritable brouhaha de déclarations qui se juxtaposaient et qui aidaient à combler un trou dans sa mémoire.

— Nous allons nous joindre à votre alliance.

Tout ce que nous attendions, c’est que quelqu’un prenne l’initiative.

— Que ceci soit une Déclaration formelle de Rébellion.

Il s’en souvenait maintenant : les droïdes PROXY portaient l’uniforme de la milice de Kota, adopté ensuite par la Rébellion, la Rébellion que le véritable Starkiller avait fait naître en mêlant trahison et quelque chose qui, à travers le voile obscurcissant du clonage, ressemblait à s’y méprendre à de la sincérité.

— Tu dois détruire ce qu’il a créé, ordonna Dark Vador.

Starkiller grinça des dents. S’il voulait survivre aux prochaines minutes, il devait se concentrer. Il ne détruisait pas vraiment la Rébellion, juste une imitation. Et, de toute façon, quelle importance pouvait bien avoir cette Rébellion désormais ? Elle existait. Le Starkiller original était mort. Il fallait qu’il avance.

Les assaillants se jetèrent sur lui de tous côtés. Des doubles lames rouges s’allumèrent tandis qu’il se préparait à les accueillir. Elles tournoyaient et fendaient l’air avec une grâce qui ne laissait rien deviner de sa force. Sa maîtrise du Jar’Kai, le style de combat avec deux sabres laser, ne lui était pas venue facilement, même s’il avait hérité des techniques Niman et Ataru. Utiliser deux lames présentait à la fois des avantages et des inconvénients. Il pouvait attaquer ou se défendre contre plus d’un opposant à la fois, mais il ne pouvait manipuler ses sabres que d’une seule main, ce qui réduisait la puissance des coups.

C’est pour cette raison que sa formation sur Kamino avait avant tout pour but d’augmenter sa force physique. Il avait commencé avec de simples poids et s’était progressivement mis à combattre des droïdes de combat comme ceux-là. En dernier, il avait affronté le Seigneur Noir en personne et il s’était raccroché à ce défi ultime quand son cerveau lui jouait des tours. Il ignorait encore qui il était vraiment mais il était capable d’apprendre à se battre, il l’avait bien prouvé.

Il se battait cette fois encore, esquivant chaque assaut lancé par les faux Rebelles, seuls, en duos ou en trios. Les bras et les blasters holographiques n’étaient pas à la hauteur de ses sabres laser. Des étincelles volèrent. Des droïdes tombèrent en morceaux. Des uniformes marron virèrent au rouge, imbibés de faux sang.

D’autres droïdes sortirent du mur. Ils se jetaient sur lui par vagues de quatre ou plus. Starkiller entra dans une sorte de transe guerrière. Il portait des coups et fendait l’air de son sabre laser en formant des arcs compliqués. Ses narines étaient emplies de fumée. L’odeur nauséabonde lui éclaircissait l’esprit. Il n’était plus assailli par des voix, ni par des doutes. Il savait qui il était. Né pour tuer, il tuait. Il poussa un cri et partit à l’assaut d’un mur de Rebelles, lacérant et taillant tout sur son passage. Les droïdes s’effondrèrent de tous côtés. Il n’y en eut bientôt plus qu’un debout devant lui. Il leva les deux lames pour l’abattre.

Non pas un. Mais une. C’était une femme blonde et mince portant un uniforme d’officier et serrant un blaster à deux mains.

Starkiller se figea.

Il connaissait ce visage.

Il avança vers la jeune femme.

— Tu es toujours loyal à Vador. Après tout ce qu’il nous a fait : me faire passer pour traîtresse aux yeux de l’Empire et essayer de te tuer…

— Non, protesta-t-il.

Les mots dans sa tête refusaient d’être étouffés.

— Je t’ai vu mourir. Mais tu es revenu.

— Non, répéta-t-il en levant ses sabres laser.

— Ne m’oblige pas à tout reprendre à zéro une fois de plus.

La jeune femme se recroquevilla devant lui.

— Attends, dit-elle d’une voix identique à celle qu’il entendait dans sa tête. Ne fais pas ça !

— Maintenant, le sort de l’Alliance pèse sur tes épaules.

Il abaissa ses lames, arraché à sa transe. Les voix étaient identiques !

Des souvenirs se bousculaient dans son esprit. Des images de la femme qu’il avait devant lui déferlèrent à une allure vertigineuse. Vador voulait qu’il détruise tous ceux aux côtés de qui le véritable Starkiller s’était battu, y compris cette femme, cet officier Rebelle, cette…

— Juno ?

— Oui, répondit-elle.

— Abats-la, lui ordonna Vador.

— Je… Je ne peux pas.

— Tu dois apprendre à détester ce qu’il a aimé, dit Vador.

Et tout à coup il n’y eut plus qu’eux trois au centre du terrain d’entraînement : jonché de droïdes. Starkiller, le Sith qui l’avait créé et une jeune femme, surgie du passé du premier Starkiller.

Il était tiraillé par des impulsions contradictoires provoquées par l’afflux constant de souvenirs. Juno était Juno Eclipse, la femme que Starkiller avait aimée, oui. Mais il n’était pas Starkiller : il ne lui devait rien. Il n’était qu’un clone et elle un droïde, une illusion créée pour le mettre à l’épreuve. Quelle importance s’il faisait ce qu’on lui demandait et ce pour quoi il avait été créé ?

Ses mains se mirent à trembler. Les deux lames rouges vacillèrent. Elles se stabilisèrent quand il recula les coudes, prêt à frapper.

— Je n’aurai jamais besoin de me faire pardonner ceci.

Il se rappela de la tendre pression de ses lèvres contre les siennes, de la sensation de leurs corps qui se frôlent, une chaleur qu’il n’avait jamais ressentie auparavant, dans cette vie ou dans n’importe quelle autre…

Il ne pouvait pas le faire. Il ne pouvait pas la tuer.

Avec un double clic, il désactiva ses sabres laser. Il baissa les bras et laissa pendre ses armes.

— C’est bien ce que je craignais.

Dark Vador bondit, canalisant le Côté Obscur avec une aisance maintes fois pratiquée. Starkiller grimaça, mais c’est le droïde d’entraînement que le Seigneur Noir visait. Son sabre laser le coupa en deux avec netteté. L’image de Juno Eclipse disparut dans une pluie d’étincelles.

Starkiller tint bon. Finis les « mon Maître ». Plus de faux-semblants.

— Qu’allez-vous faire de moi ?

Dark Vador s’avança pour faire face à son ancien apprenti, tout en chassant d’un coup de pied le corps du droïde qui se trouvait sur son chemin.

— Tu recevras le même traitement que les autres.

— Quels autres ?

— Ceux qui étaient là avant toi et qui sont devenus fous en quelques mois, torturés par les empreintes émotionnelles que je n’ai pas pu effacer. Certains ont refusé de tuer leur père, d’autres ont refusé de tuer une version plus jeune d’eux. Avec toi, c’est cette femme. Maintenant, tu vas subir le même sort que tous les autres.

Starkiller baissa la tête ; il n’était pas le seul Starkiller que Dark Vador avait créé, et cette révélation l’ébranlait. Cela n’avait jamais été dit. La possibilité n’avait même jamais été évoquée. Il aurait dû le deviner.

Combien y en avait-il eu avant lui ? Combien d’autres étaient morts avant d’avoir jamais pu vraiment vivre ? Son créateur disait-il la vérité au sujet de leurs empreintes émotionnelles trop fortes ? Il n’avait pas de sentiment pour un père dont il ne se souvenait plus ou pour le garçon qu’il avait cessé d’être depuis longtemps. Il lui semblait en revanche impossible que d’autres versions de Starkiller puissent ne pas partager son amour pour Juno Eclipse.

Il fut déchiré par un nouveau souvenir intense.

Ses yeux s’étaient écarquillés à la vue du sabre laser qui dépassait de son estomac. Une douleur insoutenable. Il tombait à genoux avec un cri étouffé.

Et la voix d’une autre femme, les dernières paroles d’une Maître Jedi qu’il avait tué :

— Les Sith finissent toujours par trahir… mais je suis sûre que tu finiras par le comprendre… tôt ou tard.

Son esprit s’éclaircit et il regarda le Seigneur Noir sous un nouveau jour.

Vador mentait. Il n’y avait pas eu d’autres clones avant lui… ou, s’il y en avait eu, ils avaient été animés par les mêmes sentiments que lui. Le véritable Starkiller avait aimé Juno Eclipse, et lui aussi l’aimait. Il en était sûr. Il le sentait à l’intérieur, dans la machinerie génétique de ses cellules. C’était la seule chose dont il était sûr.

Vador voulait ébranler cette certitude, refaire de lui une arme en insinuant que ses sentiments étaient faux.

Pire encore : ici, dans le laboratoire de clonage secret de Vador, l’assassinat de Juno Eclipse n’était que symbolique. Combien de temps faudrait-il avant que cette scène ne devienne réalité ? Serait-ce la prochaine étape de sa formation ?

Le bourdonnement du sabre laser du Seigneur Noir changea légèrement de ton tandis que Vador se déplaçait.

Avant qu’il ne puisse porter un coup, Starkiller se tourna. Il n’activa pas ses sabres laser. C’est cela que Vador devait attendre : une position défensive ou, au mieux, une attaque sans enthousiasme. Starkiller allait le surprendre avec la seule arme que Vador ne pouvait brandir en retour.

Un éclair jaillit des doigts de Starkiller. Le Seigneur Noir éleva son sabre laser pour parer l’attaque, mais un peu tard. Des éclairs grimpèrent sur son armure au niveau de la poitrine et sur son casque, provoquant un gémissement douloureux dans son respirateur. Les servomoteurs de son bras droit encaissèrent le choc.

Starkiller n’avait qu’une fraction de seconde avant que son ancien Maître ne repousse son attaque. La Force affluait en lui. Des pièces et des débris de droïdes s’élevèrent et se mirent à tournoyer dans la pièce. Dans un vacarme insupportable, le mur métallique explosa et laissa entrer la fureur de la tempête qui faisait rage au dehors.

Mais tandis que sa fureur se déchaînait, il sentait que quelque chose avait changé. Il savait où des émotions négatives comme celles-là pouvaient l’entraîner. Son original avait été un esclave du Côté Obscur jusqu’à ce que Juno et Kota lui montrent comment être libre. Cet héritage n’était pas perdu. Il choisirait désormais les émotions qui le gouvernaient. Il ne serait pas leur esclave.

Le Côté Obscur tentait de l’attirer et il était difficile de résister. Il détestait son ancien Maître. Il avait peur pour Juno. Il doutait même de sa propre existence. Tuer l’homme qui l’avait créé permettrait de résoudre au moins deux de ses problèmes. La tentation était très forte.

La lame de Vador attrapa la pointe de l’éclair. Le Seigneur Noir commença à se redresser.

Starkiller sauta vers le trou qu’il venait de percer dans la paroi et se jeta dans la tempête. Il fit un saut à la fois haut et long. Il visait la plateforme d’atterrissage, qu’il avait repérée à l’oreille depuis des semaines.

Il se posa bruyamment sur le sol de métal lisse, à quelques mètres du chasseur TIE de Vador. Un éclair illumina le ciel de toutes parts. Le tonnerre gronda. Plus bas, la mer se déchaînait.

La pluie et le vent le purifièrent. Il ouvrit la bouche et sentit l’humidité sur sa langue pour la première fois depuis treize jours.

Après toutes ces journées enfermé dans le puits, la tempête avait un goût de liberté.

Un escadron de stormtroopers gardait l’installation. Son arrivée les prit par surprise mais ils réagirent assez rapidement. Des alarmes retentirent. Des pistolets blasters le visèrent. Trois TR-TT qui montaient la garde sur la plateforme d’atterrissage mirent le cap dans sa direction.

Starkiller montra ses dents. Son cœur battait d’une excitation qu’il n’avait pas ressentie depuis qu’il était revenu à la vie dans le laboratoire de Vador. C’est pour cela qu’il avait été conçu. C’est pour cela qu’il existait.

Il tendit les mains et exerça sa volonté. La Force répondit, gonflant et s’élevant en lui comme un muscle invisible. Une tour de communication toute proche grinça et commença à se dévisser. Des étincelles volèrent. Il arracha la tour et la balança de l’autre côté de la plateforme, projetant les TR-TT dans l’océan et écrasant les stormtroopers qui se rassemblaient pour le prendre d’assaut.

Quelque chose explosa : un générateur poussé au-delà de sa capacité. Une silhouette noire qui brandissait un sabre laser rouge émergea des débris de la coque. Vador se déplaçait avec une rapidité étonnante.

Starkiller sourit presque. On n’échappait pas aussi facilement à la rage de Vador. Mais il y était déjà parvenu et il y parviendrait encore.

Le chasseur stellaire situé derrière lui n’avait pas été endommagé par les dégâts qu’il avait provoqués. Starkiller courut jusqu’au vaisseau et sauta à l’intérieur. Il activa avec rapidité et assurance les commandes qui lui étaient familières. Il relança les systèmes qui n’avaient pas eu le temps de refroidir depuis le dernier vol. Les moteurs à ions grondèrent. Un poing invisible saisit le chasseur stellaire pour l’empêcher de décoller. Starkiller augmenta la puissance. Sa détermination était aussi forte que la rage de Vador et, pendant un instant, il ne fut pas sûr de l’issue du duel.

Puis toute résistance s’évanouit et le chasseur TIE bondit vers le ciel. Starkiller retomba dans le siège et regarda les nuages noirs de la tempête se rapprocher. Des décharges électriques dansèrent autour du cockpit. Il fut brièvement enveloppé par l’obscurité.

Une fois arrivé au-dessus de la couche nuageuse, il put filer à toute allure dans l’atmosphère. Le bouclier planétaire qui entourait Kamino empêchait les vaisseaux d’entrer, pas de sortir. Il passa donc sans encombre la barrière visible. Des étoiles apparurent. Vador était loin derrière.

Et maintenant ?

Il n’osait pas penser qu’il était entièrement libre ou que Juno était vraiment en sécurité. Il devait la retrouver avant Vador. Il fallait qu’il soit à ses côtés.

Chaque respiration l’emplissait de cette certitude. C’est cette émotion qui le guiderait, pas la revanche, la soif du sang ou le désespoir. Mais comment poursuivre cette mission ? Par où pouvait-il commencer à chercher Juno dans toute la galaxie ?

— L’ancien complice de Starkiller a été capturé.

Le général Kota. Si quelqu’un savait où elle se trouvait, c’était lui.

Tandis que la surface de Kamino, couverte de nuages, disparaissait derrière lui, il mit le cap sur Cato Neimoidia.