Oh ! quand un lourd soleil chauffait les grandes dalles
Des ponts et de nos quais déserts,
Quand les cloches hurlaient, quand la grêle des balles
Sifflait et pleuvait par les airs…
Les poètes viennent après le canon et chantent ainsi, les uns en vers magnifiques, comme Auguste Barbier ; les autres…
Casimir Delavigne fit la Parisienne.
Mais Paris devient fou de joie quand on le chante, et n’y regarde pas de si près. Paris fit un succès à la Parisienne.
Le soleil de juillet acquit une célébrité de circonstance. Paris fut, certes, quinze grands jours tout entiers avant de se moquer du soleil de juillet, de la Parisienne et du parapluie du nouveau roi.
Il était là, le soleil de juillet, jouant au soupirail de la cave où M. Galapian et quelques autres hommes d’État écoutaient passer l’histoire.
Il dardait ses rayons matiniers sur la scène de meurtre. À la blonde lumière de ses caresses, des milliers de vaillants étourneaux s’entre-tuaient sans beaucoup savoir pourquoi. Les uns criaient : Vive ceci ! les autres criaient : Vive cela ! Et les fusils parlaient, et le canon tonnait, et « les cloches hurlaient, » comme dit la poésie…
Vers dix heures du matin, trois hommes descendaient la rue Saint-Jacques, où l’on se battait consciencieusement. L’un de ces hommes n’avait pour toute arme qu’un long bâton, les deux autres avaient le sabre à la main. Ils portaient des blouses par-dessus leur uniforme de hussard.
Ces deux derniers étaient notre ami Joli-Cœur et son compagnon, le second témoin du vicomte Paul. Ils essayaient de rejoindre leur caserne, située rue de Reuilly, au faubourg Saint-Antoine. Pour cela, il leur fallait traverser la ville révoltée.
L’homme au bâton ne disait point où il allait.
Chemin faisant, il parait quelques coups qui n’étaient point à son adresse et relevait les blessés.
À la tête du Petit-Pont, il y avait une superbe barricade défendue par des étudiants et des ouvriers. Le professeur qui prêchait naguère sur une borne était rentré chez lui, pensant que les coups ne sont pas des raisonnements.
Il s’était promis à lui-même de revenir après la bataille.
Étudiants et ouvriers entourèrent nos trois hommes. Les blouses des hussards furent relevées.
– Conscrits, dit Joli-Cœur, on en pense peut-être plus long que vous. On a chargé dans les temps au son de la Marseillaise, et le drapeau tricolore ça nous connaît conséquemment. Mais l’uniforme est l’uniforme, et il y a quelque chose qui s’appelle l’honneur du soldat. Laissez-nous passer ou cassez-nous la tête proprement… à votre choix, jeunesses !
Les rangs des insurgés s’ouvrirent, tandis que le chef, un « polytechnique, » disait :
– Allez, vieilles moustaches, vous serez des nôtres demain !
Cela ne manqua pas ; et voilà ce qui diminue l’admiration de bien des gens pour l’honneur militaire. Il est vrai que si le pouvoir s’en va, la patrie reste, – oui mais bien blessée.
Joli-Cœur et son camarade franchirent le tas de pavés. L’homme au long bâton seul resta de ce côté de la barricade.
En ce moment, une troupe arrivait le long du quai Saint-Michel ; ceux qui la composaient avaient l’air de vrais bandits. C’étaient nos convives de la Maison des Juifs, dans la rue Pierre-Lescot.
Leur chef s’écria :
– Enfin, le voilà ! Qu’on le prenne et qu’on le fusille !