Chapitre 61 ESSAI SUR LES RÉVOLUTIONS

On a beaucoup accusé M. Galapian d’avoir fait la révolution de juillet 1830 du fond d’une cave. Ce sont là des erreurs qui vont s’accréditant aisément, et dans quinze ou vingt siècles, ce nom de maraud pourrait surgir comme un champignon au beau milieu du jardin de l’histoire. Le terrain historique est une couche tout particulièrement favorable à ces cryptogames. Personne ne fait les révolutions. Ce sont des crises qui se produisent spontanément, quand la garde nationale s’ennuie.

Notre sujet, d’ailleurs, plane trop au-dessus de la politique pour qu’il nous soit permis de nous attarder à ces frivolités.

Un directeur de journal cher à l’académie s’était écrié, du fond de son fauteuil, si bien peint par M. Ingres, et dans un accès de goutte : « Malheureux roi ! Malheureuse France ! » Le mot fit fureur. La malheureuse France chassa le malheureux roi, excellent chasseur, fervent chrétien, loyal gentilhomme, pour mettre à la place un roi plus heureux, habile pêcheur, bourgeois convaincu et se souciant peu de la messe. Qui fut étonné ? Ce fut le directeur du journal, quand sa goutte fut passée.

Seulement, pour opérer le chassé-croisé, on s’entr’égorgea pendant trois jours dans la rue avec un entrain merveilleux. C’est la partie comique du drame. Seul, ici, le directeur de journal est sérieux : pas autant néanmoins, que le sire de Frambroisy.

Dix-huit ans après, un autre journal devait chasser le roi bourgeois, qui n’était pas un méchant homme, quoi qu’il eût fait en sa vie de méchantes actions. Encore du sang beaucoup et des ruines.

Maintenant, il n’y a plus de roi, mais il y a toujours des journaux, et les républiques s’entrechassent. La moitié de Paris y saute quelquefois, et les journaux s’amusent.

Mais le peuple ? Eh bien ! il gagne sa vie tantôt à démolir, tantôt à rebâtir Paris, sur commande.