Dans la chambre voisine, le bon abbé Romorantin disait à Fanchon et à Joli-Cœur :
– On trouve tout dans les livres. Le docteur Lunat est fou comme un lièvre en mars, mais sa folie me permet de faire des recherches admirables ; le doigt de la Providence est là. Tous les jours j’apprends quelque chose. Mes amis, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’on ait rencontré trois jours de suite l’Homme dans Paris. Bertola, cité par Mathieu Pâris, affirme que le voyageur éternel a la faculté de rester en tout lieu où il y a peste, famine ou guerre. Ça lui compte comme marche forcée.
– Nous n’avons à Paris, Dieu merci, objecta Fanchon la nourrice, ni la peste, ni la guerre, ni la famine.
Un chant monta de la rue de l’Ouest. Personne d’abord n’y prit garde.
– Puisqu’on l’a rencontré trois jours de suite à Paris, prononça péremptoirement l’abbé, c’est qu’il a le droit d’y rester, Bertola est précis, c’est que Paris a la famine, la peste ou…
– Écoutez ! interrompit Joli-Cœur.
Le chant montait plus distinct. C’étaient des notes métalliques et vibrantes qui remuaient l’âme et qui faisaient frayeur.
Les yeux du vieux hussard flamboyèrent.
– Je connais cela dit-il. C’est la Marseillaise ! M. l’abbé a raison. Nous n’avons ni la peste ni la famine, à Paris, c’est possible ; mais puisqu’on chante la Marseillaise, nom d’une pipe ! nous avons la guerre… et la guerre civile, encore ! va bien ! j’en suis !