Où était-il donc le colonel comte Roland de Savray ? On l’avait vu quitter la calèche et gravir la colline. Personne n’avait remarqué que sir Arthur montait derrière lui, l’anglais à barbe jaune.
Le comte Roland n’était nulle part. On le cherchait en vain. C’était une chose étrange que l’absence du maître dans ces circonstances désespérées.
La comtesse Louise restait toujours évanouie dans sa calèche. Personne ne la gardait. Cocher et valets étaient au feu.
Hussards et pompiers, réunis cette fois, se préparaient pour une suprême tentative. L’escalier central était à nu par suite d’éboulements successifs. On espérait l’atteindre.
Pour quiconque n’a jamais vu réussir les splendides folies du courage, c’était une entreprise extravagante.
Les trompettes du régiment sonnèrent comme pour la charge, et deux bataillons intrépides, les hussards et les pompiers, se ruèrent sur la villa embrasée.
En ce moment, la comtesse Louise s’éveillait.
Elle put voir ces anges noirs marcher dans le feu… vaincre le feu, allions-nous dire, car les deux escouades pénétrèrent jusqu’à l’escalier.
Mais l’escalier s’abîma, lançant vers le ciel une colonne d’étincelles tourbillonnantes.
Il y eut une exclamation profonde comme un râle.
Puis un cri d’étonnement joyeux.
Car tout le monde vit, la mère comme les autres, un homme, – était-ce un homme ? – qui paraissait à la fenêtre de la chambre haute.
Cet homme était de grande taille. Il portait une longue barbe que la poussière de feu saupoudrait ; il avait un long bâton à la main. Il tenait entre ses bras un enfant, vêtu seulement de sa chemise blanche.
Et l’enfant semblait dormir.
La comtesse Louise tendit ses bras tremblants. Elle n’avait pas de paroles ; mais comme son cœur tout entier jaillissait vers Dieu !
L’homme enjamba le balcon. L’incendie l’éclairait mieux que n’eût fait un beau soleil d’été. Il était calme et recueilli. Derrière lui, était-ce un flocon de fumée ou une forme humaine ? Bien des gens parmi ceux qui étaient là, frémissant, espérant, admirant, prononcèrent le nom de Lotte.
Et il y en eut qui ajoutèrent, ceux qui savaient l’histoire de Lamballe :
– La fille du Juif-Errant !