De l’autre côté de la cloison, le vicomte Paul poursuivait, aux genoux de sa mère :
– Il ne m’a fallu qu’un coup d’œil pour la reconnaître.
C’était le doux visage de Lotte sur le corps d’une adorable jeune fille. Tout mon cœur s’élançait vers elle. Je voulus la suivre, mais elle glissait le long du bas côté de droite, comme une âme, et je n’entendais point le bruit de ses pas sur la dalle. La porte de l’église se referma sur elle. Il m’avait semblé, au moment où elle prenait l’eau bénite, que son angélique sourire me cherchait.
Je sortis à mon tour.
Tu sais, mère, que celui qui refusa l’hospitalité à notre Sauveur n’a pas le droit d’entrer dans les églises. Sans doute, il l’avait attendue dehors au bas des degrés. Je vis un homme de haute taille qui s’éloignait en tenant une petite fille par la main…
– Une petite fille ?… répéta la comtesse Louise.
– Oui, répliqua le vicomte Paul en hésitant. Je te raconte cela comme si c’était un rêve. La belle jeune personne avait disparu, remplacée qu’elle était par Lotte… Ma chère petite Lotte… et son corps tout frêle, tout gracieux, avait la transparence d’autrefois…
– Mais, reprit ici le jeune homme dont les sourcils se froncèrent, mes persécuteurs m’avaient attendu sur le parvis. Quand ils me virent, ce fut un concert de huées.
– Son père sera dégradé ! s’écria le fils du maréchal-de-camp, Roger.
– On lui arrachera ses épaulettes ! ajouta le fils du préfet.
– Il a triché au jeu, dit le fils Lancelot, il a déserté, il a volé ! il a tué !
L’Homme était déjà loin, mais, sans s’arrêter, il se retourna.
Je pressai mon cœur à deux mains et j’allais passer au milieu des insulteurs sans lever la tête, car je songeais à ma promesse et à toi, ma mère lorsque Roger dit en ricanant :
– Va, poltron, va annoncer ces bonnes nouvelles à la filleule du roi Louis XVIII !
En ce moment, Lotte se retournait à son tour. Elle avait entendu.
– Tu es un menteur et un lâche ! m’écriai-je.
Et par deux fois ma main fouetta la joue de Roger, qui se trouvait le plus près de moi.