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« ET VOUS, que faites-vous ici ? demandai-je à Vincent Slater en me relevant. Comment êtes-vous entré ?

– Comment je suis entré ? Vous osez me poser la question ! Après avoir possédé la clé de mon bureau personnel dans cette maison pendant trente ans, après avoir protégé Peter pendant toutes ces années, avoir tout fait pour qu’il ne soit pas poursuivi par la justice, j’arrive ici en avance ce soir pour découvrir que la serrure a été changée.

– Pourquoi dites-vous que vous avez tout fait pour qu’il ne soit pas poursuivi par la justice ? hurlai-je. Peter est innocent !

– Non, il ne l’est pas. Il a eu un accès de somnambulisme la nuit où Susan a disparu. Il ne savait pas ce qu’il faisait. J’en suis sûr.

– C’est ce que vous croyez !

– Son père a appris ce qui s’était passé, répondit Slater. C’est pour cette raison qu’il a payé la femme de chambre. J’ai la chemise ; elle porte des taches de sang. Voilà pourquoi je pense qu’il a tué Susan. Vous savez, Kay, vous m’avez vraiment eu. J’ai cru au début que vous aimiez réellement Peter, et que vous le soutiendriez. Mais vous avez engagé Greco, le détective qui avait retrouvé Maria Valdez dont le témoignage a enfoncé encore un peu plus votre mari. Vous espériez peut-être que Greco découvrirait d’autres preuves et vous débarrasserait une fois pour toutes de Peter. Je sais que vous auriez remis la chemise au procureur, c’est pour cela que je l’ai gardée. Avouez-le. Vous avez épousé Peter pour mettre la main sur son argent. Maintenant que vous attendez un enfant de lui, l’affaire est verrouillée. À propos, est-ce bien l’enfant de Peter ? »

J’étais trop stupéfaite pour pouvoir répondre.

« Ou est-ce l’enfant de cet homme à qui vous avez donné la clé de mon bureau ? Je viens de voir quelqu’un pénétrer dans la maison en passant par là. Il a laissé la porte ouverte, j’en ai profité pour entrer à mon tour. Je suis revenu pour deux raisons : d’abord, parce que je voulais vous dire ce que je pensais de votre façon de m’humilier en changeant les serrures, sans même m’en avertir.

– Et la deuxième raison ? demandai-je d’un ton méprisant.

– La deuxième raison, répliqua-t-il avec le même mépris, c’est que si, par miracle, j’ai tort de penser que Peter a tué Susan, vous couriez au désastre en laissant à la vue de tous cette page de People dans la bibliothèque. Je n’arrive pas à comprendre ce qui vous a poussée à agir ainsi. J’ignore quelle est la signification de cette page, mais je présume qu’elle en a une. Pourquoi, sinon, Grace l’aurait-elle gardée dans sa poche ?

– Vince, vous venez de me dire que vous avez vu un homme pénétrer dans la maison par votre bureau. Qui était-ce ? Cette porte aurait dû être fermée à clé.

– Il faisait sombre et je n’ai pas vu de qui il s’agissait. Mais je pense que vous le savez parfaitement. Où se trouve-t-il en ce moment ? Dans votre chambre ?

– Non, je suis ici. Kay, vous n’auriez pas dû laisser les nouvelles clés rangées au même endroit. »

Surpris, nous nous retournâmes d’un même mouvement. Richard Walker s’avançait vers nous, un pistolet à la main.