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CEST AU MOMENT où Kay aurait le plus besoin de moi, qu’elle me tient justement à l’écart, pensait Maggie en errant sans but dans sa maison. Si seulement elle m’avait écoutée et n’avait pas épousé Peter Carrington. Grâce à Dieu, il est en prison où il ne peut pas lui faire de mal. La vue de cette vidéo prise par la police m’a rendue malade, surtout la manière dont il a bondi et attaqué l’agent de police. J’espère qu’ils vont le mettre à l’ombre pour le restant de ses jours.

Il est neuf heures, se dit-elle. Kay se lève tôt – je vais lui téléphoner. Quand j’ai appelé hier, les avocats étaient en réunion chez elle, mais elle ne m’a pas rappelée ensuite.

La mort dans l’âme, sentant s’accentuer la distance qui la séparait de sa petite-fille, Maggie composa le numéro du mobile de Kay. Il n’y eut pas de réponse. Peut-être est-elle à nouveau avec les avocats, songea-t-elle. Je vais essayer le numéro de la maison. Cette fois, Jane Barr répondit : « Mme Carrington est restée au lit ce matin. Je suis montée dans sa chambre pour m’assurer qu’elle n’était pas malade, et elle m’a dit qu’elle ne s’était pas sentie bien pendant la nuit. Les avocats ne viendront pas aujourd’hui.

– Dites-lui que je viendrai dîner, que cela lui plaise ou non », déclara Maggie d’un ton décidé.

La sonnette de la porte d’entrée retentit au moment où elle raccrochait. À travers le panneau vitré de la porte, elle vit deux hommes à l’extérieur. Dès qu’elle leur ouvrit, ils lui présentèrent leurs badges. C’étaient des inspecteurs du bureau du procureur.

À regret, Maggie les invita à entrer. « Madame O’Neil, dit poliment le plus âgé, nous avons appris qu’à l’époque de la disparition de Jonathan Lansing, ses meubles ont été transportés chez vous. Parmi les affaires qu’ils contenaient, avez-vous trouvé des dossiers ou des archives provenant de son bureau et, dans ce cas, les avez-vous conservés ? »

Maggie songea à son grenier bourré à craquer. Elle esquiva la question. « J’ai donné ses vêtements, dit-elle. Et j’ai utilisé les meubles. Ils étaient en meilleur état que les miens et, après tout, sa fille Kay habitait ici avec moi. La maison lui était plus familière ainsi. » Je me demande s’ils me soupçonnent d’avoir volé le mobilier, se demanda-t-elle, inquiète. Peut-être aurais-je dû payer des impôts dessus.

Le plus jeune des inspecteurs la rassura :

« C’est très compréhensible, mais y a-t-il des papiers d’affaires ou des dossiers personnels appartenant à Jonathan Lansing que vous auriez gardés ?

– Kay me l’a déjà demandé. Il y avait un classeur métallique à tiroirs dans la pièce qui servait de bureau à Jonathan. Il est maintenant par terre dans le grenier, sous mon vieux canapé. Kay a dit qu’elle avait l’intention de venir regarder ce qu’il contient, mais il faut que je fasse appel à quelqu’un de costaud pour déplacer le canapé et redresser le classeur.

– Si vous nous permettez de jeter un coup d’œil à son contenu, nous nous ferons un plaisir de le mettre à un endroit où Mme Carrington pourra aisément l’examiner. Vous n’êtes pas obligée d’y consentir, naturellement, mais nous aimerions le voir.

– Je n’y vois pas d’inconvénient. »

Maggie conduisit les deux hommes au grenier en s’excusant du désordre et de la poussière. « J’ai toujours eu l’intention de ranger un peu ici et de me débarrasser de tout ce fatras », expliqua-t-elle, les regardant faire de la place autour du classeur et le redresser sans effort. « Mais vous savez ce que c’est. Il y a des choses qu’on ne fait jamais. Kay dit que je ressemble à un hamster et elle n’a pas tort. »

Les inspecteurs ne lui répondirent pas. Chacun avait pris un dossier dans le tiroir du haut et le feuilletait.

Mal à son aise, Maggie les observa, se demandant si elle avait bien fait de les laisser monter. Peut-être aurait-elle dû en parler à Kay avant. Je ne voudrais pas qu’elle ait une nouvelle raison d’être fâchée contre moi, se dit-elle. Mais d’un autre côté, si c’est Peter Carrington qui a tué son père et qu’ils en découvrent une preuve ici, elle serait folle de continuer à se faire du souci pour lui.

« Regarde-moi ça », dit le plus âgé des inspecteurs à son collègue en lui tendant une feuille de papier. C’était la copie d’une note et d’un plan de jardin adressée à Peter Carrington par Jonathan Lansing. La note était rédigée ainsi :

Cher Peter,

Il me semble qu’il serait dommage de ne pas aller au bout de ce projet. Vous le savez sans doute, votre père et moi avions envisagé un plan très simple pour le terrain qui se trouve au-delà de la clôture. Comme je ne travaille plus pour vous désormais, et que je pense que Mme Elaine Carrington ne souhaite pas que je sois en contact avec votre père, pourriez-vous être assez aimable pour lui transmettre ce plan ? J’y joins la carte d’un paysagiste de ma connaissance qui pourrait réaliser ces travaux suivant les indications de votre père.

J’ai beaucoup apprécié nos conversations et vous prie d’agréer mes meilleurs sentiments.

 

Jonathan Lansing.

Tandis que le plus jeune inspecteur lisait la note, le plus âgé se tourna vers Maggie. « Ne vous excusez jamais de ressembler à un hamster, madame O’Neil. »