Technique d’approche
Le champignon lumineux de Tobias lui éclairait le visage par en dessous, lui faisant des yeux un peu effrayants.
Il parlait tout bas, pour ne pas réveiller les Pans qui dormaient :
– Comment va-t-on approcher de la cité Blanche ?
Léo eut une moue chagrinée.
– C’est tout le problème, j’ai entendu dire que la ville est fortifiée, dit-il. Et ce n’est pas tout : avant même d’y pénétrer, il faut l’atteindre ! En bas, dans le bassin, ce ne sont que des garnisons et des villages Ozdults partout, ainsi que des fermes, des champs, et donc beaucoup de circulation. Nous ne pourrons pas rester discrets très longtemps.
– Il faut se séparer, conclut Matt.
Les trois garçons se regardèrent.
– Est-ce qu’on peut circuler librement en ville quand on est un adolescent ? questionna Tobias.
Léo hocha la tête :
– Oui. En étant calme. Tu te fais passer pour un esclave qui remplit une tâche pour son maître.
– Aucun jeune ne passe du côté Ozdult ? Des traîtres de la rébellion par exemple !
– Certains se sont ralliés à Oz dès le début, mais ils sont rares.
– On pourrait se faire passer pour des gars de ce genre, proposa Tobias.
– En étant peu nombreux, ça peut fonctionner.
– Il nous faut un groupe passe-partout, intervint Matt.
– Ambre voudra en être, devina Tobias.
– Avec sa démarche flottante, c’est impossible, elle attirera l’attention !
– Tu crois vraiment qu’elle va nous laisser entrer dans la cité Blanche sans elle ? se moqua Tobias. Tu la connais ! Tu devrais savoir qu’elle n’acceptera jamais de rester à l’écart.
– Juste le temps que nous repérions le Cœur de la Terre. Une fois qu’on saura où il se trouve et comment l’atteindre, on reviendra la chercher. Mais tant que nous devrons nous promener en ville et poser des questions, il ne faut pas qu’elle soit là. Elle va nous faire repérer.
– C’est toi qui te charges de lui annoncer alors !
– Autre chose, murmura Léo, les chiens ne pourront pas venir non plus. Il n’en existe pas des comme ça ici.
Matt acquiesça à contrecœur, en jetant un regard à Plume qui dormait, épuisée par ces longues journées de marche.
– Demain nous allons nous poster près d’une route, expliqua Matt, et nous attaquerons un chariot pour nous l’approprier.
– Attaquer ? répéta Tobias, mal à l’aise. Tu veux dire qu’on va… tuer ses occupants ?
– Non ! Ils seront nos prisonniers. Sous la garde de ceux qui resteront là. Nous les libérerons au retour.
– Je préfère ça… Je me voyais pas assassiner quelqu’un de sang-froid, même un Cynik !
– Il faut que Maya nous accompagne, pour traduire. Ce ne sera pas simple de passer par elle chaque fois…
– La langue officielle des Ozdults est devenue l’anglais, le rassura Léo, mais elle n’est pas encore utilisée partout. À la cité Blanche ça devrait être le cas. Oz a rassemblé les adultes de toute l’Europe ou presque, il a bien fallu imposer une langue commune. Il a des gens de tous les pays dans la ville, ils circulent beaucoup.
– Tu sais à quoi ressemble le monde à l’est ? demanda Matt.
– Je sais que loin à l’est, vers l’ancienne Russie, le froid est descendu et a repoussé beaucoup de monde vers l’ouest. Et les pays de l’est sont saturés de bêtes sauvages, on parle même de loups-garous et de vampires ! Mais je suppose que ce sont des légendes.
– Aux États-Unis on en a des vampires ! contra Tobias en frissonnant. Ils s’appellent les Mangeombres.
Un froid s’installa entre les garçons, et chacun songea à ces créatures et aux légendes les plus sinistres qui couraient sur leur compte.
– Léo, interpella Matt pour changer de sujet, est-ce que tu as une idée de la façon dont nous pourrions débusquer le Cœur de la Terre dans la ville ?
– Ils l’appellent l’énergie lumière. Ça ne devrait pas être trop difficile, tout le monde doit le savoir. Soit nous allons dans une auberge et on fait parler les ivrognes, soit nous nous rendons directement à l’office d’intégration.
– C’est quoi l’office d’intégration ? demanda Tobias.
– Il y en a dans toutes les villes importantes Ozdults, c’est là que vont les nouveaux venus quand ils sont perdus et qu’ils cherchent de l’aide pour s’y retrouver, une affectation, des contacts, du travail, etc.
– Et comment font les adultes en Europe pour commercer ? Par le troc ou un système d’argent ?
– Ils frappent leur monnaie. Des pièces en or je crois.
– Il nous en faudra un peu.
– Dans ce cas il vous faudra un boulot…
– Nous verrons sur place.
– Les armes sont autorisées en ville ? s’inquiéta Tobias.
– Pas pour les esclaves, répondit Léo en secouant la tête.
– Nous nous ferons passer pour des jeunes convertis à la cause de Oz, expliqua Matt. J’ai un visage qui peut faire dix-huit ans.
– Ils vont se méfier de vous, les avertit Léo, vous paraissez jeunes, ils n’aiment pas ça. Ils n’auront pas confiance.
– De toute manière nous n’avons pas le choix, conclut Matt.
Il se leva pour retourner vers son sac de couchage.
– Il est temps de dormir, les gars, demain une journée capitale nous attend.
Les trois garçons se couchèrent, mais ne parvinrent pas à s’endormir tout de suite. Trop d’images tourbillonnaient dans leurs esprits. La cité Blanche, les Cyniks, et les ombres de créatures monstrueuses en arrière-plan.
Et lorsqu’ils parvinrent enfin à sombrer, leur nuit fut peuplée de vampires et de loups-garous.
Ambre se tenait au bord de la falaise, contemplant l’immense plaine qui courait à ses pieds. Au loin, elle pouvait deviner le sommet de la Tour-Squelette, une petite pointe noire qui se détachait sur le ciel bleu.
Elle avait une boule dans la poitrine. Un poids qui pesait de plus en plus lourd.
Elle comprenait Matt, il avait raison quand il lui disait que sa démarche n’était pas naturelle et que ça allait se voir, mais elle ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir de la contraindre à rester ici avec les autres. Ce n’était pas sa faute si elle ne pouvait plus marcher. Elle était la première à en souffrir, il ne s’en rendait pas compte. Chaque matin, en ouvrant les yeux, pendant trois ou quatre secondes, elle serrait les poings très fort en priant pour que ça ne soit qu’un cauchemar. Puis elle essayait de s’asseoir en bougeant les jambes, mais rien ne se passait et elle réprimait ses larmes de rage.
Il lui arrivait de s’endormir en pleurant, et elle devait se retourner dans ses couvertures pour que personne ne la voie étouffer ses sanglots dans la boule de vêtements qui lui servait d’oreiller.
Ambre maudissait cette injustice, qui aujourd’hui la reléguait à l’arrière-plan. Elle était obligée d’attendre avec les autres, de se séparer de Matt et Tobias. De les laisser prendre tous les risques sans elle. C’était humiliant. Insupportable.
Et effrayant.
Ambre prit soudain conscience de l’étrange sentiment qui l’étreignait. Une forme de désir de protection totale, absolue.
Le besoin de tout contrôler pour être sûre qu’il ne va rien leur arriver, c’est une obsession. La volonté d’être à leurs côtés pour les protéger, les guider, m’assurer que personne ne leur fera du mal.
Ambre secoua la tête.
Je déteste ce sentiment. Il me rend folle. Il me renvoie à mon impuissance. À mon inutilité.
Cette émotion la dépassait. Elle la devinait très féminine, obsédante.
L’instinct maternel ? C’est ça ? Je déteste… Ça me rend fragile et inefficace.
– Je suis désolé, fit Matt dans son dos.
Elle pivota dans les airs. Sa longue robe masquait l’espace de dix centimètres entre le sol et ses pieds, mais le mouvement était tellement fluide qu’il trahissait l’absence de mécanique naturelle. Quiconque la regarderait se déplacer comprendrait qu’il y avait une étrangeté là-dessous.
– Crois-moi, insista le jeune homme, je préférerais mille fois t’avoir à nos côtés.
Ambre glissa jusqu’à lui et, en guise de réponse, ses lèvres cherchèrent les siennes, sa langue s’invita à la caresse.
Lorsqu’elle s’écarta, Ambre lui dit :
– Fais ce que tu dois, mais ne prends aucun risque inutile. Lorsque tu auras localisé le Cœur de la Terre et trouvé un moyen de l’approcher, reviens me chercher, nous y accéderons la nuit. Fais attention à toi, c’est tout ce que je te demande.
Matt demeura plusieurs secondes sans voix, admiratif, et Ambre lut beaucoup d’amour dans ce regard. Ses pupilles brillaient.
Alors il la prit dans ses bras et la serra fort contre lui.
Elle enfouit sa tête dans son cou et le respira autant qu’elle put.
La tiédeur de sa peau était rassurante. Elle y colla sa joue.
Elle ne se sentait nulle part aussi bien qu’en cet endroit.
C’était son sanctuaire.
Une larme coula lentement jusqu’à mouiller la peau de Matt.
Il n’était pas encore parti qu’il lui manquait déjà.
Un chariot tiré par deux mules approchait sur la route. Un Ozdult tenait les rênes en somnolant, insensible à la poussière que soulevaient les sabots de son attelage.
Lorsque le chariot passa à travers le bosquet qui masquait le virage, Tobias, Chen et Tania surgirent, leurs flèches braquées sur le conducteur. Matt se posta au milieu du chemin, l’épée posée sur l’épaule.
– Halte ! aboya-t-il.
Le Cynik releva la tête, surpris, et avisa la troupe avec stupeur.
– Arrête-toi, cria Maya en français.
L’homme fronça les sourcils, ne comprenant pas ce qu’une bande d’adolescents pouvait lui vouloir avec autant d’arrogance.
Il se pencha pour attrapa un gourdin et les toisa avec méchanceté.
Matt s’écarta et fit signe à Elliot d’intervenir :
– Vas-y, entraîne-toi, dit-il.
Le jeune blondinet coiffé de son casque de bandages se concentra et leva les mains devant lui.
Il fixait le conducteur du chariot, les yeux grands ouverts, sans ciller.
L’homme finit par croiser son regard, et fut pris de tressautements cependant que ses yeux se fermaient et qu’il tombait à la renverse, inconscient.
– J’adore ton truc ! s’écria Tobias à l’attention d’Elliot.
Tania et Chen grimpèrent sur le chariot en marche et le stoppèrent. Matt saisit le Cynik sous les bras, le fit descendre et l’installa sur le dos de Plume.
– Retournez au campement, dit-il à l’attention de Chen et Tania. Gardez le Cynik en permanence, qu’il ne puisse surtout pas s’enfuir. Et souhaitez-nous bonne chance.
Tobias et Elliot sautèrent à l’arrière du chariot, sous la bâche, tandis que Matt prenait les rênes, Maya à ses côtés.
Le groupe s’était constitué selon les besoins de la mission. Maya parce qu’elle parlait français, et Elliot, compte tenu de son altération, pouvait être précieux pour éviter les ennuis tout en restant discret.
Tobias rangea son arc, et le véhicule se mit à cahoter.
– Ça te vient d’où cette altération ? s’enquit-il.
– Mon père était psy, et il pratiquait l’hypnose. Je lui ai souvent demandé de me montrer, et à l’école je m’entraînais sur mes copains. Ça marchait jamais, mais j’essayais… Je suppose que mon don vient de là.
– C’est génial. Tu peux endormir tout le monde ?
– Si on croise mon regard. Parfois ça ne fonctionne pas, des gens résistent.
– Et sur dix personnes à la fois tu pourrais ?
– Je ne crois pas. Chaque fois que j’endors quelqu’un, je me sens moi-même un peu groggy. Si je le fais trop sans me reposer, je finis par m’évanouir.
– Et le plus que tu as fait d’une seule traite c’est combien ?
– À l’académie de l’altération, une fois j’en ai endormi six de suite avant de m’effondrer. Ensuite j’ai dormi pendant vingt-quatre heures !
– Tu étais à l’académie à Eden ? Tu as connu Ambre là-bas ?
– C’était ma professeur.
– Dis pas professeur devant elle, elle serait folle !
– En tout cas c’est elle qui m’a aidé à exploiter mon altération. Elle ne s’en souvient sûrement pas, elle a eu tellement de gens les premiers temps, mais moi je me souviens très bien d’elle. Tout le monde l’admirait énormément. Et ensuite j’ai eu Melchiot comme prof, c’était un bon lui aussi.
– Eden me manque. Le Salon des Souvenirs, le grand pommier, les siestes dans le verger…
Elliot approuva d’un hochement de tête convaincu.
– Moi aussi. Vivement qu’on rentre.
Brusquement les deux garçons glissèrent vers l’avant du chariot.
Ils entamaient la descente vers le bassin de la cité Blanche.
Malgré la chaleur, Matt remit sa cape sur ses épaules et baissa la capuche pour masquer son visage, aussitôt imité par Maya.
– Difficile de croire qu’on approche d’une grande ville, s’étonna-t-il.
Après avoir traversé, pendant plus de six heures, des champs et des prairies où paissaient des bœufs, des moutons et des chevaux, ils roulaient sur une route au milieu d’une forêt interminable qui venait enfin de s’ouvrir sur une vue plus dégagée. Ils dominaient un fleuve que traversait un pont gardé par deux tours en pierre, flanquées de gardes en armure noire. Au-delà, la route se continuait vers un canyon d’immeubles couverts de lianes et de branchages, quand ce n’était pas des montagnes de ronces dégoulinant des portes, des fenêtres et même des toits.
Au loin, d’anciens buildings jaillissaient de la végétation, vitres et structures couvertes de champignons et de mousse, leur donnant l’apparence d’antiques monolithes titanesques plantés là plusieurs siècles plus tôt par une civilisation disparue. Des nuées d’oiseaux tournoyaient autour de ces rectangles dressés vers les cieux.
La Tour-Squelette régnait un peu plus loin, dans le vent, comme l’étendard de la cité Blanche.
Le chariot cahota sur la pente, jusqu’à ralentir devant les gardes qui régulaient le passage du pont. Ils étaient six en train de discuter et un seul s’écarta de ses compagnons pour s’intéresser à la voiture qui approchait.
Matt tira sur les rênes pour stopper les mules. Le soldat lui parla en français et avant que Maya ne puisse traduire, Matt répondit en anglais :
– Pardon ?
– Qu’est-ce que vous transportez ? s’enquit le soldat en approchant de Matt sans même le regarder.
– Deux esclaves.
– Pour quoi faire ?
– Ils viennent de notre Maester, à Cytadel, en cadeau à son ami le Maester Luganoff.
À ces mots le soldat sembla impressionné.
– Pour Maester Luganoff ? Rien que ça…
Cette fois il dévisagea attentivement Matt qui soutint son regard.
Matt avait affronté bien assez de périls, de batailles, il avait vu la mort de près, et même fixé des hommes dans les yeux au moment où sa lame s’enfonçait dans leur chair. Il avait soutenu bien des regards, dans les pires instants de l’existence, et quand ses prunelles se calèrent sur celles du garde, elles dégageaient une telle assurance que l’homme finit par cligner des paupières et passer à Maya qu’il vit à peine.
Matt avait certes le physique d’un adolescent, à peine un jeune homme, mais ce qui émanait de ses yeux forçait le respect.
– Vous avez un accent fort, dit le garde.
– Vous aussi.
L’homme émit un rire gras, saccadé, qui trahissait son malaise.
– Allez-y, fit le Cynik en joignant le geste à la parole. Vous connaissez le chemin ?
– Non, c’est la première fois.
– Suivez la route jusqu’à la Patte d’Oie du destin, il y a trois embranchements. Là, soit vous prenez tout droit pour entrer par l’avenue de l’Empereur, soit vous passez par la droite pour entrer par les quartiers marchands, si vous voulez d’abord vous reposer. Le palais est au centre de la ville, vous ne pourrez pas le manquer.
– Et la troisième route ? demanda Maya. Vous avez mentionné trois embranchements à la Patte d’Oie.
– Vous l’oubliez. La gauche part vers le cloaque des Dieux, dit le garde en désignant les anciens buildings. Ne songez même pas à y pénétrer. Plus personne n’y entre. Bonne route !
D’un mouvement du poignet, Matt ordonna aux mules de repartir et ils traversèrent le pont, attentivement observés par les soldats.
Le chariot fila ensuite sur la route, tandis que Matt et Maya scrutaient les façades ravagées par la nature.
– Tout va bien ? fit la voix de Tobias depuis l’arrière.
– Vous êtes officiellement nos deux esclaves.
– C’est toujours la même chose ! Les Noirs sont enfermés au service des petits Blancs ! plaisanta Tobias. Attends un peu que je te fasse ma révolution !
– On est en ville ? demanda Elliot.
– Dans ce qui était, autrefois, les faubourgs de Paris. Maintenant on dirait une interminable ruine hantée et dévorée par les plantes.
Ils croisèrent plusieurs autres charrettes, des cavaliers et plusieurs adultes à pied, portant des sacs ou des baluchons. Il y avait assez de trafic pour rassurer Matt sur la sécurité des lieux. C’était certes à l’abandon, mais manifestement pas infesté de prédateurs.
Il n’était pas difficile de se repérer. Malgré les voies qui partaient dans tous les sens, les tunnels, les ponts, les carrefours et les impasses, Matt n’avait qu’à suivre la seule route entretenue.
Après une heure, ils débouchèrent sur la Patte d’Oie du destin, et Matt fit ralentir l’attelage.
– Je propose qu’on évite l’avenue de l’Empereur, dit-il, rien qu’au nom ça m’a tout l’air d’être un grand truc, j’ai pas envie qu’on nous guette de tous les côtés.
– Va pour les quartiers marchands, avec un peu de chance il y aura tellement de monde qu’on passera inaperçus, approuva Maya.
Matt jeta un regard sur le chemin qui partait à gauche.
Après seulement une centaine de mètres, l’herbe, les fougères et les ronces la recouvraient. Au loin, la rue descendait en passant sous une énorme construction en béton qui avait dû être un centre commercial ou un parking. Au-dessus, les buildings couvraient de leurs longues ombres toute l’esplanade. Les oiseaux continuaient de s’agiter dans les hauteurs mais, au niveau du sol, aucun mouvement n’était perceptible, aucun bruit.
– J’aime pas cet endroit, avoua Maya.
– Moi non plus. On dirait que plus rien n’y vit. Même les oiseaux n’osent pas s’y poser.
– Pourtant ils sont nombreux. Beaucoup trop, même.
La tête de Tobias apparut entre deux pans de la bâche.
– C’est glauque ! C’est ça le cloaque des Dieux ? Pour une fois, je suis content d’aller dormir dans une cité Cynik ! Pas envie de m’assoupir ce soir avec cet endroit à proximité !
Matt tira sur les rênes et le chariot vira à droite. Ce faisant, il crut apercevoir une ombre fugitive à l’entrée du souterrain, mais ce fut si rapide et lointain qu’il n’était sûr de rien et s’il fallait en croire le garde, personne ne vivait là. Qui pourrait s’installer dans un endroit pareil, alors qu’une ville, avec son confort et sa sécurité, s’étendait à proximité ?
Une impression de malaise planait. Comme si tout ce qui devait s’oublier du passé y était entreposé. Un cimetière de souvenirs.
De mauvais souvenirs.
Matt vit les gratte-ciels s’éloigner, et il s’en félicita. C’était viscéral, il détestait ce lieu, comme tous ses compagnons.
Ils pouvaient oublier le cloaque des Dieux. Leur mission n’avait rien à y faire.
Et c’était bien mieux ainsi.