Halte
Des projections de sang tapissaient les feuillages sur plusieurs mètres, des branchages cassés jonchaient le sol et la terre était toute retournée.
Un combat avait eu lieu.
Chen fit une grimace, effrayé.
– Et maintenant on fait quoi ? demanda-t-il. On part à leur recherche dans quelle direction ?
– Soit ils sont partis précipitamment, avança Matt, et dans ce cas il faut qu’on parvienne à les retrouver, soit ils ont été capturés par les Cyniks et ils sont en route vers Cytadel.
– Avec les Raptors dehors, suis pas sûr que les Ozdults sortent de chez eux la nuit ! C’est ce que Léo avait l’air de dire…
Matt répliqua :
– Ils évitent d’errer la nuit dans les rues, mais de là à rester terrés, j’ai un doute… Il faut faire attention, notre présence à l’église a probablement alerté leurs vigies, évitons de leur donner envie de venir jusqu’à nous. Ti’an, tu as repéré une piste ?
Le Kloropanphylle revint avec sa lanterne.
– Oui, c’est truffé de traces par là-bas, vers l’ouest. Empreintes de chiens – il y en a partout – mais aussi de pattes à trois doigts, massives.
– Raptors ? lança Tobias en frissonnant.
– J’en ai bien peur.
Matt désigna l’ouest :
– En selle, on remonte la piste. Prenons toutes les affaires laissées ici. Et soyez vigilants. Préparez vos armes. Ces créatures sont agressives, j’ignore si en plus elles sont fourbes et capables d’attendre cachées dans les fourrés, ne prenons aucun risque.
Ils allumèrent plusieurs lanternes pour se repérer et les chiens s’élancèrent, guidés par Ti’an sur le dos de Kolbi.
Le Kloropanphylle s’arrêtait régulièrement pour sauter à terre et inspecter les traces, avant de repartir en suivant tout autant les branchages cassés que les empreintes.
Ambre repéra plusieurs taches sombres sur les feuilles.
– Du sang, dit-elle tout bas.
Puis soudain Kolbi s’immobilisa, et Ti’an leva son bâton devant lui.
Des bruits étranges leur parvinrent. Droit devant. Des grondements sinistres, des roucoulements gutturaux. Et le bruissement de la végétation quand des formes filaient entre les troncs et les buissons.
– Des Raptors, murmura Tobias.
– Une dizaine au moins, compléta Chen.
Les chiens se rapprochèrent les uns des autres, les babines retroussées sur leurs crocs, prêts à défendre leurs maîtres.
Et toute la ligne se mit à avancer doucement.
Les Raptors fusaient dans la nuit, changeant de position, comme pour mieux distinguer ce qui approchait, ou pour les impressionner par une sorte de danse guerrière.
Un des sauriens se mit alors à crier, un long râle aigu, répété par un autre plus lointain, puis un troisième.
Alors les lézards détalèrent brusquement, à toute vitesse, dans la nuit.
– C’est nous qui les avons effrayés ? commença à se réjouir Tania.
– Je crois bien…, répondit Ti’an.
Tobias, lui, restait attentif au moindre signe :
– Dans les films, c’est là que surgit un monstre encore plus gros…
Mais aucune créature n’apparut.
Jusqu’à ce que des yeux s’illuminent dans l’obscurité. Face à eux.
Une dizaine. La lumière des lanternes se réfléchissant sur les pupilles jaunes.
Des yeux plus grands que ceux d’un homme.
Comme des loups géants.
Les gueules sortirent peu à peu de l’obscurité.
Et les attitudes changèrent.
Les oreilles s’affaissèrent, les babines retombèrent et les regards s’adoucirent.
Marmite, Chunk, Safety, Nak et les autres chiens s’approchèrent.
Mais il n’y avait personne sur leur dos.
Draco, le chien d’Elliot, apparut à son tour, il boitait et son poil était maculé de sang sur tout le flanc droit.
Gus fit un bond pour surgir à ses côtés et lui donner un coup de langue sur la truffe.
– Où sont Floyd et les autres ? s’inquiéta Matt en descendant de sa monture.
Il dépassa les chiens et explora les environs, une lanterne à la main.
Il vit des lueurs et des ombres. Et le flash du métal qui prend la lumière.
Une lame !
Matt saisit la poignée de son épée.
Puis il reconnut Floyd et son crâne rasé. Il peinait à tenir debout, l’arme dressée devant lui.
– Floyd ? C’est moi, Matt !
– Matt ?
Le Long Marcheur tituba jusqu’à lui.
Il avait deux longues entailles, l’une sur le bras, l’autre sur la poitrine, et il saignait abondamment.
– On a été attaqués, souffla-t-il. J’ai fait tout ce que j’ai pu.
Il s’effondra et Matt le retint in extremis pour l’asseoir contre un arbre.
Derrière lui, Randy serrait son arc en tremblant. Maya et Léo s’appuyaient l’un contre l’autre, Torshan était couvert d’écorchures, son bâton prêt à frapper tout ce qui approcherait. L’adolescente inconsciente était allongée dans l’herbe, là où un chien l’avait déposée avant de repartir au combat.
Ils sont presque tous là, constata Matt avant de comprendre qu’il en manquait deux.
Il les repéra à l’écart, grâce à la lanterne posée à leurs pieds.
Dorine se tenait à califourchon sur le corps d’Elliot dont les cheveux blonds étaient à présent rougis. Le jeune garçon était inconscient, et en voyant ses blessures, Matt comprit qu’il n’en avait plus pour très longtemps.
Dorine n’abandonna pas. Elle s’acharna pendant deux heures à l’aide de son altération, pour sauver Elliot. Ses mains étaient plaquées sur les joues du garçon, et elle lui transmettait toute son énergie pour qu’il survive.
Pendant ce temps, Tania, assistée par Ambre, prit du fil et une aiguille et, après avoir nettoyé les plaies, elle s’efforça de les recoudre le plus proprement possible.
Le pauvre garçon était blessé au ventre, sur les bras et le long du crâne, au-dessus de l’oreille. Cette dernière blessure était la plus grave. Il s’en était fallu d’une seconde qu’un Raptor ne vienne enfoncer ses dents dans le crâne d’Elliot. Floyd était intervenu pour le sauver, mais pas assez vite.
Pendant ce temps, Matt multiplia les rondes dans les alentours, sur le dos de Plume, avant d’être relayé par Tobias sur Gus.
Les Pans craignaient tout autant un retour des Raptors qu’une patrouille Cynik alertée par le bruit et la lumière. Mais l’état des blessés interdisait tout transport.
Lorsque Elliot fut recousu, Ambre vint au chevet de Floyd et apposa ses mains sur les entailles qui le faisaient souffrir. Elle ferma les yeux et Floyd sursauta.
– Je sens… je sens de la chaleur ! balbutia-t-il.
– C’est l’énergie du Cœur de la Terre, expliqua Matt. Ambre est en train de te soigner.
– Mais… ça va attirer les Tourmenteurs d’Entropia, non ?
– Si elle l’utilise trop longtemps. Mais ils sont loin, nous aurons le temps de bouger d’ici à ce qu’ils nous trouvent.
– Je l’espère…, murmura Floyd en se laissant aller contre un tronc.
Il était à bout de forces.
Quand elle eut terminé avec Floyd, elle vint près de Dorine et Elliot.
– Laisse-moi prendre le relais. Tu es épuisée, dit-elle.
Dorine lâcha son patient et manqua s’effondrer en se relevant. Elle était livide. Mais Elliot était toujours en vie.
Ambre posa ses mains sur le visage du garçon et se concentra.
Elle resta près d’une heure ainsi, jusqu’à ce que Matt vienne l’interrompre :
– Tu dois arrêter maintenant. On a besoin de toi. Et si tu prolonges trop, tu sais que Entropia va te sentir.
Ambre acquiesça et passa la main dans les cheveux d’Elliot.
– Il faut le veiller. Il va s’en sortir.
– Je m’en occupe, dit Léo en mouillant un linge pour commencer à nettoyer le sang qui maculait les cheveux de son compagnon de route.
Matt attira Ambre près des chiens qui se reposaient, côte à côte, se léchaient les pattes, leurs petites blessures.
– Draco est en mauvais état. Si tu ne peux rien faire pour lui, il aura du mal à nous suivre. Il nous ralentira.
– Nous ne laisserons pas l’un de nos chiens derrière nous, dit Ambre, catégorique. Je m’en occupe.
Matt lui posa une main sur l’épaule.
– Garde un peu de force pour toi.
– Ne t’en fais pas.
– C’est promis ?
Matt savait qu’elle pouvait tout donner pour aider les autres, surtout s’il s’agissait des Pans ou des animaux. Il craignait qu’elle n’aille trop loin, qu’elle perde de nouveau connaissance durant plusieurs jours, ou pire…
– C’est promis, dit-elle en s’asseyant près de Draco, qui leva les yeux vers elle sans trouver la force de bouger.
Ambre appliqua ses mains sur les flancs de l’animal, et le processus de guérison monta du Cœur de la Terre.
L’aube se levait, accompagnée par le chant des premiers oiseaux. Un ciel blanc recouvrait la forêt.
Matt avait peu dormi, montant la garde avec Chen et Tobias. Ce dernier se réveillait à peine. Il ouvrit les paupières et aperçut son ami assis sur un minuscule rocher.
– Comment vont les blessés ? demanda-t-il en s’étirant.
Il était courbatu par la fatigue et la dureté du sol.
– Dorine a fait du beau boulot, et Ambre a terminé le travail, ça devrait aller. Ils vont avoir besoin de repos maintenant.
– Sauf qu’on n’a pas le temps !
– C’est tout le problème. Ambre et Dorine ne tiennent plus debout, Elliot et Floyd ne sont pas mieux. Torshan a reçu quelques mauvais coups qu’il va falloir surveiller, et chez les chiens plusieurs sont amochés. Rien de grave, mais ils ne sont pas vaillants.
– Draco ? Il va s’en sortir ?
– Oui. Ambre fait des miracles.
– Mais à quel prix, murmura Tobias en la voyant assoupie plus loin, pâle comme un spectre et respirant difficilement.
Matt hocha la tête, la mine grave.
– Nous ne pouvons plus nous permettre ce genre d’affrontement. On finira par tous y passer, et ils nous font perdre un temps précieux.
– La fuite à tout prix, dit Tobias tout bas.
– Ce sera plus malin que d’aller au combat.
– Quand repart-on ?
Matt jeta un coup d’œil au campement. Tous ou presque dormaient, certains gémissaient, les chiens ronflaient, épuisés.
– Pas aujourd’hui. Personne n’est en état.
Tobias ouvrit la fermeture Éclair de son sac de couchage.
– On va distribuer les tours de garde.
– Inutile. Maintenant qu’il fait jour nous allons rester ensemble ici. On sera silencieux et attentifs. Je préfère que tu te reposes. Nous serons bientôt à la cité Blanche. Là-bas nous aurons besoin d’être particulièrement en forme.
Le regard de Matt s’arrêta sur la silhouette de l’adolescente inconnue. Elle avait été emmitouflée dans des couvertures pour la nuit.
– Qu’est-ce qu’on va faire d’elle ? demanda Tobias.
Matt haussa les épaules.
– Si je le savais…
Une heure plus tard, Chen descendit de l’arbre où il était monté grâce à son altération. Il rangea sa longue-vue et vint s’entretenir avec Matt.
Quelques minutes plus tard, ce dernier réveilla tout le monde :
– On remballe tout, dit-il, il faut changer de place.
– Pourquoi ? s’étonna Torshan, nous sommes à l’abri dans la forêt.
– Chen a repéré des Cyniks sur le sentier. Ils patrouillent. Les traces de votre fuite d’hier sont visibles, on peut remonter jusqu’ici très facilement, c’est d’ailleurs ce que nous avons fait. Nous allons nous éloigner un peu, par prudence. Nous ne pouvons nous permettre un nouveau combat. Pas dans cet état. Tobias et moi nous serons derrière, nous veillerons à couvrir les traces.
Ils rangèrent leurs affaires à contrecœur, englués dans la torpeur, installèrent les blessés sur le dos des chiens, avant de se glisser entre les arbres en quête d’un autre emplacement pour bivouaquer.
Ils marchèrent moins d’une heure.
Torshan et Ti’an trouvèrent la ruine d’un ancien moulin, au bord d’une petite rivière et, au final, l’effort fut bénéfique. Ils avaient des murs pour s’abriter du vent, et de l’eau fraîche à profusion. Ils investirent le rez-de-chaussée et ressortirent les sacs de couchage et les ustensiles de cuisine. On alluma un petit feu pour faire chauffer de l’eau, et tous s’allongèrent contre leurs chiens, savourant ce repos.
Dorine et Ambre se relayaient auprès d’Elliot et de Floyd, mais les deux garçons dormaient profondément, engoncés dans leurs bandages.
Léo caressait Draco en lui murmurant des gentillesses en français, pour réconforter le golden retriever qui gémissait dans son sommeil. Maya vint lui tenir compagnie, et tous deux se racontèrent leur vie dans la langue de Molière.
Tobias descendit vers la rivière pour se laver. Il se mit en slip et commença à s’asperger d’eau. Elle était tellement froide qu’il y allait timidement. Un peu sous les aisselles, un peu sur la nuque…
Soudain quelque chose le poussa et il chuta dans l’eau.
Lorsqu’il sortit la tête de l’eau, le souffle coupé, il poussait des petits cris de chiot.
Et vit Matt, hilare, sur la berge.
– J’ai senti que t’osais pas te lancer, cria-t-il.
– Elle est glaciale !
– Ça va te réveiller !
– J’aimerais t’y voir, toi !
– OK. S’il n’y a que ça pour te faire plaisir…
Matt se déshabilla rapidement et sauta pour rejoindre Tobias.
Il remonta aussitôt à la surface, les traits déformés par la stupeur.
– Elle est super froide ! s’écria-t-il.
Et Tobias éclata de rire à son tour.
Quand les deux garçons remontèrent se sécher, Tobias lui donna une bourrade amicale.
– Merci, dit-il.
– Pour t’avoir poussé ?
– Ben ouais. Ça faisait longtemps qu’on n’avait plus ri tous les deux.
– C’est vrai.
Matt lui ébouriffa les cheveux, la main dans l’épaisse toison crépue.
– Oh ! mon Dieu, ma main ! railla-t-il. Jamais je ne vais la retrouver !
– Pffff. Toujours aussi con quand tu veux ! Mais moi au moins, je ressemble pas à un vieux Bee Gees !
– Arg…
Matt mima un coup en plein cœur et chancela avant de tomber à genoux.
– Là, tu viens de tuer mon amour-propre.
En riant, les deux garçons regagnèrent le moulin. Ils déjeunèrent de rations lyophilisées, l’esprit léger.
En début d’après-midi, Tania, Chen et Ti’an se levèrent pour aller chasser, dans l’espoir de mettre du gibier au menu du dîner.
Tobias essaya comme tous les autres de profiter de leur halte forcée pour faire une sieste, mais ne trouvant pas le sommeil il se leva pour marcher un peu.
Il aperçut l’adolescente, toujours inconsciente, et vint s’agenouiller à son côté. Il avait vu Ambre l’hydrater dans la journée et il entreprit d’en faire autant. Il imbiba un linge d’eau pour lui laver le visage, avant de faire couler quelques gouttes dans sa bouche. Elle était plutôt jolie, débarrassée de sa saleté.
Il pivota pour reprendre un peu d’eau, et lorsqu’il se retourna vers elle, les yeux de la fille étaient grands ouverts. Surpris et effrayés.
– Oh ! Bonjour. Tu reviens à toi ? Je m’appelle Tobias.
Se souvenant alors qu’ils n’étaient plus en Amérique, Tobias se désigna de la main :
– Tobias.
L’adolescente fouilla du regard autour d’elle, paniquée. Mais lorsqu’elle vit les chiens qui dormaient avec les adolescents, elle s’apaisa, son souffle se calma.
– Relax, relax. Tu connais ce mot, non ? Cool. Pas peur.
Tobias faisait de son mieux pour essayer de se faire comprendre, mais il n’était pas certain qu’elle l’écoutait vraiment.
– Où suis-je ? dit-elle avec un accent britannique.
– Oh, tu… parles anglais ? C’est génial.
– Où sommes-nous ?
– Quelque part en Normandie, en Europe.
– En France ?
– Oui.
L’adolescente s’assit sur son lit de fortune.
– Qui êtes-vous ?
– Nous venons de l’autre côté de l’Océan. Nous sommes des Américains. Enfin, j’ignore si ça signifie quelque chose désormais. Et toi, qu’est-ce que tu faisais là dans les fourrés ?
– Je…
Elle porta la main à son front et grimaça de douleur.
– Tu t’es enfuie ?
– Je crois… je ne me souviens plus très bien. J’étais… j’étais enfermée. Par les adultes. Une esclave. Je devais obéir. À tout ce qu’ils voulaient.
– Ici, en France ?
– Oui, je crois bien.
– Comment tu as atterri là ?
– Je… je ne suis pas sûre…
– Et tu t’es échappée quand ?
– Je ne sais pas. J’ai perdu la notion du temps. Je me souviens d’avoir frappé mon maître et d’avoir couru, couru, couru tellement longtemps !
– Tu te souviens de ton prénom ?
– Katie.
– Bienvenue parmi nous, Katie.
– Qui êtes-vous ? Pourquoi il n’y a pas d’adultes avec vous ?
– Nous sommes libres. Nous sommes des Pans. Enfin, sauf ces deux là-bas, avec les cheveux bizarres, comme des lianes, et les yeux verts. Eux ce sont des Kloropanphylles. Nous nous sommes dégagés de la tyrannie des Cyniks, pardon, des Ozdults. Et nous vivons librement.
– Mais c’est impossible !
– Chez nous ça l’est devenu. Au prix d’une guerre terrible, mais ça l’est devenu.
Katie secoua la tête.
– Ici c’est impossible. Ils vont nous rattraper, et ils nous puniront et nous…
Sentant que ses peurs les plus primitives remontaient à la surface, Tobias voulut la calmer en posant ses mains sur ses épaules mais l’adolescente le repoussa violemment.
– Excuse-moi, je voulais juste te rassurer.
Katie replia ses jambes contre elle et enserra ses genoux avec ses bras.
– Personne ne nous punira, parce que nous ne nous laisserons pas faire. Nous sommes ici en mission. Nous devons retrouver quelque chose de très important. Un objet puissant. Et quand nous l’aurons, tu verras, les choses changeront. Tu vas venir avec nous, de toute façon tu n’as pas le choix, tu ne peux pas rester seule ici, dans la forêt. Et bientôt, tu verras, on sera tous face aux Ozdults et les choses vont changer. Fais-moi confiance.
Katie avait le regard perdu dans le vague.
– Tu vas venir avec nous, d’accord ?
Katie ne répondit pas.
– Tu me fais confiance ?
L’adolescente leva les yeux pour l’observer.
Puis elle fixa les chiens.
– Ils… ils ne sont pas dangereux ?
– Eux ? Certainement pas ! Viens.
Il la prit par le poignet, et cette fois elle se laissa faire. Il l’entraîna vers Gus qui ronflait doucement et posa la main de la jeune fille sur le poil du saint-bernard.
– Tu sens comme il est doux ?
Gus ouvrit un œil, vit Tobias et Katie, soupira et se rendormit aussitôt.
– Tu vois, rien à craindre.
Un début de sourire émergea au coin des lèvres de l’adolescente.
– Ce sont nos chevaux. Ils sont incroyables, tu verras.
– Il est tout doux…
Tobias la regarda prendre peu à peu confiance, en caressant le chien. Ils commençaient à être nombreux. La mission commando ne pourrait supporter d’autres recrutements intempestifs du même genre. S’ils devaient croiser d’autres enfants en fuite, comment feraient-ils ?
Tobias préféra ne pas y penser. Bientôt ils seraient à Paris, la cité Blanche, et alors il leur faudrait récupérer le deuxième Cœur de la Terre. Ce ne serait pas une partie de plaisir, il l’imaginait sans peine. Mais la mission accomplie, les forces en présence s’équilibreraient. D’ici à ce que Entropia tombe sur les Ozdults, ces derniers prendraient peur. Ils n’auraient d’autre choix que de s’allier aux Pans. Pour être sauvés. Alors ils verraient que les enfants n’étaient pas leurs ennemis. Ils comprendraient qu’il ne fallait pas les craindre.
Oui, ils verront… À ce moment-là ils nous comprendront. Ils nous accepteront. Et la guerre sera finie.
Tania apparut brusquement à l’entrée de la ruine, le front en sueur :
– Une patrouille Cynik ! hurla-t-elle. Ils arrivent !
Katie se raidit. Terrorisée.
Matt ouvrit les paupières et bondit de son sac de couchage, déjà armé.
Il dormait avec son épée.