À son arrivée, les flics l’attendaient. Il y en avait partout. Dans la maison. Dans le jardin aussi. Benjamin allait s’en prendre une bonne. Il en avait déjà mal aux oreilles. La plus belle avoinée de toute sa vie. Couru d’avance.
Prudemment, baissant la tête, prêt à se protéger des coups qui n’allaient pas manquer de pleuvoir, il s’était approché de mémé Lucienne, en pleine conversation avec un homme en costume sombre. Un flic en civil, sans doute. Tandis qu’il n’était plus qu’à un mètre d’eux, le flic s’était brusquement tourné vers lui :
Ne reste pas là, petit ! Va jouer ailleurs !
Mémé regardait Benjamin d’un air triste. Elle semblait lui indiquer qu’elle ne maîtrisait plus rien de ce qui arrivait. Que Jojo, Jules, et toute sa vie, elle les laissait derrière. Qu’elle s’en fichait de tout !
À cet instant, alors qu’il aurait voulu qu’elle vienne vers lui, qu’elle le serre fort contre sa poitrine, qu’elle lui pardonne pour la grosse bêtise qu’il avait commise, il avait réalisé que cet élan d’amour resterait interdit : mémé Lucienne avait levé les bras au ciel, mains jointes, non pas pour implorer le Seigneur, mais seulement pour lui montrer la paire de menottes autour de ses poignets.