Lola ne voulait pas que Benjamin s’en aille.

C’est mon copain !

Bien que né gadjo3, non, elle ne voulait pas. Elle avait menacé : elle s’en irait parce qu’elle serait trop malheureuse de tout ça. Et elle ne reviendrait plus jamais. Voilà. Bien fait pour eux. C’était tant pis.

Les Reinhart ne savaient plus comment s’en sortir. Il fallait pourtant bien le ramener chez lui ce tiquenot-4  ! Il devait déjà être recherché et la police ne tarderait pas à rappliquer chez eux. À chaque fois, la même chose : quand il y a une connerie de commise dans le coin, c’est toujours les gens du voyage qu’on accuse en premier et qui trinquent le plus souvent. Ils en avaient pris l’habitude. Si les flics se pointaient, Joseph aurait beau protester, leur expliquer que cela faisait un sacré bout de temps qu’ils n’avaient pas bougé d’ici, et que les voyages ils en avaient terminé, à cause de Carmen, il suffisait de la regarder Carmen, ils voyaient bien quand même qu’elle était foutue, alors pourquoi ils se seraient en plus embarrassés d’un mioche, hein ? Pour le revendre, peut-être ?

Il fallait négocier. Benjamin devait s’en aller. On avait fini par trouver un compromis : Lola, avec son père, raccompagnerait Benjamin jusque chez lui. Cela semblait convenir à tout le monde. Et comme la matinée se terminait déjà, Carmen avait proposé que le tiquenot reste au moins pour déjeuner. En attendant, ils pouvaient aller s’amuser dehors. Il faisait beau. Qu’ils en profitent. Ils en avaient profité. Et comment !

Lola l’avait entraîné, là où il y a des arbres…

Je vais te montrer ma cachette… J’ai construit une cabane… avec un lit et tout…

Sur le lit (un vieux matelas récupéré dans une décharge à côté), ils avaient commencé des choses que les enfants osent quand ils n’y connaissent rien aux histoires d’amour. Elle était dégourdie, Lola. Plus que Benjamin. Elle savait s’y prendre. Elle avait vu ses parents faire dans la caravane. Elle portait une petite jupe écossaise qu’elle avait relevée pour lui prouver qu’elle ne portait pas de culotte.

Viens sentir comment ça sent bon…

Il s’était approché. C’est vrai qu’elle sentait bon, Lola, pas comme mémé Lucienne en tout cas.

À toi, maintenant…

Elle l’avait aidé à se déshabiller. D’abord le short. Puis elle avait fait glisser le slip jusqu’au bas des jambes. Elle voulait juste voir comment c’est fait la nouille d’un garçon. Elle semblait déçue.

Il paraît que les garçons, quand ils aiment une fille, leur nouille elle devient toute dure et toute grosse… Tu ne m’aimes pas alors…

Bien sûr qu’il l’aimait. Pourquoi elle en doutait ? Mais il avait beau se concentrer, penser très fort aux nichons de Daisy pour se motiver, rien à faire, il ne bandait pas. Elle insistait : Si tu m’aimais vraiment, comme papa il aime maman des fois, tu me grimperais dessus et tu me traiterais de tous les noms, en respirant très fort. Et moi, comme je serais contente, je ferais comme si j’avais mal en poussant des petits cris. Au lieu de ça, tu restes à rien faire, juste à me regarder…

T’es un gros nul, avait-elle ajouté. Puis elle avait conclu : Embrasse-moi, au moins… Sur la bouche… Avec la langue… C’est pourtant pas compliqué…

Elle lui avait montré le chemin. Elle faisait semblant de savoir. En fait, elle n’y connaissait rien. Enfin, pas plus que lui. Ils avaient mélangé leurs langues, ça faisait des nœuds à l’intérieur de leurs bouches, ça dérapait, ils s’étaient perdus, puis retrouvés, ils avaient fermé les yeux comme les grands font dans les films d’amour. À la fin, à force de s’être trop embrassés, ils se sentaient trempés, dégoulinants, pleins de bave autour des lèvres, il fallait se détacher, empêcher la salive de se répandre plus loin.

Rouvrant les yeux, il lui avait murmuré je t’aime, parce qu’il avait déjà entendu ça quelque part. Elle lui avait souri. Bougé ses longs cils, comme ces poupées qui ont les yeux qui clignent quand on les retourne. Elle n’avait rien fait d’autre que cela. Cligner des yeux. Sans qu’on la retourne. Il avait pris ce signe comme une preuve d’amour. Elle aussi lui signifiait qu’elle l’aimait, dans le silence de la forêt. À sa manière. Sans parler. Elle avait compris que les mots avec lui restaient inutiles et dangereux.


3 Personne n’appartenant pas à la communauté gitane.

4 Petit enfant.

Gazoline Tango
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