Ministère de la Sécurité, 9 h 30
Dans une cellule ronde au sixième sous-sol, Robert Drimm est attaché debout sur un plateau métallique qui pivote d’un écran à l’autre, au rythme de ses pensées. Un casque à électrodes recueille, par l’intermédiaire de sa puce, les images mentales, les peurs, les fantasmes, les cauchemars que son cerveau lui projette en 3D sur six écrans plasma. Des pinces l’empêchent de fermer les paupières pour échapper au spectacle de ses angoisses. Il crie, mais sa voix cassée n’arrive plus à couvrir les appels lancinants de l’enfant qui répète sur les écrans : « Au secours, papa, ne m’abandonne pas ! »
– Ça s’appelle une séance de Tor-Peur, dit Olivier Nox. La torture par la peur.
Bras croisés, appuyé d’une épaule aux barreaux de la cellule, il commente la scène avec la voix précise et détachée d’un guide touristique.
– C’est une autotorture qui évite les bourreaux, les agressions physiques, les cicatrices… Très propre et parfaitement efficace. Le sujet craque en général au bout d’une heure, et nous dit tout ce que nous voulons apprendre. Sauf quand il ne sait rien, comme ton père. Ça fait quinze heures qu’il marine dans ses angoisses, et son cœur ne tiendra plus longtemps.
Le jeune homme tourne entre ses doigts une longue mèche noire, dilate en souriant son regard vert.
– Tu remarqueras, Thomas Drimm, que ce qui est en train de le tuer… c’est toi.
D’un écran à l’autre, un petit gros court à perdre haleine derrière les barbelés d’un camp. On comprime ses bourrelets dans un étau d’acier. On l’enferme dans une chambre à gaz avec une serviette autour de la taille. On l’affame, attaché sur une chaise, devant un énorme steak qui pourrit à vue d’œil. Maintenu par deux soldats en blouse blanche, il se débat tandis qu’une énorme seringue aspire sa graisse, puis ses yeux, ses dents, son cerveau…
– Dépêche-toi de venir le délivrer, Thomas. Ou les peurs que tu lui inspires auront raison de lui.