DERRIÈRE LA FENÊTRE GIVRÉE

Je n’étais durant cet après-midi de décembre

qu’une ombre derrière la fenêtre givrée

en train d’admirer

l’un des spectacles les plus bouleversants de la nature.

Je regardais fasciné toute cette neige

qui ne cessait de tomber.

 

Le poète Émile Nelligan a atteint l’immortalité

pour avoir employé deux fois le mot « neige »

dans ce vers très bref :

« Ah comme la neige a neigé ».

Gilles Vigneault, lui, pour avoir chanté

« Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver ».

La gloire ici passe par la glace.

 

Les gens du Nord semblent

si fortement attirés par la mer

alors que la glace effraie ceux du Sud.

La séduction de la chaleur suffit-elle

à expliquer que les premiers

deviennent plus facilement colonisateurs

que les seconds ?

 

Personne n’a vu comme moi

tomber la neige de sa fenêtre

en gros flocons doux.

Je me suis échappé de l’île

qui me semblait une prison

pour me retrouver enfermé

dans une chambre à Montréal.

 

Une petite robe jaune se faufilant

dans ce champ de maïs

qui descend jusqu’à la rivière.

Je cours derrière ma cousine.

Les grandes vacances d’été

dans ma mémoire encore éblouie.

 

C’est le chant des lavandières qu’on entend

depuis la maisonnette de cet homme

qui se nourrit de soupe aux escargots et

assiste indistinctement à toutes les funérailles.

 

Sous mes paupières ces images brûlées

par le soleil de l’enfance.

Le temps file à une vitesse si folle

qu’elle fait de ma vie un magma de couleurs.

C’est ainsi que passe la nuit polaire.

 

Cette gaieté triste me tombe dessus

toujours à la même heure.

Au moment où les voitures allument

leurs phares du soir qui balaient ma chambre

me faisant revivre des frayeurs enfantines.

Je me terre sous les draps.

 

La flèche ne fait pas

de bruit dans la nuit.

La douleur se manifeste

si soudainement

pour ne plus vous quitter

jusqu’à l’aube.