De Monique Duchêne à Harry Rosenmerck

 

 

Paris, le 12 septembre 2009

 

 

Cher Harry,

 

Si j’avais su que des images de nous me feraient sourire tandis que la mort rôde… Je feuillette nos vieux albums photos. J’étais jolie. Je ne le savais pas.

Je ressemble à une vieille carcasse de poule désormais, mais Annabelle m’a dit que tu viendrais me voir alors je fais des efforts pour manger. Toi qui aimes les femmes rebondies… Et j’ai un tube de rouge à lèvres tout près de moi. Une mamie coquette. Voilà ce que je suis.

Alors je pense à nous. Dans le désordre. Je pense à cette fois sur l’île Moustique où nous avions été invités par des Américains. Nous sommes arrivés dans une grande maison vide. Surpris qu’il n’y ait pas d’agitation… Tu te souviens ? Et puis on a vu des photos dans des cadres et tu as hurlé : « On est chez les chintoques ! » C’était un armateur qui te terrifiait. Ils nous ont vus partir en courant dans l’allée. Nous étions dans l’avion dès le lendemain matin ! Tu pensais que le type allait te buter. Comme si on avait fait un truc grave…

Je ne sais pas pourquoi ça me fait rire. Comme ton besoin de quitter les fêtes quand tu voulais aller aux toilettes parce que tu ne pouvais qu’à la maison…

Ou cette folie pour ce petit restaurant thaïlandais dans lequel tu as mangé le même plat tous les deux jours durant trois ans.

Mais comment ai-je pu te supporter ? Et tes jeux d’échecs avec Méchoulis, le psychanalyste de Giscard, par téléphone. Tu me réveillais pour me dire que tu lui avais bouffé sa tour ! Et le hamster des enfants qui s’était échappé en pleine nuit.

Je m’accroche à des souvenirs comme une vieille pie, et je me dis qu’ils résonnent en toi en Israël.

 

Je t’embrasse,

 

Monique